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13 septembre 2018 4 13 /09 /septembre /2018 06:00
Pourquoi  tant de saintes et de saints chez nos fromages qui puent et nos vins haute extraction ? La réponse d’Emmanuel Besnier et de Michel-Edouard Leclerc.

Je ne sais.

 

Peut-être parce que la France est la fille aînée de l’Église ?

 

 

En revanche, ce que je sais, c’est  que certains sont célèbres, tels le saint-émilion et le saint-nectaire ; d’autres tels le saint félicien et le saint pourçain sont plus roturiers. Les saintes, elles, sont rares : le sainte-foy (500hl) à Bordeaux vin liquoreux confidentiel et le sainte-maure-de-Touraine qui est un fromage de chèvre assez connu (1140 T) mais comme toujours le masculin l’emporte sur le féminin puisque j’ai écrit le vin de sainte-foy et le fromage de sainte-maure.

 

En écriture inclusive je ne sais pas non plus ce que ça donne.

 

Plaisanterie mise à part, et même si après l’amphigouri je prends le risque de me voir taxé de pédanterie, permettez-moi de souligner que j’ai, pour une fois, parfaitement respecté l’antonomase des noms propres.

 

Cette figure de style, la seule vraie antonomase pour beaucoup de théoriciens, consiste à employer un nom propre pour signifier un nom commun. Les antonomases du nom propre, contenant le mot «saint»  et qui, en se lexicalisant ont perdu leur majuscule : le saint-pierre poisson, le saint-nectaire fromage, le saint-émilion vin, la sainte-barbe cale à poudre, en sont la parfaite application. Ces antonomases sont parfois invariables : des saint-honoré, des saint-amour, des saint-marcellin.

 

 

Ne vous effrayez donc point, ne faites donc pas tout un fromage de ma pseudo-érudition, restez encore sur mes lignes.

 

Pour compléter cet amuse-bouche culturel destiné à relever le bas niveau de mes chroniques, un rapide survol de l’histoire du fromage s’impose et, même si ça choque notre chauvinisme, il est essentiellement transalpin.

 

Pline l’Ancien considère comme manifestation de la civilisation la capacité de transformer le lait en fromage : « il est surprenant de constater que certains peuples barbares qui vivent du lait, peuvent ignorer ou dédaigner, après tant de siècles, les qualités du fromage. » écrit-il.

 

« Dans la tradition antique, des représentations sociales qui, d’une manière presque automatique, associaient le fromage au monde pastoral et paysan, à la gastronomie du pauvre, vinrent s’ajouter des préjugés d’ordre culturel. » note Massimo Montanari.

 

« De Caton à Varron, de Columelle à Pline, des pages importantes des traités et de littératures antiques sont consacrés à l’élevage des moutons et des chèvres et à la préparation des fromages fabriqués avec leur lait. Dans la plupart de ces textes, le domaine d’utilisation des laitages a décidément une connotation sociale. Le passage où Columelle écrit que le fromage « sert non seulement à nourrir les paysans mais aussi à orner les tables élégantes » est significatif. Le message est clair : le fromage constitue un plat de résistance et, souvent, la source première d’approvisionnement des tables paysannes, alors que sur les tables riches, il apparaît comme un simple « embellissement », c’est-à-dire non comme un protagoniste ou comme un plat en soi, mais comme un ingrédient de mets plus élaborés. C’est justement sous cette forme – et seulement sous cette forme – que le fromage apparaît dans le traité De re coquinaria d’Apicius, le seul livre de recettes ce l’époque romaine qui soit parvenu jusqu’à nous. »

 

Cette image du fromage aliment typiquement paysan perdure tout au long du Moyen-Âge : « ce sont les pauvres qui s’en nourrissent, les pèlerins, les habitants des vallées alpines, pour qui les laitages sont une composante capitale du régime quotidien. Ce sont les clients des auberges qui s’en nourrissent. »

 

Le fromage est parfois utilisé à la cuisine des puissants comme ingrédients des sauces et des farces. Il est cependant rare de le voir servi à table, valorisé comme un produit en soi.

 

Mais, dans le premier traité européen spécifiquement consacré aux laitages, Summa lactticiriorum en 1477, le médecin italien, Pantaleone da Confienza, professeur à l’université de Turin, note « J’ai vu de mes yeux, rois, ducs, comtes, marquis, barons, nobles, marchands, plébéiens des deux sexes, se nourrir volontiers de fromage… il est évident que tous l’apprécient »

 

Massimo Montanari note à juste raison que « dans cette phrase se trouve formulé le renversement du préjugé séculaire : le fromage est bon pour tout le monde, nobles et plébéiens. »

 

« La modification des comportements à l’égard du fromage, qui est nettement perceptible au XIVe siècle, est aussi liée à l’apparition, au cours des deux siècles précédents, des premiers fromages de qualité », produits de grande réputation appréciés sur le marché et liés à des lieux d’origine déterminés ainsi que des techniques de fabrication précises. »

La fabuleuse histoire des fromages commençait.

 

Pantaleone da Confienza cite des fromages italiens d’excellence : « comme le pecorino ou le marzolino de Florence fabriqué en Toscane et en Romagne ; le piacentino de vache « appelé parmesan par certains », produit dans les régions de Milan, Pavie, Novare, Verceil, et les petits robiole de la région de Montferrat.

 

Il passe aussi aux fromages français parmi lesquels « il rappelle en particulier le craponne et le brie qui jouissait probablement d’une certaine renommée au niveau international puisqu’on le trouve aussi dans des livres de recettes italiens du XIVe siècle. »

 

Le plateau de fromages devenait un plat à part entière chez les particuliers et dans les restaurants…

 

Et puis à la bascule du milieu du XXe siècle la grande saignée de l’exode rural conjuguée avec la montée en puissance d’une puissante industrie laitière et fromagère, vont mettre en danger beaucoup de fromages traditionnels, soit par la disparition de la geste ancestrale, soit par l’appropriation indue de leur fabrication par les fromager industriels. En France, Lactalis détient en portefeuille un très lourd pourcentage des AOC fromagères.

 

De plus, le plateau de fromages ou le chariot de fromages ont souvent disparus des restaurants, même si, depuis quelques années, sous la pression de ceux qui se sont fait la bouche avec des assiettes de fromages dans les bars à vins, les fromages de caractère refont surface dans les restaurants à la mode.

 

« Le fromage est un aliment typiquement paysan, et quand il s’agit de donner à manger aux paysans, il leur est, pour ainsi dire administré d’office : au XIIIe siècle, les paysans qui dépendent du monastère de Saint Côme et Damien à Brescia, lorsqu’ils se rendent en ville pour déposer le paiement des locations, reçoivent tous un « goûter » composé de pain et de fromage. En revanche, l’agent qui supervise les travaux des vendanges, pour le compte des propriétaires, reçoit pain et viande. L’opposition ne saurait être plus claire : le fromage est la viande des paysans. »

Massimo Montanari « Entre la poire et le fromage »

 

Mais, revenons un instant, à ce qui fait un bon fromage, un bon produit : le temps, ce temps qui dit-on est de l’argent.

 

Comme nous vivons un Temps où chacun affirme ne plus avoir de temps, mettre ses pas dans les pas de ceux qui le prennent, c’est prendre le parti d’une forme de vie, celle qui respecte le rythme où les choses se font. Accélérer le temps, faire vite, à la va-vite, c’est ôter leur goût aux choses, les rendre bien souvent incolore, inodore et sans saveur.

 

Seule l’eau répondant à cette définition l’affadissement généralisé n’est porteur que de banalité. La différence alors ne se fait plus que sur des images : ainsi fleurissent sur les étiquettes des fermières, des Perrette et leur pot au lait mais adieu vaches, cochons, couvées, le camembert, le munster nous désespèrent et dans leur pochon plastifié nos fromages ne sont plus que des produits dérivés du lait, des subprimes fromagères !

 

Accusés : la GD et le HD avec la litanie des pousseurs de caddies qui consomment du prix. Dureté du temps certes mais il y aurait trop de facilité à s’en tenir qu’à une charge contre les Mammouths.

 

Le petit commerce spécialisé est-il toujours à la hauteur ?

 

Se différencie-t-il vraiment des rayons à la coupe des Grandes Surfaces ?

 

Ses fromages trop souvent ne sont que les cousins germains de ceux que l’on retrouve frigorifié dans les armoires de la GD.

 

Un produit de caractère a besoin d’être bien né et bien élevé pour tenir ses promesses dans notre assiette.

 

Désolé Emmanuel Besnier et Michel-Edouard Leclerc ont refusé de répondre

 

 

Connaissez-vous la marche en avant d’un fromage ?

 

Non, il ne s’agit pas du résistible coulage du camembert bien fait mais d’une stricte procédure règlementaire. Tout fromage remonté de la cave d’affinage pour la coupe ne doit jamais y redescendre. Ce qui signifie qu’il faut les stocker dans des frigos à froid sec de 4° avec, raffinement supplémentaire, qu’il ne faut pas mêler les petits fromages avec les gros, donc un grand frigo pour les gros et une petite armoire pour les petits. Et bien sûr on date les morceaux. Rien que des équipements à 3 francs six sous bien sûr. Tout va l’avenant : lave-mains à déclenchement au genou, poubelles blanches, plastique transparent, torchons pour essuyer la vaisselle mais papier jetable pour les mains, armoire de décontamination en fin de travail pour les couteaux, plus rien d’apparent ne doit rester tout doit être rangé dans des armoires. C’est effectivement un laboratoire.

 

 

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11 septembre 2018 2 11 /09 /septembre /2018 06:00
À la conférence de Yalta en 1945, Franklin D. Roosevelt et Staline échangèrent sur leur gueule de bois. Churchill apporta 1 bouteille de gin et un pot d'olive, le Dirty Martini a été créé.

Franklin Roosevelt, que beaucoup considèrent aujourd'hui encore comme l'un des meilleurs présidents du XXe siècle. Il adorait le Martini. Cela ne l'a pas empêché de surmonter la Grande Dépression et de vaincre les nazis. Avant la prohibition, il se fit livrer tout un stock de bouteilles dans sa maison de New York. Même les pères fondateurs de l'Amérique n'étaient pas en reste. John Adams siphonnait des litres de cidre corsé et George Washington était un inconditionnel du madère. Thomas Jefferson savourait le Chianti, les bordeaux et bourgogne. Quant à Abraham Lincoln, il condamnait les abus, mais possédait lui-même un commerce de vins. Une modération que n'avait pas Ulysses Grant, un alcoolique invétéré.

 

Du gin avec une larme de vermouth blanc sec. Telle est la recette d'un cocktail mythique, le dry martini, qui a marqué l'histoire, la littérature et le cinéma.

 

Truman Capote, Ernest Hemingway, Cary Grant, Humphrey Bogart ou Roosevelt le trouvaient fort à leur goût, 007 aussi. Pour rendre hommage à la Bond Girl Vesper Lund, James Bond rebaptise « Vesper » le premier dry martini qu'il commande dans le roman Casino Royale, en 1953.

 

Certains puristes recherchent le martini le plus sec possible, à tel point que Winston Churchill affirmait qu’un regard vers la bouteille de vermouth était suffisant. Luis Buñuel se contentait quant à lui de mouiller les glaçons de vermouth sans le mélanger au gin.

 

La recette personnelle de Luis Buñuel du dry martini :

 

« Garder les verres, le shaker et la bouteille de gin anglais au congélateur depuis la veille ; verser « quelques gouttes » de Noilly Prat et la moitié d’une cuillère à moka d’Angostura Bitters sur les glaçons qui doivent être précisait-il, trop froids, trop durs pour fondre, puis secouer, éliminer le liquide qui laisse un léger arôme sur les glaçons, et pour finir verser le gin très froid sur la glace, secouer de nouveau et servir. »

 

 

Dorothy Parker avait l’habitude de dire : « J’adore boire un ou deux dry Martini, avec trois je suis sous la table, avec quatre je suis sous mon hôte. »

 

En Afrique, sur le tournage d’African Queen, tous les membres de l’équipe se plaignaient des piqûres de moustiques sauf Humphrey Bogart. Son secret fut révélé par John Huston: « Dans la première partie de la nuit, il était tellement imbibé de Dry Martini qu’il ne sentait rien, ensuite de quoi, les moustiques étaient tellement bourrés qu’ils étaient bien incapables de piquer qui que ce soit… »

 

Lors du discours d'investiture de Franklin D. Roosevelt à la Convention démocrate de 1932 ce dernier déclara «... qu’à trois martinis était la quintessence de l'efficacité américaine. »

 

FDR avait une pratique de longue date consistant à organiser un cocktail avant le dîner dans la résidence de la Maison-Blanche pendant sa présidence. C'était un moment où il pouvait laisser tomber le fardeau de la charge à la fin de la journée et se détendre avec ses amis proches et sa famille. Les sujets liés à la politique ou à la politique gouvernementale ont été interdits de discussion.

 

Robert H. Jackson, membre du gouvernement, dans la biographie de That Man : An Insider intitulée Portrait de Franklin D. Roosevelt, déclarait : « Avant le dîner, nous avions habituellement des cocktails de martini préparés par le président. Je n'ai jamais su s'il prenait plus de deux cocktails, deux cocktails avant le dîner et peut-être ensuite un petit après. »

 

Selon son fils Elliott précise qu’il disposait d’une variété de recettes pour ses martinis, le gin de marque Plymouth. Certains n'aimaient pas la garniture combinée d'olives et de zestes de citron, d'autres rejetteraient son choix de jus de fruits…

 

Dans la Paix des dupes, Philipp Kerr fait dire à son héros Willard Mayer, un agent de l'OSS qui se trouve également être juif, d'origine allemande, que F.D. préparait des martinis trop fort en gin.

 

Son entourage lui conseillait d’utiliser différents ratios gin-vermouth: son fils, Jimmy, proposait un ratio de 3 contre 1; Elliot poussait pour 4 contre 1 ; Johnny préconisait une forte consommation de 6 contre 1.

 

« Ils n'étaient pas très forts », a déclaré Curtis, le petit-fils de FDR, à The History Channel. Il mettait également mis deux ou trois gouttes d’absinthe Pernod, « pour la saveur » selon sa secrétaire personnelle, Grace Tully, ce qui faisait dire à beaucoup que «  Le président faisait les pires martinis qu’ils n’aient goûtés. »

 

Roosevelt devait bien les aimer, cependant. Le président était souvent emmené dans sa chambre à la Maison Blanche par des hommes des services secrets alors qu'il chantait des chansons de combat au collège.

 

FDR a toujours mélangé les boissons lors de ces événements, en utilisant souvent le shaker et les tasses en argent chinois vus ci-dessus. Le président a particulièrement apprécié de faire des martinis inhabituels, en mélangeant de grandes quantités de vermouth avec la liqueur ou le jus qu'il avait sous la main. Il était également connu pour ajouter quelques gouttes d'absinthe "pour la saveur" selon sa secrétaire personnelle, Grace Tully. La bouteille d'absinthe Pernod vue ici provient du plateau d'alcool de FDR à la Maison Blanche.

 

FDR s'est même livré à sa pratique lors des réunions diplomatiques. «Il fait froid sur le ventre», aurait déclaré Staline, après avoir été servi à l'une des préparations du FDR à la conférence de Téhéran.

 

 

« Le critique et éditeur Bernard DeVoto l’appelait « le cadeau suprême de l’Amérique à la culture mondiale. »

 

E.B. White admettait qu’il en buvait comme d’autres prennent de l’aspirine.

 

Certains dévots lui donnent des surnoms affectueux tels que see-through (le transparent), silver bullet (balle d’argent) ou comme l’appelait le peintre Sheridan Lord qui en buvait un chaque soir, « direct du droit au cœur ».

 

« Tout martini est une création, un travail entièrement manuel ; il est préférable de ne pas en faire plus de deux à la fois. Il est également préférable de n’en boire qu’un, autrement tout devient flou. Comme disait James Thurber, « Un martini ça va ; deux, c’est trop ; et trois, ce n’est pas assez. »

 

« Ne préparez jamais le martini à l’avance, cette merveilleuse fraîcheur en serait absente. Toujours selon DeVoto : « Conserver un martini au réfrigérateur, c’est tout aussi impossible que d’y conserver un baiser. »

 

Source des dernières citations : Chaque jour est un festin de James Salter&Kay Salter

Le "Vesper" de l'agent 007 est réalisé à base de gin, de vodka et de vermouth. JULIE BALAGUÉ POUR M LE MAGAZINE DU MONDE

Le Martini de James Bond

Ecrivain culinaire éprise de romans policiers et de cinéma, Claire Dixsaut décrypte les films et leurs personnages à travers le prisme de la gastronomie. Une passion qui remonte à la découverte du cocktail favori de 007.

M le magazine du Monde | 11.05.2015

Par Camille Labro

 

« Je devais avoir 13 ou 14 ans. Comme tous les ans, je passais l'été chez mes grands-parents, à La Baule, et je me nourrissais de polars. C'était le petit plaisir coupable de mes vacances. Mon père, professeur de littérature anglaise, m'avait suggéré de lire les James Bond de Ian Fleming. Je me suis donc plongée dans le premier de la série, Casino Royale, publié en 1953. Au chapitre 7, James Bond commande un Martini dry (c'est le premier du roman), en détaillant au barman les ingrédients, les mesures et la méthode de préparation qu'il souhaite. Ce fut un choc.

 

Je n'avais aucune idée du goût que cela pouvait avoir, mais je découvrais pour la première fois comment les mots pouvaient créer la gourmandise, et comment une recette pouvait définir un personnage. A travers cette scène, ce cocktail – qui n'est même pas un vrai Martini, puisqu'il mêle le gin et la vodka –, et cette recette généreuse et précise, tout le caractère de 007 se profile. C'est un homme d'action qui aime la bonne chère, boire toutes sortes d'alcools, et qui devient un genre de guide du savoir-vivre et du savoir-voyager puisque, où qu'il soit, James Bond mange local et fait ainsi découvrir les gastronomies du monde. »

 

La suite ICI 

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9 septembre 2018 7 09 /09 /septembre /2018 06:00
Que vois-je ! Le Dino Buzzati de Giovanni Drogo du Désert des Tartares sur le Giro 49 : le duel épique Coppi-Bartali. Merci Éric Fottorino !
Que vois-je ! Le Dino Buzzati de Giovanni Drogo du Désert des Tartares sur le Giro 49 : le duel épique Coppi-Bartali. Merci Éric Fottorino !

Tout près de la frontière, aux confins de mon univers connu, j'attendais le jour où la vraie vie commencerait. J'étais le clone de Giovanni Drogo, ce jeune ambitieux pour qui « tous ces jours qui lui avaient parus odieux, étaient désormais finis pour toujours et formaient des mois et des années qui jamais plus ne reviendraient... »

 

Dino Buzzati, l’auteur du Désert des Tartares, du K ne connaissait rien au vélo, il l’avoue d’emblée. Et c’est pourtant lui que le Corriere della Sera dépêche pour couvrir le Tour d’Italie 1949 et suivre le duel attendu par tout un pays entre Gino Bartali le Toscan « dit Il Vecchio ou Gino le Pieux, idole d’avant-guerre pour qui bat le cœur de l’Italie » et Fausto Coppi, le piémontais, moderne, cartésien, progressiste, pas religieux pour un sou, c’est le dauphin, qui dans son sillage, allure d’échassier, jambes interminables, qui en veut et qui va se tailler un palmarès de campionissimo. Bartali est petit, Coppi est élancé́. Ce sont les deux visages de l’Italie, comme l’écrira Malaparte.

 

Il ne singe pas les journalistes sportifs, il chronique ce Giro à sa manière, avec des angles très personnels, véritable reporter dictant ses papiers à la fin des étapes « Il traque le moindre signe qui donnera à son récit l’épaisseur de l’épopée», écrit Éric Fottorino, auteur de la préface, qui a 24 ans, alors qu’il faisait douloureusement le deuil de ses rêves de champion cycliste, jeune journaliste au Monde, lorsque le livre atterrit sur son bureau.

 

 

 

Fottorino, est séduit « le cyclisme, le journalisme pratiqué par un écrivain, et quel écrivain ! La machine à rêve pouvait tourner à plein régime… »

 

« Les juges, c’est-à-dire les montagnes, siègent énigmatiques » Elles vont trancher. Comme les cols de Vars et de l’Izoard trancheront les jarrets du Vecchio. Dans cette dix-septième étape entre Coni et Pignerol, Coppi va montrer sa roue arrière à Bartali. Il le distance avec méthode, mètre après mètres, pour le reléguer à plus de onze minutes. Le maillot rose de leader tombe sur les épaules du grand échassier pour ne plus le quitter jusqu’à l’arrivée à Milan, où Fausto compte 23 minute d’avance au classement final.

 

« Mais chez Buzzati, ce ne sont pas les chiffres qui ont le dernier mot. Ce sont les hommes, même quand ils gardent le silence. »

 

 

Extraits

Palerme, le 20 mai. Dans la nuit

 

Prêtes sont les bicyclettes, astiquées comme des nobles destriers à la veille du tournoi. L’affichette rose portant le numéro est fixée sur le cadre par des plombs apposés officiellement. Le lubrifiant les a abreuvées là où il fallait. Les pneus très minces, sont lisses et tendus comme de jeunes serpents. Les boulons ont été bloqués, la selle inclinée comme il se doit, et la hauteur du guidon a été calculée au millimètre. Les bicyclettes ont été de bonnes élèves, on dirait qu’elles ont appris tout ce qu’il y avait à apprendre, désormais elles le savent par cœur, après tous ces essais, toutes ces vérifications, tous ces contrôles. Comment pourraient-elles oublier ne fût-ce qu’une virgule au moment de l’examen ?

… Et puis les « bombes », les mixtures tonifiantes capables de faire bondir un cadavre hors de son cercueil comme un saltimbanque.

 

Ni Coppi ni Bartali ne sont arrêtés à Eboli.

Salerne, le 24 mai. Dans la nuit.

 

À présent, cependant, bien que dénué de toute compétence comme je le suis, laissez-moi vous poser une question : est-ce que vous avez bien regardé, en traversant la Calabre, les gens qui vous attendaient ? Vous souvenez-vous de ces milliers et ces milliers de visages tendus avec angoisse dans votre direction, sans qu’il soit possible de faire la moindre distinction entre eux, ni quant à l’âge ni quant au métier, des paysans, des bergers, des mères de famille, des maçons, des fillettes, des moines, des carabiniers, de vieilles femmes décrépites, des maires, des employés, des balayeurs, des professeurs et cette multitude d’enfants, partout ? Vous êtes passés par des vallées où l’on aurait vraiment dit que le Christ, qui s’est arrêté à Eboli, n’avait jamais pénétré, et pourtant sur les blocs de pierre, à la lisière des bosquets de broussailles, debout sur les talus escarpés bordant la route, des hommes et des femmes vous attendaient. Beaucoup avaient marché pendant de nombreux kilomètres rien que pour vous saluer, descendant de villages perdu au diable vauvert et juchés à la cime de rochers millénaires.

 

[…]

 

On aurait dit d’étranges îlots, d’une humanité reléguée bien loin de notre monde, villes invraisemblables, purs mirages.

 

Toutefois, ces routes étaient d’un côté comme de l’autre bordée d’une foule invraisemblable de gens heureux Oui, absolument heureux : voilà comment étaient ces gens-là, dont nous ne soupçonnions pas l’existence ; ils avaient une candeur et une bonté d’âme qui étaient vraiment telles que je les dépeins, en nul autre endroit vous n’en trouverez de pareilles. Même vous deux, c’est certain, car vous n’êtes pas idiots.

 

Pesaro, le 28 mai. Dans la nuit

 

Est-ce que la meute bariolée des routiers s’est aperçue qu’elle traversait l’un des territoires les plus beaux qui existaient au monde ? Si tout autour il y avait eu les banlieues brumeuses d’un bassin industriel, est-ce que cela serait devenu au même pour elle ? C’est sûr : c’est un crime, en un certain sens, que d’utiliser des lieux aussi enchanteurs pour un effort aussi ingrat, aussi bestial. Inconscients, les fuyards, sans regarder autour d’eux, guettant seulement les seaux d’eau que les philanthropes préparaient devant le seuil de leur maison pour les rafraîchir un peu, dévorèrent l’espace. De notre voiture, nous vîmes quelque chose, images interrompues et fugitives de cette Italie essentielle d’une grande beauté plastique, c’est-à-dire l’Italie des ruines majestueuses, lourdes d’histoire. L’Italie des chênes et des cyprès, des immenses villas patriciennes installées sur les pentes comme des impératrices fatiguées. L’Italie des murs bosselés couverts de blasons, des autocars usés qui, bringuebalants, se précipitent à tombeau ouvert vers le fond des vallées, l’Italie des églises très anciennes, des minuscules maisonnettes des gardes-barrières, des jeunes femmes enceintes, des tailleurs de pierre travaillant au bord de la route sous le soleil de midi, des madones enchâssées à l’angle des maisons avec leur lumignon éternellement allumé, l’Italie des meules de paille et des boeufs à longues cornes, majestueux comme des patriarches, des jeunes moinillons barbus qui passent à bicyclette, des rochers trop pittoresques pour être considérés seulement comme de purs produits de la nature, des ponts millénaires dont l’échine est encore capable de supporter des mastodontiques camions avec leur remorque, l’Italie des auberges et des accordéons, des grandioses palais aristocratiques transformés en granges et en étables, des collines douces couvertes de cyprès jusqu’à leur cime.

 

Les laissés-pour-compte du « temps maximum »

Venise, le 30 mai. Dans la nuit.

 

Les 11 lorsque :

 

Lorsque tout cela fut advenu, voilà qu’arrivent trois jeunes gens à bicyclette, sales, en sueur, épuisés par l’effort, qui cherchent à remonter le fleuve lent et tumultueux de la foule. « S’il vous plaît ! S’il vous plaît ! crient-ils. Écartez-vous ! La piste, la piste ! »

 

[…]

 

Ce sont les derniers, les déshérités, les affligés, les parias, les inconnus toujours à la limite dangereuse du temps maximum (vingt minutes tous les cent kilomètres)…

 

Ils sont des gregari de dernier rang, par contrat ils sont tenus de céder leur roue à leur chef d’équipe, de courir à l’avant et à l’arrière, d’une ferme à l’autre, pour lui procurer de l’eau à boire, de le tirer lorsqu’il se trouve en difficulté, de l’attendre lorsqu’il est attardé, de prendre à son intention, aux postes de ravitaillement, la musette de toile contenant les vivre et de la lui porter ; un peu comme les chiens de chasse qui, allant et venant en tous sens, parcourent beaucoup plus de chemin que leur maître.

 

Dans les Alpes, Bartali cède devant Coppi trop fort pour lui

Pinerolo le 10 juin. Dans la nuit.

 

C’est un vaincu, Bartali, aujourd’hui. Pour la première fois. Voilà qui nous remplit d’amertume, car cela nous rappelle intensément notre sort commun à tous. Aujourd’hui, pour la première fois, Bartali a compris qu’il était arrivé à son crépuscule. Et pour la première fois, il a souri. C’est de nos propres yeux que nous avons constaté le phénomène, lorsque nous sommes passés à côté de lui. Quelqu’un l’a salué sur le bord de la route et lui, tournant légèrement la tête dans cette direction-là, il a souri : l’homme hargneux, distant, antipathique, l’ours intraitable aux incessantes grimaces de mécontentement, lui, précisément : il a souri. Pourquoi as-tu fait cela, Bartali ? Ne sais-tu pas qu’en agissant ainsi, tu as détruit cette sorte d’enchantement revêche qui te protégeait ? Les applaudissements, les vivats des gens que tu ne connais pas commencent-ils à t’être chers ? Est-il donc si terrible, le poids des ans ? Tu t’es rendu, enfin.

 

 

Que vois-je ! Le Dino Buzzati de Giovanni Drogo du Désert des Tartares sur le Giro 49 : le duel épique Coppi-Bartali. Merci Éric Fottorino !
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7 septembre 2018 5 07 /09 /septembre /2018 07:00
Socca, pan bagnat et pissaladière… les traces alimentaires du passé populaire de Nice…

J’ai découvert Nice au travers de la saga romanesque de Max Gallo, né à Nice le 7 janvier 1932, fils d'immigrés italiens, La baie des Anges, publié en 1975, premier volet qui conte le destin d'une famille d'immigrés italiens à Nice. Les deux tomes suivants s'intitulent Le palais des fêtes et La promenade des Anglais.

 

 

C’était un Nice populaire, où le PCF, représenté par une figure locale et nationale Virgile Barel qui « s'oppose fermement, avant-guerre, au Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot. Élu député pour la première fois sous le Front populaire, il garde son siège durant toute la Quatrième République et est doyen de l'Assemblée nationale lors de son dernier mandat de 1973-78. Il est conseiller municipal de Nice de 1947 à 1965, président de l'assemblée départementale des Alpes-Maritimes de 1945 à 1947, membre des deux assemblées constituantes après-guerre, puis député de 1946 à 1951 sous la Quatrième République, et de nouveau entre 1956 et 1958, et à la fin des années 1960. »

 

« Militant communiste modèle, Virgile Barel épousa la ligne du PCF pendant près de soixante ans, du Congrès de Tours à la période de G. Marchais. Fondateur du communisme niçois, il incarne dès les années 50 sa mémoire historique. Exemplaire dans l'orthodoxie, la fidélité voire la docilité, Barel appartient à la génération de cadres communistes qui croyaient en l'URSS et en la supériorité idéologique du « modèle soviétique ». Cette foi inébranlable dans la « grande patrie du Socialisme », dans l'infaillibilité du Parti, le conduisit à se comporter souvent en militant sectaire, dur et brutal, à partager les illusions et les aberrations du stalinisme. »

 

ICI

 

En face, il y avait la dynastie des Médecin, dont le dernier rejeton Jacques, maire de Nice, ministre de Giscard, finira sans gloire sa vie en exil en Uruguay

 

« Il se disait descendre des comtes de Médicis. En fait, il n'avait eu qu'à succéder, en décembre 1965, à son père Jean qui avait régné sans partage sur Nice pendant trente-cinq ans. Et lui avait chauffé la place, qu'il occupera pendant un quart de siècle grâce à un réseau de clientélisme sans pareil. »

 

« En 1988, au lendemain de la réélection de François Mitterrand ­ il avait en son temps comparé le programme commun de la gauche à Mein Kampf d'Adolf Hitler ­, ses ennuis avec la justice commencent. »

 

ICI 

 

Bref, le Nice populaire a été enfoui sous le béton de Jacques Médecin et cette grande ville se voit affligé d’un couple d’enfer : Estrosi-Ciotti. 

 

Toute cette mémoire m’est revenue en lisant Boccanera de Michèle Pedinelli

 

Et puis, lecture faisant, découverte :

 

« À la maison, Dan a l’air d’émerger d’une belle nuit. Il a un sourire éclatant quand j’entre dans la cuisine. Attablé sur le balcon, il me montre le paquet gras devant lui.

 

« Socca, tu en veux ? »

 

Comment résister ? Il est aller la chercher chez l’un des rares fabricants digne de ce nom, rue Bonaparte. Comme c’est la spécialité niçoise avec le pan bagnat et la pissaladière, n’importe quel gougnafier s’improvise marchand de socca pour touristes et te vend un truc épais et sec comme de la moquette. Celle-là est fine et à peine croustillante, poivrée et huileuse. Dan a l’air si bien que j’ai du mal à lui annoncer la nouvelle. »

 

Je passe sur le drame du pan bagnat à la sauce Marx : Nice : Thierry Marx va changer le nom de ses « pans bagnats » polémiques, la gastronomie niçoise est sauve ICI

 

Je laisse de côté l’autre polémique Quand Le Monde qualifie la pissaladière de « variante niçoise de la pizza » ICI  pour me consacrer à la socca.

 

Comme toujours, l’histoire de la socca n’est pas de la lumineuse clarté de la baie des anges : provençale, italienne… ni l’une, ni l’autre, la socca est probablement une forme dérivée de la « farinata », une galette à base de farine de pois chiches que leurs proches voisins Italiens font dorer au four depuis le Moyen Age.

 

Mais cette galette a des origines beaucoup plus anciennes, on peut la trouver sous différentes appellations et formes de Gênes à Marseille et en Afrique du Nord, en Asie ou en Amérique du Sud.

 

 Cependant, il est incontestable que c'est à Nice qu'elle s'est définitivement ancrée dans le patrimoine culinaire de la ville, sous l'appellation « socca » (pour la prononciation, avalez le « a » final).

 

Tout ça je l’ai trouvé ICI

 

Comme toujours, l’histoire locale raffole de légendes, comme celle des héroïques habitants du Comté de Nice, assaillis par leurs voisins de la Botte et de la doulce France, engrangeaient en leur château quantité de farine de pois chiche et d'huile d'olive. Cela leur permettait de tenir des sièges (qui allèrent jusqu'à plusieurs années) sans être affamés par leurs assaillants.

 

« Cette spécialité est plus probablement arrivée d'Italie au XIXe siècle avec les immigrants génois. Le commerce de la socca commença avec ces charpentiers génois, ramenés par l'armée napoléonienne pour travailler dans les chantiers navals et réparer l'arsenal toulonnais.

 

Mais c'est dans les années 1900 que le plat se serait popularisé à Nice, en particulier par l'intermédiaire d'une marchande ambulante de socca, une certaine Theresa, qui « à l'heure des oiseaux et des pêcheurs » se rendait vendre sa production avec un fourneau ambulant.

 

Ainsi, dans la vieille ville ou dans les quartiers laborieux du port ou de Riquier, les ouvriers faisaient leur merenda, casse-croûte en niçois, avec de la socca. Il n'était pas rare dans la vieille ville d'entendre l'appel des vendeurs de rue de jadis : « Cauda, cauda, cauda la socca ! »

 

Pêcheurs, dockers, ouvriers de l'usine de tabac usaient alors de leur portion de socca comme garniture en la glissant dans une petite miche de pain. Mais cette façon de la déguster, « à l'ancienne », a quasiment disparu aujourd'hui.


La socca se déguste chaude, si possible juste à la sortie du four, souvent accompagnée de poivre et sans l'aide de couverts.

 

Une fois refroidie, elle perd ses qualités gustatives. C'est pourquoi, lorsqu'elle est achetée, elle est généralement consommée « sur place », ou à emporter, aussi vite que possible.
 

Dans le dictionnaire niçois français écrit par Jean-Baptiste Calvino en 1903 on retrouve la définition suivante : soca : tourte de farine de pois chiches.

 

Le passage du niçois au français a vu apparaître le deuxième «c» et la socca a fait son entrée dans le petit Larousse en mai 2016.
 

La véritable recette de la socca

 

ICI 

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6 septembre 2018 4 06 /09 /septembre /2018 06:00
Journal d’une adorable vieille dame de campagne, « Un clafoutis aux tomates cerises » qui nous donne envie de vieillir, du bonheur en mots…

« Je m’appelle Jeanne. J’ai quatre-vingt-dix ans… »

 

Elle est née à Paris, elle vit dans l’Allier, dans une maison isolée à 5 km de Bert (voir carte)

 

 

« … je suis plutôt bien conservée, je fais même illusion. De loin, je fais même illusion, je me tiens droite et mes chevilles sont fines. Même si je prends de plus en plus souvent ma canne, ma démarche reste alerte et, au téléphone, on me dit que j’ai une voix de jeune fille. Bien sûr, avec les années mon visage s’est chiffonné, mais j’ai toujours le teint rose et mon regard sait encore s’allumer et pétiller, surtout après un petit verre de vin blanc ou une coupe de crémant. *»

 

Crémant d’Alsace, sans doute pour faire plaisir à Pax.

 

« Finalement, à bien me regarder, je me trouve potable. »

 

« J’ai toujours aimé le naturel. J’étais blonde, mes yeux étaient clairs et mon teint celui d’une Anglaise. »

 

Jeanne et sa petite factrice qui, en dépit des instructions officielles, continue de lui porter ses lettres chez elle sur la table d’entrée où Jeanne laisse à son intention les enveloppes timbrées ou l’argent pour les timbres. Quand Jeanne est en bas, elles papotent.

 

« Les trains ne passent plus à Lapalisse et une à une les boutiques ferment, à cause des deux supermarchés qui se sont installés il y a quelques années. »

 

« Vivre toute seule m’est égal. D’abord je ne m’ennuie jamais… »

 

Jeanne n’est pas complètement isolé car il y a tout à côté Fernand et Marcelle, lui qui n’a pas son permis enfourche sa mobylette, une Peugeot grise pétaradante avec deux vieilles sacoches accrochées au porte-bagages ; elle roule en 2 CV.

 

« Ils sont tout le temps là. Ils ne partent pas en vacances, ne sont même jamais allés à Paris et ne voient pas l’intérêt de s’aventurer au-delà de Lapalisse. »

 

Jeanne a aussi de bonnes amies : Gilberte, Nine et Toinette… avec qui elle joue au bridge, petits goûters, déjeuners et toujours un petit verre de vin.

 

Jeanne conduit sa petite auto.

 

Jeanne a un potager avec un jardinier qui s’en occupe de temps en temps. « J’aime tellement ramasser les asperges ! C’est très amusant, il faut avoir l’œil pour dénicher leur nez blanc, puis creuser la terre avec la gouge, descendre doucement le long de la tige en veillant bien à ne pas la casser.

 

« Á nos âges, nous sommes comme de vieux arbres. Le beau temps nous ranime doucement, nous reverdissons un peu, même si c’est un peu moins chaque année. Et la douceur des jours nous donne une illusion d’éternité. »

 

Il y aussi sa femme de ménage, la petite Angèle miraculeusement guérie de ses rhumatismes « elle serait allée voir « quelqu’un », c’est très mystérieux. »

 

Son René, agent d’assurances est parti depuis longtemps.

 

Jeanne a deux enfants, un garçon, l’aîné, à la retraite, qui a trois enfants et cinq petits-enfants, et une fille venue sur le tard qui a deux garçons adolescents.

 

Sa fille, est une adepte du riz basmati, du vinaigre balsamique, de la fleur de sel, ce qui fait bien sourire la Jeanne.

 

« Tout doucement, mon petit monde  se dépeuple. Autour de moi, les gens meurent et les maisons se vident. »

 

« Il y a quelques années,  c’étaient surtout les hommes qui partaient retrouver le bon Dieu. Depuis peu, les veuves commencent aussi à s’en aller. »

 

Quand elle a un petit coup de moins bien, Jeanne s’offre un remontant « Heureusement, j’ai toujours une bouteille de muscat au frais. »

 

Jeanne ne porte jamais de pantalon.

 

Jeanne va à la messe.

 

« Je me fais un peu penser à une bouteille d’eau minérale dont on aurait fait fondre le milieu en y nouant un ruban chauffant. »

 

« Á mon âge, il faut se faire une raison. On n’habille plus le corps, on le cache. »

 

« Depuis la semaine dernière, les enfants sont en vacances. D’ailleurs, ils sont très souvent en vacances. Ils ne travaillent pas beaucoup, ce n’est pas étonnant qu’ils ne sachent plus rien. »

 

Jeanne adore faire du veau aux carottes pour ses amies, elle descendra à la cave pour y chercher une bouteille de vin blanc.

 

Comme moi Jeanne n’aime pas le lait.

 

« Je n’ai pas non plus d’eau minérale. Encore une manie de Parisiens »

 

« Lorsque j’ai pour la première fois embrassé un garçon sur les lèvres, j’avais vingt-trois ans et je l’ai épousé. »

 

« Á la pension, nous vivions confites dans l’eau bénite. »

 

Pour son enterrement Jeanne voudrait « … une jolie messe avec de la belle musique, et que ce ne soit pas triste… »

 

« On ne s’ennuie qu’avec les autres, jamais avec soi-même. »

 

« Pour me rassurer je me dis que, quand on a jamais eu de tête, on ne peut pas la perdre. »

 

L’auteur. Véronique de Bure est éditrice. Son premier roman, Une Confession, a reçu un bel accueil de la critique. Avec son deuxième roman, Un clafoutis aux tomates cerises, elle revient sur ses origines bourbonnaises

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5 septembre 2018 3 05 /09 /septembre /2018 06:00
Oui, Guillaume Nicolas-Brion, tout comme l’État français n’est pas le régime de Vichy la vichyssoise n’est pas originaire de Vichy.

Sourcilleux le Guillaume, si tu oses écrire le régime de Vichy à propos de l’État français du père Pétain « Travail-Famille-Patrie », il est vénère ; Á juste titre il fait remarquer qu’associer l’opprobre de ce régime à la ville de Vichy  est une infamie, même si cette vieille canaille de Pierre Laval, qui possédait un château à Chateldon y est pour quelque chose...

 

Pour moi, où je ne suis jamais allé, c’est mon ami Jean-Michel Belorgey que le 1er Secrétaire du PS, le François de Jarnac, envoya, lors d'une législative partielle, affronter à Vichy, un vieux radical : Gabriel Perronnet et qui me demanda si je pouvais l'éclairer, lui l'intello parisien, membre du Conseil d’État, sur les questions agricoles et rurales de ce fin fond de la France, le Bourbonnais. J'acceptai bien sûr.

 

Et me voilà à lui rédiger des fiches sur les vaches allaitantes afin que Jean-Michel puisse résister aux quolibets de Perronnet, vétérinaire de son état, l'accusant de ne pas savoir distinguer un viau d'une vache. Jean-Michel est battu avec les honneurs mais en mai 1981, la vague rose emporte les vieux élus, Perronnet est du lot et Jean-Michel se retrouve à l’Assemblée Nationale. Il sera celui qui imaginera le RMI.

 

 

Jean-Michel Belorgey écrira Vichy-Tombouctou dans la tête aux éditions Bleu maison d’édition située avenue Pasteur, à Saint-Pourçain-sur-Sioule.

 

« Plus qu’à la nature vierge, j’ai assez manifesté que j’étais sensible à la nature transformée par l’homme, et au premier chef aux villes, aux villes qui sont vraiment des villes, les villes orientales en particulier, Le Caire, Fès, Istanbul, avec leurs marchés couverts et leurs souks, dont ne sont qu’un pâle reflet, mais un reflet tout de même, les passages, parisiens ou vichyssois, turinois et milanais, ou bucarestois, etc. De cette préférence il ne faut pas cependant déduire une quelconque indifférence à l’égard de ce vers quoi elle n’est pas tournée. Les hommes d’un seul goût, d’un seul penchant, d’un seul livre, d’une seule idée, sont plus qu’ennuyeux ; ils sont redoutables. »

 

« J’aime beaucoup Vichy. C’est gai. C’est gai, il y a un petit côté station balnéaire… »

 

« Quand on se promène dans les rues, on ne pense pas à la guerre et à ses horreurs, les esprits de Laval et de Pétain ne hantent pas le quartier des parcs où la plupart des palaces ont aujourd’hui disparus. »

 

« …on y respire encore le parfum de Madame de Sévigné… »

 

« … Vichy c’est surtout Napoléon III, la Belle Époque et les années 30. Dans la galerie des Sources on s’attend à croiser des élégantes en robe longue, leur gobelet à la main, qui viennent prendre les eaux. »

 

 

« Il y a  de quoi s’occuper à Vichy, il y a le casino, l’opéra Art nouveau, quelques musées, une médiathèque et même un observatoire des poissons migrateurs ! […] En revanche, l’été, j’aime bien aller déjeuner dans une des guinguettes des bords de l’Allier, près de la plage de sable fin et des pédalos. Vichy est une ville douce et sucrée, ça sent le bonbon partout. Je crois que je ne connais pas de ville où il y ait autant de confiseries ! L’une d’elles, « Les Marocains », est classée monument historique. »

Véronique de Bure Un clafoutis aux tomates cerises.

 

Aux Marocains ICI

 

Mais revenons à la Vichyssoise dont la paternité est attribuée à Louis Diat, un cuisinier originaire de Montmarault. Ce fils d'un marchand de chaussures se passionne pour la cuisine et, à 14 ans, il entre en apprentissage de pâtissier à Moulins. Puis il rejoint le Ritz, à Paris, comme chef potager, avant de gravir les tous échelons dans celui de Londres.

 

Lors de l’ouverture du Ritz à New-York, en 1910, le voilà chef à part entière.

 

 

Louis Diat raconte l'histoire dans le magazine New Yorker en date du 2 décembre 1950.

 

« Au cours de l'été 1917, alors que j'étais depuis sept ans au Ritz, j'ai réfléchi sur la soupe aux poireaux et pommes de terre de mon enfance que ma mère et ma grand-mère avaient coutume de faire. Je me rappelai comment, en été, mon frère aîné et moi y versions du lait froid pour la rafraîchir et combien elle était délicieuse. Je décidai de faire quelque chose de semblable pour les clients de l'hôtel Ritz »

 

« Dès le premier jour, la soupe connaît un succès immédiat. Louis Diat aimait raconter que le premier client à l'avoir goûtée en avait recommandé illico. D'abord servie uniquement l'été, elle sera, devant la demande, intégrée annuellement à la carte en 1923. L'hiver, on la servira chaude. La soupe s'arrache, Sara Delano Roosevelt, la mère du président, l'appellera même en pleine nuit pour se faire envoyer des conserves. En cadeau, il lui offre la recette, qu'il publiera ensuite dans le livre Cooking à la Ritz. La soupe changera de nom à la carte dans les années trente, anglicisée en cream vichyssoise glacée. Et elle se propagera dans tout le pays, sous le nom la vichyssoise. »

 

La vichyssoise, itinéraire d’une soupe passée partout… sauf à Vichy publié le 25/11/2014 dans la Montagne 

 

« Retour dans le Morvan… En 1954, la soupe franchit l'Atlantique dans l'autre sens, mais évite toujours soigneusement la cité thermale, même si la Société d'histoire et d'archéologie de Vichy entend alors parler de son existence via un industriel d'Autun, auquel un gros importateur américain demande de grandes quantités de cream vichyssoise soup. Ne connaissant pas la recette, l'industriel du Morvan demande un échantillon, le fait analyser, et découvre un potage de pomme de terre, poireaux, oignon, carottes, avec du lait et des épices.

 

 

« On déguste la vichyssoise aussi bien en Asie qu'en Espagne, où les soupes froides ont toujours eu la cote, jusqu'en Russie. Il existe même un « vichyssoise day » dans les pays anglophones. Mais nul n'est prophète en son pays : s'il y a un endroit où la soupe est méconnue, c'est en France. Ici, on la trouve à certaines tables, dont au N3, où elle est cuisinée à l'eau des Célestins. Enfin un ingrédient vichyssois dans cette histoire, près d'un siècle plus tard. »

 

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4 septembre 2018 2 04 /09 /septembre /2018 06:00
Henri Marie Raymond de Toulouse-Lautrec-Monfa, la propriété où il tendra à revenir de plus en plus souvent sur le tard de sa courte vie – et finalement pour y mourir – n’est autre que le Château de Malromé, un Bordeaux supérieur.

« Il n'y avait personne comme Lautrec pour croquer des capitalos gaga avec des putains rusées qui leur lèchent le museau pour les faire payer. »

 

C’est signé Félix Fénéon, critique d'art, dans Le Père Peinard, une feuille anarchiste.

 

Henri Marie Raymond de Toulouse-Lautrec-Monfa, héritier de l'une des plus vieilles familles aristocratiques, qui immortalisa Aristide Bruant et Louise Weber, plus connue sous le sobriquet de "La Goulue", tient une place centrale dans l'ouvrage de Joyant.

 

Cet ouvrage oublié de Maurice Joyant paru en 1930 sous le titre de La Cuisine de monsieur Momo, célibataire republié  par les éditions Menu Fretin sous le titre La Cuisine de monsieur Momo, signé de Maurice Joyant&Henri de Toulouse-Lautrec. Il s'agit de la refonte, augmentée d'une préface de Pascal Ory et de plusieurs recettes d'Antoine Westermann.

 

 

Maurice Joyant, alias Momo, était un ami d'enfance de Toulouse-Lautrec (1864-1901), à qui il survécut trois décennies. Devenu marchand de tableaux célèbre, il se décida à rassembler ce recueil inclassable, mélange de doctes considérations sur la table, d'anecdotes savoureuses et de recettes en souvenir de leurs agapes à la Belle Epoque.

 

Dans sa préface de La cuisine de monsieur momo Maurice Joyant&Henri de Toulouse-Lautrec Pascal Ory écrit que :

 

Henri Marie Raymond de Toulouse-Lautrec-Monfa au lieu d’être voué toute sa vie à jouer le rôle de l’aristocrate fin-de-race partagé entre l’armorial et l’équitation. « Un mariage consanguin et une chute de cheval en décidèrent autrement. Au lieu d’être un simple descendant des comtes de Toulouse parmi d’autres – quelle vulgarité –, Henri serait un dessinateur, peintre et viveur de qualité unique, amateur de tous les mauvais genres : le cirque, la lithographie, le café-concert, l’affiche, le bordel, les alcools forts. Le mélange absinthe-syphilis ne lui permettra pas d’atteindre sa trente-septième année, mais la postérité le revanchera de toutes ses souffrances et de tous ses excès. »

 

Joyant est « un bon vivant, type achevé du gastronome célibataire, si répandu  au XIXe siècle, porté vers les plaisirs de la chère comme de la chair mais bien décidé à faire passer s’il faut, les premiers avant les seconds, non sans une bonne dose de misogynie. »

 

« Ce goût des nourritures, il le partageait assurément avec Lautrec […] « gourmet émérite et maître queue tyrannique » pour reprendre les mots de Joyant dans sa préface. Les témoignages ne manquent pas, en effet, qui nous montrent un Lautrec très à cheval sur la qualité des boissons et des mets dont il aimait à se régaler et à  régaler ses amis, mettant plus souvent qu’à son tour la main à la pâte, qu’il s’agisse d’un cocktail ou d’un gigot de sept heures – sans parler des menus qu’il s’amusait  à illustrer. Excitée par la vie d’enfer qu’il s’acharne à mener quand il est à Paris, exaltée par son sens aigu de la camaraderie, la gourmandise du peintre s’enracine, on le verra, dans des traditions de bonne table provinciale, qu’il s’entend à alimenter dès qu’il revient sur les terres familiales ; après tout, la comtesse Adèle aidant, la propriété où il tendra à revenir de plus en plus souvent sur le tard de sa courte vie – et finalement pour y mourir – n’est autre qu’une propriété viticole du bordelais, le Château de Malromé (aujourd’hui lieu  de production en Bordeaux supérieur de qualité, dominée, comme il se doit par une cuvée Adèle. »

 

le Château de Malromé 

 

« Maurice Joyant et Toulouse-Lautrec participaient du groupe des nabis et de la Revue blanche des frères Natanson. Misia Natanson recevait dans sa maison de Valvins (Seine-et-Marne) l'élite dreyfusarde, peintres, poètes et musiciens. Les repas sont pris "le long d'une rivière torrentueuse en pleine forêt". Mallarmé est leur voisin.

 

Tous partageaient leur amitié avec Alfred Jarry, poète érudit symboliste, ami d'Huysmans. Dans son recueil, Momo tantôt s'avance masqué sous la toque d'un cuisinier capable d'imaginer une terrine de lapin sans lapin ou d'attribuer un boeuf miroton à "Mme Pipelet, concierge", tantôt scrupuleux lorsqu'il s'agit d'expliciter la recette bordelaise du homard à la Bonnefoy à l'ancienne, comparée à celle de la langouste américaine. A leur table, on trouve Vuillard, Bonnard bien sûr, et toute la maisonnée cuisinante dont c'est le jour de fête. Alfred Jarry recevait également et menaçait les marmots de ses voisins d'un coup de fusil. De Jarry lui-même sont adjointes deux recettes, le "saint sur le gril", réalisable seulement si l'on a des relations au Vatican, et la mystérieuse recette antique du "chou-Fleur à la m..." de Mère Ubu. Ces traits d'époque dessinent une gastronomie joviale différente de celle, régionaliste et grégaire, qui prévaudra à la veille de la défaite de 1940. »

 

Signé Par Jean-Claude Ribaut

 

 

Toulouse Lautrec, sur un vin de Bordeaux, Château Malromé

6 Mai 2015, Publié par Elisabeth Poulain ICI

 

 

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3 septembre 2018 1 03 /09 /septembre /2018 06:00
On m’a parlé, en particulier, de certaine fougasse à la rate... d’agneau cuite dans la graisse et servie dans des petits pains avec de la ricotta et du caciocavallo…

« Au XIe siècle, le comte Roger Ier, noble normand qui a conquis la Sicile sur les Arabes, veut faire exécuter le prince Omar qui a comploté contre lui. Mais la sœur de ce dernier, la très belle princesse Yasmina, va tenter de le convaincre d’y renoncer en l’invitant à sa table.

 

Sept banquets vont se succéder, chacun dédié à une forme d’amour, de l’amour maternel à l’amour parfait, en passant par l’amour pour les animaux, l’amour-amitié, l’amour courtois… Durant ces repas où l’on découvre avec le comte tous les plats de la tradition culinaire sicilienne et leur empreinte arabe, Yasmina va déployer ses charmes en livrant des récits tirés du répertoire légendaire de la Sicile ou de l’imagination des auteurs, en résonance avec une très ancienne, tragique et succulente histoire.

 

Ponctué des interventions de Giufà, le bouffon de la tradition méditerranéenne aux multiples visages, accompagné des recettes puisées aux meilleures sources familiales d’aujourd’hui, soutenu par une intrigue aux rebondissements surprenants, ce Mille et une nuits culinaire, sensuel et drôle évoque ce moment où deux hautes civilisations se sont rencontrées non sous le signe du choc, mais pour se mélanger avec bonheur. »

 

Note de lecture : « À la table de Yasmina » (Maruzza Loria & Serge Quadruppani)

POSTÉ PAR CHARYBDE2 ⋅ 17 FÉVRIER 2015

 

 

7 histoires et 50 recettes de cuisine pour célébrer avec charme et passion la rencontre des civilisations, dans la Sicile musulmane de la conquête normande.

 

Publiée en 2003 chez Agnès Viénot Editions, rééditée en 2009 chez Métailié, cette collaboration entre la Sicilienne vivant en France Maruzza Loria et le romancier Serge Quadruppani, Sicilien d’adoption par ses traductions d’Andrea Camilleri, sous-titrée « Sept histoires et cinquante recettes de Sicile au parfum d’Arabie » donne naissance à un magnifique conte gourmand et sensuel, célébrant d’une manière inattendue la coexistence et la rencontre profitable entre civilisations que d’aucuns voudraient absolument voir s’entrechoquer.

 

Au temps de la conquête normande (1060), et plus précisément peu après la prise de Palerme (1072), mettant politiquement fin à deux siècles  et demie de domination musulmane sur l’île (le caïdat de Syracuse durera encore jusqu’en 1086, et ses restes seront définitivement vaincus en 1091)), la princesse Yasmina, pour essayer de sauver son frère Omar, convaincu de complot contre le comte normand Roger Guiscard, improvise savamment une série de récits dignes de Mille et Une Nuits condensées, conviant le suzerain chrétien à une découverte en sept soirées des différentes sortes d’amour, chacune illustrée par une histoire ad hoc, et des merveilles de la cuisine sicilienne (les auteurs précisent en postface qu’ils se sont permis quelques arrangements avec l’histoire stricto sensu, en introduisant quelques ingrédients de la Sicile d’aujourd’hui, encore inconnus à l’époque du roman), fusion alors inouïe de traditions locales, byzantines et arabes.

 

ICI

 

SEPTIÈME NUIT : L’AMOUR PARFAIT extraits

 

Le comte :

 

« C’est pour cela que j’ai rêvé de lui aujourd’hui, durant mon long sommeil dans votre frais salon. Cola Pesce était remonté du puits qui s’ouvre au fond de la mer. Il me racontait qu’il avait nagé longtemps dans le noir avant de remonter et de déboucher à l’autre bout de la terre, vers le bord,  là où elle touche presque le ciel. Il avait échoué aux rives d’un pays inconnu, aussi vaste que l’Afrique et l’Europe réunies. Pour preuves de ses dires, il me rapportait des plantes qui y poussaient et que jamais on n’avait vues sous nos cieux.

 

[…]

 

« Vous (Yasmina) proposiez aussitôt de cuisiner ces ingrédients nouveaux et nous faisions tous deux un banquet comme jamais il n’en avait existé jusqu’alors, le Banquet de l’Amour Parfait. »

 

[…]

 

« Dans les paniers, il y avait des sortes de pomme à peau mince et marron clair, de la taille d’un poing – le vôtre ou le mien, c’était selon. On les appelait des pommes faute de mieux car on me dit qu’elles poussaient dans la terre. Et moi, j’inventais pour vous un plat de pâtes assaisonné de ces « pommes de terre. »

 

« Ensuite, Cola Pesce, à moins que ce ne fut Pellegrino, me faisait découvrir les vertus d’une autre sorte de pomme qu’il appelait « pomme d’amour », ou pomodoro, pomme d’or en langue italienne, ou tomata en dialecte castillan, une sorte de fruit rouge à chair aqueuse que je m’empressais d’ajouter à la caponata. Il y avait aussi diverses sortes de fruits poussant plus ou moins près du sol, qui pouvaient être énormes et orangés ou bien vert clair et longilignes, qu’il appelait « courges », pour les premiers, « courgettes » pour les seconds. Une variété, en particulier, s’adaptait particulièrement à la Sicile, au point que bientôt, dans quelques siècles, me disait le mystérieux voyageur, nos marchés en seraient pleins : c’était une sorte de courgette d’un vert très pâle, longue et sinueuse comme le bras de Schéhérazade. Il y avait encore des sortes de grosses poires creuses et vernissées, au goût piquant, qui pouvaient être vertes, jaunes ou rouges et qu’il appelait « poivrons ».

 

[…]

 

« … Comte, racontez-moi donc ces délices grossières dont vous rêvez.

 

  • Je me régalerais volontiers de ces nourritures qu’offrent les échoppes en plein vent dans les ruelles de Palerme. Leurs parfums, au passage de mon cortège, m’ont souvent flatté les narines et je n’ai jamais pris le temps de m’en délecter. On m’a parlé, en particulier, de certaine fougace à la rate…
  • En effet, les Palermitains se délectent depuis la nuit des temps de cette rate d’agneau cuite dans la graisse et servie dans des petits pains avec de la ricotta et du caciocavallo…

 

[…]

 

« … Ensuite, je me régalerais volontiers de pâtes, dit Roger…

 

[…]

 

  • Que diriez-vous de pâtes aux oursins. L’or rouge, la tendre intimité dérobée sous les piquants et déversée avec juste un peu d’huile crue sur les pâtes brûlantes… ET il n’est pas question d’échapper aux pâtes aux sardines, le délice palermitain par excellence, où l’on retrouve le fenouil sauvage et les pignons et les raisins secs…

 

[…]

 

  • Ensuite, en souvenir de l’ennemi juré de notre Cola Pesce, nous pourrions goûter quelques calamars. D’une taille raisonnable, adaptée à nos gosiers, bien sûr.

 

  • D’accord, mais alors farcis, et cuits ensuite à la braise, alliant ainsi le goûteux tendre du contenu au craquant juteux du contenant. Et je vous proposerais aussi une de mes créations, une terrine de ces poissons sabres qui déroulent leurs interminables corps argentés et plats sur les étals de nos marchés. Quand on aura alterné les couches d’herbes et celle d’oignons, ou mieux, de jeunes poireaux avec celles du poisson, en dosant comme il convient la chapelure, le four vous restituera un cylindre parfait, d’un aspect splendide… Ensuite, je vous connais, mon seigneur normand, il vous faudra des viandes. L’agneau glacé, c’est-à-dire cuit à l’étouffée, submergé d’oignons, jusqu’à ce que se forme une crème épaisse, un glaçage qui lui vaut son appellation, pourrait précéder le faux-maigre…

 

[…]

 

  • Donc, dans  ce plat, la fausse maigreur de la large et mince tranche de veau enveloppe, comme dans une poche, de la farce de viande hachée mêlée d’herbes diverses, de l’œuf, du fromage et bien d’autres ingrédients suivant les goûts de la cuisinière.

 

  • J’approche de la satiété, princesse, et pourtant j’aimerais avaler encore de très larges portions de dessert.

 

  • Voici une espèce de gâteau à la ricotta, ses flancs sont bardés de pâte d’amande, sa crème est bourrée de fruits confits et peut-être aussi de ce chocolat que j’ai découvert en rêve…

 

  • Savez-vous Yasmina, qu’il me semble sentir sous ma langue la saveur fondante, amère et douce à la fois de cet ingrédient de vos songes ? Le chocolat… L’Amour Parfait… Ce serait si beau si les deux choses existaient.

 

Publié le jeudi, 19 novembre 2009

A la table de Yasmina : Sept histoires et cinquante recettes de Sicile aux saveurs d'Arabie

Par Elisa Torretta

 

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2 septembre 2018 7 02 /09 /septembre /2018 06:00
Ha ! Qu’ils étaient beaux les collabos, Céline, Rebatet, Brasillach sur les réseaux sociaux de l’État français du Pétain de la poignée de mains de Montoire

Les fameux réseaux sociaux charrient beaucoup de boue, la fange s’y exprime sous des pseudos, succédanés des lettres anonymes des corbeaux sévissant sous l’Occupation.

 

Alors, il n’y a rien de nouveau sous le soleil, en témoigne ces 4 citations :

  • Un précurseur : Fernand Grégoire, La Juiverie algérienne, 1888

Est aux mains des Juifs :

 

« Ne nous faisons point d’illusion, le pire ennemi de l’Algérie, c’est le Juif… En France, l’envahissement par le judaïsme a été méthodique, progressif, presque timide. En Algérie, c’est un engloutissement. En France, Shylock est un homme du monde, âpre, mais déguisé, poli dans ses exécutions. En Algérie, c’est un forban féroce, insolent et bravache.

 

C’est en Algérie surtout que souffle la Mal’aria juive. »

 

  • Louis-Ferdinand Céline  Bagatelles pour un massacre décembre 1937

 

« Tout de même, il suffit de regarder, d’un petit peu près, telle belle gueule de youtre bien typique, homme ou femme, de caractère, pour être fixé à jamais... Ces yeux qui épient, toujours faux à en blêmir... ce sourire coincé... ces babines qui relèvent : la hyène... Et puis tout d’un coup ce regard qui se laisse aller, lourd, plombé, abruti... le sang du nègre qui passe... Ces commissures naso-labiales toujours inquiètes... flexueuses, ravinées, remontantes, défensives, creusées de haine et de dégoût... pour vous !... pour vous l’abject animal de la race ennemie, maudite, à détruire... Leur nez, leur "toucan" d’escroc, de traître, de félon, ce nez Stavisky, Barmat, Tafari... de toutes les combinaisons louches, de toutes les trahisons, qui pointe, s’abaisse, fonce sur la bouche, leur fente hideuse, cette banane pourrie, leur croissant, l’immonde grimace youtre, si canaille, si visqueuse, même chez les Prix de Beauté, l’ébauche de la trompe suceuse : le Vampire... Mais c’est de la zoologie !... élémentaire !... C’est à votre sang qu’elles en veulent ces goules !... Cela devrait vous faire hurler... tressaillir, s’il vous restait au fond des veines le moindre soupçon d’instinct, s’il vous passait autre chose dans la viande et la tête, qu’une tiède pâte rhétorique, farcie de fifines ruselettes, le petit suint tout gris des formules ronronnées, marinées d’alcool... De pareilles grimaces comme l’on en trouve sur la gueule des Juifs, sachez-le, ne s’improvisent pas, elles ne datent pas d’hier ou de l’Affaire Dreyfus... Elles surgissent du fond des âges, pour notre épouvante, des  tiraillements du métissage, des bourbiers sanglants talmudiques, de tout l’Apocalypse en somme !... »

 

  • Lucien Rebatet, « Marseille la Juive », Je suis partout, le 30 août 1941.

 

Trop, c’est trop :

 

« À ses métèques, ses sous-Blancs, ses barbeaux, ses drogués, ses petits voyous et ses grands bandits, Marseille a vu, depuis un an, s’ajouter le Juif. Il ne manquait plus que lui dans le tableau. »

 

  • Robert Brasillach, Je suis partout, 7 février 1942

 

« En finira-t-on avec les relents de pourriture parfumée qu’exhale encore la vieille putain agonisante, la garce vérolée fleurant le patchouli et la perte blanche, la République toujours debout sur son trottoir. Elle est toujours là, la mal blanchie, la lézardée, sur le pas de  sa porte, entourée de ses michés et de ses petits jeunots aussi acharnés que les vieux. Elle les a tant servis, elle leur a tant rapporté de billets dans ses jarretelles : comment auraient-ils le cœur de l’abandonner malgré les blennorragies et les chancres ? Ils en sont pourris jusqu’à l’os. »

 

 

HONTEUSE

 

« C’est une gare des plus banales, modèle standard des débuts du chemin de fer : un « bâtiment voyageur » central, flanqué de deux annexes, pour les services techniques et pour les marchandises. Elle desservait une petite ville du centre de la France, dans la vallée du Loir, au nord de Tours, à mi-chemin entre le Mans et Vendôme. Comme des milliers d’autres en France, elle fût restée paisiblement ignorée de l’histoire, ce qui en l’occurrence, n’eût point déplu aux habitants. Mais un funeste 24 octobre, à 15 h 29, un train très spécial s’immobilisa sur la voie numéro 3. »

 

[…]

 

« Cette petite gare a joué de malchance. Elle constituait un nœud ferroviaire proche de la ligne Paris-Hendaye, elle était excentrée par rapport au cœur de la cité, proche aussi, à trois kilomètres, du tunnel de Saint-Rimay, lequel pouvait si besoin mettre un train à l’abri d’une attaque aérienne. »

 

[…]

 

« Ce 24 octobre 1940, en gare de Montoire, le Führer doit rencontrer Philippe Pétain, chef de « l’État français » depuis le 10 juillet. »

 

[…]

 

«  Ce jour-là, Hitler est de méchante humeur. L’entrevue avec le « Caudillo » a été un échec. Hitler espérait que l’Espagne s’engagerait dans la guerre au côté des puissances de l’Axe. Or, Franco a multiplié les arguties et les revendications extravagantes, sans compter qu’il avait osé faire attendre le Führer sur le quai de la gare d’Hendaye pendant huit minutes. »

 

[…]

 

« Après coup, Franco qualifiera Hitler de « comédien, et celui-ci trouvera le Caudillo « sans envergure ».

 

[…]

 

« La photo de la poignée de main, sur le quai de la gare, entre le vieux Maréchal, désigné comme « le vainqueur de Verdun », et le dictateur nazi, diffusée dans toute la presse, devint emblématique de la trahison du régime de Vichy. »

 

Pierre Lassus Petit éloge des gares éditions François Bourin

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1 septembre 2018 6 01 /09 /septembre /2018 06:00
Hello l’ami Don Pasta comment peux-tu avec 1 nom pareil nous cuisiner des lasagnes d’aubergines sans pasta ?

Pour les non-initiés Don Pasta c’est Daniele De Michele, un gars de Puglia qui aime bien Parigi du côté de chez Alessandra Pierini. La dernière fois qu’il lui a rendu visite il nous a fait déguster ses lasagnes d’aubergines. Camille Labro était là et en plein cœur du mois d’août elle révèle les secrets de mon ami le DJ qui met les mains dans la farine.

 

Elle écrit :

 

« Inventeur des Cooking DJ Sets, « sortes de performances culinaro-musicales », Daniele de Michele, alias Don Pasta, « improvise avec les morceaux et les gestes de cuisine ». Cette idée d’unir la musique et la cuisine lui est venue d’un plat de sa grand-mère, la parmigiana alla salentina (de Salentino, à l’extrême-sud de l’Italie), une variante ultra-riche des lasagnes d’aubergines. « Ce plat-là, je l’associe à un air de John Coltrane, forcément, parce qu’on l’étale, on fait des couches… C’est un plat de fête démoniaque, une sorte de rituel qu’on mange, chez nous, le 15 août à midi, sur la plage d’Otrante, mon village. Trois étages d’aubergines frites, de la mozzarella, des minuscules boulettes de viande, de la sauce tomate, de l’œuf dur, de la mortadelle et des feuilles de basilic. C’est tellement bon que quand on commence on ne peut plus s’arrêter, et c’est tellement lourd qu’après on est obligé d’aller se coucher. »

 

 

Mais comme j’aime par-dessus tout ramener ma science, l’homme souriant de Puglia écrit à propos d'Erri De Luca sur son blog :

 

« Erri de Luca pourrait tranquillement me dénoncer pour plagiat. J'ai bu, mâché, volé son écriture, sa pensée, sa reprise de la pratique politique. J'avoue sereinement que son court texte, Trois feux en hommage aux lasagnes d'aubergines de sa mère, est à l'origine de tout mon travail sur la cuisine. À cette époque difficile je suis allé souvent à demander de l'aide à ses livres pour me protéger. J’ai fait appel à lui, qui utilise des mots plantés dans la terre depuis des siècles, comme nos oliviers, dans un temps où les gens utilisent des mots fuyants, vaniteux. Nos échanges épistolaires, même s’ils se sont fait par mail, je l’en remercie car dans ses réponses il utilise des pensées, des mots qui ont une cuisson longue, inexorable, comme celle des aubergines qui, avant d'être conservé pour l'éternité dans l'huile et le vinaigre, se sont laissé sécher par le vent et le soleil. »

 

 

En effet dans Le plus et le moins chez Gallimard, mai 2016, page 26, Erri De Luca parle de la Parmigiana d’aubergines d’« Emma et Lillina qui « les préparaient en faisant passer le légume par trois feux. Elles coupaient les aubergines en tranches, les mettaient au soleil, la flamme la plus puissante, pour sécher leur eau et renforcer leur goût. Puis, elles les faisaient frire, dorant la cuisine d’une couleur de fête. Dernier feu, le four, après les avoir disposées par couches, chacune recouverte de sauce tomate, basilic, mozzarella et d’une poignée de parmesan. Trois feux participaient au plat qui coïncide le mieux pour moi avec le mot « maison ».

 

Lasagnes d’aubergines : la recette gourmande de Don Pasta  LE MONDE | Par 

 

ICI

 

L'étymologie nous raconte l'histoire de l'aubergine

 

« Le nom de notre fameuse « aubergine » nous vient directement de l'arabe « al-bâdinjân » (الباذنجان ), l'aubergine, apparenté au persan « bâdengân ». Un autre nom lui sera aussi attribué durant longtemps : celui de « mélongène »1, qui vient du latin médiéval « melongena ». Cela nous laisse deviner une pénétration en deux temps du charmant légume en Occident, toujours à partir du monde arabe : d'un côté, une entrée directe et ancienne par l'Espagne musulmane ; de l'autre, une plus récente par l'Italie. C'est semble-t-il au XVIIIe s. que le terme d' « aubergine » prend définitivement le pas sur celui de « mélongène » ; elle est l'appellation courante dans le dictionnaire de 1798.

 

Les premières cultures de l'aubergine remontent au IIe millénaire avant notre ère, dans la région de l'actuelle Birmanie et du nord-est de l'Inde. Elle parvient en Chine dès l'Antiquité, puis les marchands arabes et persans la rencontrent en Inde et en Asie Centrale, et la ramènent dans leurs bagages au tout début du Moyen Age. En effet le nom arabe vient lui-même du sanskrit « vatinganah » ! Elle gagne tout le monde arabe et suit au Moyen Age la conquête jusqu'en Espagne, premier pays européen où elle sera cultivée. C'est d'ailleurs par l'intermédiaire du catalan « alberginia » que le mot serait passé en français. En tout cas, ce sont donc les Arabes qui l'introduisent en Occident, d'où le fait que son nom soit chez nous d'origine arabe. »

 

La suite ICI

Les marchands arabes ramènent l'aubergine d'Asie au Moyen Age...

 

4 mars 2011

Petite histoire de l'aubergine ICI 

 

« A ces débuts en Europe, l'aubergine conserve cette mauvaise réputation. Elle est mésestimée surtout par les savants, peut-être du fait de sa ressemblance avec d'autres plantes de la famille des Solanacées  comme la mandragore, le datura ou la belladone dont on connaissait la toxicité. On l'appelle mala insana (pomme malsaine, qui rend fou). Au XVIe siècle encore, en Allemagne, on lui donne le nom de Doll Opffel soit la pomme de fureur ou pomme de rage. Aubergine blanche

 

En Turquie, pays où l'aubergine s'est implantée assez tôt, on accuse l'aubergine d'être à l'origine des incendies qui ravagent Istanbul à l'époque ottomane. On raconte que, l'été, les habitants de cette ville allument des feux aux portes de leur maison pour faire griller leur légume préféré, sans se soucier du vent qui souffle. Vent qui porte encore aujourd'hui le nom de patlican meltemi (vent d'aubergine).

 

Malgré cela, l'aubergine est couramment consommée en Italie dès le XVe siècle puis en Espagne au milieu du XVIe siècle. En France, Louis XIV demande à son jardinier de planter la béringère. Mais elle n'est encore cultivée que pour la curiosité et comme plante d'ornement. C'est ainsi que le catalogue Vilmorin-Andrieux la classe en 1760. En Angleterre, on lui donne le nom de eggplant (plante aux œufs). Il faut dire que les variétés blanches d'aubergines ressemblent à des œufs. »

 

Peu à peu cependant, l'aubergine s'implante dans le sud de la France. Elle est d'abord cultivée en Provence et dans le Languedoc. Le Bon Jardinier  de 1809 évoque son usage culinaire : "on la sert en entremets, c'est un ragoût de fantaisie". En 1825, elle arrive sur les marchés parisiens et la même année, le Tout-Paris se précipite au restaurant  Les Frères Provençaux, rue Cadet, pour déguster aubergines et côtelettes de chèvre grillées.

 

 

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