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11 novembre 2006 6 11 /11 /novembre /2006 00:34
Pour le nouveaux arrivants, ceci est la suite de mes écrits du samedi et du dimanche qui ont commencé le 7 octobre... Pour eux machine arrière toute... Pour les autres merci de votre fidélité...

Moi la belle gueule, grand ramier indifférent, j'avais bonne mine avec mes conneries sur le potentiel d'amour des laids. Bourré de sommeil je me sentais sale de l'intérieur, infect, rien qu'un pourri-gâté. Comme je déteste les petits matins blafards, ils me glacent, me donnent envie d'un bol de café au lait à la cuisine, coude sur le formica, les pieds dans des charentaises, face à bobonne en robe de chambre ; m'enfouir dans la douce chaleur du foyer. M'offrir l'hôtel me sembla le seul antidote à mon état de minable lamentable. Pas n'importe lequel hôtel, la gamme au-dessus du bouge pour VRP en costume tergal, le genre un poil vieillot avec baignoire à gros robinets qui pissent drus. Le Terminus St Lazare m'allait bien. Vu ma dégaine crasseuse je me l'offris, en anglais, avec une poignée de dollars et juste ce qu'il faut de mépris. Le loufiat de la réception me traita avec les égards du au duc de Windsor ; dans les taules de luxe ça marche à tout coup le mépris.

Je me suis éveillé sur les coups de cinq heures de l'après-midi. J'étais près. C'est par Chantal que j'ai commencé. Après elle je m'étais laissé glissé en pente douce dans l'indifférence. Sans effort apparent, ni frustration, j'adoptais une abstinence sereine, rangeant les filles dans la catégorie des plantes d'ornements. Face à ce retrait, certains garçons de mon entourage en déduire, à tort, que leur heure était venu. Trop de poils, trop de muscles, trop facile, je les éconduisais en soupirant. De cette période de chasteté non contrainte je garde un souvenir de force contenue, forme la plus accomplie de la maîtrise de ce que mes frères de chaîne, les mecs, qualifient de besoins physiologiques. Chantal m'avait lavé des hantises sexuelles propres aux garçons de mon âge. Ma réclusion n'avait pourtant rien de monacale, j'occupais l'essentiel de mon temps à l'observation des femmes mariées. Dans mon bestiaire féminin, l'épouse, la jeune épousée surtout, présentait la supériorité d'être potentiellement pécheresse. Son serment de fidélité, tel celui de chasteté des prêtres, la plaçait en première ligne de la tentation : la chair est si faible et le plaisir si fort.

Le clan des femmes, en choeur, chantait mes louanges : j'étais en avance, j'apprenais tout ce que je voulais... et moi de soupirer dans mon fors intérieur que j'échangerais tous les prix d'excellence du monde pour le corps d'une de ces femmes mariées qui ne peuplaient que mes rêves. Du haut de mes seize ans elles m'étaient inacessibles. Pour une fois, mon avance ne me servait à rien, ces dames allaient chercher dans des bras plus puissants le plaisir défendu. Comment auraient-elles pu imaginer que ce grand gamin, même s'il était dépourvu d'acnée, lorsqu'il pointait son regard noir sur elles, c'était pour les déshabiller avec une volupté dont les privaient leurs rustres amants ? Elles m'ignoraient. Ne pouvant pousser plus avant les feux de mon désir, et comme je ne pouvais user de ma plume, je restais encalminé. Sur mes cahiers secrets je brocardais leur mol abandon dans des bras si semblables à ceux de leur époux légitime. Quel manque d'imagination ! J'enrageais.

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10 novembre 2006 5 10 /11 /novembre /2006 00:05

La création de valeur est le concept à la mode avancé par les prédateurs lors d'une OPA inamicale pour séduire les actionnaires de la proie et emporter le contrôle du capital. Ainsi, en dépit de sa compétence reconnue et de sa communication tout azymut, Guy Dollé le PDG d'Arcelor, a été prié d'aller jouer ailleurs et les Indiens qu'il avait pris de haut se sont retrouvés aux commandes.

Le " groupe vin de France " depuis l'an 2000, à l'exception trompeuse de 2004, se caractérise par le concept de destruction de valeur. On peut en effet constater, qu'à potentiel constant, au cours de cette période, la valeur de la production s'est situé en moyenne à 500 millions d'euros au-dessous du chiffre d'affaires lui permettant de générer de la valeur. Il ne faut donc pas s'étonner que la moyenne du résultat par actif, déflatée par l'indice su prix du PIB, a été en chute libre de façon constante en atteignant des pourcentages à deux chiffres en 2002-2003 : - 25,2% et - 36,5% en 2004-2005 pour les vins d'AOC. La conclusion du rapport annuel d'activité 2005 de Viniflhor est sans appel " Avec un résultat agricole en chute - 36,5% le secteur viticole se retrouve à 50% au-dessous de son niveau des années 1998-1999." 

Dans tout autre secteur la conjonction de volumes abondants et de qualité avec une baisse des prix à la production devrait permettre sur les marchés extérieurs une reconquête des parts de marché perdues. Ce phénomène, même si on peut le constater sur certaines destinations, n'a pas - faute d'une force commerciale suffisante et de rigidités savamment entretenues par les tenants de l'immobilisme - pris une ampleur suffisante pour freiner l'érosion de la valeur. Sur notre marché domestique, où l'inélasticité de la demande est telle, la chute des prix n'apporte aucun consommateur supplémentaire et surtout continue  à dévaloriser l'image du produit. On peut continuer à gloser sur les efforts de promotion, l'éducation ou sur les ennemis du vin, le galvaudage de la valeur à des effets bien plus ravageurs.

Que faire, me direz-vous ? Sortir du tête à tête classique de l'économie de cueillette, destructrice de valeur, où à moyen terme tout le monde est perdant y compris ceux qui conjoncturellement empochent des marges. Comment voulez-vous bâtir des marques sur un tel système fondé sur le perdant-perdant ? Qui peut penser que la France du vin puisse retrouver de la vitalité en détruisant de la valeur dans le coeur de son propre marché ? Seuls les démagogues traditionnels, qui n'ont jamais vendu une bouteille de vin, en tirereront parti en pointant le doigt sur les habituels boucs émissaires. Le temps perdu ne se rattrappe jamais dit le bon sens populaire mais de grâce que le syndicat des bras croisés et des verbeux ait la décence de s'auto-dissoudre et de laisser les vrais opérateurs se mettre en position d'enclencher le cercle vertueux de la valeur... 

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9 novembre 2006 4 09 /11 /novembre /2006 00:05

- Les critiques gastronomiques sont-ils vendus ?
Disons qu'il y en a de moins honnêtes que d'autres. Ceux qui ne paient pas les additions et ceux qui ne les demandent même pas (rires). Tous les journalistes culinaires le savent. Quand ils s'annoncent sous leur véritable identité dans un restaurant, ils sont sûrs d'être traités comme des VIP. Avec trois cuistots autour de leur assiette. Et les meilleurs produits dedans. Forcément, cela fausse le jugement.
-
Dans votre livre, vous mettez également en cause la fiabilité des guides. Pourtant certains d'entre eux comme le Lebey indiquent le jour de leur venue dans le restaurant critiqué. N'est-ce pas un gage d'honnêteté?
- J'ai comparé les dates indiquées avec un calendrier. Certains jours, ils sont allés dix fois au restaurant. Mais le plus drôle, c'est que le jour qu'ils indiquent tombe parfois un dimanche, quand le restaurant est fermé... S'ils payaient et visitaient tous les restaurants dont ils parlent, cela leur reviendrait à 40 000 euros de notes de frais. Beaucoup trop cher pour des ventes assez limitées.
-
Vous n'êtes pas tendre avec la jeune génération, non plus ?
Autant la vieille garde est ronde, hédoniste, jouisseuse, autant les jeunes journalistes sont souvent maigrelets, tristes comme un jour sans pain, déjà blasés. Savez-vous que certaines critiques femmes se font vomir après un repas trop copieux ? Pour renouveler la critique et l'approche de la gastronomie, la génération a lancé le Fooding contre les institutions comme le Michelin ou le Gault-Millau. Très bien. Mais en multipliant les grandes manifestations un peu partout, ce mouvement a eu besoin de moyens, donc de sponsors. Souvent des grands groupes alimentaires. Résultat : ils ont été vite pris dans les rets d'un système qu'ils dénoncent par ailleurs.

Extraits d'un livre de Thierry Wolton publié chez Grasset "Bon Appétit, messieurs!". Celui-ci a été pendant quinze ans, alias Léon Fourneau, le critique gastro de "Elle". Il met les pieds dans le plat sans pour autant se décerner le titre de chevalier blanc de la profession.

Pour en rajouter une couche, je cite François Simon, critique du Figaro, unanimement reconnu comme respectant la déontologie de la critique, " La critique gastronomique est devenue une littérature courtisane, courtoise et lâche. Avec un niveau déontologie assez bas..." Vous allez me dire que je radote ou que je fais une fixation sur les critiques. Absolument pas, le critique et la critique sont indispensables au débat, mais c'est un art difficile qui exige de s'élever au-dessus des contingences matérielles et de ne pas se faire prendre les doigts dans la confiture. Alors, je me marre quand je vois certaines signatures au bas de Manifeste de défense de la pureté de notre divin nectar. Comment voulez-vous qu'un gugusse qui passe son temps à faire le "beau" à la TV puisse ensuite nous faire accroire que sa venue dans les restaurants passe inaperçue ? Rires ! Pour ce qui est de sa venue chez les vignerons c'est du même tonneau. Monsieur à droit aux égards dus à son rang, il ne boit que dans son verre à la con le Bibendum arrogant.

 

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8 novembre 2006 3 08 /11 /novembre /2006 00:04

Dans le film Modovino, Michel Rolland, s'est rendu célèbre auprès du grand public avec son " oxygénez, oxygénez..." Il me semble donc normal que le Berthomeau en pot, pur produit du terreau techno, OPM (1), cultivé en bureau, lui aussi, de temps à autre, a besoin d'oxygéner son outil de travail, d'offrir à sa petite tête, dont il pense qu'elle pense, un grand bol d'air.


Grâce soit rendue aux lecteurs de ce blog qui me sortent. Pour moi, ce dernier lundi, ce n'était que du bonheur que de débarquer du TGV à Valence et de me retrouver, sous un franc soleil de novembre, dans le vignoble de l'Hermitage. Inspirer, respirer, en prendre pour les jours de rien, reverdir. Invité d'Amaury Cornut-Chauvin, le président de la cave de Tain L'Hermitage, j'ai pu me shooter, sans modération, à la beauté du lieu. Ici le terroir n'a pas besoin de mots, il est. La main de l'homme l'a modelé, inscrit dans le paysage, sculture d'automne entre terre et ciel, le vignoble de l'AOC Hermitage est l'exemple vivant de ce qui fonde l'origine, signe ses vins bien plus que les textes règlementaires. C'est le fruit d'une histoire, qu'ont écrit, et qu'écrivent encore, les hommes et les femmes de ce territoire. Du cep à la bouteille portée au-delà des mers, c'est la plus authentique des signatures, celle d'une belle entreprise humaine qui mêle tous les métiers. 

 

L'oxygène, ce lundi, je l'ai aussi trouvé, le soir venu, à la tribune de l'AG de la coopérative, en écoutant Julie Campos, la directrice de l'entreprise. Propos précis et clairs, sans faux-fuyants, la confirmation d'une orientation stratégique qui, en dépit des difficultés de l'heure, préserve le cap choisi par une entreprise de taille moyenne ancrée dans son territoire, rejette la fuite en avant et conforte les acquis d'une politique commerciale tournée vers les marchés. Notre secteur a besoin de dirigeants, d'entreprenants, hommes et femmes de conviction qui, au lieu de s'adonner au déclinisme, au petit jeu des appareils professionnels, de subir le poids des immobilismes, ne masquent pas les difficultés aux viticulteurs, prennent le risque de déplaire, agissent et se donnent les moyens de nous remettre sur les chemins de la reconquête.


Merci à ce beau tamdem, président-directeur de m'avoir aéré la tête, de m'avoir conforté dans ma conviction que nous avons les ressources pour garder notre rang de grand pays du vin si nous acceptons d'affronter le grand large avec détermination, en assumant les choix que nous impose la grande mutation du marché mondial. Aujourd'hui mardi, ce fut une autre histoire, dans la grande serre du Parlement Européen, à Bruxelles, colloquant,j'ai manqué d'air et c'est avec plaisir que j'ai regagné le soir venu mon bon vieux macadam Parisien pour reprendre mon grand vélo avec, dans un coin de ma petite tête de zozo, plein de morceaux de beau...  


(1) Organisme Politiquement Modifié  

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7 novembre 2006 2 07 /11 /novembre /2006 00:04

« Six personnes sont maintenant réunies autour d'une table ovale assez jolie, probablement en simili-acajou. Les rideaux, d'un vert sombre, sont tirés ; on se croirait plutôt dans un petit salon. Je pressens subitement que la réunion va durer toute la matinée.


Le premier représentant du Ministère de l'Agriculture a les yeux bleus. Il est jeune, a de petites lunettes rondes, il devait être étudiant il y a encore peu de temps. Malgré sa jeunesse, il donne une remarquable impression de sérieux. Toute la matinée il prendra des notes, parfois aux moments les plus inattendus. Il s'agit manifestement d'un chef, ou du moins d'un futur chef.


Le second représentant du ministère est un homme d'âge moyen, avec un collier de barbe, comme les précepteurs sévères du Club des Cinq. Il semble exercer un grand ascendant sur Catherine Lechardoy, qui est assise à ses côtés. C'est un théoricien. Toutes ses interventions seront autant de rappels à l'ordre concernant l'importance de la méthodologie et, plus généralement, d'une réflexion préalable à l'action. En l'occurrence je ne vois pas pourquoi : le logiciel est déjà acheté, il n'y a plus besoin de réfléchir, mais je m'abstiens de le dire. Je sens immédiatement qu'il ne m'aime pas. Comment gagner son amour? (...)


Le troisième représentant du ministère est Catherine Lechardoy. La pauvre a l'air un peu triste ce matin ; toute sa combativité de la dernière fois semble l'avoir abandonnée (...)


Le quatrième représentant du ministère est une espèce de caricature du socialiste agricole : il porte des bottes et une parka, comme s'il revenait d'une expédition sur le terrain ; il a une grosse barbe et fume la pipe ; je n'aimerais pas être son fils. Devant lui sur la table il a ostensiblement posé un livre intitulé : « La fromagerie devant les techniques nouvelles. »  Je n'arrive pas à comprendre ce qu'il fait là, il ne connaît manifestement rien au sujet traité ; peut-être est-il un représentant de la base. Quoiqu'il en soit il semble s'être donné pour objectif de tendre l'atmosphère et de provoquer un conflit au moyen de remarques répétitives sur «  l'inutilité de ces réunions qui n'aboutissent jamais à rien », ou bien sur «  ces logiciels choisis dans un bureau du ministère et qui ne correspondent jamais aux besoins réels des gars, sur le terrain ».


 

Qui a écrit ce petit bijou de compte-rendu d'une réunion ordinaire au Ministère de l'Agriculture ?

 

A vos claviers chers lecteurs, je vous donnerai des indices dans les jours qui viennent si vous ne trouvez pas. Bon courage !

 

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6 novembre 2006 1 06 /11 /novembre /2006 00:04

" On nous a vanté cette cave pour sa façon originale de classer ses vins en fonction, non pas des terroirs, mais de leur accord avec les mets (on parle de congruence). Nous avons donc rendu visite aux cavistes associés, publicitaires fraîchement reconvertis. " Voilà un fromage de chèvre. Que me proposez-vous de boire en accompagnement ? " La parole est à Pierre-Benoît : " Moi, tout de suite, je dis : sauvignon. S'il est un peu sec, chenin. S'il est plus onctueux, peut-être un vin plus suave, mais naturellement, je suis sûr du sauvignon. " Qu'en pense Jérémy ? " Moi, je partirais sur un vin plus suave car votre chèvre à l'air assez gras. Je vais sur un crozes-hermitage de chez Marc Sorrel. " Un vin blanc est suggéré dans les deux cas. Reste à savoir lequel, du sauvignon (clos-de-roche-blanche, Roussel-Barrouillet, Touraine 2004) ou de l'hermitage, va être le mieux adapté à notre cas précis. Ce sera le sauvignon, qui épouse si merveilleusement ce fromage que l'on se demande si les chèvres des Deux-Sèvres n'ont pas joué à saute-moutons dans les vignes de Touraine !"


Du pur jus, du pur style de la Génération radicale-chic (Clémentine Autin, Stéphane Pocrain, Olivier Besancenot...) nouvelle catégorie de trentenaires rouges pleines de mots de passe " Les Inrocks ", Act Up, Têtu... et c'est dans Sortir supplément chic du très redresseur de torts Télérama, à propos d'un truc branchouille : Mes accords mets-vins...

 

Pourquoi diable ce matin vous livrer ce petit ticket chic et choc ? Trois raisons au moins :


- la congruence tout d'abord : Vx ou littér pour le Robert : fait de convenir, d'être adapté... On se la pète avec un mot grave pour épater le bourgeois.


- ensuite les nombres congrus par rapport à un troisième, dont la différence est divisible par ce dernier (module) 8 est congru à 12 modulo 2. J'adore !


- enfin, parce ce texte contient une incongruité majeure pour les défenseurs du vin à la française point com. Laquelle, chers lecteurs ? A vos claviers, notre pur nectar est en danger même dans la patrie de la boboïtude !


Pour clore, je peux aussi vous confier que ce texte contient un indice vous permettant de savoir où je passe ma journée de lundi et une image subliminale du grand débat de la guerre des Roses. Y'a pas à dire Pierre-Benoît, ce blog Berthomeau c'est vraiment du tout chaud mon coco ! Il est en pleine congruence ce mec !

 

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5 novembre 2006 7 05 /11 /novembre /2006 00:11

Les loupiotes jaunasses de cet autorail qui se traînait, de gare vide en gare vide, donnait à mon reflet dans la vitre piquée des contours mous, fienteux. A chaque démarrage, le diesel exhalait des remugles acides et ses gros hoquets agitaient la carlingue. Nous étions, en tout et pour tout, trois : une grosse femme sans âge qui tricotait avec une obstination mécanique, un jeune type au faciès de cheval qui dormait la bouche ouverte, et moi bien sûr qui attendait. Le contrôleur devait avoir couché avec son uniforme. Il dégageait un mélange de tabac froid, de slip ancien et d'huile de friture. Lorsqu'il poinçonna mon ticket je remarquai ses ongles longs, bombés et incurvés, sales. On aurait dit des serres d'aigles. Ca me donnait envie de gerber. Fallait que j'en grille une. Je fourrageais dans mon sac à la recherche de ma boîte à rouler. Mes calbars et mes chaussettes se mêlaient avec tout un fatras de papiers que je trimballais en permanence. Officiellement pour écrire, des notes, ça faisait un sacré temps que je n'avais pas aligné une phrase. Le petit bouquin me tomba dans la main. Je le caressai.

 

Dans un craillement de freins notre équipage stoppait en gare d'Evreux. Les néons du quai lâchaient dans l'habitacle une lumière crue de scialytique. Deux bidasses montaient en parlant fort. La tricoteuse nous quittait. Dans ma main droite le titre du petit bouquin m'étonnait : " Extansion du Domaine de la lutte ", ça sonnait comme du pur jus d'intello post-soixant-huitard non révisé, prétentiard. Si je l'ai ouvert c'est qu'il était édité par Maurice Nadeau. J'ai toujours eu un faible pour Nadeau. Y avait un nom écrit au crayon au revers de la couverture : Chantal Dubois-Baudry. Les patronymes à tiret m'ont toujours fascinés, à la manière de la transmutation d'un vil métal en or. Mon doyen de fac s'appelait Durand-Prinborgne et, comme raillait mon pote Bourrassaud, quand je m'extasiais sur un Dupont-Aignan ou une Debrize-Dulac " et mon chauffe-eau c'est un Saunier-Duval..." La Dubois-Baudry était la reine du soulignage alors j'ai survolé les phrase soulignées du petit bouquin frippé. Et puis y'en a une que j'ai relu trois fois " Au métro Sèvres-Babylone, j'ai vu un grafiti étrange : " Dieu a voulu des inégalités pas des injustices " disait l'inscription. Je me suis demandé qui était cette personne si bien informée des desseins de Dieu. " J'ai fait machine arrière et je me suis plongé dans le petit bouquin frippé au titre étrange.

 

Arrivé à St Lazare j'ai trouvé refuge dans un café graisseux où un garçon aux cheveux pelliculeux et aux ongles sales, c'était le jour, m'a gavé de demi de bières tiédasses. Quand j'eus fini j'allai pisser. Les toilettes étaient à la hauteur du standing de l'établissement ce qui ne m'empêcha pas de me poser sur la lunette. J'étais encore dans le petit bouquin. Le petit bouquin était sur mes cuisses. C'est alors que j'ai découvert le nom de l'auteur : Houellebecq. Etrange, ça sonnait comme un nom d'abbaye. Ce Houellebecq m'avait dérangé. Il m'énervait même si son style atone, minimal, s'élevait parfois jusqu'à devenir Bovien. Son Tisserand, l'un de ses personnages, venait de détruire mon postulat de la laideur. Ce type " dont le problème - le fondement de sa personnalité, en fait - c'est qu'il est très laid. Tellement laid que son aspect rebute les femmes, et qu'il ne réussit pas à coucher avec elles. Il essaie de toutes ses forces, ça ne marche pas. Simplement elles ne veulent pas de lui..." Ce type grotesque, lamentable, j'avais envie de tirer la chasse d'eau sur lui mais je ne pouvais pas. Que pouvait-il faire ce laid, en dehors de se résigner, d'épouser une moche, d'aller aux putes ou de devenir riche ?

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4 novembre 2006 6 04 /11 /novembre /2006 00:05

Son marché je l'avais accepté sans protester. Chantal partait le lendemain travailler à Paris. Nous nous sommes plus jamais revu. Bien des années plus tard, dans la salle d'attente d'une gare, je ne me souviens plus où, ce devait être au fin fond de la Manche, à Valognes, sur une banquette de skaï craquelé, j'ai ramassé un bouquin de poche défraîchi. Comme j'ai horreur de voir les livres abandonnés, ça me fache, je l'ai fourré dans mon sac à dos sans même regarder le titre et puis je me suis avachi sur la banquette. J'étais en avance. Je n'avais aucune raison d'être en avance mais j'avais décrété que je ne voulais pas rater le train. Tout le monde s'était marré vu ma situation de glandeur professionnel. Une bonne demi-heure à tirer. Attendre ! Dans ce bout de ma vie je passais mon temps à attendre. Je n'attendais rien mais j'attendais. Complaisant je passais mes jours à m'apitoyer sur moi-même en grillant des clopes roulées et en éclusant des bières.

Quand j'ai trouvé ce petit livre, je pense que ce devait être le jour où j'étais allé voir Bourassaud, mon ancien commissaire, et que nous avions carburé, trois jours durant, au Calvados. Ma tête faisait office de laminoir. Je pelais de froid alors qu'il faisait tiède. Bourassaud m'avait prêté un vieux pull qui sentait le moisi. Ca ne me dérangeait pas car j'étais moisi moi-même. Le dimanche nous avions bouffé comme des chancres des trucs qui baignaient dans la crème en sifflant des bocks de cidre. Marie-Jo, la femme de Bourrassaud m'aimait bien. Elle était plantureuse, sensuelle et, surtout, elle portait des bas. Les bas et les portes-jarretelles ce n'est pas mon truc. Je trouve que ça fait chaudasse. Pourtant, j'avoue que Marie-Jo, qui dans ce trou pourri s'habillait avec goût, donnait aux bas résilles un charme qui me troublait. Elle n'allumait pas Marie-Jo, non, elle se contentait d'aller de venir, de s'asseoir, de se relever avec grâce. Moi je la contemplais. Elle accrochait un petit sourire à ses lèvres bien dessinées et me raccompagnait toujours à la gare. 

Dans la 4L le spectacle de ses cuisses à demi-découvertes me chavirait mais je résistais. Ce dimanche-là, avant même que je ne m'extrais de la carlingue, Marie-Jo m'avait dit " Benoît, tu deviens moche, c'est triste qu'un type comme toi se vautre dans le n'importe quoi. Fais-moi plaisir ne reviens plus..." Bien sûr ça m'avait un peu secoué mais je m'étais contenté de lui sourire bêtement en lui jetant un regard vide. Me précédant elle m'avait accompagné jusqu'au guichet. Moulée dans un jeans taille basse et un pull angora vert anglais lui découvrant le nombril, la Marie-Jo, toute rousseur dehors, me donnait soudain envie de sortir de mon koaltar. Je trouvais la force de grogner un " t'as raison faut que je me lave... " pâteux. Ca l'avait fait rire et, en voltant, elle m'avait roulé une pelle monstrueuse que j'avais recueilli comme une huître pas fraîche. Avant que je ne réagisse elle était déjà partie. C'était mieux comme ça. Chasser sur les terres des amis ce n'est pas mon genre et puis, en ce temps-là, je ne chassais pas du tout. Marie-Jo valait mieux qu'un détritus dans mon genre. Ma libido défaillante me précipita dans un profond sommeil. Je ratai l'express et je du m'embarquer, à la nuit tombée, dans un tortillard.    

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3 novembre 2006 5 03 /11 /novembre /2006 08:07

Nous atterrissons à l'heure, il fait nuit, deux heures de décalage avec Paris, l'aéroport de Cheremetevo n'est pas de la première jeunesse, il fait froid et des tas de neige sale bordent la chaussée. Irina nous pilote avec doigté sur une autoroute surchargée, la circulation est anarchique et les grosses cylindrées se mêlent à des tacots antiques et à un fort contingent de camions ; nous sommes sur la route de StPétersbourg le port qui alimente Moscou. Les néons multicolores des centres commerciaux crachent des noms d'enseignes connus : Métro, Ikea, Auchan... La publicité, elle aussi, est mondialisée : Nokia, Sony, Mercédès...

Ce soir, bal chez le gouverneur, je plaisante, nous nous rendons à une réception donné par l'ambassadeur de France avec l'Union des Grands Crus classés de Bordeaux. Nous sommes en retard et, malgré ses protestations, Irina nous accompagne en dépit de son jeans. La table de l'ambassadeur est très table d'ambassadeur, à côté de la plaque, et on s'ennuie ferme. Par bonheur, notre table, où nous retrouvons Jean-François et Maurice, est agréable. Les vins sont à la hauteur bien sûr et nous dînons Potel et Chabot.

Mardi, nous sortons de Moscou, direction Klin, à 60 km. Pyotr conduit son 4x4 à la russe, le cellulaire scotché à l'oreille. Circulation dense, police omniprésente. L'habitat est délabré mais de nouveaux lotissements poussent, colorés, sans plan d'occupation ; le foncier reste public. L'usine d'embouteillage en briques est bien tenue, les installations sont modernes. Le chef d'exploitation est un expatrié audois. La logistique en flux des vins venant de France, une administration lourde, des règlementations fiscales à géométrie variable : ha ! les bandelettes fiscales... Il faut avoir le moral. Pyotr et Irina sont philosophes, russes quoi ! Enfants de la l'ex nomenklatura, francophones, cultivés, ils me font toucher du doigt la Russie profonde. Passionnant.

Mercredi, bise glaciale, la Place rouge, les magasins Goum pour se réchauffer... Moscou explose sous le luxe. Tverskaïa oulitsa aligne les boutiques aux noms prestigieux. Les grosses BMW noires suivies de gros 4x4 noirs, vitres teintées, tracent une route impérieuse. Milices, mafias, prédateurs, l'économie est sauvage, tout est possible. Des types piccolent des bières dès le matin. Déjeuner au café Pushkin puis un grand tour dans Moscou avec Ilya : le Kremlin, l'ombre des hiérarques cacochymes et la main du nouveau tsar ; les hauteurs de Moscou : le mont des Oiseaux avec le bâtiment de 36 étages de l'université Lomosov, typique du style gothique stalinien ; le parc de la Victoire à la nuit tombée, un froid tranchant, les stèles de 1941 à 45 jusqu'à l'obélisque noire qui se détache sur un ciel plombé. Le seul rouge qui reste, ce sont les roulottes Coca Cola qui bordent l'allée monumentale. Retour au centre ville puis dîner chez JF, en famille.

Jeudi, crachin mi neige, ni glace, Moscou et ses bagnoles charrient une soupe noirâtre. Direction les magasins, voir l'offre vin dans les hyper, Auchan, un mur de bouteilles comme ici. La production locale est majoritaire mais les wines frenchies, avec leurs drapeaux tricolores autour du col, se détachent bien. En tête de gondoles, à côté d'un vin chilien Concha y Toro, nos deux leaders nationaux : Castel et Grands Chais sont présents. Le positionnement prix nous situe dans une bonne moyenne. Il est clair, que sur ce marché, une offre globale, qui allie volumes et flacons plus précieux peut séduire la nouvelle classe moyenne russe qui pousse son caddie. Sans vouloir radoter, la réponse de Cap 2010 est la seule à même de nous permettre d'occuper une place significative sur ces nouveaux marchés. Les russes aiment beaucoup les titres nobiliaires qui sont notre spécialité.

Retour in Paris, dans l'avion les nouveaux riches russes se la pètent grave. Le soleil nous accueille. La douane est très présente. Bon week end et, si vous le souhaitez, allez lire ma fiction samedi et dimanche sur ce petit espace de liberté... 

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2 novembre 2006 4 02 /11 /novembre /2006 00:04
" J'insiste tout particulièrement sur son Moulin à Vent 1921 et sur son vin de chèvre.
Le " Vin de Chèvre " est un vin qui se prépare en Suisse et en Haute-Savoie. C'est du vin blanc forcé, c'est-à-dire mis dans de petits fûts aux douelles prodigieusement épaisses, aussitôt après la pressée. Il y fermente et garde, enfermé dans l'enveloppe de chêne, l'acide carbonique provenant de la fermentation. Lorsque vous ouvrez le robinet spécial ajusté au fût vous avez l'illusion de voir le trait de lait qui s'échappe du pis d'une chèvre ; votre verre est rempli d'une mousse blanche...comme du lait, qu'il est d'usage d'avaler d'un trait.
Le vin de chèvre ne se vend pas ; le patron l'offre à ses bons clients qu'il invite à descendre à sa cave, car il se consomme sur place. Il arrive parfois qu'on descende avec plus d'assurance qu'on ne remonte ! "

Extrait de Voyages gastronomiques au pays de France de J.-A.P. Cousin chez Ernest Flammarion 1927 chiné pendant mes vacances.

L

e restaurant dont il s'agissait, c'était CHEZ GIRAUD(café de la Graineterie), 49, rue de la Bourse à Lyon.

A l'occasion je vous livrerai certaines de ces petites chroniques écrites d'une plume alerte, sans prétention, avec humanité, sans classement ou conseils, ça sent bon, ça donne envie d'aller Chez la Mère Pompom ou Chez la Mère Brazier...

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  • : Le blog de JACQUES BERTHOMEAU
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