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8 juillet 2008 2 08 /07 /juillet /2008 00:03

 

Quel rapport entre le bœuf de Bazas et le vin de Duras ?

 

 

Aucun à priori, sauf pour moi qui aime les rimes riches. Et pourtant, les deux gros bourgs sont aquitains, placés en presque vis-à-vis sur les deux rives de la Garonne, Bazas sur la gauche, Duras sur la droite, une grosse cinquantaine de kilomètres les séparent. Le premier est une cité gasconne de 15 siècles située au sud des vignobles de Sauternes et au nord de la forêt landaise qui compte 4300 habitants et s’enorgueillit, outre de son fameux bœuf, de sa cathédrale romane classée au patrimoine mondial de l’UNESCO dans le cadre du classement des chemins de St Jacques de Compostelle depuis 1998. Evêché du Ve siècle jusqu’à la Révolution et sous-préfecture jusqu’en 1926, j’ai découvert Bazas grâce à mon professeur de zootechnie qui, en abordant les grandes races bovines, classait dans les races brunes des Alpes et dérivées la race Bazadaise. Il la décrivait à robe gris blaireau foncé, notait qu’on la rencontrait dans les Landes, le Gers, le Lot-et-Garonne et la Haute-Garonne et jugeait qu’elle possédait d’indéniables qualité pour la boucherie et le travail. Donc je connus Bazas par la maman du bœuf de Bazas (pour les jeunes urbains je signale que pour faire un bœuf il faut qu’une vache vêle d’un veau de sexe masculin que l’on castrera) qui, de nos jours, est doté d’une IGP (le bœuf de Bazas et le vin de Duras relèvent donc de l’INAO). Pour faire plaisir à Hervé Bizeul le bœuf de Bazas est produit que par une petite dizaine d’éleveurs, abattu dans un seul abattoir et exclusivement commercialisé par une douzaine de bouchers. Sa renommée est grande et son prix élevé.



 

 

 

Pour Duras je me dois de commencer par Marguerite – et ce n’est pas un dérapage berthomesque – puisque Marguerite Donnadieu écrivit, au château de Duras www.chateau-de-duras.com  son premier roman « Les Impudents » où elle exalte la beauté des paysages de son adolescence et elle devint célèbre sous le pseudonyme de Duras. Le bourg est plus modeste que celui de Bazas, 1200 habitants, mais il est le centre d’un « vignoble à portée de mains » celui des Côtes de Duras. Avec celles-ci j’ai entretenu des relations d’embouteilleur au temps de la SVF puisqu’elles étaient l’une de nos principales références en vin blanc d'AOC : 3 à 4000hl sous la marque Combastet (400 000 litres ou 440 000 bouteilles).


 

Quelques années plus tard, alors que je sillonnais la France des vignes pour faire le service après-vente de mon rapport, le syndicat de défense des Côtes de Duras m’invitait à passer une journée à Duras. J’ai le souvenir d’un accueil simple et chaleureux. Á la maison des vins, en fin de soirée, l’assistance m’écouta poliment élucubrer sur mes vins pilotés par l’aval. Propos de mécréant dans un vignoble qui connut son essor au XIIe siècle et qui fut l’un des premiers à être classé en 1937 en AOC. Comme ces derniers jours sur Vin&Cie l’espace de liberté, en bon « stipendié des vins industriels » mais aussi en grand pourfendeur de la « typicité » chère à certains normalisateurs de l’INRA j’ai mis un peu d’ambiance et d’audience dans le Landerneau de la viticulture française je me sens soudain une dette à l’égard de tous ces vignerons qui se retroussent les manches pour se donner un avenir.

 

Ceux des Côtes de Duras sont de ceux-là. Alors j’ai décidé de leur offrir ma petite tribune pour promouvoir leur Nuit Blanche :

 

« Duras Fête le vin, Faites nuit blanche ! »

 

 

Dimanche 10 août, rendez-vous à Duras pour 24 heures de fête non-stop. Les Côtes de Duras célèbrent leurs vins et vous invitent à un jour et une nuit de fête entièrement gratuite, du dimanche au lundi de 10 heures à 10 heures ! Au programme : Eve Angeli, Michelle Torr, DJ Greg Cerrone, DJ Missill mais aussi des randonnées dans le vignoble, des rencontres avec les vignerons et, avis aux amateurs, plus de 150 références de vin offertes à la dégustation…


 

Cette année il y en aura pour tous les goûts ! En 2007, la Nuit Blanche avait créé l’événement à Duras. Décalée, innovante et branchée, elle avait enthousiasmé le public venu en masse fêter les 70 ans de l’AOC. En 2008, la Nuit Blanche fusionne avec la traditionnelle Fête du Vin du mois d’août pour offrir encore plus d’animations et de spectacles gratuits !


 

Après un départ en musique le dimanche matin, Batucada déambulatoire dans le village, c'est le Maréchalat de Duras qui donnera en fin d'après midi le coup d'envoi de la Nuit Blanche. En journée, des randonnées pédestres et VTT ouvriront les portes du Pays de Duras et de ses vignobles aux sportifs, tandis que Di-vin Détour chez le Duc sera une belle occasion de se laisser entrainer dans la toute nouvelle visite guidée du château des Ducs et de découvrir la Maison des Vins de Duras.



Et pour aller jusqu’au bout de la nuit, les fêtards pourront compter sur une programmation musicale éclectique. En début de soirée, c’est la tournée d’été du magazine Ici Paris avec Eve Angeli puis Michelle Torr, qui, après une semaine à l'Olympia, sillonnera les routes de France jusqu'à Duras. Leur succèderont Docteur Country et Terraboa Brazil. Passé minuit, les DJ enflammeront la nuit jusqu’au petit matin : Dj Missill, la tornade des platines, Greg Cerrone et Dj Costello !


 

A noter enfin que « Fête du Vin, Faites Nuit Blanche » c’est tout le vignoble à portée de main.


 

Une occasion unique de découvrir en un même lieu toute la gamme des vins de l’Appellation.


 

Rouges, blancs, rosés, moelleux, bio : une trentaine de vignerons vous invitent à déguster leurs vins au coeur du village, plus de 150 références au total. De quoi garnir votre cave en bénéficiant de leurs précieux conseils !


Une date à inscrire dans les agendas des vacances de cet été : Fête du Vin, Faites Nuit Blanche le 10 août à Duras.

Contact : Maison des Vins - 47120 Duras - Tél : (0)5 53 94 13 48

Toutes les infos sur : www.cotesdeduras.com - Email : contact@cotesdeduras.com

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7 juillet 2008 1 07 /07 /juillet /2008 00:08

Chères lectrices et chers lecteurs,

Ce matin je suis très fâché. Excédé par l’impudence, le mépris, l’arrogance, l’indécence des gnomes du groupe Carrefour. Communiquer je veux bien, c’est de bonne guerre, sponsor de l’équipe de France de football pourquoi pas, mais oser étaler sa charité en des encarts publicitaires relève d’une vulgarité indigne d’un grand groupe. Tout y est : le visuel et le texte ci-dessous sont à chier. Je m’emporte mais jusqu’où ira-t-on dans l’hypocrisie auto-justificatrice ? Le groupe Carrefour, que je sache, n’a pas pour objet social de faire l’aumône aux indigents. C’est un gros épicier qui achète pour revendre et faire des bénéfices. Je n’ai rien contre et je n’ironiserai pas sur les brillantes performances économiques et financières du mastodonte mais qu’il nous épargne des tirades destinées à faire accroire au bon peuple que chez Carrefour on a le cœur sur la main. Non, messieurs de Carrefour, vous ne mettez pas votre métier au service de la solidarité. Que les « petits génies » de BETC Euro RSCG, jamais en reste d’une belle image choquante, c’est leur job, n’aient rien trouvé mieux que cette autocongratulation pour redorer l’image de votre groupe en dit bien plus que de longs discours sur votre capacité à comprendre les attentes des gens de peu qui sont aussi des gens de bien.

 



















Méditez messieurs et mesdames, dirigeants du groupe Carrefour, sur l’interrogation de Marivaux « qu’est-ce qu’une charité qui n’a point de pudeur avec le misérable, et qui, avant que de le soulager, commence par écraser son amour-propre ? » et sachez que dans notre civilisation devenue très individualiste – j’en suis, et ne m’exonère en rien de ce constat – on ne parle plus de charité, car c’est trop péjoratif, mais d’appel au don. Des associations caritatives se substituant à l’aumône chrétienne, administrent l’assistance. Elles s’adressent à tous et, il est démontré que ce sont les moins riches qui proportionnellement font le plus gros effort par rapport à leur capacité contributive (ramené au CA du groupe Carrefour les 22 millions de repas représentent une contribution minable)  Eux, bien sûr, n’ont pas les moyens, comme vous, de se payer 2 pleines pages dans le Nouvel Observateur pour vanter leur vertu. La charité, la vraie, celle du cœur, est silencieuse, discrète. On ne l’étale pas. On ne s’en prévaut pas. Enfin, sans vouloir vous faire de procès d’intention, mesdames et messieurs de Carrefour, je suis intimement persuadé que dans vos fors intérieurs vous pensez aussi que votre vertu ostensiblement affichée s’adresse à ceux qui ne sont pas capables de se prendre en charge.

 

 

Par bonheur pour vous, Coluche et Desproges ne sont plus là pour vous rudoyer bien plus que je n’ai su le faire. C’eut été un vrai bonheur que de les entendre vous étriller et vous offrir à la vindicte du bon peuple des pousseurs de caddies. Allez, ne vous inquiétez pas, les « charitables » de Carrefour, mon papier va peut-être faire remonter le cours de votre action à la Bourse de Paris qu'est totalement à la rue. Et puis, pour en finir avec vous, permettez-moi de soumettre à votre réflexion, tout d'abord, une maxime délivrée par l'un des seuls réels philosophes du XXe siècle, Pierre Dac, " Quand les bornes sont dépassées y'a plus de limites..." et enfin l'avertissement d'un encarté : " le client à toujours raison..."

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6 juillet 2008 7 06 /07 /juillet /2008 00:06

À la GP, comme l’initiative des actions relevait de la soi-disant volonté des larges masses, la réflexion d’un héros de Kafka « je suis mandaté, mais je ne sais pas par qui ! » s’appliquait sans aucune limite. Ma hiérarchie, très laconiquement m’avait prévenu, le plus difficile ne serait pas de m’infiltrer mais d’influer sur les décisions car la bureaucratie du premier cercle veillait sur Pierre Victor, comme des ouvrières obnubilées sur la Reine de la ruche. Dans une configuration normale mon rôle d'infiltré aurait du tendre à manipuler les dirigeants, à les pousser à la faute pour que l’opinion publique ait peur, qu’elle se réfugie sous le manteau protecteur du pouvoir en place. Raminagrobis de Montboudif voyait d'un très mauvais oeil la montée de l'Union de la Gauche. Il ne voulait pas laisser le monopole de l'ordre au PC saoûlé de coups par les gauchistes à qui les socialistes jouaient une danse du ventre effrénée. Ici, la tactique était inverse, nul besoin de manipuler les maos, il suffisait selon mes chefs de leur laisser la bride sur le cou. Facile à dire : conduire un attelage de cette nature, en lui laissant la bride sur le cou, relevait du n’importe quoi. Et c’était du n’importe quoi. J’allais le vérifier dans les heures qui suivirent. À ma grande surprise je voyais débarquer d’un bloc l’état-major de la branche armée, avec ce je ne sais quoi de morgue propre à ceux qui dressent des plans en chambre, qui envoient la piétaille se faire massacrer, qui sont prêt à tout sacrifier, sauf eux, à la cause. Dans la clandestinité, la vraie, celle où sa vie en jeu, on cloisonne, on se fait discret, on évite de se réunir en des lieux connus et surveillés par la police, alors que ces petits messieurs au verbe haut plastronnaient. Aux côtés d’Olivier, le Gamelin de la GP, se tenait, hilare face à mon étonnement non feint, l’inénarrable Gustave, plus Gustave que jamais.

Les présentations relevèrent du grand guignol. Gustave déjà fortement chargé, se plantait face à moi, rotait tout en grattant de sa main gauche ses burnes dans le tréfonds de son calbar, empoignait de son autre main velue et sale le bras du général en chef, qui semblait apprécier au plus haut point cette familiarité, et avec toute la vulgarité dont je le savais capable il lançait à la cantonade : « Ce gars-là, y’a pas mieux en magasin les têtes d’œufs ! L’a pas fait vos grandes écoles à la con et jamais pété dans la soie, lui, mais sous sa tronche de beau gosse qui peut se tringler les plus putes de vos putes de sœurs quant y veut ou il veut, y’a du répondant. Ça turbine sec les méninges. Pas votre bouillie pour chiots les phraseux, du chiadé… » Gustave laissant ses glaouis en paix, en un geste circulaire et théâtral, pointait son index en direction des officiers subalternes et autres porte-serviettes : « mon petit poteau à moi, qu’en a autant que vous là-haut, lui y sait se servir de ses dix doigts. Pas manchot ou mains blanches, le meilleur artificier que je connaisse. Pas un fabriquant comme vous de petites merdes qui pètent très fort, non, des trucs pour tuer. Des bouts d’os, de la bidoche et du sang sur les murs qui sont le meilleur lieu pour la racaille du patronat et les lopes politiciennes. Avec lui on ne va pas se faire chier. Je propose qu’on l’appelle : Maroilles car putain de Dieu y’a pas meilleur qu’un bout de Maroilles trempé dans ton café au lait. Ça vous ne pouvez pas le comprendre vous qu’avez tout juste sucé que les tétons de votre mère… » Ponctuant ses fortes paroles bues par une assistance recueillie Gustave pétait à se déchirer la rondelle. La messe était dite. J’en étais et il ne me restait plus qu’à suivre la troupe drivée par l’improbable couple Gustave-Gamelin.

L’heure de la contre-attaque avait sonné. La commémoration du premier anniversaire de l’assassinat de Gilles Tautin allait servir de détonateur pour libérer l’autonomie des ouvriers de Flins étouffée par l’alliance des chiens de garde syndicaux et des bureaucrates de la direction de la Régie. En souvenir du premier martyr de la longue marche version française la GP allait montrer concrètement aux forces capitalistes que les grilles, les nervis, les CRS, tout l’arsenal répressif, n’étaient pour elle que l’équivalent de la maison de paille des petits cochons. Le souffle brulant des larges masses allait balayer ces ridicules défenses. La violence insurrectionnelle, braise sous la cendre, exploserait, nécessaire et légitime. Bien sûr le détail de l’opération restait secret. Rendez-vous était donné dans l’église d’Elisabethville prêtée par un curé sympathisant. Cette fois-ci, le chef des opérations militaires déconseillait de se rendre sur le théâtre des opérations via l’autoroute de l’Ouest. July et Prisca Bachelet, la première fois, juste après le Pont de Saint-Cloud s’étaient fait cueillir par les gendarmes et embarqués pour Beaujon. Quand à Edern Hallier, il n’aurait pas à prétexter un départ «en week-end» à Deauville avec sa Jaguar car on avait omis de le mettre au parfum. Trop bavard ! Moi je savais tout car l’immonde Gustave avait déjà bavé à son correspondant des RG. Les troupes de choc de la GP allait pénétrer de force dans l’usine de Flins et affronter l’encadrement. Ensuite, repli en bon ordre et évacuation par une tranchée d’égout à ciel ouvert. Ce vieux salaud de Gustave se marrait doucement car lui n’en serait pas alors que moi il venait de me jeter dans les pattes des frelons arythmiques.

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5 juillet 2008 6 05 /07 /juillet /2008 00:05

 

Le céteau est si minuscule, 10 à 20 cm, si plat, qu’on le prendrait facilement pour une langue de chat, toute brune, je ne plaisante pas, à Bordeaux, on le nomme aussi langue d’avocat. On dirait une petite sole mais ce n’est pas, n’en déplaise aux eurocrates, une petite sole (1) c’est un céteau.

 

Ce petit poisson aime nager en eaux troubles, se vautrer dans la vase et sa tiède chaleur, dans les fonds marins entre les Sables d’Olonne et le bassin d’Arcachon. Le coquin a la peau toute bronzée et la chair d’une blancheur nacrée. Il est fragile et fin. On le pêche à partir du mois de mars lorsque les eaux se réchauffent et qu’il s’approche des côtes jusqu’à novembre où il s’en éloigne pour s’envaser.

 

L’Europe bleue, en 1983, l’ignora. Les eurocrates alertés préférèrent fermer les yeux en conseillant la discrétion (sic). Les pêcheurs du port de la Cotinière, qui assurent 50% de la production nationale de céteaux, loin de se contenter de ces arrangements précaires et soumis au bon vouloir de l’Administration ont « démontré que les volumes de pêche étaient les mêmes depuis longtemps et que l’espèce n’était pas menacée par le niveau de capture (…) que les autres pièces ramenées dans les chaluts étaient inférieures à 10% ». Enfin, en 1996, l’un des chouchous du François de Jarnac, Le Divillec, parrainait la promotion du céteau.


 (1) André Forest de l'IFREMER l'a démontré en 1979


Le vendredi, jour maigre dans ma Vendée profonde, le poisson occupait nos assiettes et, comme nous étions à la Mothe-Achard à quelques lieues des Sables d’Olonne et de son port de pêche de la Chaume, le céteau faisait parti de notre ordinaire. Fricassé, bien sûr, après avoir été, comme les électeurs, roulé dans la farine sans même qu’on eut besoin de le vider. Saisi dans un grésillement mousseux de beurre de pot le petit céteau se dorait la pilule.

 

Pour les ignorants, le beurre de pot, est du beurre salé conservé dans un pot de terre pour l’hiver. Aigrelet mais sans égal pour croustiller la peau du petit céteau. On le mange avec ses doigts sans le dépiauter, tout entier. On se lèche les doigts qui sont bien gras. On passe un bout de pain dans le fond de l’assiette pour recueillir le beurre frit qui reste. Et avec ça qu’est-ce qu’on boit les gars ? Un Fiefs Vendéens La cuvée les Clous 2003 du Domaine Saint Nicolas de chez Thierry Michon http://www.domaine-saint-nicolas.com/fr/?m=cuvee&c=6

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4 juillet 2008 5 04 /07 /juillet /2008 00:02

 

 Se prénommer Noah, certes avec un h, être un écrivain américain à succès – étasunien plus précisément – vous prédispose assurément à écrire un livre émouvant, d’une beauté simple, juste et vrai, sur le voyage initiatique à la fin du XIXe siècle d’un jeune vigneron du Languedoc à la Catalogne. Lisez-le vous y retrouverez, dans une langue sans fioriture, tout ce qui fait la grandeur et la servitude du métier de vigneron. Une autre époque certes, dure, implacable, mélange de soumission et de fierté d’une communauté humaine liée à sa terre, solidaire dans sa condition de servitude, d’apparence immuable, miséreuse mais d’une grandeur d’âme sans pareille. L’amour, toutes les passions humaines, la politique, la religion, l’argent, le commerce et, bien sûr, la culture de la vigne et l’élaboration du vin, donnent aux femmes et aux hommes de cette terre aride de Santa Eulalia, une vérité humaine émouvante. Sans vouloir extrapoler j’estime que bien des ingrédients de ce beau livre donnent à réfléchir sur les temps que nous vivons. Josep, le héros, fort de l’expérience acquise chez Léon Mendès dans la vallée de l’Orb, veut faire son vin sur la terre de ses ancêtres, du Vin à boire, et non du mout pour la vinaigrerie. Dit par un mécréant comme moi c’est un peu une saga : du vin industriel au vin de terroir… Bonne lecture.

 

« Comme il n’est que le fils cadet, Josep Alvarez sait depuis toujours qu’il n’héritera pas de la bodega familiale : les vignes qui poussent sur le sol aride de Santa Eulalia reviendront à son frère aîné. Josep s’engage donc dans l’armée, où, en échange d’une maigre solde, il est propulsé dans l’horreur des guerres carlistes.

Désertant une unité dont il est le seul survivant, il se réfugie de l’autre côté des Pyrénées, au cœur du Languedoc. Un vigneron français lui apprendra les secrets de la vigne, et lui transmettra sa passion. Dès lors, Josep n’aura qu’une seule obsession : fabriquer son propre vin, dans sa propre bodega. »

Extrait de la 4ième de couverture La Bodega de Noah Gordon chez Michel Lafon

 

« Le jour où tout changea, Josep travaillait depuis l’aube dans les vignes de Léon Mendès.

C’était une journée exceptionnellement belle dans un mois de février maussade. L’été était frais, mais le ciel semblait ruisseler de soleil. Josep s’était mis à l’ouvrage poussé par une sorte de frénésie. Passant de cep en cep, il taillait les sarments épuisés d’avoir porté jusqu’en octobre un raisin dont chaque fruit débordait de saveur comme une femme dans la fleur de l’âge. Sa main rapide coupait au plus près. Quand il tombait sur une grappe de fer servadou ratatinée oubliée par les cueilleurs, il la mettait de côté dans un panier, non sans en goûter au passage un grain aux arômes délicatement épicés. Arrivé au bout de la rangée, il entassait ses sarments, puis les embrasait à l’aide d’un brandon prélevé dans le feu précédent ; et l’odeur âcre de la fumée ajoutait au plaisir n é de son effort. »

Extrait du premier paragraphe de la première page

 

« Le village de Roquebrun se nichait sur la pente d’une colline, dans une boucle de rivière passant sous un pont de pierre en dos-d’âne. Josep s’approcha. On respirait ici un air doux, odorant. Les feuillages étaient verts. La rivière était bordée d’orangers. Le village était propre bien tenu, empli de mimosas d’hiver dont les fleurs évoquaient tantôt des plumes d’oiseau, tantôt des flocons amassés par le vent. »

Extrait page 145

 

« Durant l’automne qui suivit son retour à Santa Eulalia, Josep éprouva une joie toute neuve en voyant se métamorphoser les feuilles sur ses pieds de vigne. Le phénomène ne se produisait pas chaque année. Par quoi était-il déclenché ? Josep l’ignorait. Peut-être était-ce dû à cette saison particulière où les nuits glaciales succédaient à de brûlants après-midi. Ou bien fallait-il chercher du côté d’un mélange particulier de soleil, de pluie et de vent. Quoiqu’il en soit, les feuilles se transformèrent en ce mois d’octobre, et Josep y trouva un écho de lui-même. Soudainement, les pieds d’ull de llebres offrirent une variété de nuances qui allaient de l’orangé au rouge vif. Dans le même temps, les grenaches d’un vert lumineux tournaient au jaune, tandis que leurs tiges brunissaient. Les feuilles de Carignan, elles, restaient d’un vert riche, et leur tiges devenaient rouges. Tout se passait comme si les pieds de vigne défiaient leur mort prochaine ; mais pour Josep, tout cela relevait d’un renouveau, d’une renaissance, et il arpentait ses rangées avec un enthousiasme tranquille. »

Extrait page 151

 

« Avant son séjour en France, il ne s’était jamais avisé de compter les bourgeons apparus sur les sarments, mais, à présent que ses propres vignes prenaient vie, il en vérifiait chaque cep. Il nota que la plupart donnaient environ soixante bourgeons, sauf les plus anciens, qui en produisaient une quarantaine. Léon Mendès voulait, lui, que ses ceps donnent entre quinze et vingt bourgeons, pas plus. Josep se mit à élaguer ses vieilles vignes pour les réduire au-dessous de ce chiffre. Maria del Mar, qui venait récupérer son fils, le vit jeter des bourgeons qui pour elle représentaient autant de futures grappes.

- Qu’est-ce qui te prends ? s’écria-t-elle.

- Moins il y a de bourgeons, répondit-il, plus le goût se concentre dans le raisin. La saveur se met dans les grappes qui restent. Dans celles où même les pépins mûrissent. J’ai l’intention de faire du vin.

- Ce n’est pas ce qu’on fait déjà ?

- Je veux faire du vin, répéta Josep. Du bon vin. Du vin que les gens auront envie d’acheter. Si j’arrive à en produire et à le vendre, je ferai plus d’argent qu’en vendant du moût à Clemente ! »

 

Extrait page 239

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3 juillet 2008 4 03 /07 /juillet /2008 00:09

Au temps où les matches du Tournoi des 5 Nations se jouaient au Parc des Princes, je me rendais toujours avec plaisir au repas d’avant-match au restaurant de Roland-Garros organisé par le club Quinze d’Antoine Verdale avec Michel Pons comme homme orchestre. Au menu l’invariable cassoulet de Castelnaudary accompagné d’autres nourritures roboratives, le tout arrosé de vin de Buzet. L’ami Jean-Marie Hébrard, omniprésent, souriant, nous accueillait, nous régalait, l’ambiance était bon enfant, les langues se déliaient et les gens, dit importants, retrouvaient le plancher des vaches des bons vivants. Souvenirs, souvenirs, des liens privilégiés avec la cave des Vignerons de Buzet que le temps, comme souvent, a distendu.

 

Ce matin l’occasion m’est donnée de chroniquer sur leur dernier-né : le Bib de fille baptisé Vinity Case qui s’inscrit dans la tendance que j’évoquais dans mon papier du 20 mai 2008 « Pink&pink et colégram »  http://www.berthomeau.com/article-19794749.html Nos amis de la Journée Vinicole parlent d’une « véritable Révolution », je n’irai pas jusque là mais, comme Gallo avec son Hand Bag (voir Wine News de la Toile N°18) les Vignerons de Buzet s’inscrivent avec, créativité et talent, dans la tendance très rétro des Sixties. Mais comme le temps est au prémâché communiquant, le produit s’accompagne d’une fiche d’identité, je cite : « sa forme ronde, associé à ses couleurs acidulées, au vichy et à la clarté du message, en font un message identitaire à part entière (...) Ce premier Bag-in-Box rond aux couleurs tendres s’adresse essentiellement aux femmes et s’inscrit dans la volonté des vignerons de Buzet d’instaurer une véritable parité dans le monde du vin. »

 

Je dois avouer que ce genre de littérature, très chef de produit, me dérange. Pourquoi diable, en lançant un nouveau contenant innovant se livrer à de telles déclarations d’intention ? Pour convaincre les acheteurs de la GD me rétorquera-t-on ? Fort bien mais, entre nous, sans vouloir froisser l’ego souvent fortement dimensionné de ces fins connaisseurs, que connaissent-ils des filles d’aujourd’hui ? Ce que leur disent les panels, les études ou je ne sais quoi, me direz-vous doctement. Sans doute mais, n’en déplaise aux « rayonneurs » de la Grande Distribution, ou aux vendeurs d’idées en kit, le vin de fille ça n’existe pas. Les filles, comme les garçons d’ailleurs, s’approprient, détournent, s’identifient à certains produits, à certaines marques : cf. Lacoste, Burberry’s ou même les petits sacs blancs de Vuitton, mais vouloir leur forcer la main, les flécher, leur dire c’est pour vous qu’on l’a fait n’est pas un bon plan. Les success stories naissent en dehors de toute planification marketing rationnelle. De même, dire que le produit s’inscrit dans le grand combat de la parité homme /femme me laisse rêveur.

 

Bon, ce n’est que mon opinion, elle n’engage que moi et elle n’aura guère d’incidence sur le succès éventuel du produit. Que les Vignerons de Buzet n’en prennent pas ombrage car leur Vinity Case je lui trouve beaucoup de séduction, de fraîcheur primesautière et je lui souhaite une longue et fructueuse vie. Mon propos se cantonne à affirmer que l’on ne créé pas des musts, des objets cultes par la seule affirmation d’une volonté aussi cohérente et rationnelle soit-elle. Devenir un accessoire indispensable aux soirées en vogue ne se décrète pas. Pour s’insérer dans ce type de manifestations il faut en être : les champenois et les « ambassadeurs » des grands spiritueux à la mode, le savent mieux que quiconque et leurs moyens leur permettent d’influer sur les boissons branchées. En écrivant ce que j’écris je m’adresse à ceux qui pensent qu’une bonne idée, qu’un concept nouveau : Vinity Case en est un, génère une marque. Une dénomination commerciale, aussi géniale soit-elle, aussi surprenante et originale qu’elle fût ne s’installe pas dès son lancement dans un statut de marque. Une marque est une construction de longue haleine où le produit qui la supporte génère les moyens de son expansion et de sa diffusion. Inverser les facteurs, s’autoproclamer marque, mettre en avant ce que l’on estime être ses attributs c’est mettre la charrue avant les bœufs et enfermer le produit dans un univers restreint. Je l’ai déjà écrit, donner un sexe au vin, c’est le priver de son atout essentiel, comme l’est le jeans, d’être unisexe.  

 

Sans conclure, deux exemples : l’Avantime de Renault et « Angel » de Mugler, soit un succès annoncé qui se termine en fiasco commercial et un succès imprévu et durable d’un parfum sans grand moyen.

 

« L’Avantime de Renault incarne un bon exemple d’échec commercial dans le domaine automobile. Pourtant, en apparence, le véhicule était parfaitement en phase avec les tendances. Cette voiture lancée par Renault en 1999 partait d’une logique simple : puisque les Français aimaient les coupés et achetaient des monospaces, il devait exister un marché pour des « coupéspaces ». Conscient de la difficulté de la difficulté de lancer un modèle sur le segment haut de gamme, Renault estimait pouvoir en vendre 15000 par an. En réalité, la première année, le constructeur ne parvint qu’à en vendre 5000. Cet étrange engin ne parvint pas à bousculer les tendances classiques du haut de gamme, selon lesquelles une automobile doit être une berline statutaire à trois volumes, à l’instar des modèles allemands. » Guillaume Erner

 

« L’idéologie de la marque domine ces professionnels ; pour eux, c’est elle et rien d’autre qui distingue deux rouges aux lèvres. Ces utopistes, tendance nihiliste, pensent régner sur un monde où le rêve immatériel serait devenu une réalité, où le produit ne constituerait plus qu’un problème secondaire. Dans ce contexte, le parfum constitue l’incarnation idéale du rêve de l’immatériel, une traduction marketing de la poésie baudelairienne. Pour en lancer un, des sommes considérables sont investies dans tout ce qui n’est pas le produit, autrement dit dans le marketing, entendu au sens large. Si « Angel » (1) de Thierry Mugler a été lancé en 1993 sans grands moyens, la plupart des parfums font l’objet de dépenses publicitaires énormes (LVMH parfums investit par an 25% de son CA en publicité » Guillaume Erner

 

 

(1)  le phénomène « Angel » reste en tête du hit-parade mondial des meilleures ventes (je propose à Claude Sauser, qui a travaillé pour ce produit, de nous expliquer pourquoi…)

(2)  « C’est la vie » de Christian Lacroix avait tout pour réussir ce fut un bide dans la longue liste des succès annoncés.

 

 

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2 juillet 2008 3 02 /07 /juillet /2008 00:04

C'est un de mes sujets favoris : convaincre une majorité de nos concitoyens, l'opinion publique comme on dit, que le vin est, tout en étant une boisson alcoolisée, un vecteur puissant de socialisation, de lien social, de convivialité et de bien vivre. La pente à remonter est importante. Les clichés d'un autre âge ont toujours cours et les prohibitionnistes masqués mènent, avec toujours la même vigueur et une forte dose de mauvaise foi, leur apostolat. Le monde du vin n'a pas toujours été exempt de reproches : positions ambiguës et défense brouillonne et agressive. Le travail de fond entrepris par Vin&Société constitue pour moi un grand progrès dans l'élaboration d'une réelle stratégie de reconquête de l'opinion. Je remercie donc madame Marie-Christine Tarby-Maire la présidente de Vin&Société d'avoir bien voulu se soumettre à mes 3 Questions.

 1ière Question : Vin et Société : vaste programme aurait dit le général de Gaulle, vous êtes face à un chantier difficile madame la Présidente. Pouvez-vous éclairer notre lanterne : quelle mission s’est donné votre association ? Qu’elle est sa philosophie ? Lobby or not lobby ?

 

Réponse de MC Tarby :

Vin et Société rassemble toute la filière vin française dans le but de défendre la place du vin dans notre société et tout particulièrement de promouvoir un mode de consommation compatible avec les objectifs légitimes de santé publique.

Le mot lobby en France a mauvaise presse. Nous défendons notre filière et nous sommes un interlocuteur des pouvoirs publics sur le thème de la place du vin dans la société. Nous essayons de tenir compte des évolutions de la société, de partager avec notre filière ce que nous estimons être la meilleure attitude pour l’avenir.

Nous avons choisi, comme l’ensemble de la filière vins européenne, de promouvoir la modération, ce n’est en rien un renoncement, c’est un acte civilisé certes mais qui permet de se faire plaisir souvent et longtemps.

Les consommateurs ne veulent pas vivre dans un monde d’interdits, ils veulent pouvoir profiter de la vie. La gastronomie, la convivialité sont des éléments essentiels de la vie. Le bon sens va prendre le dessus face aux excès de ceux qui ne voient que le mal.

 

 

2ième Question : Dans notre société où l’on a de plus en plus tendance à épouser les humeurs de l’opinion publique, à décider au vu des majorités dégagées par les sondages, que comptez-vous faire pour transformer la sympathie réelle de beaucoup de nos concitoyens envers les vignerons en compréhension et en soutien dans la confrontation toujours difficile entre la communication sur le vin et les politiques de santé publique ?

 

Réponse de MC Tarby :

Nos concitoyens ont une belle image du vin, (toutefois 40% des plus de 15 ans sont non-consommateurs) et à juste titre, c’est un des plus beaux, si ce n’est le plus beau, produit de la terre et des hommes, un produit chargé d’histoire, de terroir, qui éveille tous les sens … et apporte beaucoup de plaisir. Mais ils sont aujourd’hui extrêmement attentifs à leur santé. Ils évaluent leur alimentation au regard de son effet sur leur santé et sont souvent traumatisés par des messages anxiogènes des pouvoirs publics ou des médias.

Nous devons calmer le jeu et donner au consommateur les clefs de la bonne consommation, par respect pour eux, pour les rassurer, pour construire notre avenir, pour pérenniser l’image noble et sympathique du vin et la fierté de notre filière.

Nous essayons d’informer les médias de cette démarche afin qu’ils puissent la relayer. Nous nous heurtons souvent à l’incrédulité, à la suspicion mais petit à petit le message passe.

Nous avons lancé un site internet www.vinetsociete.fr qui diffuse ces clefs de la consommation.

Nous comptons aussi sur tous les membres de notre filière pour relayer ces messages, ce qui, du fait du grand nombre d’opérateurs dans notre filière, nous donne une force de frappe importante.

Les choses bougent, vous étiez à Bordeaux vous avez lu les articles en première page dans le quotidien Sud Ouest sur Bordeaux fête le vin, joyeusement tout le monde a évoqué la modération avec fierté.

Les félicitations des préfets ou procureurs sur le respect des taux d’alcoolémie au  volant dans les fêtes viticoles ne sont pas rares. Les abus nous nuisent et nuisent bien souvent aussi à leurs auteurs, nous apportons notre contribution.

Notre souhait demeure intact : apporter du plaisir à nos clients et que du plaisir, pas de méfaits.

C’est aussi simple que cela.

 

3ième Question : Puisque vous êtes sur un petit média du Net, mon blog, pourriez-vous dire à mes lecteurs ce que vous faites, après l’affaire dites Microsoft, pour que la loi Evin puisse être adaptée à ce nouveau support sans pour autant bloquer ou anéantir toutes les possibilités de ceux, vente en ligne, sites de vignerons, ou même blogs, qui fondaient de grands espoirs pour faire du commerce sur l’Internet ?

 

Réponse MC Tarby :

Comment faire un plan de modernisation de la filière vins sans autoriser l’usage d’internet ? Il est bien évident qu’il faut de façon très urgente résoudre ce désordre juridique qui a suivi le jugement Heineken.

Les ultimes négociations avec le gouvernement nous amènent à penser que le groupe de travail constitué par le gouvernement sur ce thème devrait rendre rapidement ses conclusions, dès la 3ème semaine de juillet. Si ce groupe répond à la demande faite par le gouvernement, ce serait la première fois que trouverions  autour d’une même table avec toutes les parties prenantes dont les organisations de santé, une solution à un problème qui se pose à notre filière.

Soyons positifs et espérons que la solution va venir et permettra à la filière vin de communiquer et de vendre sur internet, aux médias internet de parler du vin, aux bloggeurs de se parler via internet, aux régions de parler de leurs vignobles………, à la culture du vin de se diffuser via internet car elle est porteuse en elle-même de modération.

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1 juillet 2008 2 01 /07 /juillet /2008 15:48

Je suis un stipendié du vin industriel,

 

Prêt à vendre son âme pour un plat de lentilles arrosé d’un JP Chenet – un pays d’Oc bien sûr – corrompu jusqu’au fond de mon cœur, couvert de cadeaux – montre à 4000 euros, une broutille pour moi – de dessous de table, de pots de vin, d’argent sale, je me vautre dans la débauche, le stupre et la fornication, fréquentant les palaces, n’empruntant que des jets privés ou la buiseness class, faisant table ouverte matin, midi et soir aux tables étoilées, ne buvant que des grands crus classés, ou à l’occasion pour la gloire du terroir je me tape des vins à 80 patates, des cousus mains, comme y disent des vins de propriétaires, fumant des barreaux de chaise, m’empiffrant de caviar et de canapés truffés, j’ai, en bon soixante-huitard félon, piétiné avec frénésie les pétales fanés de la rose socialiste, abjuré avant que le coq ne chanta trois fois mes convictions de jeunesse pour revêtir la pelisse douillette des chiens de garde du grand capital. Á la soupe disait Poujade ! Se goinfrer ! Je suis le fils naturel de Cohn-Bendit et de Laurence Parisot. Comme je ne suis pas très éveillé j’ai mais 60 ans pour en arriver là.

 

Bref me voilà habillé pour l’hiver un jour de canicule. Insensible, hautain, méprisant, je forme chaque matin des vœux pour transformer notre beau Languedoc en usine à vin avec des vignerons payés à coups de pieds au cul comme de vulgaires chinois de Chine ou du 13ième arrondissement, sous smicards, entassés dans des masures pourries, exploités, tiersmondisés, réduits à chasser le sanglier et à faire leurs courses au hard-discount. Bien entendu, dans un même mouvement d’indifférence, à midi à l’Archestrate d'Alain Passard, ma cantine, tel un dégraisseur en costard d’une multinationale anonyme, je me tamponne la coquillette des dégâts causés à l’environnement, aux paysages, aux villages et aux hameaux. Faut que ça pisse mes cocos car le fonds de pension qui m’engraisse veut des retours sur investissement aussi épais que le salaire des joueurs de foot. Enfin le soir, avant d’aller me goberger dans les lieux branchés avec Beigbeder et ses frères, je m’envoie derrière la cravate du Dom Pérignon que les gars d’Atlanta, les gnomes de Coca Cola, me font livrer par palettes entières pour rémunérer mes bons et loyaux services. Comprenez-les ces gars, eux ça les arrange que des plumitifs se gargarisent avec la piquette industrielle des vignes, car ça fait vendre la leur.

 

Comme vous le savez peut-être le Kiravi, le Geveor, le Primior, le Préfontaines, le Vin des Rochers et autres litres étoilés occupaient en des temps reculés le haut du pavé puis siphonnés, oubliés, adieux les VCC, les expéditeurs, les embouteilleurs et consommateurs. Et puis, alors qu’il ne vendait pas une bouteille de vin, vint des frimas de l’Est un clampin, inconnu de chez inconnu, avec une bouteille au cou tordu, qui tel la tortue de la fable, avec son air balourd, fit son chemin pour un beau matin le retrouver premier sur la ligne d’arrivée. Sur le podium, number one à l’export la maison de Petersbach. Ça a foutu beaucoup de monde en pétard. Pourtant, je puis vous assurer que moi, qui est le bras long, je n’y suis pour rien. Ben oui, y vendent beaucoup de vin ces gars-là, du vin du Languedoc surtout, ce sont des commerçants, y z’achètent pour revendre, y sont gros, y sont puissants, faut-il pour autant les clouer au pilori ? Que BK et ses frères ne soient pas des enfants de chœur, je suis le premier à la reconnaître mais que mes détracteurs m’indiquent le modus operendi pour vendre des millions de bouteilles. N’en déplaise à HB – pas human bomb bien sûr – ce n’est ni au bout de la route, ni dans les salons, ni même chez Auchan à Perpignan. Alors, que faire mes biens chers frères ?

 

Moi le stipendié – j’adore cette appellation très Troisième Répulique radicale et cassoulet – je ne fais que proposer à certains vignerons, ceux des grands volumes, de s’intéresser à leurs raisins, de s’organiser pour produire, transformer, vinifier et vendre dans les meilleures conditions économiques à ceux qui détiennent les marchés ou sont en capacité de les conquérir. Je ne les livre pas pieds et poings liés aux affreux acheteurs, ils le sont déjà. Bien au contraire, depuis toujours, je l’ai écrit, les producteurs de vins de grands volumes doivent, s’ils veulent négocier, mieux défendre leurs intérêts, se concentrer sur leur métier de base : transformer leurs raisins, être en capacité de mettre sur le marché des lots de vin dont les metteurs en marché ont besoin pour alimenter leur développement. Je n’ai jamais écrit que ce chemin serait parsemé de pétales de roses – ceux bien sûr de la rose socialiste – mais, à ma connaissance, personne n’est en capacité d’en proposer un autre. On peut toujours rêver d’un monde idéal mais se colleter à la réalité, influer sur le rapport de forces, s’organiser, c’est difficile mais c’est ce qui fait avancer le monde. Pour le reste s’adresser au facteur de Neuilly.

 

Comme à l’accoutumé je me laisse emporter par ma plume et je vous ressers une nouvelle fois mes plats. Pardonnez-moi, à mon âge on ne change pas. Comme j’ai la pépie je vais aller me concocter un blanc limé bien frais. Un vin de soif à deux balles c'est le paradis même pour un stipendié. Je vous souhaite une bonne journée à tous.

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1 juillet 2008 2 01 /07 /juillet /2008 00:03

Lundi matin, le 24 du mois de juin, j'ai pris le TGV qui m'a déposé deux heures après à la gare de Beaune. Je suis allé à pied rue des Cordeliers. Dieu quelle paix en cette belle cité, j'éprouvais un sentiment de sérénité, de plus comme le soleil montait je me réjouissais que ça allait être une bonne journée. La matinée fut bien occupée à échanger : pour écrire il faut nourrir sa pensée donc écouter. L'heure du déjeuner fut conviviale aux caves de la Madeleine où le patron parle, comme j'aime, du vin avec simplicité et pertinence. Il ne fait pas qu'en parler, il sait saisir les désirs de ses clients : le St Aubin « sur le ban » (ce n’est pas un 1er cru) 2006 de chez Catherine et Dominique Derain se révèlait conforme à mes désirs. L'heure de l'AG du BIVB, Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne étant venu nous gagnâmes pédestrement la salle de la Comédie du Vin. Quelle belle appellation ! Des mains serrées, remerciements au président Paul-Louis Gagey de m'avoir invité, puis c'est François le connétable de Bourgogne toujours à son aise au milieu des vignerons. Déroulement classique d'une AG menée de main de maître par le président Gagey puis vint le temps des exposés débat sur un sujet qui me mettait l'eau à la bouche : " Agrément, typicité et marchés" avec Yves Bénard, le président du CN Vins et eaux-de-vie de l'INAO, Christelle Mercier de l'INAO Dijon, Yves Le Fur de l'UMR Flavic (Flaveur Vision, Comportement) de l'Université de Bourgogne, Antoine Gerbelle de la RVF et Claire Naudin vigneronne Présidente de la commission suivi aval qualité du BIVB. C'est à elle que je donne la parole ce matin car, je dois vous avouer, qu'elle seule à su revenir à l'essentiel sur le sujet de la fameuse typicité alors que les exposés de Christelle Mercier et d'Yves Le Fur m'ont empli d'un effroi profond. Si je m'en remets je consacrerai une chronique à leurs propos qui confortent mes craintes exprimées dans deux de mes Chroniques :
" CAC 51 : le croskill de la qualité des AOC "
http://www.berthomeau.com/article-20287518.html et
" La valeur des mots : appellation d'origine contrôlée quel contrôle ? "
 
http://www.berthomeau.com/article-20320269.html



Je donne donc la parole à Claire Naudin :

 

" Maintenant je parlerai à titre plus personnel, de ces notions de qualité, de typicité et de marchés.

Investie depuis longtemps dans l’agrément des vins des Hautes-Côtes, ces sujets m’intéressent. D’ailleurs j’ai participé au comité de pilotage de la réforme, aux côtés de Patrick Hudelot et depuis 2 ans. Avec 15 années de recul dans ce métier, 15 années à travailler la vigne et à explorer des voies en vinification, j’en suis arrivée à redécouvrir des conclusions d’une simplicité redoutable.

Pour faire de grands vins, il faut :

-         1 mettre en cuve ou presser un raisin mur, sain, et le plus intègre possible.

            Concernant la maturité, en 1582 dans la première édition de la Maison Rustique, p 330, on peut lire :

            « Maturité du raisin, que l’on connaîtra quand le raisin noircit, quand les pépins du grain se montrent noirs et demeurent tout nus, et séparés entièrement de la pulpe du raisin ».

 

Simple mais suffisant !

-         2 un terroir à fort potentiel : en Bourgogne nous sommes gâtés, pourtant nous oublions souvent à quel point c’est un privilège de travailler sur de tels terroirs, pour nous plaindre de la charge que ça représente.

 

-         3 un savoir faire : et nous touchons au cœur du problème. Cette notion parait simple, pourtant, la question à se poser est bien celle des limites de l’interventionnisme en AOC…

Mais aussi les limites de l’interventionnisme des cahiers des charges.

 

Ces trois fondamentaux sont à la fois immuables, puisque avérés depuis des siècles, et universels : j’ai souvent constaté que ces valeurs simples sont partagées par un grand nombre de vinificateurs, de l’ancien comme du nouveau monde.

Et ils permettent des interprétations illimitées, susceptibles de traverser les siècles.

Or jusque là rien n’est écrit, ou si peu…

Et ça fonctionne…

 

Le fait d’écrire en détail ce qui doit être fait, peut totalement stériliser ce processus.

La notion de typicité est intrinsèquement temporelle.

Je prendrai 2 petits exemples :

-         en 1708, dans la maison rustique toujours, sur la façon de cuver, on peut lire page 440:

      «  Il faut considérer l’espèce de vin, c'est-à-dire s’il est fin ou grossier : s’il est fin, et par conséquent beaucoup plus rempli d’esprit qu’un autre qui a plus de corps, quatre ou cinq heures de cuve suffisent si nous voulons qu’il soit bien rouge (…).

            Si le vin est grossier, c'est-à-dire moins spiritueux et moins sevé, on l’y laisse un jour entier, et même au bout de ce temps, si l’on juge qu’il n’a pas assez cuvé, on retardera encore à le mettre sur le pressoir, car ces sortes de vin n’acquièrent leur mérite que par le corps qu’ils prennent dans la cuve, n’ayant que très peu de qualité d’ailleurs. ».

-         Dans les années 90, dans une quête de qualité, sont apparues les techniques extractives (macération à froid ou sulfitiques, enzymage, délestages, extraction à la glace carbonique, etc.…).

Entre ces deux extrêmes tous les intermédiaires existent, et désormais tous peuvent se revendiquer d’une tradition. Encore un petit exemple…

En 1893, dans ‘l’Histoire de Chenôve, par Henri MARC, on peut lire page 159 que

« Pendant tout le temps que le clos du Roi appartint à la couronne, les vins qu’on y récoltait eurent une très haute réputation. On y faisait des vins cuits également très estimés. Presque tous les vignerons ou propriétaires en faisaient une certaine quantité qu’on désignait sous le nom de galant, depuis le 13ème ou le 14ème siècle, ceux-ci étant intermédiaires entre les vins de paille et les vins liquoreux. (…).Ils se préparaient (…) avec des raisins blancs et de choix. ».

Notre histoire œnologique n’est pas aussi linéaire qu’on veut bien le croire. Elle a été mouvementée et le sera probablement encore…

S‘enfermer dan un schéma, ou même un ensemble de schémas, sous prétexte qu’ils sont le schéma moyen, ou même considéré comme optimal, d’une décennie ou même d’une génération, c’est à mon avis prendre le risque de disparaître à moyen terme.

 

En conclusion,

Il me semble illusoire voire stérile de figer nos pratiques, par des textes d’une précision implacable,

Textes que nous sommes pourtant en train de nous imposer…

Alors qu’en raisonnant en terme d’objectifs à atteindre, on peut garantir tout autant la qualité, mais à travers une adaptation permanente à un contexte en perpétuelle évolution. Et là l’avenir est ouvert.

Encore faut-il se mettre d’accord sur les fondamentaux concernant l’AOC

 

Enfin vis-à-vis du consommateur, il me semble également totalement illusoire de prétendre fournir des descriptifs de chacun de nos climats et par là les figer. Certes cela ne simplifie pas la communication.

Mais la notion d’AOC doit-elle être simplifiée ???

Est-ce à l’AOC d’aller vers le consommateur ?

Là aussi, je ressens l’approche de l’AOC comme une démarche personnelle, une recherche initiatique presque, tant du producteur que du consommateur.

A chaque génération de réinterpréter la partition.

Pour ceux qui veulent de la simplicité, il existe d’autres sortes de vins, bien définis et normalisés !

Ensuite, l’AOC a sa raison d’être, c’est une exception, une autre dimension du vin.

A chacun de la découvrir, à l’infini."

 

 

Je vous remercie de votre attention.

 

Claire NAUDIN le 24 Juin 2008

Domaine Henri NAUDIN-FERRAND
Rue du Meix Grenot
21700 MAGNY les VILLERS
VINS DE BOURGOGNE - FRANCE
Tel : 03 80 62 91 50  ¤  Fax : 03 80 62 91 77
www.naudin-ferrand.com

 

Si vous souhaitez voir les autres photos de l'édition de la Maison Rustique de 1582 reportez-vous sur PAGES  ou cliquez sur ce lien
 
http://www.berthomeau.com/pages/N_23__les_photos_de_Claire_Naudin-581041.html

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30 juin 2008 1 30 /06 /juin /2008 11:15

Chères amies vigneronnes, chers amis vignerons du Languedoc,

 
Depuis le jour où, encore jeune homme plein d’ambitions et d’illusions, je passais les portes de l’Office des Vins de Table, au 232 rue de Rivoli, moi le petit vendéen, né dans le bocage à vaches, un ventre à choux, je me suis pris de passion pour votre pays de passion, de verbe haut, pétri d’histoire de révoltes vigneronnes, marqué par une monoculture dédiée à la boisson nationale : le vin de tous les jours, vignerons et vigneronnes du Sud vous êtes une part importante de ma vie.

 

Votre grand vignoble du Languedocien, confronté au double mouvement d’une consommation en chute libre et d’un choc concurrentiel brutal et redoutable avec le vignoble italien, s’appauvrissait. À Paris on redoutait vos accès de colère, Bruxelles comme toujours servait de bouc émissaire, tous les ingrédients semblaient assemblés pour gérer ce dossier comme le fut par la suite le dossier charbonnier. Qui aujourd’hui se souvient que Charbonnages de France n’existe plus ? Les évènements dramatiques de Montredon, morts inutiles en plein milieu d’un siècle où les nouvelles générations n’avaient connues que la paix, sonnaient la fin des combats héroïques, le vignoble semblait condamné au déclin pour sa plus grande part et à un renouveau pour ceux, pionniers, qui misaient sur les AOC.

 

Mais l’Histoire s’écrit avec ceux qui ont le courage de s’élever contre les idées reçues ; ceux qui se confrontent avec les irréductibles de leur propre camp ; ceux pour qui « gouverner c’est choisir » et qui savent mieux que quiconque que choisir est douloureux et, qu’avant de leurs tresser des lauriers, les démagogues les couvriront d’opprobre ; ceux qui loin de céder au découragement ouvrent les voies d’avenir. J’ai l’outrecuidance d’écrire que les accords de Dublin, négociés pour l’entrée de l’Espagne et du Portugal, par Michel Rocard et scellés par les accords de Dublin, ont permis le rebond de votre belle région. Certes il y eut une grave saignée de votre vignoble mais elle n’était que la résultante d’un aveuglement face aux évolutions du marché, le temps du rouge national tirait à sa fin. Sans ce choix courageux, n’en déplaise à ses pères, les vins de pays d’OC n’auraient jamais existés car l’accoucheur accomplit le geste premier, originel. Reste bien sûr à élever l’enfant en âge et en sagesse.

 

Je m’en tiendrai là dans ce rappel de souvenirs car je sais que j’insupporte certains d’entre vous avec mon côté j’étais au bon endroit au bon moment. Mais que voulez-vous j’ai tellement reçu de coups bas, j’ai  depuis sept ans du affronter tellement de mensonges, du subir un tel flot de désinformation, que si je ne m’envoie pas quelques fleurs qui le fera ? Les temps, après une brève embellie, sont de nouveau difficiles. L’éditorialiste de Vitisphère écrit : « Après 7 années brinquebalantes la brutale dégradation économique (hausse des charges d’exploitations, baisse des cours, ralentissement des exportations…) a réinstallé la colère, la révolte dans la tête de beaucoup de vignerons. La violence est redescendue dans les rues. Quand la crise est là, il y a ceux qui pensent qu’il n’y a rien à faire, sauf la révolte, ou la renonciation. Il faut comprendre leur découragement, leur rancœur. Ils ont été si souvent déçus, dominés, trompés, aveuglés… »

 

À l’heure où je vous écris, chers amis vignerons du Languedoc, je ne peux rien faire d’autre que vous apporter tout ce que je recèle de compréhension et de compassion. Tout au début des 7 ans évoqués par Vitisphère, j’ai tenté, avec honnêteté et un certain courage, d’analyser votre situation, face à la concurrence des vins du Nouveau Monde et l’évolution de la consommation mondiale du vin. Avec mes compères du groupe stratégique nous avons proposé une feuille de route simple, compréhensible, de ce que nous pensions être les voies et moyens pour relever les défis du vin français : Cap 2010. Nous nous sommes engagés, nous avons ferraillés, nous avons tentés de convaincre, nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour des choix cruciaux pour votre avenir soient faits. Est-ce que vous nous avez entendus chers amis vignerons du Languedoc ?

 

Toujours dans Vitisphère je lis les propos du principal opérateur sur votre marché : « Depuis une trentaine d’année, la viticulture française a été massivement réorientée vers les vins de terroir, qui contribuent à la notoriété de notre production. Mais ces vins ne représentent qu’une faible part du marché. Le cœur du marché, ce sont les vins vendus entre 2 et 5 € (prix consommateur). Dans ce segment les vins de marque sont ceux qui ont la plus forte progression. C’est un segment sur lequel la France n’est pas assez compétitive car jusqu’à aujourd’hui, le vignoble n’a pas été orienté vers cette production de type industriel. Mais la réforme de l’OCM est une chance pour nous adapter et devenir compétitifs sur ce segment, sans pour autant renoncer aux vins de terroirs qui continueront à être le fer de lance de la viticulture française. Avec les vins sans indication géographique, l’Europe nous offre l’espace de liberté qui nous faisait défaut pour être compétitifs sur ce segment. Qui plus est des moyens considérables sont débloqués pour la restructuration du vignoble : plus de 450 M€ sur les 5 prochaines années. A nous d’utiliser au mieux cette manne pour construire un vignoble qui réponde à ces marchés.

 

Face à cette affirmation Vitisphère rétorque : tous les secteurs ne sont pas aptes à produire des vins industriels ? La réponse fuse : « Bien sûr que non et heureusement. Le marché est segmenté, il faut donc segmenter la production de raisins. Au niveau de chaque exploitation ou de chaque coopérative, il faut passer en revue toutes les parcelles et définir une affectation pour chacune : les parcelles de coteaux sans irrigation possible resteront vouées aux vins de terroir avec des déclinaisons possibles en bio pour une meilleure valorisation. Mais dans les secteurs de plaine où l’irrigation est possible, il faut développer des vignobles productifs avec des coûts de production les plus bas possible pour être compétitifs sur le marché mondial. »

 

Et de rebondir sur une nouvelle interrogation : cette course au rendement ne va-t-elle pas conduire à une nouvelle baisse des cours ? « Si bien sûr, mais c’est grâce à cela que nous redeviendrons compétitifs par rapport au Chili et à l’Afrique du Sud. Mais qu’importe la baisse des prix si grâce à l’augmentation des rendements, le producteur touche un meilleur revenu à l’hectare. Aujourd’hui, les vins de cépages rouges chiliens sont à 64€ l’hl franco. Si nous arrivons à ce prix là en France, nous reprendrons des parts de marché. Et pour le producteur, à 100 hl/ha, cela fait un revenu de 4000 € à l’hectare en tenant compte des frais de vinification et de transport. Pour peu qu’on travaille sur la réduction des coûts de production avec la taille minimale par exemple, cela devient une activité très rentable. C’est un marché qui peut générer des marges pour tout le monde. Il n’y a aucune raison de laisser ce marché à nos concurrents, surtout pour le marché européen qui devrait être notre chasse gardée. »

 

Tout est dit même si je continue de penser qu’au cours des 7 années qui viennent de s’écouler la production, vous les vignerons individuels ou coopérateurs du Languedoc, fournisseurs de vin en vrac, vous auriez du vous regrouper pour créer les conditions économiques de la compétitivité, vous organiser pour mettre les acheteurs du négoce – qui restent et resteront des opérateurs qui rechercheront toujours les conditions de prix les plus avantageuses – face à des partenaires jouant une même partition. Diviser pour régner, en dépit des discours consensuels, reste la stratégie de beaucoup d’opérateurs. Dans un espace de liberté il faut des règles du jeu voulues et acceptées pour créer de la valeur. Ceux qui montent aujourd’hui sur les estrades pour pointer le doigt sur les responsabilités doivent aussi se souvenir des leurs lorsqu’ils se trompaient de cible.

 

Á l’heure où la consommation mondiale du vin progresse, régénérer le « vignoble de masse » de votre belle région est un atout majeur pour la France du vin. Encore faut-il assumer les choix qu’il exige et cesser d’agiter l’épouvantail du vin industriel. Vos vins de terroir, qui souffrent de la concurrence du grand voisin de Gironde, se porteraient beaucoup mieux si l’on tarissait la source de vins qui ne sont ni des vins de vignerons, ni des vins « modernes », mais des vins de rien bénéficiant de la notoriété de leur seul nom. La concurrence entre nos grandes régions viticoles reste un problème majeur et ce serait une idiotie, au nom de l’autonomie des régions dont je suis le premier défenseur, de laisser  accroire que le principe des vases communicants va cesser dans le nouveau contexte créé par la nouvelle donne de l’Europe. En écrivant cela je ne prône en rien l’affrontement entre régions mais la seule nécessité de ne pas vous faire prendre des vessies pour des lanternes. Il ne s’agit pas de gérer la France du vin de façon centralisée à Paris mais de ne pas reproduire les erreurs qui nous ont conduits aux 7 années que vous venez de vivre.

 

J’ai été long, trop long, mais je ne pouvais, même si je n’ai que des mots à vous offrir, rester insensible à votre désarroi. Tout reste possible à la condition d’affronter des choix difficiles mais porteur d’une réelle et durable prospérité. Lorsqu’on m’a envoyé au chevet du Cognac en 1999, tout allait mal, les pessimistes prônaient l’arrachage, les sceptiques la reconversion. Ce sont ceux qui ont acceptés de recevoir des coups pour organiser la région qui ont eu raison : s’adapter au marché paie. Au travers de mon blog, de mes contacts dans votre belle région, je sais que des hommes et des femmes attendent que les paroles d’union se traduisent par des actes concrets. Que l’énergie soit toute entière tournée vers les chantiers de l’avenir. Moi je reste toujours disponible pour bâtir, mettre la main à la pâte, être des vôtres.

 

Mon père disait que c’était dans les moments difficiles qu’on comptait ses vrais amis. Chers vignerons et vigneronnes du Languedoc, j’en suis. En espérant avec vous des jours meilleurs, je vous adresse mon salut amical et mon meilleur souvenir.

 

Jacques Berthomeau

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