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30 juin 2008 1 30 /06 /juin /2008 00:08


Xavier de Volontat est un homme courtois, pondéré et affable. C'est un Audois et, s'il est un département français que je connais bien, c'est bien l'Aude. Lorque je fus monsieur rapport il était président des VIF et j'ai toujours trouvé auprès de lui une écoute attentive et, même si certains de ses adhérents me considéraient comme un mécréant, bien souvent nos analyses convergeaient et nous partagions la même volonté de voir notre secteur adopter les réformes nécessaires à la nouvelle donne. Le voilà depuis quelque temps Président de l'APGV, représentation collective de la production viticole française, je me devais donc, avec le petit vent de réforme qui soufflotte encore, de le soumettre à mes 3 Questions. Je l'en remercie chaleureusement.

1ière Question :

Bonjour Xavier de Volontat, félicitations, vous venez d’être élu président de l’AGPV (Association Générale de la Production Viticole) : c’est quoi au juste l’AGPV ? Une petite sœur des autres AGP… de la FNSEA où le P se traduit par producteur ou seulement une cousine germaine qui regroupe la diversité des organisations de la Production viticole : CCVF, VIF, CNAOC et CFVDP ?

 

Réponse de Xavier de Volontat :

L’Association Générale de la Production Viticole (AGPV) est une organisation professionnelle déjà vieille de près de 15 ans. Elle est née de la volonté de la coopération viticole, des vignerons indépendants, des syndicats d’AOC et de VDP de créer une structure nationale de concertation et d’échanges sur toutes les problématiques liées à la production viticole française. Déjà, à cette époque, le besoin criant de se retrouver, d’échanger et de réfléchir ensemble était présent. Le parti pris des organisations membres était de créer une structure souple et légère, sans administratifs, avec une présidence tournante chaque année ; le secrétariat étant tenu par une organisation professionnelle différente de celle du président de l’AGPV.

Parler d’une seule et même voix sur un maximum de dossiers était une nécessité pour la production viticole qui a souvent montrée l’exemple de la division et de l’incohérence.

Dès la naissance de l’Association, les organisations professionnelles ont souhaité ouvrir les réflexions au syndicalisme à vocation générale en invitant à chacune des réunions des représentants de la FNSEA et des JA.

Nos relations avec la FNSEA, pendant près de 15 ans, ont tutoyé le chaud et le froid, et ont épousé les courbes d’une vie : des fiançailles au mariage (l’AGPV a été pendant quelques années adhérentes à la FNSEA) suivi, comme souvent, d’un divorce. Aujourd’hui, et pour reprendre mon image, nous avons repris le fil d’une relation commune sans habiter ensemble.

 

2ième Question : Dans sa conclusion à l’interview qu’il a donnée à Vin&Cie avant le Salon des Vins de Loire, Pierre Aguilas, qui a présidé comme vous l’AGPV au titre de la CNAOC, me déclarait : « La seule et unique action importante et urgente c’est que la CNAOC, les VIF, la CFVDP, la CCVF deviennent (au moins pour leur partie politique) qu’un seul syndicat. Ainsi le ministre ne recevrait plus qu’une délégation ultra réduite, mais puissante qui ne risquerait plus d’être démentie dès le lendemain. Mais je rêve... » Qu’en pensez-vous ? Rêvez-vous ? Dans les débats actuels sur la gouvernance de la filière où l’on oppose le tout régional au « supposé » centralisme national est-ce dans l’air du temps ?

 

Réponse de Xavier de Volontat :

Nous sommes un certain nombre à rêver, tous les matins en nous rasant, d’un monde meilleur. Je suis un de ceux là. Mais je suis aussi très réaliste : un seul syndicat regroupant la CCVF, la CNAOC, VIF et la CFVDP pour leur partie politique n’est pas pour aujourd’hui, ni demain, ni après demain. Nos organisations professionnelles ont toute une histoire, parfois très ancienne, une culture interne liée à ce qu’elles sont, des hommes et des femmes animés d’objectifs et d’ambitions pour l’instant très éloignés. Mettre en commun et lâcher quelque peu une partie de leurs prérogatives n’est pas encore d’actualité.

Je suis comme Pierre AGUILAS, je rêve d’un monde meilleur mais je suis aussi pragmatique. Entre le rêve de Pierre de ne voir qu’une seule tête, et la situation d’aujourd’hui, il y a une alternative qui me conviendrait assez : mettons en commun quelques moyens humains, techniques et financiers pour traiter administrativement et politiquement tous les dossiers sur lesquels déjà nous sommes quasi en accord. Et Dieu sait s’ils sont nombreux. Nous manquons d’analyses et d’expertises communes sur des dossiers très importants, nous avons une responsabilité collective envers nos mandants, nous sommes responsables de l’avenir de la production viticole française. Les vignerons français n’ont que faire des querelles d’organisations professionnelles, ils nous demandent de tracer collectivement une route qui leur permettra de vivre et de se développer. Ils nous demandent un souffle nouveau, une ambition collective, une dynamique. Et non de faire s’opposer continuellement des dogmes, comme par exemple le « tout national » et le « tout régional ». Tout le monde sait que la vérité se nourrit souvent des extrêmes pour se situer au milieu. Rien n’est jamais tout blanc ou tout noir, la réalité est souvent plus complexe.


3ième Question
 :

En dehors de votre mobilisation sur la taxe Casdar, qui finance la R&D pour la rendre plus équitable, quels sont les grands dossiers, les questions stratégiques, portés par l’AGPV ? La nouvelle donne de l’OCM ne va-t-elle pas profondément modifier le paysage de la viticulture française ? Enfin, si vous me le permettez, à titre plus personnel, quel regard portez-vous sur la décennie écoulée et êtes-vous confiant dans l’avenir de notre secteur ?

 

Réponse de Xavier de Volontat :

Sur les dossiers stratégiques qui devront être portés par l’AGPV, tout reste à faire. Je proposerai rapidement à l’ensemble des organisations professionnelles  membres de l’AGPV un plan d’actions et les différentes thématiques sur lesquelles je souhaite travailler. La recherche et le développement font bien entendu parti des dossiers prioritaires mais nous ne pouvons être absents des débats de la future loi issue du Grenelle de l’Environnement, nous ne pouvons être absents des débats sur la fiscalité directe et indirecte qui pèsent sur nos exploitations et nos entreprises. Je souhaite aussi et d’une façon très régulière engager des débats et des discussions avec la famille du négoce. Nous avons une multitude d’éléments à réfléchir ensemble, de la contractualisation, des partenariats, des délais de paiement, la segmentation des vins et l’application de la nouvelle OCM vins. Nous devons réfléchir ensemble à l’économie future de notre filière. La nouvelle OCM vins va, me semble-t-il, bouleverser notre filière, ses pratiques, son économie. Il n’est plus temps maintenant de se lamenter ou de se réjouir, il est temps de préparer notre avenir et celle de toutes nos entreprises. Et je reste profondément optimiste sur la capacité d’adaptation de nos entreprises à la nouvelle donne ; certaines s’y préparent ardemment depuis longtemps. Bien entendu, cela va être difficile et délicat pour la plupart mais connaissons-nous aujourd’hui un secteur d’activité où tout va bien, où il n’est pas indispensable de se battre au quotidien, sur les marchés, avec les clients, avec les fournisseurs, avec l’Etat, avec ses salariés, avec le temps et le climat, avec sa banque. Ce dont je suis certain c’est que nous avons assez perdu de temps…



Pour ceux qui ne l'auraient déjà fait samedi lire absolument ma chronique http://www.berthomeau.com/article-20787525.html je sollicite votre avis merci de me le donner pour que je puisse améliorer le service de Vin&Cie l'espace de liberté. Bonne journée.

 

 

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29 juin 2008 7 29 /06 /juin /2008 00:08

 

Pour m’imprégner de la ferveur guerrière de la bande de fêlés de GP, bien me pourrir la tête, penser comme eux, réagir dans la ligne, ne laisser aucune place au doute et à la suspicion, j’avais dépiauté, heure par heure, le déroulé de la bataille de Flins, commencée le 6 juin 1968 lorsqu’en rase campagne, à trois heures du matin, un millier de CRS et de gendarmes mobiles, encerclèrent l’usine Renault. Le pouvoir trépignait, l’encre des « accords de Grenelle » était sèche depuis une semaine et demie, le boulot reprenait dans les PME, même les postiers redistribuaient le courrier, les trains roulaient à nouveau, mais à Flins, comme chez Citroën, Michelin, les métallos ne s’en laissaient pas compter. Les urnes brulaient. Pour les 10 000 « betteraviers » de Flins, pas de quartier : un half-track défonçait les grilles de l’usine, écrabouillait les braséros du piquet de grève pendant que le commandant de la compagnie, à l’aide d’un porte-voix, sommait les 200 hommes de veille de « se tirer, car ça va barder ! ». Ce qu’ils firent face au nombre. La guérilla ne faisait que commencer et l’état-major des insurgés : un front du refus multiforme : les durs des comités d’action, les basistes du 22 mars, même les ML d’Ulm s’y retrouvent, seule la JCR se tient à l’écart, entendait bien s’appuyer sur cet embryon insurrectionnel pour enclencher la bataille décisive.

Flins symbole de la modernité, l’usine aux champs, loin du bastion de l’Ile Seguin, cette drôle d’usine, mal foutue, construite sur cinq niveaux ; les tôles embouties au rez-de-chaussée grimpaient par ascenseur jusqu’au 3ième étage pour assembler les carrosseries qui ensuite montaient au 4ième pour la peinture puis redescendaient au second pour la sellerie où l’on fixait les sièges… Pas rationnel tout ça. Et, en plus, une CGT omniprésente qui tenait Dreyfus, homme de gauche, par la barbichette. À Flins, les ingénieurs s’en sont donnés à cœur joie, un seul niveau, des champs de betteraves à perte de vue – d’où le surnom de ces néo-ouvriers tirés des grandes exploitations voisines qui, elles aussi rationnalisent, mécanisent, et qui se trouvent projetés au milieu d’une population d’immigrés : Espagnols, Portugais, Africains, Yougoslaves Les ateliers s’agrandissent, se modernisent. Les cadences augmentent. Le succès commercial de la Dauphine donne des ailes et le bureau d’embauche ne désemplit pas. L’usine fait aussi pousser des barres d’immeubles pour loger les ouvriers ont aux Mureaux, Bougimont, la Vigne Blanche, Elisabethville. Dans cette dernière bourgade, au nom fleurant bon la colonisation africaine, va se retrouver à l’épicentre de la bataille de Flins. La direction de la Régie, depuis la fin des années 60, veut donc saigner à blanc Billancourt, alors les m2 se multiplient à Cléon, au Mans et à Flins pour passer la surmultipliée : pour la Dauphine l’objectif est de 2000 véhicules/jour.

L’héritière de la 4Cv des congepés, la Dauphine, va se révéler une petite nerveuse, sportive, en 1957, elle remporte le tour de Corse et en 1958, c’est la victoire dans le Monte Carlo. À Flins, l’effectif dépasse 8 000 personnes et 250 000 Dauphine sortent des chaînes. Pierre Dreyfus l’ami de Lefaucheux, PDG et père de la Dauphine, décédé accidentellement au volant de sa Frégate, vice-président du conseil d’administration de la Régie Renault depuis sept ans, accepte finalement de prendre la direction de la Régie Renault. Flins qui connaissait la réputation plutôt timide et réservé de l’homme découvre un capitaine décidé et volontaire. Ici la syndicalisation est faible, la CFDT chahute la CGT qui ne tient pas l’usine. D’ailleurs, l’usine de Flins s’est mise en grève seulement le 16 mai alors que les lycées, les universités et beaucoup d’entreprises avaient déjà cessé le travail et que la grève générale avait été votée le 13 mai. Le rapport des RG notait : «  Le lundi 13, on a senti un frémissement dans l’usine. Les débrayages ont été  importants le matin, et l’après-midi beaucoup d’ouvriers sont allés à la manif à Paris. Cependant l’encadrement ne s’imaginait pas que quatre jours plus tard, l’usine serait en grève générale. L’occupation a été immédiate. La CGT se situe plutôt sur la base de revendications salariales, tandis la CFDT met en avant le problème du droit syndical et les conditions de travail (la semaine est de 47 h 10 avec des journées de 9 h 40. De nombreux postes sont très pénibles. Tous les éléments d’une grève dure et incontrôlable par les appareils syndicaux se sont mis en place spontanément. »

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28 juin 2008 6 28 /06 /juin /2008 00:00
Ce mois de juin pourri par une météo dégoulinante a vu mon cher espace de liberté passer allègrement le Cap – pas 2010 – mais celui du MILLION de pages lues par vous chers lecteurs. Pour que certains ne m’accusent pas de faire de la gonflette je joins un copié-collé du tableau statistique que me fournit mon hébergeur. Vous constaterez aussi que je vogue tranquillement vers les 250 000 visiteurs. Tout ça grâce à vous, à votre fidélité, à votre constance, je vous en remercie du fond du cœur.
Les statistiques générales de votre blog depuis sa création

Date de création :

30/05/2005

Pages vues :

1 015 593 (total)

Visites totales :

245 029

Journée record :

19/05/2008 (3 569 Pages vues)

Mois record :

04/2008 (55 313 Pages vues)

* Nombre de personnes différentes ayant visité votre blog durant une

Reste à garder le rythme, à durer, car depuis la nouvelle orientation de Vin&Cie vers un format média des gens du vin avec les rubriques : 3 Questions à… Entretien avec… Les portraits d’hommes et de femmes du vin, Nature&Découvertes : les bio-bons, la rubrique de Paul Bats et les Wine News de la Toile… il me faut, comme j’aime à le dire : faire constamment bouger les lignes. Ma conviction profonde, de plus en plus confirmée par l’évolution du lectorat, est que prendre place sur le Net, s’y installer, y être reconnu, diffusé, permet de propager auprès d’un public de non spécialistes, plutôt jeune, dépassant nos frontières, une image plus ludique, plus riche, de la diversité à la française, sans pour autant apparaître comme un irréductible gaulois juché sur l’exception culturelle de notre beau pays. Comme vous le savez, pour moi, le vin c’est la convivialité, l’expression la plus aboutie de notre art de vivre, « un peu de douceur dans ce monde de brutes… » Mais le vin, et je sais que je vais faire grincer quelques dents, est une grande industrie vitale pour nos territoires, les hommes et les femmes qui font et qui vendent le vin. Bref, je ne défends rien. Je me veux ouvert et libre à tout ce qui fait qu’il fait bon vivre : un supplément immatériel à la croissance de notre PIB.

 

Bref, même si vous êtes toujours assez mou de la plume ou du clavier, sous de bons ou de mauvais prétextes du style : « je ne sais pas comment faire ? » pour écrire des commentaires, je vais vous faciliter la tâche en vous soumettant à mes 3 Questions… très simples et ouvertes.

 

1ière Question : Pourquoi lisez-vous régulièrement ou occasionnellement les chroniques de Vin&Cie ? Qu’y trouvez-vous ? Qu’y cherchez-vous ? Pour vous est-ce une source d’informations ? D’analyses ? De détente ? D’ouverture ? À votre bon cœur !

2ième Question : Quelles sont les principales critiques que vous formuleriez à l’égard et du chroniqueur et de ses chroniques ? Trop perso ? De parti-pris ? Polémique ? De mauvaise foi ? J’en passe et des meilleures… Lâchez-vous !

3ième Question : Que souhaiteriez-vous trouver à l’avenir sur Vin&Cie l’espace de liberté ? Nouvelles rubriques, sujets différents, panel de personnalités plus larges, etc. L’imagination au pouvoir !

 

Pour répondre à ces questions je vous suggère 2 procédures :

 

-         le formulaire CONTACT tout en bas du BLOG (coincé entre référencement sites internet sur over-blog.com et CGU). La seule difficulté technique consiste à ce que, pour pouvoir transmettre, votre message vous devrez transcrire dans la case prévu à cet effet les 3 lettres ou chiffres (cf. exemple ci-dessous) en respectant pour les lettres les minuscules ou les majuscules. Cette procédure est destinée à éviter les messages automatiques.

  

Recopiez les caractères

 

-         mon adresse e-mail jberthomeau@hotmail.com en PJ. Vous faites un copié-collé des questions sur Word et clap-clap… vous répondes pour me, merci…


Enfin comme Vin&Cie tient toujours ses promesses, je vous offre 4 mn 40 de bonheur, un grand moment de la chanson française des années 50, une belle pièce de notre patrimoine national : Les Trois Cloches chanté par Edith Piaf et les Compagnons de la Chanson. C'est beau, c'est pur, dans un décor simple de fête de patronage. Que voulez-vous, c'était au temps de mes culottes courtes et j'avais la larme à l'oeil et le coeur serré. Sous mes grands airs je suis un indécrottable sentimental : et oui, l'éternité de l'amour... moi je craque http://www.youtube.com/watch?v=eOL61uC5Ww4

 

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27 juin 2008 5 27 /06 /juin /2008 00:02


Alain Juppé ne le sait pas mais si j'ai ouvert un blog, voici bientôt trois ans, c'est un peu grâce à lui qui venait de se lancer dans cette aventure. Mes amis bordelais, connaissant mon goût pour les défis, Jean-Louis tout particulièrement, m'avaient gentiment charrié en me disant " et pourquoi pas toi..." Vous comprendrez aisément que je n'ai pas l'outrecuidance de vous présenter Alain Juppé, mais moi qui suis sur l'autre rive, la gauche dit-on, et qui aie pendant dix années de ma vie côtoyé le personnel politique de notre doulce France je le place - s'il me permet cette expression - dans la catégorie très restreinte des hommes d'Etat. Je le remercie chaleureusement d'avoir accepté de suite de se soumettre à mes trois questions. C'est pour mon petit média une grande satisfaction et un honneur.
le port de Bordeaux extrait de Mon Premier Livre de Géographie Cours Elémentaire 1ière Année chez Delagrave images de Pierre Rousseau

1ière Question
 :

Philippe Jullian, né à Bordeaux, écrit que c’est « la seule ville de province qui ait l’allure d’une capitale ». Vous en êtes le maire et, dit sans flagornerie, vous avez restauré sa splendeur. Mais pour nous, gens du vin, Bordeaux c’est aussi le vignoble, ses châteaux prestigieux et ses appellations mythiques. En ayant eu l’initiative d’accueillir le vin dans votre ville avec « Bordeaux fête le vin » que recherchez-vous monsieur le Maire ?

 

Réponse d’Alain Juppé :

En tant que maire de Bordeaux, même s’il n’y a que quelques rangs de vigne sur la commune, comment pourrais-je ne pas être porteur d’une responsabilité particulière vis-à-vis du monde du vin ? J’ai souhaité créer Bordeaux fête le vin  il y a dix ans et cela a été un succès immédiat car la fête répond à deux besoins : l’envie des Bordelais de faire la fête ensemble et la création d’une vitrine populaire de notre produit-phare. Tous les deux ans, début juillet, ce sont donc des centaines de milliers de personnes – 350 000 lors de l’édition 2006 – qui, pendant 4 jours, viennent partager ce plaisir de déguster et d’échanger autour d’un verre de vin. Un rendez-vous qui sait rester au niveau du vin de Bordeaux. C’est une manifestation qui nous permet de valoriser la diversité et la qualité de nos productions. Elle est aussi un vecteur d’attraction touristique, tant pour la ville elle-même que pour les vignobles qui l’entourent car on apprécie encore davantage le vin lorsqu’on connaît bien son terroir.  

 

 

2ième Question :

Dans le secteur du vin, pour illustrer ses remarquables performances à l’exportation, la conversion en Airbus et TGV est très prisée mais, beaucoup de vignerons, de professionnels, estiment, à tort ou à raison, être mal aimés dans leur propre pays. Par esprit de provocation j’aime écrire que nous sommes une grande industrie, un des atouts de la France dans la mondialisation mais que beaucoup de décideurs l’ignorent. Alain Juppé que faire pour que le vin et ceux qui le font soient mieux perçus et considérés dans notre société ?

 

Réponse d’Alain Juppé :

Le vin est effectivement un des atouts de l’économie française. Nous le savons bien à Bordeaux où le vignoble représente 25% de la production nationale pour un chiffre d’affaires de 3 milliards d’euros et un emploi sur 5 en Gironde. Quant à la désaffection qui pourrait exister à l’égard des professionnels du secteur, je ne partage pas votre avis. Nos produits sont de qualité et la filière est dynamique. Les mentalités ont changé. Les vignerons ont compris l’intérêt qu’il y avait à rencontrer le grand public, donc les consommateurs. La démarche est très appréciée de ces derniers. Le bilan des opérations « Portes ouvertes » organisées par certaines appellations en témoigne avec éclat. Des opérations telles que Bordeaux fête le vin et le travail des professionnels du tourisme pour développer l’oenotourisme sont aussi là pour mettre en valeur notre vin et le savoir-faire des hommes et des femmes qui l’élaborent avec passion. Vous ne pouvez pas ignorer, non plus, le remarquable travail accompli par Vinexpo – initiative bordelaise – en matière de promotion du vin sur notre territoire mais aussi en Amérique et en Asie. Pour mémoire l’édition 2008 de Vinexpo Asia Pacific a accueilli près de 8 000 visiteurs à Hong Kong fin mai.

 

3ième Question :

Question plus personnelle Alain Juppé : pouvez-vous nous raconter votre expérience personnelle, votre initiation, votre découverte du vin ? L’amateur que vous êtes, sans lui demander de s’aventurer dans l’expression de choix trop précis, peut-il nous confier vers quel type de vin vont ses inclinaisons ? Etes-vous sujet au coup de cœur pour ce qui concerne le vin ?

 

Réponse d’Alain Juppé :

Vous étonnerais-je en vous disant que ma préférence va au Bordeaux et plutôt le vin rouge ? Le choix est vaste et  de qualité. Je crois – j’espère - ne pas avoir épuisé toutes les opportunités de découverte et de coup de cœur.

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26 juin 2008 4 26 /06 /juin /2008 12:05

Dans notre vieux français on panse les vaches mais on cure les chiottes, la nuance est de taille. En ces jours de déprime post-euro – pas la monnaie mais le ballon rond – forme s’apparentant au coïtus interruptus, le monsieur qui est vautré sur son canapé devant sa télé et qui refait le match, se sentant floué, « cocu » selon les fines plumes de France Soir, réclame à cors et à cris la tête de Raymond, l’ex-déblayeur de tibias de l’Olympique Lyonnais, ci-devant sélectionneur de l’équipe nationale. Tout est de sa faute ! Dans ce tout, très fourre-tout, pêle-mêle tout et rien mais surtout, le pire : le Raymond s’est payé la fiole du français moyen en ne trouvant pas mieux que de demander la main d’Estelle Denis – pas la mère avec sa Vedette mais la nana d’M6 qu’est assez mignonne et qui cause de foot comme les mecs avec un mec qui pèse 3 tonnes – donc carton rouge. Expulsion ! Démission ! Ça me rappelle les sifflets des beaufs contre Christian Karembeu, le kanak qui avait eu la mauvaise idée d’épouser Adriana. Bref, le Raymond, bas du cul et bas sur les chevilles, n’est pas ma tasse de thé mais la meute lancée à ses trousses pour la curée me donne envie de gerber.

Donc je change de pied pour vous causer d’abord d’Amédée, le vrai Domenech. Qui c’est celui-là ? C’est Le Duc, surnom que lui donna Jean Prat son capitaine en équipe de France. Il est né à Narbonne le 3 mai 1933 et il est mort à Brive le 21 septembre 2003. Inamovible pilier gauche de Brive entre 1954 et 1963 (1,80m pour 95 kg) par sa pointe de vitesse et son jeu de main il préfigura les piliers modernes. Pupille de la Nation, meilleur joueur du championnat en 1958 (Oscar du Midi Olympique), Amédée fait le régal des journalistes car il conte le match avec truculence. Une belle figure, un monsieur, quoi, suivez mon regard les ânonneurs de fin de match, les « mercenaires » de Chelsea, d’Arsenal, de Barcelone, poules aux œufs d’or des droits de télévision piège aux cons ! Alors lâchez donc la grappe à ce pauvre petit Raymond qui, après tout, est à la bonne hauteur de ce qu’est devenu le barnum du ballon rond. C’est un astucieux le Raymond. S’il a décroché le poste contre un bon, comme Laurent Blanc, c’est qu’il se démerde mieux sur le tapis vert de la Fédération que sur celui de l’Ernst Appel Stadion (stade de Vienne).

J’aurais pu en rester là mais, par hasard, je suis tombé sur un spécialiste de la curée : Serge Halimi. C’est qui ? L’auteur de Nouveaux Chiens de Garde, qui se prend pour Nizan mais qui n’est qu’un de ces purs et durs dont l’intelligentsia parisienne, alter ou gauche de la gauche, raffole. Il dénonce, avec justesse souvent, mais avec tant de fiel et de vinaigre qu’on sent sous sa plume le poids de ceux qui ont tant aimé le socialisme réel, son bilan globalement positif, les grands démocrates d’Attac, bourreurs d’urnes et adeptes de la présidence à vie. Que ce cher homme bien au sec au Monde Diplomatique poursuive de sa détestation les July, Castro, Debray, Lang, BHL, Glucksmann, Colombani, Plenel, Minc, Joffrin, Attali, Wolinski, Bruckner, Cohn-Bendit, Sollers et consorts, grand bien lui fasse, moi je les prends pour ce qu’ils sont, mais pourquoi sa mémoire flanche-t-elle lorsqu’il s’agit de ses frères d’armes dont les pratiques, s’ils s’emparaient des manettes du pouvoir seraient, je n’en doute pas un seul instant, du tonneau bien connu des apparatchiks qui ont ruiné les pays qu’ils ont tenu sous leurs rets. Bref, les purs et durs me font froid dans le dos. Alors pour me réchauffer je préfère aimer Alphonse. Qui c’est cet Alphonse ? Pas celui d’Antoine Doinel mais le boxeur poids lourds Alphonse Halimi qui le 1er avril 1957, au Vel’d’Hiv de Paris devient champion du monde en battant le boxeur sourd-muet italien d’Agata. Abandonné de tous, Alphonse Halimi, est mort le 12 novembre 2006 de la maladie d’Alzheimer dans une maison de retraite de Saint-Ouen. Entre les deux Halimi dont je cause – exception faites de Gisèle – pour la notoriété à venir il n’y aura pas photo : on se souviendra d’Alphonse…

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26 juin 2008 4 26 /06 /juin /2008 00:08

Cultiver sa différence, sans ostentation, pour se faire plaisir, revendiquer le droit de travailler en s’amusant, prendre des risques, pour Estelle Dauré c’est aussi naturel que de respirer, ça fait parti de son patrimoine génétique, « c’est un principe familial » me déclare-t-elle d’emblée. Ça n’est pas une posture mais une façon d’être que j’ai découverte la première fois où, dans la caisse pourrie que m’allouait le Conseil Général des Pyrénées-Orientales, je me suis rendu à Jau. Cases-de-Pène, des vignes, un chemin de terre cahoteux, une enclave du bout du monde, un écrin hors du temps, que ce lieu où l’on peut conjuguer les plaisirs simples d’une table sous les charmilles et ceux, plus provocateurs, d’une fondation d’Art contemporain. Lieu unique, jamais reproduit, d’où l’on ne souhaite pas partir. Depuis 1977, même menu, même magie, conjugaison réussie, harmonieuse d’un lieu, d’un produit : le vin, d’un art de vivre et d’un je ne sais quoi de provocateur sur les cimaises : lors de mon premier passage, l’exposition By Air Postal por avión, de l’artiste chilien Eugenio Dittborn, en était l’expression la plus accomplie. “The Airmail Paintings were conceived for at least two specific sites; that of the sender and that of the receiver, as well as for breaking/producing the distance between the two. “ Eugenio Dittborn

 

Cette alliance tonique d’une façon d’être et de la transgression assumée, se retrouve sous sa forme la plus accomplie dans le génial Jaja de Jau lancé en 1991. Le visuel scriptural si caractéristique de Ben, novateur dans l’univers du vin, loin des codes établis, a la force de sa simplicité, il parle au grand public. La mécanique mémorielle n’aime rien tant que d’assimiler et de prendre à son compte des images apposées à l’infini sur des objets qui font partis de la vie. C’est la caractéristique de vraies marques que d’être identifiées au premier coup d’œil et, aussi modeste soit-il, le Jaja de Jau entre dans cette catégorie. Avec de telles prémices on comprend mieux que l’aventure chilienne, où là-bas plus encore, dans ce Nouveau monde, on peut faire table rase, bâtir une gamme de vins sur un vignoble créé de toute pièce, va donner à la créativité d’Estelle un nouvel essor. Et pourtant, lorsqu’on observe l’habillage des vins des domaines chiliens, il se cantonne en général dans un classicisme à forte connotation religieuse avec assez peu de références à la civilisation sud-américaine. Comme je l’ai écrit, choisir « Las Ninas » comme nom de baptême c’était un beau contre-pied, jubilatoire, et comme le dit Estelle, non sans humour, il ne manquait plus que la petite lanterne rouge pour que « ces drôles dames » ces filles à l’esprit leste aillent au bout de leur clin d’œil coquin.

 






La gamme chilienne se construit donc à la fois sur l’héritage intellectuel du déluré Jaja de Jau avec les varietos (entrée de gamme) et sur l’histoire des filles portraitisées sur une étiquette alliant la modernité graphique et la nostalgie du sépia avec « Las Ninas » (la réserve de la gamme). L’histoire de la ligne aroma commence en Allemagne par la vision d’un carton de l’australien Rosemount sur lequel les bouteilles sont représentées couchées sur un lit de fruits et de légumes. Le parti-pris d’Estelle est d’aller au bout de l’idée, de décomplexer le vin, de l’introduire dans un univers ludique, coloré, provocateur sans être prétentieux. De se mettre dans la peau du consommateur. De lui proposer un visuel simple à mémoriser où il associe poivron rouge avec cabernet, limon verde avec sauvignon et ainsi de suite. Faire que le jeu fonctionne. Comme pour le Jaja le visuel est la marque et il permet de la décliner et de l’animer avec toute la palette des aromes : myrtille : merlot, fraise : carmenere,  framboise : syrah rosé… Pari risqué, pari tenu et bel accord entre le vin et son packaging. Le geste n’est pas purement gratuit il est une promesse qui balise l’univers du néo-consommateur.

 

L’avantage avec la référence aux Ninas c’est que les filles sont, par construction, des coquettes et, qu’avec elles, il est facile de raconter des histoires. De décliner à l’infini leur addiction aux accessoires ; ces petits détails qui font le chic d’une toilette comme le disait maman. Le premium du domaine sera donc tout naturellement, dans la lignée de « Talon Rouge » en Roussillon, « Taco Alto » qui nous fait pénétrer dans l’univers de Truffaut où perchées sur des talons aiguilles « Les jambes des femmes sont des compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie ». Et suprême élégance, la paire de bouteilles lovée dans du papier soie se couche dans une boîte à chaussures de belle facture. Du pratique chic recyclable pour le rangement at home, là encore aller au-delà des codes en osmose avec l’esprit du produit. Mais j’entends déjà les grincheux qui m’attendent au tournant me reprocher de ne causer que des flacons et non de l’ivresse. Très à l’aise je peux répondre que l’inventivité d’Estelle Dauré s’appuie sur de la belle matière, les vins sont à la hauteur de l’habillage. Reste que la démarche, ce storytelling intelligent va permettre, au fur et à mesure, de la montée en gamme du domaine : ultra premium et icône, de continuer d’explorer l’univers inépuisable de « nos filles » et de faire, comme elles, de changer, d’apparier un petit sac tout simple avec un collier rare ou d’ajouter une touche de rouge baiser pour faire la belle qui ensorcelle.

 

Mon périple est parti de Jau alors je boucle la boucle et me voilà face au nouvel habillage du Château de Jau «  il faut que tout change pour que rien ne change », c’est le cycle de la vie, dans le même mouvement l’étiquette déstructurée s’épure alors que le flacon prend des rondeurs bourguignonnes. Estelle Dauré est ainsi, elle n’est jamais là où on l’attend, surprenante et passionnée.

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25 juin 2008 3 25 /06 /juin /2008 00:01

Quel grand plaisir pour moi de découvrir, comme ça, dans ma messagerie électronique, un mot d'encouragement, de sympathie, pour ma petite besogne quotidienne sur Vin&Cie, déposé par Jean-Michel Cazes. Il rentrait de voyage et pourtant il trouvait le temps de l'urbanité, ce petit rien qui entretient les liens entre les hommes. La Toile, que l'on qualifie trop souvent de tentaculaire et d'anonyme est, si on le veut bien, si on prend le temps, un merveilleux moyen de retrouver le goût de la correspondance. Vous comprendrez donc ma joie d'accueillir ce matin Jean-Michel Cazes sur mon espace de liberté. Je le remercie d'avoir pris sur son précieux temps pour me répondre. Que voulez-vous chers abonnés, chers lecteurs, vous êtes des privilégiés ce qui ne devrait pas vous empêcher de transmettre l'adresse de mon blog www.berthomeau.com à vos amis, connaissances ou partenaires. C'est pour la bonne cause : celle du vin. Bonne lecture.
1ière Question
 :

Jean-Michel Cazes bonjour, vous êtes de ces hommes curieux de tout qui vont de l’avant, défriche, déniche, un grand voyageur, un infatigable bâtisseur, un ambassadeur apprécié du vin, pour moi l’exemple même de ce que doit être la french attitude dans la plus en plus vaste planète mondiale du vin. Vous qui êtes présent, en Australie, au Portugal, mais aussi à la Livinière en Minervois, et récemment dans l’emblématique Chateauneuf-du-Pape avec le domaine des Sénéchaux, dites-nous comment vous appréhendez les années à venir face aux nouveaux eldorados : Russie, Chine, Inde… D’après vous, est-ce que la France du vin s’est mise, ces dernières années, en ordre de marche pour répondre à la fois aux défis de ses grands concurrents et à la croissance des nouveaux marchés ?

 

Réponse de Jean-Michel Cazes :

Grâce à l’adoption de la loi d’orientation agricole et à la volonté de beaucoup de viticulteurs de mieux maîtriser la qualité des produits, un certain nombre de mesures ont été prises pour rationaliser l’organisation de la profession, en particulier sur la plan de la représentativité et de la réglementation. Malgré tout, je pense que l’aspect économique des problèmes, de même que l’action commerciale n’ont pas été suffisamment pris en compte. Les textes et procédures que je vois naître en ce moment reflètent à mon goût une vision encore trop administrative des problèmes. La bureaucratie n’a pas dit son dernier mot et nous ne sommes pas suffisamment à l’écoute des marchés.

                                         (1)
2ième Question
 :

Revenons à votre région d’origine Jean-Michel Cazes, vous êtes le grand maître de la Commanderie du Bontemps, ordonnateur de la fête de la Fleur, donc une voix qui compte sur la place de Bordeaux. Pour mes lecteurs, qui ne sont pas tous des professionnels du vin, pouvez-vous nous décrypter le mystère bordelais où ces dernières années voisinaient la saga des grands crus, de belles réussites individuelles, et un mouvement de la base vigneronne proche de la jacquerie ? Aujourd’hui assistons-nous à une simple embellie ou est-ce que les leçons de la crise ont été tirées par les hommes en charges des organisations professionnelles ?

 

Réponse de Jean-Michel Cazes :

Au cours des derniers 15 ans, le marché du vin a connu une évolution importante, qui s’est accentuée fortement ces toutes dernières années. Tous, nous avons eu à affronter une concurrence, restée discrète jusque là, mais qui a déboulé depuis 10ans sur les marchés mondiaux en attaquant des positions anciennes que certains croyaient à tort acquises pour toujours. Dans le même temps, les marchés eux-mêmes ont changé, certains atteignant la maturité alors que d’autres, inconnus de nous encore il y a peu, s’ouvraient à la culture du vin. Il faut ajouter que le profil de notre clientèle n’est plus non plus le même : plus jeune, plus cosmopolite, plus riche aussi parfois, elle est surtout mieux informée et plus exigeante.

 

Le résultat de ces changements profonds est tout simplement que la production s’est fractionnée en grands pans qui n’ont pas tous la même réussite commerciale, voire la même résilience. Il y a, bien sûr, le clivage qualitatif. Il faut produire des vins de qualité, et c’est possible à Bordeaux à peu près partout. C’est une question d’état d’esprit et d’éducation. Mais cette distinction est loin d’être la seule : de plus en plus, les marchés récompensent, à travers les appellations et les classements (et souvent sans en tenir compte), ceux qui, à leur ambition de faire du bon vin, ajoutent la préoccupation de leur propre distribution. Car la véritable frontière est là : on ne peut plus aujourd’hui se désintéresser du devenir de son produit, aussi bon soit-il. Et Bordeaux présente nombre d’exemples de réussite dans ce domaine, qu’il s’agisse de grands crus ou de vignobles modestes. Je suis convaincu que c’est en suivant cette voie que les choses s’amélioreront durablement.

 

Alors, embellie ou réussite collective durable ? Je pense qu’il y a aujourd’hui un peu des deux. Mais Bordeaux possède des atouts considérables, de diverses natures, que la planète viticole lui envie. Notre passé est formidable et constitue une base de travail exceptionnelle. Notre avenir dépendra de notre capacité à sortir de notre cercle, comprendre les mécanismes du marché du vin au XXIème siècle et à nous adapter à eux. Je pense que beaucoup de vignerons et certains responsables professionnels ont compris quelle était la bonne direction. Souhaitons qu’ils fassent école et soient de plus en plus nombreux.

                                                      (2)

 3ième Question :

Jean-Michel Cazes je vais vous faire un aveu : en bon vendéen que je suis j’adore le pain et, grâce à maman, je suis un fondu du baba au rhum (elle me faisait du savarin) alors, vous qui avez ressuscité votre petit hameau d’origine, Bages, avec sa boulangerie-pâtisserie « Au baba d’Andréa » pouvez-vous faire partager à mes lecteurs votre passion pour ce petit coin du Médoc où vous êtes né ? Et, cerise sur le gâteau, pourriez-vous nous dire quel est le vin qui vous a le plus séduit ces derniers temps ?

 

Réponse de JM Cazes :

Commençons par le vin. J’ai la conviction qu’un véritable amateur ne peut avoir que la dégustation curieuse... Il va de vignoble en vignoble, de région en région, voire de pays en pays. Partout il trouve ce qui fait la gloire et la nature même du vin : l’expression d’un lieu, une géographie, un climat, un « terroir », des hommes, une histoire, etc.  Il ne peut donc, contrairement au buveur de whisky (par exemple...), avoir une marque favorite, ce qui serait totalement antinomique avec la nature même de sa passion. La notion même de vin préféré ou favori est donc étrangère au véritable buveur de vin. D’autant plus que la perception que l’on en a dépend de beaucoup de facteurs, si nombreux que je ne les décrirai pas ici.

 

Je ne suis ni collectionneur ni journaliste spécialisé... Cela dit, j’ai été dernièrement confronté à quelques bouteilles qui ont laissé une trace sur mes papilles. Je citerai un Haut-Brion 1989, extraordinaire d’élégance, un Lynch-Bages 1985 vigoureux et plein de saveurs, un Canon 1962 tout en finesse, un Janasse de Châteauneuf du Pape ensoleillé, un aristocratique La Tâche du Domaine Romanée Conti dont j’ai oublié le millésime, un Gewurztraminer de Trimbach d’une pureté parfaite, un beau Quinta do Crasto 2000 auquel le cépage touriga nacional donnait une saveur très lusitanienne, sans oublier tous les « petits » vins, souvent délicieux comme un Château Canteloup (Médoc) bu récemment en bonne compagnie (c’est important), et combien d’autres...

 

Quant au Médoc, j’y suis né, j’en suis parti à 18 ans alors que la grande crise du siècle frappait encore le vignoble et pensais alors n’y revenir jamais. Les hasards de la vie, mais aussi les changements extraordinaires survenus dans nos professions viti-vinicole en ont décidé autrement et j’ai pris le chemin du retour en 1973. Depuis cette date, je m’efforce de faire le mieux possible mon métier, qui est pour moi le plus beau du monde. J’ai connu le Médoc autrefois misérable, et l’ai vu se redresser peu à peu jusqu’à devenir aujourd’hui une région moderne, ouverte, vivante, cosmopolite, belle comme un jardin bien peigné. J’y suis heureux d’y vivre et fais mon possible pour contribuer modestement à cette renaissance. Ce que nous faisons pour réanimer le village de Bages, comme notre « Baba », le Café Lavinal qui lui fait face ou encore nos Ateliers de Bages, a simplement pour objectif de renforcer l’attractivité du vignoble tout en me procurant la satisfaction égoïste  de redonner un peu de vie à un univers qui l’avait perdue pendant de trop longues années.

(1) et (2) illustrations de Jean Hugo tirées du catalogue Nicolas 1933

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24 juin 2008 2 24 /06 /juin /2008 00:02

Ce matin, même si mon titre est un chouia racoleur, pour une fois, je fais dans le sérieux. Dans un contexte économique morose et une conjoncture mondiale incertaine où les ménages ont le moral dans les chaussettes, les chefs d’entreprise sont attentistes, l’embellie liée à la petite récolte 2007 semble déjà, pour une part de notre production, un souvenir. Cependant, comme souvent, la situation est plus contrastée selon les vins et les régions. De nouveau, un vent de pessimisme s’abat sur la part fragilisée du secteur, notre vignoble généraliste : arrachage, repli sur les niches, délocalisation, les docteurs « c’est le début de la fin » font un retour en force sur le devant de la scène. Posture commode pour se dédouaner d’attitudes immobilistes : si nous allons mal c’est, bien sûr, la faute des autres. Je ne vais pas revenir sur notre incapacité à générer, pour cette part de notre vignoble, un nouveau modèle économique tenant compte de l’évolution de la demande où la ressource maîtrisée et pilotée par l’aval (le kg de raisin) est le vecteur premier da la constitution du revenu des viticulteurs, mais m’attarder sur un élément peu souvent mis en avant : le prix des terres à vignes.

 

Comme l’indice des mises en construction de logements, l’observation  de l’évolution du prix de l’hectare de vigne est un excellent indicateur de l’état d’esprit du secteur, de sa confiance en l’avenir. La lecture du n° de mai 2008 de la revue Espace Rural sur le prix des terres en 2007 est donc du plus haut intérêt. Ma chronique va reprendre des extraits des éléments généraux sur les tendances nationales du prix de l’ha de vigne si vous souhaitez aller au-delà cliquez sur le site http://www.safer.fr/espace-rural-prix-terres-2007.asp ou procurez-vous la revue papier très complète pour 24 euros. De mon point de vue, 2007, pour la vitiviniculture française,  est une année charnière car elle marque un point de basculement entre une longue période d’incertitude et de piétinement et un temps où les adaptations structurelles ne pourront plus être différées. Détruire des ha à vignes dans des zones clés où les coûts de production nous permettraient de relever les défis du Nouveau Monde, c’est priver la France de ses fantassins défricheurs de marché. Humer et interpréter des tendances du marché foncier, un exercice difficile, mais nécessaire.

 

VIGNES AOC : LA REPRISE DU MARCHÉ SE CONFIRME

 

La remontée du prix des vignes AOC, initiée en 2006, se confirme en 2007 : le prix moyen à l’hectare augmente de plus de 11% pour atteindre 95 300 euros/ha contre 85 600 euros/ha en 2006. Le niveau record de 2003 est largement dépassé.

Cette hausse spectaculaire est, une fois encore, le fait du vignoble champenois, où le prix moyen de la vigne atteint cette année 734 000 euros/ha (+ 17% par rapport à 2006). Cependant, contrairement à 2006, la tendance nationale hors Champagne, est également à la hausse en 2007. Cette remontée du prix moyen national, hors Champagne, de 4,3%, est principalement du à la reprise du vignoble bordelais où le prix à l’hectare gagne 13% et rattrape son niveau de 2003.

Sur les 15 dernières années, l’évolution générale du prix des vignes AOC s’explique principalement par l’évolution des résultats viticoles à l’ha et par l’évolution des taux d’intérêt. La hausse des revenus viticoles jusqu’en 1999 avait engendré une hausse du prix des vignes entretenue jusqu’en 2003 par la baisse des taux d’intérêts réels. Depuis 2003, la relative stabilisation des revenus et des taux d’intérêt se traduit par un quasi-maintien à un haut niveau du prix des vignes. Toutefois, la baisse des revenus de 2003 a infléchi le prix de la vigne en 2004. La hausse des prix de 2007 traduit une confiance retrouvée dans les perspectives d’exportation de certains vignobles liées à la croissance économique mondiale. Cette situation n’est pas généralisée. Les vignobles qui ont un réseau de commercialisation plus local rencontrent davantage de difficultés. Des vignobles de niche, profitant d’un marché de proximité notamment lié au tourisme, peuvent tirer leur épingle du jeu.

 

Prix des vignes/Revenu Brut Agricole (traduit le nombre d’années nécessaire pour acheter 1 ha en cas d’agrandissement marginal de la superficie de vigne exploitée, ne nécessitant ni accroissement de MO, ni nouvel Investissement) : en 2007

-         il faut 15 années pour payer 1 ha supplémentaire ;

-         il faut 2 fois plus de temps pour payer cette acquisition qu’en 1998 : 7,5 années en 98 et plus de 15 ans en 2007 ;

-         compte-tenu des charges de personnel il faut 20 années d’Excédent Brut d’Exploitation pour payer 1 ha de vigne, soit 33% de plus que pour un agrandissement marginal ;

-         si l’achat foncier est payé par l’Excédent Net d’Exploitation (EBE – Amortissements) ce qui pourrait être le cas de l’installation, il faut 26 années de résultat contre 11 en 1998, soit 2,5 fois plus.

 

Il s’avère donc de plus en plus coûteux de s’installer en viticulture.

 

AUTRES VIGNES : STABILISATION DES PRIX

 

2007 voit une sensible amélioration dans la tendance baissière observée depuis 2003 : les prix globaux se maintiennent au niveau de 2006 (+0,9%). Le prix des vignes hors AOC et hors Eaux-de-vie atteint 11 300 euros/ha. Ce raffermissement est le fait des VDQS dont le prix moyen à l’ha continue d’augmenter + 2,4%, et d’une reprise des vins de pays + 1 ,5%. Le prix des vignes de vin de table continue quant à lui de diminuer – 3,2% pour atteindre 9050 euros/ha en 2007

Ces diverses évolutions de prix traduisent :

-         la baisse du prix de certaines vignes vers le niveau de la prime d’arrachage ;

-         des hausses très modérées dans des secteurs porteurs où le négoce se risque parfois

 

Prix des Vignes/RBA : les viticulteurs non AOC ne sont prêts à investir pour un agrandissement marginal que moins de 4 années ce qui est un taux extrêmement bas traduisant le scepticisme ;

 

Prix des vignes/ENE : en 98-99 l’achat d’un ha de vigne pour l’installation représentait le même effort en AOC qu’hors AOC. Depuis 2000, les 2 séries divergentes : les perspectives économiques résultant de la crise viticole accentuent les différences. En 2007, un viticulteur qui achète pour s’installer en AOC devrait accepter de prendre un risque à plus long terme (26 ans pour payer 1 ha) qu’un viticulteur hors AOC qui pourrait limiter le risque à 6ans.

 

On fait confiance à l’avenir en zone AOC, ce n’est pas le cas hors zone AOC.

 

Dans la zone Cognac nouvelle flambée en 2007 : + 19%, le prix à l’ha atteint 23 700 euros/ha, soit un niveau équivalent à celui des années 1993-94.

A lire aussi en cliquant dans la colonne de gauche du blog sous la rubrique PAGES quatre Wines News de la Toile très intéressantes :
- N° 18 : le sac à main de Gallo
http://www.berthomeau.com/pages/N18__Le_sac_a_main_Gallo-567689.html
- N° 19 : " Les gouttes de Dieu " un wine Manga
http://www.berthomeau.com/pages/N19___Les_gouttes_de_Dieu__un_wine_manga_a_consommer_sans_moderation-569756.html
- N° 20 : " On n'a plus d'Armagnac "
http://www.berthomeau.com/pages/N_20___On_na_plus_dArmagnac_-569816.html
- N° 21 : Le chaperon rouge hard de South of France
 http://www.berthomeau.com/pages/N21__Le_chaperon_rouge_hard_de_Sud_de_France-569893.html

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23 juin 2008 1 23 /06 /juin /2008 13:30

 

Catherine Bernard

Née dans un coin de vaches laitières et de ciel gris, je vis depuis 1999 sous un ciel d’azur et dans un océan de vignes, en Languedoc, près de Montpellier.

J’y suis arrivée comme journaliste, correspondante de La Tribune de l’Economie et Libération, après un long séjour dans les rédactions de la capitale, ce qui me vaut dans le Midi l’indélébile étiquette de "Parisienne".

A 40 ans, j’ai passé un BPA de viticulture-œnologie. Je cultive depuis 3,60 hectares de vignes et je fais du vin, 5136 bouteilles précisément cette année.

Son blog

La vigne et le vin m’intéressent pour ce qu’ils disent de nous et de notre rapport au monde. C’est à travers ce prisme que j’en ferai ici la chronique. Point question donc de bonnes bouteilles à boire ou de mauvaises à déboire.

Je parlerai du point de vue de la vigneronne que je suis un peu devenue et de la journaliste que je ne cesse pas tout à fait d’être.


Michel Barnier, le vin de table et les œufs au plat

Par Catherine Bernard | Vigneronne | 11/06/2008 | 11H55


Mon ministre, Michel Barnier, a présenté le 30 mai dernier "un plan quinquennal de modernisation de la filière viticole française". Il n’y a guère que les viticulteurs du Midi et les Anglais à l’avoir salué. Comme à leur habitude, les premiers ont manifesté, brûlé des pneus, et à la nuit tombée, sur le chemin du retour, bombé des messages inratables à l’entrée des villages. C’était mercredi 4 juin.

A Saint-Drézéry, là où sont mes vignes, je lis sur le mur des vestiaires du club de tennis: "la viticulture ce meur/ réveillon nous/ crav". Le Crav (comité régional viticole) est un peu au Midi ce que le FLB est à la Bretagne, un drapeau agité quand l’identité se sent menacée. Les viticulteurs doivent trouver que le plan ne va pas assez loin et/ou ne donne pas assez. C’est difficile de savoir car les revendications sont hors sujet du plan, comme si celui-ci n’existait pas.

Les seconds, les Anglais –à croire que ceux-là existent rien que pour nous mettre sous le nez nos faiblesses et nos contradictions- s’en félicitent tout en se moquant (précisons que nous l’avons bien cherché). Dans le Times, Charles Bremmer commence ainsi son article, illustré d’un dessin au fusain datant de Mathusalem:

"Après avoir longtemps méprisé l’engouement international pour les vins 'vulgaires', la France a rejoint hier le cortège et autorisé ses producteurs à faire et marketer leurs produits à la manière fruitée du Nouveau Monde."

Pour une plus grande lisibilité des vins français

On peut prendre connaissance, sur Internet, du "plan quinquennal de modernisation de la filière viticole française", ou plus exactement de la communication des vingt-sept mesures qui le composent, car pour ce qui est du contenu réel et détaillé, il faut aller à la pêche auprès des "pros".

Applicable dès 2009, il se présente comme une nouvelle hiérarchisation et donc une plus grande lisibilité des vins français. Il faut comprendre: les vins d’AOC (Appellation d’origine contrôlée) –transformée, sic, en AOP (Appellation d’origine protégée)- seront vraiment des vins de terroir et de qualité, de véritables gaulois en somme. Nous ne baissons pas totalement la garde.

Les autres vins ressembleront à ceux de nos voisins. Concrètement, tout le monde pourra produire d’ex-vins de table encore sans nom réglementaire, même les Bourguignons qui ne commercialisent jusque-là que des AOC (donc aussi le pire). Ainsi, en 2009, il y aura dans les rayons des supermarchés et des cavistes des bouteilles de pinot millésime 2008 de la marque Trucmuchetagada, résidus de pinots de Bourgogne non conformes à l’AOP (ex-AOC). C’est plutôt bien pour l’AOP.

Pour ces vins, "vulgaires" en attendant mieux, le plan autorise ce qui ne l’était pas et serait à l’origine de nos râteaux à l’export: les copeaux de bois, les tanins artificiels, le gewurztraminer, cépage alsacien que l’on pourra dorénavant planter dans le Midi et assembler avec un gewurztraminer planté en Bretagne, les étiquettes où l’on pourra inscrire -et donc lire- le cépage et le millésime. En résumé, tout ou presque sera possible, le meilleur comme le pire. De mystère il n’y aura plus, les vignerons feront œuvre de transparence. C’est tendance, la transparence.

L’illisibilité des vins français est-elle seulement là? Un vin de table est-il forcément un vin industriel? Un vin d’AOP est-il forcément un vin de vigneron? Un vin de vigneron est-il forcément une garantie de bon goût et de respect de l’environnement? Qu’est-ce qu’un vin de qualité? En quoi 480 AOC seraient-elles un handicap? Mis à part de Gaulle, qui se plaint qu’il y ait autant de fromages?

Aveuglés par l’humiliation –voilà que les Espagnols et les Italiens exportent davantage de bouteilles que nous qui plafonnons à treize millions d’hectolitres tandis que le marché mondial explose-, nous opérons un changement de forme. Mais le fond? Ce qui fait qu’au fond, nous buvons ou non du vin, ce que nous en attendons, ce que le vin dit des paysages, imaginaires et réels, qui nous habitent autant que nous les habitons, ce que le vin dit de notre manière de nous mettre à table, à la maison ou au restaurant, seul, en famille, ou avec des amis, tous les jours et les jours de fête, de faire terrasse, ce qui est à l’origine de notre goût du vin, ce qui en fait l’essentiel, une marque de civilisation, a été oblitéré.

Quand j’ébourgeonne les Cinsault –c’est le travail du moment dans les vignes-, je pense au vin qu’ils vont donner. Un vin de table, un vin rouge clair, de petit degré, simple au goût, que l’on boit en dînant d’une salade verte croquante, d’un œuf au plat et d’une mouillette trempée dans le jaune, avec pour finir -c’est tellement dur de quitter, de finir-, une dernière rasade avec des fraises au sucre. J’apporte le même soin aux cinsaults qu’aux mourvèdres qui vont, eux, dans le Coteaux du Languedoc, mon autre cuvée, un vin d’AOC (future AOP).

Avant comme après le plan de modernisation, le vin que je fais avec les cinsault restera un vin de table. Les parcelles sur lesquelles ils sont plantés ne sont pas dans le périmètre de l’AOC et le cinsault lui-même n’est pas reconnu comme un cépage majoritaire. Il n’est pas sûr qu’au fond, au bout du bout, cela en fasse moins un vin de terroir que le Coteaux du Languedoc, mais cela en fait à coup sûr, dans sa fonction et la réglementation à laquelle il obéit, un vin de table, une boisson de tous les jours. Il n’y a pas de honte, plutôt même de la joie. On le voit, le vin de table est simple, mais sur l’étiquette, avec ou sans plan quinquennal, sa lisibilité reste complexe.


* lien avec le blog de Catherine Bernard
http://www.rue89.com/mise-en-bouteille/michel-barnier-le-vin-de-table-et-les-oeufs-au-plat

  * Voir ma chronique du 19/04/2006 : Vin de Vigneronne http://www.berthomeau.com/article-2480172.html
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23 juin 2008 1 23 /06 /juin /2008 00:05

La semaine qui s'ouvre sera largement bordelaise, les 27,28,29 juin c'est "Bordeaux fête le vin" et je suis accro de ce vin dans la ville, ce vin qui vient au devant des urbains, simple et joyeux, sans que les faiseurs d'interdits y fassent barrage avec leur arsenal de prohibitionnistes rentrés, le vin tel que nous l'aimons tous, goûté, apprécié, comme chacun l'entend. Ce lundi, je vous propose un entretien avec Jean-Marie Chadronnier qui fut, entre autre, jusqu'à ces derniers jours le président de Vinexpo. Homme d'une belle entreprise bordelaise, CVBG, il fut de l'aventure du groupe stratégique Cap 2010. Dans l'alchimie complexe du groupe Jean-Marie a apporté son expérience et sa clairvotance d'homme de produit.  Relever "les défis du Vin français" pour lui, comme l'avait dit de Gaulle, s'apparentait à une ardente obligation. Le regard lucide qu'il porte sur la décennie écoulée n'a rien de passéiste, Jean-Marie aime trop ce produit pour cultiver le pessimisme, il y croît toujours par delà nos pesanteurs, nos immobilismes et notre goût pour la palabre. Je le remercie de m'avoir fait l'amitié de venir s'entretenir avec moi sur mon "espace de liberté".

JB :
Bonjour Jean-Marie, après avoir hissé CVBG, rachetée en 1998, au 1ier rang des exportateurs de Bordeaux, tu viens de prendre un peu de recul et, comme tu es à la fois un homme « produit », très en phase avec les tendances du marché, et un bon connaisseur des pesanteurs de notre système à la française, quel regard portes-tu sur la décennie écoulée ?

 

JMC : Faire un inventaire et un bilan exhaustif serait trop long et inutilement douloureux parfois, sans compter les trous de mémoire. Je me limiterai donc  modestement mon ambition à certaines  réflexions sur  que je considère comme des aspects  saillants de ces 10 dernières années. Tout d’abord, l’évolution de la consommation du vin dans le monde : fini le gros rouge consommé à raison de plusieurs litres par jour pour se donner du courage, oublier sa misère ou, finalement, par besoin. Ses consommateurs ont quasiment disparu. Deux générations les ont remplacé : la mienne, la nôtre, Jacques, très tôt mise en garde contre les méfaits de l’alcoolisme et très vite incitée par voie de marketing à boire des sodas, de la bière, des jus de fruits, de l’eau etc.….

Le vin est devenu un produit de consommation plus « raisonnable » mais aussi plus occasionnelle. Souvent, il a même disparu des tables familiales…

L’autre génération, celle de nos enfants, qui ont aujourd’hui entre 20 et 40 ans ne sait pas ce qu’a été le vin autrefois. Harcelée par la pub des autres boissons, elle a bien de la chance ou du mérite à savoir que le vin existe, lui qui est bâillonné chez nous, en France, pays de référence en matière de vins. Il est évident qu’avec la génération suivante, il n’y a aucun espoir que la situation s’améliore, au contraire. C’est trop triste socialement, économiquement et culturellement.

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JB : C’est triste en effet ce harcèlement d’un autre âge, ce prohibitionnisme larvé, cette hypocrisie, mais par bonheur de par notre vaste monde mondialisé le vin tire son épingle du jeu…

 

JMC : Oui, heureusement, la consommation du vin évolue d’une manière beaucoup plus encourageante (pour nous producteurs !) dans la plupart des autres pays du monde autorisés à boire du vin.

À l’exception de l’Espagne (qui consomme moins mais produit de plus en plus et exporte de mieux en mieux !) tous les pays où cette consommation a atteint un niveau « mature »  (disons au dessus de 10 litres per capita) voit leur consommation progresser de manière tout à fait régulière.

L’autre source d’optimisme provient des pays à consommation naissante, tels que l’Asie, où les facteurs population, enrichissement, éveil à la consommation etc.… permettent effectivement de penser que les succès obtenus dans cette région du monde ne sont qu’un début…

 

JB : La vague a donc été porteuse et elle le reste Jean-Marie, est-ce notre fait ? Avons-nous su profiter de nos atouts ? Ne sommes-nous pas pour partie hors-jeu ?

 

JMC : Nouveaux marchés, nouveaux consommateurs, nouvelles attentes…

Arqueboutés, trop longtemps, sur une  vision obsolète du vin, nous n’avons pas compris assez tôt que les consommateurs changeaient, que leur gout était influencé par les nouvelles boissons évoquées plus haut. Nous n’avons pas vu arriver – ou, par arrogance ou ignorance, nous ne les avons pas pris au sérieux – les producteurs des autres bouts du monde, qui n’ont pas détesté être qualifiés de « new world » et qui ont su offrir aux nouveaux consommateurs les vins qui correspondaient à leur goût. Nous n’avons pas manqué de nous gausser de ces vins épais et sirupeux qui, eux n’ont pas manqué de nous rafler en moins de 20 ans une bonne partie de nos parts de marché et nos places dans les linéaires !

On a eu pourtant un rapport Berthomeau  suivi d’un Cap 2010 qui apportaient un éclairage sérieux et indépendant sur la situation et certaines solutions. Oh, je n’ai pas la  prétention de considérer que c’était là Parole d’Evangile. Je l’admets. C’était certainement très imparfait. Mais il y avait des pistes. De bonnes pistes hélas vite brouillées par des bureaucrates pédants, mal motivés et surtout inconscients des conséquences de leurs choix.

N’est il pas navrant de constater qu’une bonne partie des recommandations d’alors finit par être suivie, mais seulement 5 années plus tard !

Les Australiens, les sud américains, mais aussi et surtout, bien plus près de nous, les Italiens et les Espagnols ont été beaucoup plus réactifs (cf. leur performance à l’exportation !)

Donc, oui, nous avons beaucoup perdu par rapport à ce que nous aurions pu ou du gagner car nous ne nous sommes pas invités au banquet de la croissance.

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JB : Pouvons-nous le faire maintenant ?

 

JMC : Quelle que soit la passion que l’on peut avoir pour ce produit et les métiers du vin, quelle que soit la fierté que nous pouvons parfois légitimement éprouver, ne pas reconnaitre que nous ne sommes pas montés dans le train de la croissance est un aveuglement coupable.

Ceci dit, c’est dommage mais c’est du passé.

Tout n’a pas été si noir. Pendant ces dix dernières années, on a vu que ceux qui ont compris ce qui se passait et qui ont élaboré des stratégies de production et de commercialisation « contemporaines » ont parfois pu construire des affaires solides, durables et profitables et savourer la reconnaissance de leur accomplissement.

On peut aussi, sans hésitation, dire que jamais les vins français n’ont été aussi bons qu’ils le sont aujourd’hui : des progrès ont été accomplis partout, parfois spectaculaires. Cependant pas toujours gratifiés. Il faut encore apprendre à valoriser ce qui le mérite ou/et à ne pas le laisser dévaloriser par des produits  qui ne le mérite pas…

Compliqué…

 

JB : comme notre système d’AOC, à Bordeaux comme ailleurs ? Et Bordeaux dans tout ça, Jean-Marie ?

 

JMC : On peut aussi commencer à se réjouir de la remise en question apparente de nos systèmes d’origine géographique. Il suffit d’ausculter le consommateur du monde, de regarder ce qui marche et ce qui ne marche pas pour savoir ce que nous devons changer. Et la problématique est simple: to be or not to be.

Il y a beaucoup de raisons de croire au rebond possible de cette production de vins dont nous devrions être si fiers et que nous devrions protéger comme un joyau historique et envié de notre culture.

Je finirai sur deux réflexions, l’une marquant ma tristesse et mon exaspération, l’autre ma fierté et ma confiance :

Un produit banni, condamné dans son pays d’origine ne peut pas, à long terme, réussir à l’exportation. Ne peut-on pas comprendre que parler du vin n’est pas un encouragement à s’alcooliser ? Ne peut-on pas essayer de le comprendre et de nous donner une chance de le démontrer ? À moins que volontairement, ou inconsciemment, on veuille faire disparaitre la communauté du vin en France ?

La tendance est évidente : prolongez les courbes de consommation dans notre pays et vous pourrez évaluer combien d’hectares de vignes et de viticulteurs et d’emplois directs ou indirects auront obligatoirement disparu dans 5 ans, 10 ans,  20 ans …Il faudra aussi mesurer les conséquences économiques et sociales…

Si c’est cela qu’on veut, il faut que cela soit dit.

Mais il faudrait aussi que la communauté du vin sache se défendre, se battre s’il le faut, qu’elle soit capable de s’exprimer raisonnablement, clairement, fermement et surtout d’une seule voix !

Ne sait elle plus quel est son pouvoir ?

Ma fierté et ma confiance, je les trouve dans ce que nous produisons de meilleur.

 

Jacques, tu me demandes : « et Bordeaux dans tout ça ? » Tous les problèmes et difficultés évoqués plus haut s’appliquent aussi à Bordeaux.

Sauf pour les grands vins ! Sauf aussi pour les grands vins d’ailleurs en France. Ceux là n’ont jamais été aussi bons ni aussi recherchés, malgré des prix qui parfois peuvent nous étonner. Mais c’est bien là la preuve de la force de nos grandes marques et de nos grands terroirs lorsqu’ils sont correctement exploités. Ils sont la plus belle représentation des vins de France dont ils sont aussi les locomotives. Bien sûr, ils ne représentent qu’un volume minoritaire de notre production nationale. Mais je suis convaincu que leur modèle peut être décliné dans toutes les catégories de vins produits chez nous. Le meilleur moyen de défendre l’image des vins français est de faire le maximum pour être meilleurs que les autres. En tout.


(1) et (2) illustrations de Jean Hugo tirées du catalogue Nicolas 1933
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