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12 janvier 2015 1 12 /01 /janvier /2015 00:09

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Hier, lorsque j’ai quitté à vélo mon XIVe ce qui m’a de suite frappé c’est le silence, un silence léger à peine troublé par le passage de rares autos, la ville semblait se recueillir. Tout au long de mon trajet vers la Place de la Nation ce n’était que marcheurs sur les trottoirs, longue cohorte convergeant vers les points de ralliement. Pour la première fois depuis que je vis à Paris, avec ma flèche d’argent j’ai enjambé la Seine en empruntant le pont Charles de Gaulle. Sans encombre j’ai gagné la Place de la Nation, tout le monde faisait attention à tout le monde, aucune bousculade, du respect mutuel. Et toujours cette forme de légèreté silencieuse flottant au-dessus de cette foule assemblée.


De partout ce n’était que flux humain, toujours paisible et tranquille, parfois crépitait une salve d’applaudissements. Impressionné. Impressionnant. Je remontais l’avenue Philippe Auguste noire de monde. Au carrefour un cordon de gendarmes dérivait, avec courtoisie et pédagogie, vers le boulevard de Charonne, le cortège qui avançait en rang serré. Et puis, là, face à la bouche de métro je tombais nez à nez avec la petite bande des belles du Lapin Blanc, emmitouflée car une petite bise tranchante balayait l’avenue. Nous n’avions ni pancarte, ni insignes, mais nous étions la marche et nous marchions.


Nous en étions de cet immense élan, nous femmes et hommes de bonne volonté, cohorte d’anonymes.

 

Mais pourquoi fallait-il en être, ici à Paris et ailleurs, en France et dans beaucoup de pays, me direz-vous ?


Pour une raison très simple : témoigner de ce qui nous rassemble : notre commune humanité. Celle à qui les lâches assassins ont déclaré une guerre impitoyable.


Notre côte à côte chaleureux de dimanche a été la preuve de sa richesse et de sa puissance à cette commune humanité et elle nous a donné le courage nécessaire pour défendre la liberté, nos libertés…


Et après !


Que feront-nous demain ?


Je ne sais, mais ce que je sais c’est que ça dépendra aussi de nous, de notre capacité à vivre ensemble dans une forme de respect exigeant et sans concession. La compréhension ne signifie pas faiblesse, nous sommes dans un État de Droit qui est le seul garant des libertés. Que celles et ceux qui s’en affranchissent sachent qu’ils devront s’y soumettre. Intransigeance nécessaire et salutaire pour rompre avec le repli communautaire.


Ma seule photo du jour illustre cette courte chronique : un drapeau qui avait flotté à une fenêtre lors de la Libération de Paris.


Il y eut aussi un selfie de notre petite bande mais là je ne publie pas car vous seriez jaloux 


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8 janvier 2015 4 08 /01 /janvier /2015 14:12

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Affirmer, en ces jours noirs, qu’avoir 20 ans en 68 c’était les beaux jours de sa vie, ça fait très vieux con.


Charb avait alors 1 an, Tignous 11 ans, Maris 21 ans Reiser 27 ans, Cabu 30 ans, Wolinski 34 ans, Cavanna 45 ans…


Du talent, des talents, de l’irrévérence, de l’impertinence, de la saine grossièreté, loin de la trivialité, une férocité de trait ou de plume dans un gant de douceur, des éclaireurs, des téméraires, des bons-vivants, des malappris, des érecteurs de vérité, des semeurs à tout vent de liberté, ils m’ont dépucelé la tête.


Le premier à se tirer, en 1983, bouffé par ce putain de chancre fut Reiser que j’aimais tant…


Puis au début de 2014, ce fut au tour de François, le Rital, de tirer aussi sa révérence, un putain de sacré bon écrivain ce Cavanna.


Et puis ce funeste matin du 7 janvier 2015 vint, de lâches cagoulés, caparaçonnés, après avoir exécuté froidement 12 innocents ont proclamé dans leur fuite avoir tué Charlie.


Bande de tarés !


Charlie est, et sera toujours vivant, mais vous avez fauché la meilleure part de ma jeunesse, des mecs qui en faisant sauter la chape de plomb d’une France bien-pensante, confite dans les bondieuseries, l’ORTF, Michel Droit et autres censeurs, m’ont oxygéné la tête.


Je ne vous hais pas, je vous méprise.


Orphelin de ceux qui m’ont dépucelé la tête je suis triste et meurtri.


Je les pleure aussi.


Être privé de Bernard Maris le vendredi matin sur France-Inter c’est pour moi une amputation de la pensée libre, ouverte, paradoxale et original.


Adieu oncle Bernard je t’aimais bien.


Il en est qui devraient fermer leurs grandes gueules et se faire tout petit car ils n’ont jamais été du côté des combats des braves de Charlie. Déjà insidieusement fleurissent des écrits vénéneux par ceux qui croient au ciel comme ceux qui n’y croient pas.


Lisez ceci avant de continuer à nous saouler avec vos savantes analyses :


« Ils étaient tous là, ou presque. Comme tous les mercredis. Réunis entre chouquettes et croissants autour de la grande table ovale qui occupe toute la pièce pour la conférence de rédaction. Un rituel immuable depuis la création de Charlie Hebdo. A gauche, comme toujours, Charb, le directeur de la publication. Ce mercredi 7 janvier avaient pris place à ses côtés les dessinateurs Cabu, Wolinski, Tignous, Honoré et Riss, les rédacteurs Laurent Léger, Fabrice Nicolino et Philippe Lançon, l’économiste Bernard Maris ou encore les chroniqueuses Sigolène Vinson et Elsa Cayat.


La conférence de rédaction débute généralement à 10 h 30 et s’anime rapidement à la faveur de quelques blagues grivoises. Un seul sujet tabou : la machine à café, parce qu’elle ne marche jamais. Aux murs sont épinglées quelques « unes » mythiques du journal satirique : celle de « Charia Hebdo », qui avait motivé l’incendie criminel ayant ravagé les anciens locaux de l’hebdomadaire, en novembre 2011, une autre sur Marine Le Pen illustrée par une « merde » sur le drapeau français, une caricature du pape dénonçant la pédophilie dans l’Eglise, un Sarkozy grimaçant…


La réunion se finit quand elle finit, c’est-à-dire quand il est l’heure d’aller casser la croûte aux Petites Canailles, un bistrot de la rue Amelot, dans le 11e arrondissement de Paris. »

 

La suite ICI link

 

Orphelin certes je suis mais je reste optimiste Charlie a fait de beaux et talentueux petits et des vieux cons comme moi en seront croyez-moi.


« Comme aurait dit Cabu, il faut qu'on sorte un journal encore meilleur, donc on va le faire, je sais pas comment, on va l'écrire avec nos larmes »


J’embrasse fort tous ceux qui partageaient la vie des 12 sacrifiés, la vie continue, debout…


Et Dieu dans tout ça ?


« Si Dieu descendait sur Terre, tous les peuples se mettraient à genoux, excepté les Français qui diraient : « Ah ! Vous êtes là ! Ce n’est pas trop, tôt ! On va pouvoir discuter un peu ! »


Paroles d’Anglais, lord Balfour.


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7 janvier 2015 3 07 /01 /janvier /2015 00:09

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Les Échos écrivent « La procédure de divorce entre les dix crus du Beaujolais, d’une part, les beaujolais et beaujolais-villages, d’autre part, est engagée. Le retrait de l’Organisme de défense et de gestion (ODG) des crus du Beaujolais de l’Union des vignerons du Beaujolais (UVB) a été entériné mardi 30 décembre à Villefranche-sur-Saône (Rhône) par le conseil d’administration de cette instance. «La scission aura lieu doucement, inéluctablement», assure Audrey Charton, présidente de lODG des crus du Beaujolais, à lorigine de cette séparation.


En reprenant «lentière gestion administrative et financière» de cet organisme, déléguée depuis 2007 à lUVB, les dix crus du Beaujolais entendent «gagner en efficacité» et accélérer le traitement de certains dossiers vitaux pour leur avenir, comme le classement en climats après le travail de caractérisation des terroirs entrepris. L’objectif est de délimiter des crus de lieu-dit puis des premiers crus, comme en Bourgogne voisine, pour mieux valoriser leurs vins. Les crus veulent se différencier, dans un contexte régional marqué par une érosion des volumes de vente de primeurs, encore constatée en 2014, et par une forte dépréciation du prix des vignes de l’appellation générique et des beaujolais-villages. »


Au-delà de gloses souvent approximatives, mais c’est un « journaliste bourguignon du vin » qui l’écrit, comme celle-ci « Les crus du Beaujolais font sécession : ils ne souhaitent plus apporter leur contribution à l'Interprofession. »link, ce qui est faux, ils se contentent de quitter l’UVB à qui ils avaient confiés la gestion administrative et financière de leur ODG. Bien sûr, lorsqu’il y a rupture un bon état des lieux s’impose afin d’éviter des contentieux. Cependant, il serait difficilement compréhensible que l’Interprofession du Beaujolais puisse avoir un quelconque crédit sans ses crus. Quand à une éventuelle fusion avec celle du grand voisin bourguignon elle ne serait que de pure gestion : l’appellation Beaujolais ne serait pas passée par pertes et profits.


Indépendance non,  autonomie oui, et comme je l’ai écrit en titre « Un bon divorce vaut mieux qu’un mariage bancal »


Suite à la réforme de l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao) en 2007, les ODG se sont substituées aux syndicats de défense de l’appellation et, fait capital qui change la donne, les vignerons n’ont plus le choix comme au temps des syndicats, ils sont automatiquement membres de l’ODG et doivent casquer.


Cette caporalisation voulue par des soi-disant libéraux, et dont on n’a pas suffisamment pesé les conséquences, change radicalement la donne en renforçant le pouvoir de ceux qui se cooptent depuis des décennies.


Le système dit des familles professionnelles, production, négoce, qui sert de socle au vote des fameuses CVO, est totalement verrouillé du côté des vignerons par le syndicalisme historique. Bien sûr on vote mais il suffit d’assister aux assemblées générales pour être édifié sur la santé démocratique de ces organisations.


Lorsque Gilles Paris, président de l’interprofession beaujolaise déclare que « l’important est qu’il n’y ait pas de scission et que la base, les viticulteurs, soit consultée » il reconnaît le peu de représentativité de ceux qui ont pris la décision.


La bonne question face à l’empilement des organismes, aux prélèvements financiers obligatoires, est : à quoi ça sert ?


Quels sont les services rendus aux cotisants ?


Quel bénéfice le consommateur tire-t-il de ce système ?


Il ne s’agit pas pour moi de jeter le bébé avec l’eau du bain mais de redonner de la vigueur, de la représentativité à des corps intermédiaires qui sont indispensables au bon fonctionnement de la démocratie économique.


On se retrouve trop souvent face à des pratiques formelles, maniées avec dextérité par une poignée de dirigeants s’appuyant sur une technocratie privée, qui permettent de profiter de la passivité de la masse. Les minoritaires actifs sont souvent marginalisés, parfois combattus. La confiance s’érode. Les discours populistes fleurissent.


Alors, au lieu de spéculer sur une éventuelle OPA du négoce bourguignon sur le Beaujolais des crus, il me semble qu’il serait plus intéressant d’engager un réel choc de simplification dans les structures « privées » du vin, concurremment bien sûr à celui que les pouvoirs publics se doivent de faire.


Vœu de début d’année, SGDG...

 

La remise en cause dépasse largement la spécificité beaujoloise, faute de traiter les problèmes à temps le risque est grand de voir fleurir ceci : l'avocat Gilbert Collard et des viticulteurs contre Interloire link

 

Pas joli, joli, ce mélange des genres... Sortez les sortants, air connu, certes, mais si c'est pour faire la place à ces gens-là 


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6 janvier 2015 2 06 /01 /janvier /2015 00:09

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Si je puis m’exprimer ainsi il y a des choix de tête, des choix de cœur et des choix de bouche, le raisonné, l’impulsion, le goût.


En me référant à mon vécu, sans faire le Desprogien « Toute la vie est une affaire de choix. Cela commence par « la tétine ou le téton ? » Et cela s’achève par « Le chêne ou le sapin ? », j’ai d’abord appris à lire donc ma première expérience de choix fut celui du choix d’un livre.


Même si ça peut vous surprendre celui-ci, depuis l’origine, s’est appuyé sur la trilogie évoquée ci-dessus. Le choix de bouche étant ici celui du bouche à oreille. Je n’ai jamais été adepte de la lecture des critiques littéraires. Et pourtant j’ai choisi dès 68 Modiano avec sa Place de l’Étoile, Houellebecq et son « Extension du domaine de la lutte » ou encore Robert Penn Warren l’un des grands auteurs américains méconnus.


Puis vint le cinéma, et là ce fut mon oreille qui prima : j’écoutais le dimanche soir le Masque et la Plume où brillaient les duettistes de la critique : Bory et Charensol. Paradoxalement ma culture cinématographique doit beaucoup à la télévision et à Claude-Jean Philippe  et son Ciné-club du dimanche soir tard sur la 2. Par la suite je n’ai plus consulté la critique choisissant au feeling et au bouche à oreille.


Pour la musique j’écoutais la radio et j’ai eu des coups de cœur ! J'en ai toujours d'ailleurs...


Reste les produits de bouche : la faim et la soif.


En ce domaine j’en suis resté au principe de ma mémé Marie : la bonne viande se trouve chez un bon boucher, le bon pain chez un bon boulanger, les bons fruits et légumes dans le jardin du pépé Louis… Pour le vin ce fut plus compliqué car là où je suis né, la Vendée, le jus local était redoutable, une belle piquette.


Ma culture du vin je l'ai fait de bric et de broc sans jamais lire ce qui s’écrivait sur le vin dans la presse spécialisée ou généraliste. Arrivé à Paris j’ai fait confiance au caviste de la rue de Tolbiac, un gérant Nicolas qui n’avait rien à voir avec ceux d’aujourd’hui. Puis le hasard m’a confié la gestion d’une grande cave : celle de la Présidence de l’Assemblée Nationale, j’ai beaucoup goûté, choisi et acheté. Après j’ai fait marchand de vins à la SVF ou j’ai dégusté chaque matin les échantillons destinés à faire le vin du populo. Ça forme et rend modeste. Ensuite j’ai pratiqué le vin politique au 78 rue de Varenne. Reste enfin l’exercice entamé sur ce blog il y a 10 ans. Il m’a fait fréquenter les dégustations, les dégustateurs, les déjeuners de presse, les salons, et ça n’a fait qu’ajouter à mon peu de goût pour la critique du vin.


Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas écrit : la critique est utile pour guider le choix de certains consommateurs. Le problème avec le vin c’est que seule une toute petite minorité, dites d’amateurs pointus, s’y réfère, le bon peuple français achète son vin en GD sans se soucier d’elle.


Le plus beau paradoxe de la critique fut généré par Robert Parker, ses fameuses notes ont eu pour effet de devenir la cote des GCC de Bordeaux tout particulièrement, d’en faire flamber les prix et par contrecoup de priver les amateurs pointus des beaux jus et de marginaliser l’ensemble de la critique française. Pauvre Bettane !


Enfin, choisir un restaurant a toujours constitué pour moi un casse-tête chinois, je doutais de l’indépendance de la critique, hormis des exceptions tel François Simon mais je ne lisais pas le Figaro en ce temps-là, ni aujourd'hui d'ailleurs, et La Reynière dont le passé ne me plaisait guère, l’arrivée de Ribaud au Monde, qui aimait en plus le picolo, m’aida dans mes choix. Au passage, les guides, le Rouge tout particulièrement, n’ont jamais fait parties de ma culture. Bref, très vite là aussi je m’en tins au bouche à oreille.


C’est quoi au juste le bouche à oreille ?


Ce qui se dit dans un cercle plus ou moins large d’amis, de relations, de personnes de confiance tels certains cavistes indépendants « à l'origine, le « bouche à oreille » désignait une confidence. On imagine effectivement une personne parler à l'oreille d'une autre pour assurer la confidentialité de la discussion. C'est de cette notion de « secret » qu'est apparu le sens de « rumeur », de bruit qui court. Le bouche à oreille désigne donc une information qui se propage de façon officieuse. Cependant il ne s'agit pas forcément de rumeur négative. »


La propagation, autrefois lente, est maintenant fulgurante avec l’irruption des smartphones, des réseaux sociaux. Tout se dit, tout et n’importe quoi, se répand, se diffuse en une poignée de secondes, disparaît sitôt ou s’installe. On peut tempêter, le regretter, en appeler au sérieux, au professionnalisme, mais, face à leurs écrans connectés, les consommateurs font leur marché. Le bouche à oreille est devenu la règle.


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Pour autant est-ce le glas de la critique, écrite, structurée, professionnelle ?


Je ne le pense pas, mais la condition de sa survie c’est que ceux qui la pratiquent sortent de leur petit gourbi pour s’ouvrir à des sujets plus larges qui intéresseront un public plus large et plus varié. Rompre avec l’entre-soi qui est aussi la marque de fabrique de beaucoup de blogs de vin.

 

Ça ronronne sec ! 


Un bon exemple de cette ouverture c’est ce que pratique le couple Dupont-Bompas dans le Point.fr en remettant le vin à sa bonne place : sur la table ! La fameuse table à la française… De même 120°C, dans lequel Michel Smith chronique sur le vin, va dans le sens du renouvellement.


Dans l’énumération de mes choix j’ai volontairement omis les œuvres d’art plastiques : tableaux, sculptures, où j’ai pratiqué pour eux-aussi l’achat, et le théâtre… où je ne pratique qu’en solitaire.


Enfin, sans me pousser du col, pour faire pendant à des réflexions peu amènes d’un ancien collègue de blog sur la pratique du journalisme d’investigation en matière de vin, où il parle de fumier charroyé – c’est son destin au fumier avant qu’il n’aille engraisser la terre nourricière – je pense que je dispose de tout ce qu’il faut pour le pratiquer, méthode, matériau, gorges profondes, mais je vais vous faire un aveu : je n’en ai nulle envie.


Bon vent à tous et à toutes, tout n’est que litres et ratures et, comme je suis dans une période de références à de bons auteurs, je vous sers du Blaise Cendrars pour nourrir votre réflexion.


-         Blaise, à moi tu peux le dire, l’as-tu vraiment pris le Transsibérien ? lui demande, des années plus tard Pierre Lazareff * qui avait publié son reportage.


-         Qu’est-ce que ça peut te foutre, si je te l’ai fait prendre.

 

* Patron d’un grand journal populaire France-Soir et coproducteur d’une émission de télé culte : 5 colonnes à la Une. 

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13 décembre 2014 6 13 /12 /décembre /2014 00:09

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Au Bourg-Pailler, les grains de maïs que nous égrenions avec une petite machine manuelle avaient pour seul usage de nourrir les poules de mémé Marie, ça donnait à leur jaune un orangé profond.


La culture du maïs pour le grain était à cette époque peu développée, il était récolté en vert pour être consommé par nos vaches. Bien plus tard, l’irruption de l’ensilage, avec ses affreuses bâches noires et ses odeurs acres, assurera le développement dans l’alimentation des animaux.


Pour nous, adolescents, les champs de maïs avec leurs hautes enfilades ployant sous la brise venue de l’océan furent des refuges sûrs pour nos premiers ébats.


Mais, ils furent aussi, un lieu où notre inventivité pour tourner les interdits fit merveille. Alors que nos mères combattaient avec pugnacité notre penchant pour les P4 – paquet de 4 cigarettes – le maïs, du moins ce que l’on dénommait les poupées de maïs, nous offrit un étrange substitut. En effet, ces poupées enveloppées dans leurs longues feuilles étaient surmontées d’une abondante chevelure châtain clair, ce qui justifiait sans doute leur nom, et nous avions constaté que celle-ci, lorsque l’épi était mur, se muait en une longue barbe rêche et brune.


Je ne sais auquel d’entre nous vint l’idée de dépouiller quelques poupées de leur tignasse pour, après un bref séchage au soleil, l’utiliser comme substitut au tabac proscrit par nos intransigeantes mères. Nous le roulions bravement dans du papier kraft. Afin d’éviter une combustion trop rapide il nous fallait bien tasser notre ersatz. Ça grésillait et nous ramonait la gorge. Fait étrange, nos mères n’y trouvèrent rien à redire le jour où nous nous exhibâmes devant elles avec nos étranges clopes.


Cet épisode fut de courte durée, nos moyens financiers, quoique modestes, nous permettaient de nous offrir des cigarettes. Pour épater les filles au bal c’était tout de même plus classe.


Quand à manger du maïs, que nenni !


Mon premier contact gustatif se déroula à Lourdes où notre curé-doyen nous avait conduits en pèlerinage dans sa petite auto du fait de notre statut d’enfant de chœur, sous la forme de « pain de maïs ». De la galette pas du pain !


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La polenta, elle, je l’ais découverte chez une amie de ma mère, représentant la marque Linvosges, et bien sûr d’origine italienne. Je dois avouer que ça ne m’avait pas transporté.


C’est mon amie Alessandra qui m’a fait changer d’avis.


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François-Régis Gaudry

 

Alessandra écrit. Elle écrit de goûteux et savoureux petits livres imprégnés de son enfance tout en nous régalant à sa nouvelle adresse : 4, rue Fléchier tout près de l'église ND de Lorette link


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François-Régis Gaudry

 

Aujourd’hui, elle avoue « la polenta, c’est ma petite madeleine à moi, une saveur qui me restitue mes sept ans et ma grand-mère chérie. »


Le goût de l’enfance, les goûts de l’enfance, de son enfance à « Vesta, petit village perdu aux pieds du Mont Groppo dans la province de Parme en Émilie-Romagne. »


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Gestes ancestraux autour du paiolo, suspendu à la crémaillère dans l’âtre, qu’elle observait lorsque sa grand-mère préparait la polenta. De l’eau frémissante, de la farine de maïs versée en pluie, et puis avec le mescion, un long bâton de bois, tourner le mélange afin qu’il soit bien lisse, dépourvu de grumeaux. Alessandra n’a pas souvenir « d’avoir jamais vu sa grand-mère se servir d’une balance, ni lire une recette d’ailleurs, alors c’est au jugé qu’elle évaluait la cuisson terminée lorsque la polenta se détachait toute seule des bords du chaudron. »


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C’était alors le moment préféré d’Alessandra, avec la force d’un homme, sa grand-mère, « décrochait le paiolo, le retournait et versait son contenu brûlant sur le buràs, torchon réservé à cet effet qu’elle avait étalé sur une planche de bois de forme arrondie appelée tavluén. Elle nouait ensuite en croix les quatre coins du buràs sur la polenta rassemblée à l’aide d’une paltena, une petite spatule au bout carré. »


Bien au chaud la polenta attendait d’être coupée à l’aide d’un fil en tranches.


L’impatiente Alessandra patientait avec les restes de la polenta, fins, croquants et appétissants, qui s’accrochaient au fond du paiolo. Cette polenta abbrustolita relevée d’une pincée de sel équivalait à mon beurre de sardines épongé au fond de la poêle de ma mémé Marie.


Mais ce n’est pas seulement par la magie de ses mots qu’Alessandra m’a rallié à la polenta, originellement plat des gens de peu, mais par l’art et la manière d’en faire le support de ma gourmandise.


« La pulenta  a fa quatr mesté : a serv de mnestra, a serv de pan, a ‘mpiniss la pansa e a scauda ‘l man »


En substance, « la polenta a quatre destinations : elle sert de soupe, elle sert de pain, elle remplit le ventre et elle réchauffe les mains » dit un vieux proverbe piémontais.


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Par la grâce de deux petits livres d’Alessandra Polenta dans la collection Petit Précis de la gastronomie italienne aux éditions du Pétrin 11€ dont je me suis inspiré pour cette chronique et la polenta dix façons de la préparer aux éditions de l’Épure, vous saurez tout sur la polenta, origines, ses innombrables déclinaisons en cette Italie qui est une mosaïque culinaire : 11, sa couleur généralement jaune mais il existe aussi un maïs spécifique privé de pigment « bianco perla », sa mouture fine ou grossière, la mixité des farines : moitié maïs-sarrasin la Taragna, maïs-froment, sa cuisson et des recettes bien sûr dont une m’a particulièrement séduit mais, chaque chose en son temps, elle fera sans doute l’objet d’une chronique d’ici la Noël.


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buono appetito !


Et si vous buviez un Ageno ! link


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11 décembre 2014 4 11 /12 /décembre /2014 00:09

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Enfant, il était des aliments qui me faisaient zire, j’étais aziré… et donc j’étais un zirous.


Dans le dialecte poitevin-saintongeais mais aussi acadien issu du vieux français : faire zire exprime le dégoût.


Parmi mes dégoûts d’enfance, peu nombreux, la peau du lait boursouflée et jaunasse, la soupe de citrouille pour son odeur fade et son aspect de vomi, le blanc du poireau et les concombres pour leur inexistence gustative, la fraise de veau pour l’odeur, la tisane de tilleul et le thé sans doute parce que ça me semblait être le breuvage des grenouilles de bénitier.


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Les refus alimentaires se multiplient : lire ICI « Mangerons-nous encore ensemble demain ? » en voilà une vraie question.link


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Triomphe de l’apparence, une forme de beauté lisse, fabriquée, sans défaut apparent, sans odeurs désagréables, sans goût me direz-vous…


Même si certains promeuvent aujourd’hui les fruits moches je ne suis pas certain que vos enfants élevés avec des petits pots Nestlé et le Kiri apprécient la tête de veau et les fromages qui puent.


L’acceptation de l’apparence c’est un premier pas vers la reconnaissance de la différence entre les cultures alimentaires et le meilleur moyen de lutter contre l’uniformisation de notre alimentation.


Ça demande de notre part des efforts de présentation et de préparation des aliments laids, aux flaveurs puissantes, forts en goût donc en dégoûts… pour que nos chères petites têtes blondes acceptent d’y goûter en lieu et place des bâtonnets de poisson pané ou de leur pizza boursouflée…


L’incantation, les grands discours outrés, ne servent pas à grand-chose sinon à accentuer et à figer le refus.


Jouer de la transgression chère à la jeunesse constitue une stratégie bien plus opérante et efficace. Bref, se différencier est plus facile à admettre que de se rallier à la culture alimentaire de ses parents.


Le goût du vin échappe au goût et aux dégoûts d’enfance, il vient sur le tard avec l’âge adulte mais il doit lui aussi surmonter un obstacle majeur : le goût des connaisseurs. Certains s’y plient de bonne grâce, d’autres s’y refusent, cherchent la différence, transgressent, et les voilà qui se ruent sur les vins nus.


Horreur, malheur, excommunication, les statues de Commandeur se dressent à l’ombre des GCC, sonnent le tocsin traduit en toutes les langues, font rempart de leurs corps à ces déviances insupportables en organisant des masters class où coulent les grands vins.


Et moi, tout en dégustant mes brochettes de couilles d’agneau link, je me marre avant de boire un petit coup de Never Mind the Bollocks de Pascal Simonutti.


Tout ça pour vous dire que tous les chemins mènent au vin et foin des pharisiens qui n’aiment pas que l’on prenne une autre route qu’eux.


« La cuisine, c’est comme le rapport à l’autre, il ne faut pas se fier à l’apparence. Ce n’est pas parce que le poulpe fait peur avec des longs tentacules plein  de pustules, qu’il n’est pas succulent en salade ou en ragoût. Ce n’est pas parce qu’un fromage sent très fort les pieds, qu’il n’a pas un bon goût en bouche. Ce n’est pas parce que la simple idée de manger des tripes d’un animal dégoûte, qu’il ne faut pas y goûter. La nature regorge de produits bizarres, laids, biscornus, rabougris, puants, bref dégoûtants et malgré tout savoureux. Nous sommes souvent coupés dans nos élans gustatifs par de simples préjugés ou notre éducation, voire par notre milieu culturel. Les Français ne dégoûtent-ils pas d’autres peuples en se régalant d’escargots, de tripes de cochon ou de grenouilles, au même titre que les Chinois raffolent des chiens et des œufs fécondés ou les Cambodgiens d’insectes et d’araignées ? »


Qui m’aurait dit il y a quelques années que je me régalerais en mangeant du poisson cru que je ne l’aurais pas cru.


Alors, de grâce que les bonzes des grands vins encensés et leurs moinillons en Richelieu, le singulier serait plus pertinent mais nous approchons de Noël, me lâchent la grappe lorsque je mange le burger de Claire saucisse de Morteau sur un lit de choucroute sauce gribiche en me rinçant le gosier avec un verre de « la Part du Colibri » de Vincent Caillé…


Mais que voulez-vous « tous les sots sont périlleux… » Jacques Deval

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8 décembre 2014 1 08 /12 /décembre /2014 00:09

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Vendredi de la semaine passée se déroulaient deux rassemblements pour une forme de défense et illustration du vin, l’un à Dijon, Vino Bravo, et l’autre dans le Gers, Vinocamp.


J’ai assisté au premier épisode de Vino Bravo, à Bordeaux, et à une session de Vinocamp à Paris.


Grâce aux réseaux sociaux j’ai pu, dans mon fauteuil, suivre les deux rassemblements.


Cette chronique n’abordera pas le fond des débats mais se contentera d’un simple constat : d’un côté, en Bourgogne, les biens en place, très majoritairement masculin, d’un certain âge et de l’autre, en Armagnac, les qui cherchent leurs places, jeunes, fort pourcentage féminin. Je fais référence ici à ceux qui mènent le bal et non aux spectateurs.


D’un côté, chez les assis, il essentiellement question de la défense de la culture du vin, de l’autre, chez les qui bougent, plutôt du biseness via l’Internet. En facteur commun, l’exécration de la loi Evin.


Chacun reste dans son pré, aucune réelle passerelle n’est jetée entre ces deux mondes qui, sans s’ignorer, ne se confrontent jamais.


L’âge aidant, mais ça a toujours été chez moi un impératif : c’est pour cela qu’à certaines brèves périodes de ma vie j’ai enseigné, la transmission me semble essentielle.


Il va m’être rétorqué que celle-ci s’opère.


Oui, j’en conviens, mais à la française depuis des estrades où ceux qui savent dispensent leur savoir d’une manière magistrale à des gens bien sages et fort convaincus.


La transmission descendante est essentielle mais elle risque d’être inadaptée ou peu pertinente si une forme de capillarité ne peut s’instituer entre l’homme du pupitre et son public. Pour se comprendre il faut d’abord s’entendre, s’écouter. Alors pourquoi ne pas faire monter sur l’estrade des biens en place quelques spécimens des qui cherchent leur place, et réciproquement faire entrer une vieille barbe dans le cercle des petites poucettes (référence à Michel Serres pour marquer que la culture se niche là aussi).


En France nous nous délectons des colloques bien huilés, policés, mais un peu de spontanéité, un zeste de contradiction, ça apporterait j’en suis sûr un brin d’animation, et surtout beaucoup plus de compréhension.


Sans doute mon vœu restera pieu, c’est le lot de notre vieux pays qui s’écharpe en ce moment pour des crèches qui, dans ma Vendée confite de bondieuserie ne s’érigeaient que dans l’église paroissiale, Saint Jacques le majeur, et non à la Mairie.


Ma culture religieuse restant vive, même si je suis devenu un mécréant, j’ai rêvé un instant de publier ma chronique le jour des Saints-Innocents mais le calendrier en a décidé autrement puisque ce n’est que le 28 décembre.

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7 décembre 2014 7 07 /12 /décembre /2014 00:09

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Rappelez-vous dans le film d’Andreï Tarkovski « Sacrifice » ce gamin qui arrosait un arbre mort, dans l’espoir de le faire revivre. « Eh bien les enfants, il faut les arroser, avant qu’en eux ne meure l’enfance. Arrosez les enfants, arrosez-les, bon sang ! De sécurité. D’insolence. De joie. » Fanny Ardant


Il est des jours sans où le doute s’insinue en moi en une capillarité venimeuse, je me dis à quoi bon aligner tant de mots sur mon écran, batailler, exister dans un monde si peu soucieux de son devenir, si oublieux de ses propres enfants.


Et pendant ce temps-là le jeune Téo lutte dans le silence blanc d’un univers froid où la vie, la sienne, ne tient plus qu’à un fil.


Alors, impuissant je feuillette et je trouve ce texte Champs Stériles écrit voilà 20 ans.


L’enfant, né aux confins d’une plaine autrefois plantureuse, au milieu d’un semis de tours jetées par une main anonyme à même la terre nue, hausse les yeux au plus près du ciel.


Le nez collé sur le carreau de sa fenêtre accrochée au flanc de ce triste lego, il guette la mort du soleil.


Au pied de la morne paroi, des ombres accotées aux arbustes rabougris, avant que la nuit n’engonce la cité de sa camisole de peur, trompent l’ennui.


Blocs affublés de noms de fleurs alors que fuitent des cuisines des parfums de Paic citron.


Mais où sont passés les glycines ?


L’enfant espère le dernier chant des oiseaux mais ce n’est que le ronron de la télévision qui lui répond.


Alors ouvrir en grand les deux battants, se laisser aller dans le vent comme un cerf-volant, loin, très loin, là où les champs portent encore de lourds épis jaune d’or, piquetés de coquelicots et de bleuets, cernés par de hautes et profondes haies.


Planté au milieu des blés, les bras grands ouverts et le chapeau de travers servir de perchoir à oiseaux.


Le chant des loriots.


À l’école que sont devenues les cartes de France où, en couleurs vives, s’étalaient la navette, l’œillette et la garance.


Les seules couleurs qui scintillent à l’horizon sont celles des néons accrochés au béton gris du  supermarché.


Reste pour s’échapper le territoire immense de son imaginaire, terre qui ne demande qu’à être fécondée.


Arrosez les enfants, arrosez-les, bon sang ! De sécurité. D’insolence. De joie.

 

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4 décembre 2014 4 04 /12 /décembre /2014 06:10

Dans un commentaire posté sous une chronique délétère, du bedeau d’Hubert, contre Isabelle Saporta, un anonyme de la petite bande qui se goberge dans les GCC en prenant des poses de grands amateurs, m’a traité de « grouillot de Rocard » et ce matin je me dis, à nouveau, que je suis fier d’avoir consacré une décennie de ma vie à travailler pour lui.


Ce jeune homme de 84 ans, qu’une sale rumeur lancée sur Twitter annonçait mort hier, lorsqu’il prend sa plume, pour coucher le fruit de ses réflexions, garde une fraîcheur que devrait lui envier beaucoup de jeunes loups aux idées aussi courtes que leur coupe de cheveux.


Dans une tribune publiée par LE MONDE  du 03.12.2014 il remet avec brio les pendules, de ses petits camarades socialistes, à l’heure.


Vous allez me dire : nous n’en avons rien à fichtre !


C’est votre droit le plus strict, comme c’est le mien de redire que je préfère avoir été le grouillot de cet homme-là que le porte-serviette ou le cireur de pompes d’hommes qui, après tout, ne font que du vin, aussi grand et prestigieux qu’il soit ou veuille être. L’histoire des hommes s’écrit encore en lettres d’or avec l’encre de ceux qui œuvrent pour l’intérêt général.  La dépréciation du service du bien public est malheureusement la marque de notre temps entièrement focalisée sur nos intérêts particuliers.


Voilà, c’est dit.


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Michel Rocard en octobre 2013/ Maxppp

 

« L’un des drames les plus profonds de la période est la disparition du temps long. Depuis que l’écran a remplacé l’écrit, tout ce qui est complexe comme tout ce qui se situe et se comprend dans la longue durée a disparu de nos façons de réfléchir. C’est un suicide de civilisation. Les médias le leur demandant, les politiques d’aujourd’hui jouent à l’instantané (effet d’annonce…), ce qui est stupide et inefficace, et contribue à tuer leur beau métier qui consiste à planter des cèdres – des institutions, des procédures, des règles – en évitant de tirer dessus pour qu’ils poussent plus vite.


Si le consensus se fait sur la vision, il vaudra aussi pour la méthode : c’est progressivement que se mettront en place les éléments de la nouvelle société, dans l’énergie, le temps, la culture puis l’art de vivre. La machine devra continuer à marcher tout au long, ses cruautés et ses injustices ne s’effaçant que progressivement. »


L’intégralité de la TRIBUNE ICI link

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4 décembre 2014 4 04 /12 /décembre /2014 00:09

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Immanquablement, dans certains débats décousus et cafouilleux sur Face de Bouc, lorsque les échanges deviennent vifs, sur des sujets chauds concernant le petit monde du vin, débarque un chevalier blanc pour tancer ce petit monde gaulois d’un « Vous feriez mieux de parler du vin ! »


Sous-entendu, en vous chamaillant ainsi publiquement, vous nuisez à la juste et belle cause du vin.


Le monde du vin, dans toutes ses composantes, vit, comme chacun sait, hors du monde, c’est tout juste s’il fait de l’agriculture, du jus fermenté, du commerce, tout le monde s’y aime, s’y apprécie, s’y congratule. La convivialité consubstantielle à la nature du vin rejaillit sur tous les membres de la communauté, les extirpant du commun des mortels. Comme le chantait Jean Yanne « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil »


Le monde du vin ne serait donc qu’un long continuum de communiqués de presse flatteurs, repris tous en chœur, twittés par de petites mains aux ongles carminés. « Tous ensemble, tous ensemble… »


Sus aux mauvais coucheurs, des deux sexes bien évidemment, ces empêcheurs de tourner en rond qui osent aborder devant le bon peuple les sujets qui fâchent. Il faut les mettre à l’index, les blacklister, les jeter hors du paradis terrestre. Ce ne sont que des envieux, des qui n’aiment pas la réussite, des moutons noirs.


Tout est donc bien dans le meilleur des mondes, celui du vin. Les plus aventureux concèdent, avec une belle dose d’hypocrisie, que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire qu’il faut se contenter de laver le linge sale en famille, à huis-clos loin.


En famille, le mot est lâché.


Je pourrais m’en sortir soit avec le « Familles, je vous hais » d’André Gide ou avec la chanson de Maxime Le Forestier « On choisit pas ses parents/on choisit pas sa famille/On choisit pas non plus les trottoirs de Manille /De Paris ou d'Alger/Pour apprendre à marcher »


Mais comme j’ai mauvais esprit je préfère me référer à un bordelais pur sucre grand pourfendeur de l'hypocrisie sociale, en effet nul n’a surpassé la force subversive d'un Mauriac dans le domaine du pesant  huis-clos familial.link 


«Alors, jeune homme, on me prend ma clientèle?» lança François Mauriac, l’auteur du Nœud de vipères, à Hervé Bazin, dans les couloirs de Grasset, alors que ce dernier venait de publier Vipère au poing.


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Hervé Bazin, le petit-neveu de René Bazin de la Terre qui meurt, osait écrire, dans ce roman qui connut en 1948 un immense succès, « que toutes les mères n'étaient ni parfaites ni sacrées, même dans la bonne bourgeoisie catholique de province ». Après le succès du roman, sa mère, avec qui le romancier entretint des rapports réciproques de «malveillante estime», dira : «Mon fils m'a maltraitée, mais il m'a rendue immortelle.» Sa mère, la tyrannique «Folcoche» du roman, qu'interprétera Alice Sapritch à l'écran. Folcoche, du patois angevin pour désigner la truie qui mange ses petits aussitôt après avoir mis bas.


Avec « le mariage pour tous » la famille a fait un retour en force dans une société où l’on divorce comme l’on change de chemise et où triomphe le concept de famille recomposée.


Mais qu’est-ce donc que la famille ?


« Tout le monde sait ou croit savoir ce qu'est la famille. Elle est inscrite si fortement dans la pratique quotidienne, elle est d'une expérience si intime et si « familière » qu'elle apparaît de façon implicite comme une institution allant de soi, un « donné » naturel et, par une forme d'extension somme toute logique, comme un fait social universel.


 La catégorie de donné naturel et celle de fait universel se confortent mutuellement : la famille doit être universelle si elle est naturelle ; elle est naturelle si elle est universelle. En l'occurrence d'ailleurs, à ce niveau, qui est celui des représentations populaires, la croyance en une universalité naturellement, presque biologiquement fondée de la famille ne renvoie pas à une entité abstraite qui serait susceptible de prendre des formes variées dans le temps et dans l'espace ; elle renvoie, au contraire, de façon précise, au seul mode d'organisation qui nous soit familier en Occident. Les traits les plus marquants en sont : la dimension réduite au couple formé par un homme et une femme et à leurs enfants ; la monogamie, tout au moins dans un même temps ; la résidence virilocale ; la transmission du nom par les hommes ; l'autorité masculine.


Je m’égare me direz-vous.


Pour faire la transition avec mon sujet un titre dans la presse du WE : Sarkozy, chef de famille décomposée.


« Le terme famille est également utilisé par analogie symbolique pour désigner des regroupements dont les liens ne sont pas fondés sur la parenté. De même, des individus partageant des pratiques ou des idéologies communes peuvent parler de famille, alors qu'aucun lien de sang ne les lie : on parle ainsi de famille politique, de frères d'armes, etc. Il existe par exemple la famille religieuse dans les couvents et les communautés : ainsi les religieux s'appellent-ils entre eux frère, sœur, père, mère. Des entreprises ont également ce type de politique : mettre les employés dans une atmosphère et des relations telles qu'ils se sentent appartenir à la même famille que les autres employés et que leurs dirigeants. On utilise alors parfois le terme de gestion paternaliste du personnel. »


En ce sens-là on peut estimer que la famille des gens du vin existe, qu’elle a même une certaine consistance, même une cohérence, mais elle ne constitue pas pour autant un bloc monolithique, indifférencié. Elle est soumise aux mêmes tensions que tout groupe social de grande dimension, elle est traversée par des contradictions, des oppositions, et donc n’est pas réductible à une image d’Epinal pour dépliant oenotouristique.


J’ai toujours préféré le néo-réalisme italien, bien cru, au péplum hollywoodien, en technicolor. À chacun son job, je laisse aux lustreurs de poils leur travail, ils en vivent plus ou moins bien. Cependant, cette promiscuité nuit bien plus largement à la crédibilité du monde du vin que les rares écrits tentant de cerner la réalité.


Alors ma plume, qui a commis à ce jour 4630 chroniques, se porte là où j’ai envie d’aller, sans contrainte ni recherche d’un quelconque retour. Elle glane. Ça m’est facile d’être libre car je ne fais pas vraiment parti de la famille, je ne suis même pas une branche rapportée, simplement un consommateur parmi d’autres, un buveur assis qui ne passe pas sa vie à chanter les louanges du Dieu vin.


Alors camembert les adorateurs, j’estime avoir le droit de dire, d’écrire, ce qu’est le monde du vin, cette grande famille, et ce faisant je participe bien plus qu’eux à l’extension du domaine du vin en ouvrant portes et fenêtres en grand.


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