Les Vignerons indépendants de France, les VIF, ont le sens de la mise en scène, leur prochaine Rencontres nationales, des 13 et jeudi 14 avril, la 9e édition, est exemple remarquable de storytelling.
L’accroche tout d’abord : ce grand rassemblement aura lieu cette année en Côte d'Or, en Bourgogne. Et qui dit « Bourgogne » dit évidemment « terroir » souligne Thomas Montagne, le président de ce syndicat commerçant.
« Ce sujet est au cœur de tous les vignerons indépendants. Nous avons chacun nos terroirs, ils font partie de l'histoire que l'on vend ».
Parfaite homothétie entre le lieu et le thème, en l'enjeu des Rencontres 2016 sera donc de montrer « comment chaque vigneron peut valoriser son terroir pour en faire une terre d’exception ».
Et tout naturellement, le cérémoniel atteindra son apogée lors de la table-ronde du jeudi après-midi, où les deux grand-prêtres de l’INAO, les deux présidents des comités nationaux IGP et AOP de l'INAO, Christian Paly et Jacques Gravegeal, croiseront le fer, en une controverse à fleurets mouchetés.
En effet, « La question sera posée de savoir si seule l'AOP est synonyme de terroir... Les vignerons indépendants qui produisent des vins sans indication géographique parce qu'ils ne sont pas dans les règles de l'AOP ne produisent-ils pas pour autant des vins de terroir ? Une appellation régionale est-elle réellement basée sur le terroir ? »
Ironie de l’Histoire, c’est un coopérateur, Christian Paly (Tavel) qui défendra le pré-carré des AOP, alors que les IGP auront comme porte-parole Jacques Gravegeal qui a bâti les vins de pays d’Oc contre la coopération régionale. Les temps changent et, après tout, c’est heureux.
Le mérite de la question posée par les VIF c’est qu’en effet, les AOP et les IGP sont géolocalisés tout comme l’étaient nos AOC, nos VDQS et nos vins de pays.
Tout cep de vigne plonge ses racines dans un sol, un lieu-dit, alors pourquoi ne pas terroiriser ces vins délimités géographiquement.
Oui mais alors pourquoi pas étendre cette conception au Vin de France qui, eux aussi, ont des limites qui sont les frontières de notre beau pays.
Cette extension aurait d’autant plus de sens que beaucoup de vignerons borderline, les producteurs de vins nus honnis par les dégustateurs assermentés, sis dans des AOP prestigieuses, choisissent ou sont contraint de classer leurs vins excentriques en Vin de France.
Mais comme les piles Wonder qui ne s’usent que lorsque l’on s’en sert, l’extension du domaine du terroir à quasiment tous les vins de France l’usera jusqu’à la corde pour le transformer en un discours redondant qui se noiera dans le grand lac des vins sans personnalité qui peuplent les rayonnages de la GD.
Et si un jour dans les congrès syndicaux, même ripolinés en débat entre grands chefs, on abordait vraiment les questions de fond, celles qui engagent l’avenir, en invitant des intervenants qui ne font pas partie de la grande maison INAO, nous éviterions des lendemains qui déchantent pour beaucoup de vignerons qui pratiquent la vente directe. Le monde change, les consommateurs aussi, comme le disait les 68-hard le vieux monde est derrière nous.