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30 mars 2018 5 30 /03 /mars /2018 06:00
Catherine Frot, dans le film Les Saveurs du Palais préparant de la chaudrée charentaise

Catherine Frot, dans le film Les Saveurs du Palais préparant de la chaudrée charentaise

Les idées originales de chronique sur la tortore se font rares et, comme je ne souhaite pas verser dans l’exotisme, je saute sur la moindre occasion qui se présente.

 

En ce moment je dois me reposer pour que mon cardan nouveau se mette bien en place donc je lis beaucoup.

 

Le camarade « manchot » Jean-Pierre Le Goff dans son livre sur la France d’Hier évoque sa prime jeunesse page 38 :

 

« Lors des grandes marées, la pêche à pied était un loisir prisé. À marée basse, on s’y rendait en famille avec différents ustensiles : épuisette pour les crevettes grises, couteaux pour les coquillages accrochés aux rochers, « pic à fourneau* » pour faire sortir les crabes et les petites pieuvres cachées dans la rocaille et les trous, râteaux ou petites bêches pour tracer des sillons dans le sable afin d’attraper des lançons*, ramasser des coques et des praires… Cela dépendait de l’endroit où l’on voulait aller pêcher à pied, mais à l’époque l’on était sûr de ne pas rentrer bredouille. »

 

Idem, j’ai connu ça sur ma côte sauvage du côté de Brétignolles.

 

Mais là où nos chemins divergent c’est sur les noms des coquillages et poissons. Le père de Le Goff était pécheur, le mien laboureur, son vocabulaire est plus fouillé.

 

« Pour désigner les différents coquillages et poissons le Cotentin a son propre vocabulaire. J’appris à distinguer et à reconnaître les différentes sortes de poissons mais aussi les crustacés et les coquillages aux noms particuliers comme les « anglettes » (étrilles*), les « moussettes » (jeunes araignées) et les « crabes » (araignée de mer) dont certaines étaient des « lanternes (« crabes gorgés d’eau), les « clos-poings » ou dormeurs* (tourteaux), les «vannes » (coquilles Saint-Jacques) et les « vanneaux » (pétoncles, les « calicocos » (bulots), les « brelins » (bigorneaux), les « flics » (patelles)… »

 

*les étrilles en Vendée c’était balleresses et les dormeurs les tourteaux.

 

*tige en fer au bout recourbé qui permettait de soulever la plaque de la cuisinière ou du poêle pour enfourner le bois ou le charbon.

 

*petit poisson en forme d’anguille qui s’enfonce dans le sable.

 

En lisant j’ai pensé à la chaudrée ; qu’est-ce donc la chaudrée ?

 

À mi-chemin de la cotriade bretonne et du ttoro basque, la chaudrée (ou migourée) est une spécialité de la Vendée du Sud, de l’Aunis et de la Saintonge maritimes. Il s’agit d’un court-bouillon au vin blanc les poissons nobles trop menus pour être cuisinés.

 

La chaudrée (parfois orthographiée chauderée) est une sorte de soupe de poissons épaisse, il en existe plusieurs variantes.

 

On trouve ainsi dans cette soupe de la mer du raiteau (petite raie), du turbotin, du céteau et de la solette, de la plie, de l’anguille de mer, et du casseron.

 

Le nom de cette spécialité dérive, bien sûr, de « chaudron ». À l’origine, la chaudrée était la part de poisson prélevée sur l’ensemble de la pêche pour le patron et l’équipage du chalutier. Il s’agissait surtout du menu fretin ou des invendus, les plus beaux poissons étant réservés au commerce.

 

Au XIXe siècle, l'historien et érudit local, Georges Musset, la définit comme « une macédoine de menu fretin, de menus poissons », et comme « la portion de pêche prélevée pour la consommation des marins ou du patron d'un bateau».

 

Face à cette liberté de vous proposer une chaudrée à ma façon :

 

  • Il faut garnir le fond d'un chaudron de hachis d'ail, de persil, de blanc de poireau coupé en rondelles, puis y placer le plus de petits poissons de l'océan possible congre, solettes ou céteaux, plies, petites raies, petites seiches, merlans etc. ... Mouiller à hauteur moitié eau, moitié vin blanc, saler, poivrer.

 

  • Ajouter, et c’est là mon apport : des étrilles, des coques et des pétoncles que aurez au préalable fait ouvrir et dont vous aurez récupéré le jus que vous filtrerez pour le rajouter dans le chaudron.  

 

  • cuire à grosse ébullition jusqu'à cuisson du poisson environ 15 minutes.

 

  • retirer les poissons et, c’est à nouveau un apport de bibi, que vous allez transformer en une pâte épaisse dans un mortier. Vous recueillez le jus en pressant cette pâte dans un tamis fin. Il faut passer et repasser pour extraire.

 

  • Pour les étrilles vous recueillez la chair et le jus de leur coque que vous passez au tamis pour filtrer le jus. Pour les pattes broyage au marteau puis passage de la chair au tamis.

 

  • Les noix de pétoncles et des coques sont ajouté telles quelles.

 

  • Vous avez ainsi obtenu une soupe épaisse au fumet fabuleux et vous pouvez la servir sur des gros bouts de pain de campagne.

 

Pour le boire, vous pouvez faire local avec les vins de Christian Chabirand vigneron au Prieuré La Chaume, à Vix, dans le sud de la Vendée.

 

Chronique du 17 décembre 2012

 

Le Sud, mes cousins de Marans, maintenant Christian Chabirand vigneron-bâtisseur à Vix en Vendée ICI 

 

 

L’e-cuisine du Taulier la chaudrée vendéenne à ma façon et le blanc de Vix de Christian Chabirand

Hortense Laborie est une cuisinière réputée qui vit dans le Périgord. A sa grande surprise, le Président de la République la nomme responsable de ses repas personnels au Palais de l'Élysée. Malgré les jalousies des chefs de la cuisine centrale, Hortense s’impose avec son caractère bien trempé. L’authenticité de sa cuisine séduira rapidement le Président, mais dans les coulisses du pouvoir, les obstacles sont nombreux…

 

film

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27 mars 2018 2 27 /03 /mars /2018 06:00
LeRouge&leBlanc est aux 100 coups face au déchaînement actuel des vins nature sans définition légale… mais ce n’est qu’1 mode !

Vin orange, les vins Parker, le champagne non dosé, les sauvignons aux arômes de buis et de pipi de chat, les cabernets francs bien poivronnés, le 100% bois neuf, les amphores, les jarres, les dolia en terre cuite, les cuves pyramidales, la litanie des arômes flairés : minéralité et salinité, le sans soufre, et cerise sur le gâteau le déchaînement des vins nature… tout ça, l’éditorialiste du LeRouge&leBlanc, le fourre dans le grand  tonneau de la mode.

 

 

La mode rapportée à son utilisation vestimentaire, capillaire, hipster, tatoués, Doc Martens, ballerines, Santiag, jeans, tee-shirt, baskets… c’est bien sûr le symbole de la futilité.

 

Tout passe, tout lasse, le nouveau vieillit vite, et un petit coup de Cocteau pour la route « La mode, c’est ce qui se démode »

 

C’est aller un peu vite en besogne, cette liste ne mélange-t-elle pas des choux et des carottes, ne place-t-elle sur le même niveau des pratiques et des évolutions qui ne sont pas de même nature.

 

La charge la plus violente porte sur les néo-vignerons qui « se sont jetés dès leur première récolte sur le « sans soufre » avec des résultats effrayants ». « Le temps n’est pas encore révolu où, dans certains cercles d’initiés, plus un vin sent l’écurie, meilleur il est »

 

Ok, d’accord, je ne disconviens pas qu’on ne « s’improvise pas vigneron, encore moins vinificateur, sans soufre » et que certains vins nature ne valent pas tripette mais sur quelle expérience dégustative se fonde l’éditorialiste pour asséner ce jugement brut de cuve ? Combien de cuvées dégustées ? Combien sentaient la bouse de vache ? Fréquente-t-il assidument les bars à vin ou les cavistes où se réunissent ces fameux cercles déviants d’initiés ?

 

Permettez-moi d’en douter car lorsque je lis  que « Désormais, avec le déchaînement  actuel des vins « nature » – sans définition légale – la mode est à la « gouleyance » instantanée, aux vins « glou-glou ». Le consommateur, que dis-je, le connaisseur, l’amateur doit pouvoir en avaler des litres. Le vin doit être souple et rond, sans trop d’aspérités, politiquement buvable. On supporte le gaz et la volatile – c’est tendance – mais de moins en moins les tanins, sauf s’ils sont juste un peu accrocheurs. Le plaisir doit être immédiat, et il est hors de question pour une certaine catégorie de buveurs modernes de se projeter dans l’avenir, on n’a plus le temps d’attendre. »

 

Mais notre dégustateur estampillé sérieux, se rassure, « Tout cela n’est pas bien grave, me dire-vous sans doute : les modes passent, c’est même leur caractéristique première. »

 

Mais alors pourquoi en faire un édito ?

 

Pour moi la seule question qui vaille, et à laquelle il faut répondre si l'on ne veut pas en rester à de purs constats, des jugements à l’emporte-pièce souvent fondés sur le « on dit », de quoi ou de qui cette mode est-elle le nom ?

 

Pour les vins Parker y’a pas photo mais pour la déferlante des vins qui puent quelle est la main invisible qui a conduit ces jeunes crétines et ces jeunes crétins, sans culture du vin, à s’enfiler des quilles et des quilles d’un breuvage infâme, à boire comme des trous, à boire facile ?

 

Des gourous ?

 

Y’en a eu bien sûr mais ce serait assez réducteur que de réduire ces néo-consommateurs à des moutons qui s’engouffreraient dans la tendance, le politiquement buvable, rien que pour suivre les mauvais bergers du vin nature mal fagoté.

 

Le vieux que je suis qui, lui, a fréquenté assidument les bars de nuit très glou-glou, les restaurants avec des vins qui puent, les dégustations de vin naturiste, a une interprétation un chouïa  différente : cette tendance, ce mouvement, qui reste, à l’échelon des volumes commercialisés, microscopique, se situe dans la mouvance d’une recherche de proximité, à la fois physique et intellectuelle, avec des vignerons qui ne suivent pas les chemins ordinaires, qui ne se conforment pas l’idéologie dominante, au diktat du goût bien comme il faut ; un engagement pour une forme d’économie moins marchande.

 

C’est sans doute naïf, mais respectable, oui c’est festif, joyeux, plus joyeux que les prises de têtes des connaisseurs avec notes et commentaires, certes le plaisir est immédiat, est-ce péché ? et ça ne débouche pas forcément sur des beuveries, j’ai connu des grands amateurs qui fleuraient bon le pochtron, bref c’est une porte d’entrée dans le vin qui en vaut bien d’autres. Et si la tendance perdure pourquoi s’en offusquer ?

 

Moi je ne m’offusque pas, je bois ce qui me plaît sans avoir à en référer aux juges des élégances, aux maîtres du bien boire, aux sachants, aux guides…

 

Si certains vignerons nature ne font que du vinaigre ou des vins  imbuvables, ils ne dureront que le temps que durent les roses et passeront à la trappe. Je ne crois pas que leur bref passage dans le monde du vin polluera durablement la belle histoire de ce nectar si souvent estampillé culturel.

 

Dans l’immense palette des vins qui respectent la nature chacun peut faire son choix, y compris se laisser entraîner sur les chemins d’une certaine forme mode de vins iconoclastes, si on est sérieux à 20 ans c’est grave, mais donner le sentiment que c’est une menace, c’est se tromper de cible. L’uniformisation qui sévit dans les vinifications AOP-IGP, y compris chez les bios, est bien plus grave que l’effervescence, parfois brouillonne, des vins de France naturistes.

 

Que sera, sera… comme chantait Doris Day

 

Prendre bonne note que je ne fais parti d’aucun cercle d’initiés ou d’aucune secte intégriste de vins qui puent…

 

Pour finir et faire intello un petit coup de Montesquieu dans le Lettres persanes.

 

 

À Venise.

 

Je trouve les caprices de la mode, chez les Français, étonnants. Ils ont oublié comment ils étaient habillés cet été ; ils ignorent encore plus comment ils le seront cet hiver : mais surtout on ne saurait croire combien il en coûte à un mari, pour mettre sa femme à la mode.

 

Que me servirait de te faire une description exacte de leur habillement et de leurs parures ? Une mode nouvelle viendrait détruire tout mon ouvrage, comme celui de leurs ouvriers ; et, avant que tu eusses reçu ma lettre, tout serait changé.

 

Une femme qui quitte Paris pour aller passer six mois à la campagne en revient aussi antique que si elle était oubliée trente ans. Le fils méconnaît le portrait de sa mère, tant l’habit avec lequel elle est peinte lui paraît étranger ; il s’imagine que c’est quelque Américaine qui y est représentée, ou que le peintre a voulu exprimer quelqu’une de ses fantaisies.

 

Quelquefois les coiffures montent insensiblement ; et une révolution les fait descendre tout à coup. Il a été un temps que leur hauteur immense mettait le visage d’une femme au milieu d’elle-même : dans un autre, c’était les pieds qui occupaient cette place ; les talons faisaient un piédestal, qui les tenait en l’air. Qui pourrait le croire ? les architectes ont été souvent obligés de hausser, de baisser et d’élargir leurs portes, selon que les parures des femmes exigeaient d’eux ce changement ; et les règles de leur art ont été asservies à ces fantaisies. On voit quelquefois sur un visage une quantité prodigieuse de mouches, et elles disparaissent le lendemain. Autrefois les femmes avaient de la taille, et des dents ; aujourd’hui il n’en est pas question. Dans cette cette changeante nation, quoi qu’en dise le critique, les filles se trouvent autrement faites que leurs mères.

 

Il en est des manières et de la façon de vivre comme des modes : les Français changent de mœurs selon l’âge de leur roi. Le monarque pourrait même parvenir à rendre la nation grave, s’il l’avait entrepris. Le prince imprime le caractère de son esprit à la cour, la cour à la ville, la ville aux provinces. L’âme du souverain est un moule qui donne la forme à tous les autres. »

LeRouge&leBlanc est aux 100 coups face au déchaînement actuel des vins nature sans définition légale… mais ce n’est qu’1 mode !

La Suisse craque pour le vin tout nu

 

Longtemps réfractaire aux breuvages dits naturels, notre pays y vient gentiment. Entre amateurs éperdus et féroces détracteurs, petit repérage entre Lausanne et Fribourg au premier Salon suisse des vins vivants

 

«Les Scandinaves n’importent pratiquement plus que ces vins-là et les Japonais en sont fous; l’Espagne et l’Australie connaissent une envolée spectaculaire, l’Italie et la France s’y lancent à fond, même si le phénomène reste essentiellement urbain», note Jean-Marc Dedeyne. Jusqu’à la très conservatrice Revue des Vins de France, qui a admis que les crus naturels font désormais pleinement partie du paysage…

 

Un public plus libre

 

Les jeunes consommateurs semblent les plus nombreux à y venir, souvent dépourvus de la culture vineuse de leurs aînés comme de leurs a priori: «Ils ont une approche moins intellectuelle et plus immédiate, ils apprécient ou pas, même si cela implique parfois des explications.»

 

Voici venir quoi qu’il en soit un public plus libre, dépourvu de préjugés, peut-être moins snob, mais assurément plus rock’n’roll, comme en témoigne le choix des lieux pour tenir un tel salon (théâtre, salle de concert), voire le décloisonnement et le mélange des genres (bière ou cidre voisinant avec un univers vineux perçu jusqu’ici comme plus prestigieux). Alessandra Roversi, consultante et spécialiste de l’alimentation, y voir pour sa part «des vins désinhibés qui quittent les lieux réservés, les codes et un certain langage pour initiés»…

 

Fils de musicien, Pierre Jancou ose un parallèle avec la musique: «Il est nécessaire d’apprendre les bases, d’avoir une éducation classique, de connaître les origines et les terroirs, mais ensuite il y a la même liberté qu’en musique. Apprends et ensuite tu feras ce que tu veux, disait mon père, classique, jazz ou rock…»

 

Lire ICI 

 

 

 

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26 mars 2018 1 26 /03 /mars /2018 06:00
On peut sucrer les fraises mais doit-on encore sucrer le vin de nos beaux terroirs ? Je me sens ce matin très italien…

Vitisphère n’y va pas avec le dos de la cuillère en balançant  que l’Italie relance la guerre du sucre dans le vin.

 

Pourquoi ?

 

 Voudrait-on à Bruxelles supprimer la chaptalisation ?

 

Bien sûr que non !

 

L’axe franco-allemand tient bon : chaptalisation et sucrage-mouillage sont le ciment du front du refus.

 

Alors où se situe le problème ?

 

Tout simplement parce que la proposition du secteur européen du vin en matière d’étiquetage nutritionnel qui exclue le sucre de la liste des ingrédients à étiqueter a déclenché la colère des Italiens. Ils dénoncent une imposture : le sucre ne fait pas partie de la liste des ingrédients à étiqueter.

 

« Il faut démasquer sur l’étiquette cette imposture concernant l’ajout de sucre. Les consommateurs doivent savoir comment est vinifié le produit qu’ils achètent » déclare explique Ruenza Santandrea, coordinatrice du secteur vitivinicole de l’Alleanza.

 

 Je partage le courroux italien car ce qui m’a toujours étonné depuis le jour où j’ai mis les pieds à l’Office des Vins de Table, en 1978, c’est l’omerta qui règne à propos de la chaptalisation dans le marigot des critiques, des grands amateurs, et plus récemment dans celui des explorateurs des défauts des vins dit nature.

 

En ce temps-là, le dernier carré du gros rouge français tempêtait contre la discrimination entre les barons des appellations et la piétaille des vins de table, la chaptalisation est autorisée dans les zones viticoles A, B et C à l'exception faite des vignobles situés en Italie, en Grèce, en Espagne, au Portugal, à Chypre et dans les départements français relevant des cours d'appel d'Aix-en-Provence, de Nîmes, de Montpellier, de Toulouse, d'Agen, de Pau, de Bordeaux et de Bastia, et en plus l'enrichissement par sucrage à sec peut être autorisé par les autorités nationales à titre exceptionnel dans les zones d’appellation.

 

Le ministre de l’époque, le tout mou Méhaignerie, pour calmer la fronde des sudistes, confia une mission à mon directeur Pierre Murret-Labarthe, bordelais d’origine, qui ne pouvait pifer la suffisance des chefs des appellations. Provocateur-né, il préconisa la suppression de la chaptalisation. Tollé de l’INAO présidée par un Bordelais Pierre Perromat et, comme de bien entendu, le courageux Méhaignerie en bon centriste adopta un compromis mou – sans jeu de mots – en accordant aux Vins de table le droit d’enrichir leurs moûts avec des MCR (mouts concentrés rectifiés) en compensation.

 

Jean Clavel, grand témoin de cette période écrit :

 

« Le rapport Murret-Labarthe présenté à l’ONIVINS dans les années 1970 a préconisé l’application de la «loi unique», il s’agissait de compenser l’écart du prix du sucre d’origine exogène (betterave) et celui du sucre endogène (MC, MCR) pour mettre tous les viticulteurs sur un pied d’égalité économique. Cette disposition a été reprise lors de la mise en place de l’OCM vin. Cependant à l’occasion des crises d’excédents, la question est revenue en discussion. L’enjeu économique principal résulte du fait que la chaptalisation est une méthode qui augmente les volumes de production. Elle rend commercialisables des volumes qui ne l’étaient pas du fait de leur degré insuffisant en transformant en alcool du sucre exogène, il s’y ajoute le fait que les contrôles sur les quantités réellement employées sont difficiles.  Le recours aux MC et MCR et plus récemment à l’osmose inverse, sont au contraire des méthodes  qui éliminent une partie de l’eau et réduisent en conséquence les volumes. »

 

 

C’est le chimiste, ministre de surcroît, Jean-Antoine Chaptal qui a théorisé ce procédé en 1801 à l'aide notamment des travaux scientifiques de l'abbé François Rozier, célèbre botaniste et agronome ; le but était d'augmenter le degré alcoolique des vins afin d'améliorer leur conservation. À cette époque en effet, les vins étaient rarement mis en bouteilles et ne se conservaient en cave que quelques mois. Chaptal l'a décrit dans un livre publié en 1801, L'art de faire, de gouverner et de perfectionner les vins.

 

Le saccharose : l'opération de sucrage ou de chaptalisation, bien connue depuis le 18ème siècle, consiste à ajouter au moût du saccharose raffiné blanc d'origine non spécifié (canne à sucre, betterave...). Le saccharose n’est pas directement fermentescible et la molécule devra être hydrolysée par voie chimique ou enzymatique en une molécule de glucose et de fructose. L'addition d'un kilogramme de sucre augmente le volume d'environ 0,63 litres (masse volumique = 1586 g/l). Sa solubilité dans l'eau à 20°C est de 667 g/l.

 

Moi-même j’écrivais en 2011

 

« Ce n’est qu’une pratique œnologique traditionnelle là où le soleil n’est pas toujours au rendez-vous objecteront les partisans du statu quo. Certes mais sans vouloir mettre le doigt où ça fait mal le recours systématique à des demandes d’enrichissement de 1,5 à 2 % permet de sauver de la mauvaise monnaie et de mettre sur le marché des vins qui n’ont rien à y faire sauf à alimenter la machine à fabriquer des prix plus bas que bas.

 

La Commission Permanente de l’INAO du 7 juillet lors de son débat sur les orientations pour la fixation des conditions de productions de l’année 2011, « est une pratique exceptionnelle autorisée en cas de situation climatique défavorable, et que la richesse minimale en sucre de raisins doit refléter une maturité suffisante par rapport aux exigences de l’appellation ». Fort bien mais la lecture des arrêtés relatifs à l’augmentation du titre alcoométrique naturel des raisins frais et des moûts destinés à l’élaboration des vins (AOC+VDQS) ne traduisent guère cette pétition de principe. Le dernier connu, celui de la récolte 2010 du 15 avril 2011 publié au JO du 21 avril 2011 entérine une vision large d’une pratique exceptionnelle. Tous ceux qui peuvent y prétendre sont présents. Pour cette année, le Comité National de l’INAO du 28 septembre 2011 a renouvelé l’exercice avec la même ampleur.

 

Le centre de gravité de la chaptalisation s’est déplacé ces dernières années et il est  au cœur même du système AOC où la pratique s’est quasiment institutionnalisée. Qui le sait à l’extérieur de l’institution ? Pas grand monde, c’est la boîte noire et l’omerta. Que la chaptalisation puisse se justifier dans certaines circonstances exceptionnelles, pourquoi pas ! Mais que ça devienne une rustine systématique pour ceux qui font pisser la vigne ne me semble pas relever d’une saine gestion et de notre potentiel et de l’image d’excellence de nos soi-disant vins de terroir. Notre crédibilité est en jeu et que l’on ne vienne pas m’objecter que c’est une mesure « sociale » pour sauver une partie de notre viticulture. »

 

Voilà pour ce petit rafraîchissement de mémoire qui prouve que je ne sucre pas encore les fraises…

 

SUCRER LES FRAISES: Expression française du début du XXe siècle signifiant « être agité d'un tremblement nerveux », être gâteux.

 

« Nous pensons qu'à l'époque où on nous réanimera, ce sera justement parce qu'on aura trouvé le moyen de nous rajeunir nos cellules, donc de ne pas être des petits vieux sucrant les fraises »

Hennig Jean-Claude 1979. Morgue - Enquête sur le cadavre et ses usages

 

L'origine remonterait au mouvement effectué à l'aide d'un sucrier à trous tenu d'une main pour verser le sucre sur une coupe de fraises saisie de l'autre.

 

Une autre source attribuerait les origines de cette expression française aux collerettes, la fraise, ces dames et messieurs de la cour au XVIe et XVIIe siècle qui en tremblant répandaient le poudre dont sur leur  fraise.

 

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23 mars 2018 5 23 /03 /mars /2018 06:00
Le journaliste Michel Droit interroge le Général de Gaulle, le 7 juin 1968 à l'Élysée. Rue des Archives/Credit ©Rue des Archives/AGIP

Le journaliste Michel Droit interroge le Général de Gaulle, le 7 juin 1968 à l'Élysée. Rue des Archives/Credit ©Rue des Archives/AGIP

Mon père, Arsène Berthomeau, vouvoyait son père Louis Berthomeau qui pour moi était le pépé Louis.

 

Je n’ai pas le tutoiement facile, le vous dans l’exercice de mes fonctions, enseignant un temps, ors de la République, m’ont fait pratiquer le vouvoiement pour maintenir la bonne distance avec mes élèves, étudiants et interlocuteurs.

 

Et pourtant, en 1981, lorsque je déboulai dans le marigot socialo, dont je n’étais pas, il me fallut pratiquer le tu des camarades. J’eus bien du mal à m’y faire mais je m’y suis soumis.

 

Je n’ai jamais tutoyé Michel Rocard.

 

Catherine Bernard était journaliste lors de notre première rencontre dans les années 2000 pour une interview à propos de mon rapport, bien sûr nous nous sommes vouvoyés et cela a duré 17 ans avant que, elle devenue vigneronne et moi vacancier permanent, nous nous tutoyons.

 

J’ai bien connu une comtesse vigneronne dans un département kolkhozien qui pratiquait le vouvoiement avec son mari.

 

J’ai été estomaqué lors d’une grand-messe au 78 rue de Varenne, lors d’une énième crise du lait, de voir Bruno Le Maire, alors Ministre de Sarkozy, tutoyer à qui mieux mieux les dirigeants agricoles, FNSEA comme Confédération Paysanne.

 

Je ne suis pas bégueule je ne confère pas au vouvoiement une aura marquant le respect mais je ne supporte pas, de la part de journalistes ou de ceux qui se disent journalistes le tutoiement de connivence.

 

J’entends par là un tutoiement qui marque une appartenance au même monde, du même tonneau que mon cher ami ponctué par l’utilisation du prénom de l’interviewé.

 

Je trouve cet entre soi à chier !

 

Les intéressés vont me rétorquer qu’ils pratiquent ce tutoiement dans leurs relations quotidiennes et que le vous serait une forme d’hypocrisie. J’en conviens mais ce que je conteste c’est justement cette connivence ordinaire entre journalistes et puissants ou supposés tels.

 

Pour le bon peuple, déjà très porté sur le tous pourris à propos des politiques, de l’élite, des journalistes, ce tutoiement de connivence, qui donne le sentiment que les deux interlocuteurs ont gardé les vaches ensemble, est ravageur. Il décrédibilise les propos échangés, le journaliste apparaît comme servant la soupe à l’interviewé.

 

L’indépendance affichée en bandeau c’est bien beau mais les invitations au château, l’air de contentement d’en être, ne permet pas de pousser l’interviewé dans ses derniers retranchements, ce dont il profite pour débiter un filet d’eau tiède.

 

Ce n’est pas avec ça que je vais m’abonner, donner mes petits sous pour soutenir un média indépendant, informatif, décapant, abordant les sujets de fond. Entendre répéter à l’envi, par un winemaker qui court le monde, qu’il passe son temps dans ses vignes au mieux me fait rire, au pire me fait chier.

 

Je suis grossier, désolé mais ce matin ça me fait du bien.

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20 mars 2018 2 20 /03 /mars /2018 07:00
À force de bétonner sur la déclaration nutritionnelle et la liste des ingrédients les chefs du vin vont recevoir des parpaings sur la tronche.

Le sens de l’anticipation n’est vraiment pas le point fort des grands chefs du monde du vin, leur leitmotiv c’est circulez y’a rien à voir, ne venez pas nous emmerder avec vos réglementations à la con, charbonnier est maître chez lui.

 

Le repli en désordre sur l’utilisation des pesticides est leur dernier combat perdu, le consommateur connaît pas sauf pour l’appeler à l’aide contre les affreux hygiénistes qui leur veulent du mal.

 

On bétonne, on défend dans les instances européennes l’exception française, le vin produit culturel, l’esthétisme de l’étiquette : pensez-donc la déclaration nutritionnelle et la liste des ingrédients sur la contre-étiquette de la Romanée-Conti ou d’un GCC, vous n’y pensez pas !

 

À titre personnel, en tant que consommateur, je doute de l’efficacité sur le choix des pousseurs de caddies des listes inscrites en tout petit sur des étiquettes. C’est, comme les messages sanitaires, une forme bien hypocrite de rassurer les consommateurs.

 

Mais ainsi va le vent de l’Histoire, s’y opposer relève du syndrome de la chèvre de monsieur Seguin. Plutôt que de subir le rouleau compresseur des directives communautaires il eut été plus sage d’anticiper, d’expérimenter dans le pays, qui se dit un grand pays du vin, une information intelligente du consommateur.

 

La vieille formule qui était le socle des pères de l’appellation d’origine : je dis ce que je fais, je fais ce que je dis traduite dans l’élaboration des vins.

 

On va m’objecter que je prends le parti des naturistes qui, par construction, disent qu’ils n’ajoutent rien au jus fermenté du raisin.

 

La réponse est non car, pour eux aussi, la transparence de leurs déclarations sera à l’ordre du jour.

 

La ligne Maginot, les batailles de tranchées sont mère d’immobilisme et de cuisantes défaites.

 

L’irruption du digital et sa démocratisation permettait une telle expérimentation via le QR code ou le renvoi au site du vigneron, de le coopérative ou du négociant. Elle ouvrait la voie à une adaptation aux différentes situations.

 

Aujourd’hui, selon Bernard Farges, président de la CNAOC, le monde du vin doit faire le deuil du zéro renseignement sur les étiquettes de vin.

 

En effet, la fin du régime d’exemption des boissons alcoolisées pour la déclaration nutritionnelle et la liste des ingrédients est actée. Cependant les modalités règlementaires ne le sont pas.

 

« Devant l’assemblée générale de l’Organisme de Défense et de Gestion des AOC Médoc, Haut-Médoc et Listrac-Médoc, le même Bernard Farges, président de la Fédération Européenne des Vins d’Origine (EFOW), face à une salle médusée (dixit Vitisphère), a déclaré : « Nous devrons renseigner les calories, probablement les ingrédients. Est-ce que cela sera sur les étiquettes, ou est-ce que cela sera un outil dématérialisé ? Rien n’est décidé »

 

« Éviter le pire » : devoir mettre à jour pour chaque millésime et cuvée ces données.

 

« La Commission Européenne a été très maligne sur le coup » ironise Bernard Farges. « Plutôt que de subir les critiques habituelles sur les fonctionnaires européens imposant des contraintes, elle a demandé au secteur des boissons alcoolisées de proposer un texte de sortie de cette exemption… De donner le texte avec lequel nous allons nous flageller »



Étiquetage des boissons alcoolisées: Bruxelles donne un an au secteur pour sauto-réglementer

ICI 

 

La Commission européenne a adopté, le 13 mars 2017, un rapport consacré à la mention obligatoire, sur l’étiquette des boissons alcoolisées, de la liste de leurs ingrédients et de leur déclaration nutritionnelle (C’est le règlement 1169/2011 sur l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires qui établit des règles concernant la mention de la liste des ingrédients et d’une déclaration nutritionnelle.)

 

Mais en France si nous ne sommes pas très rapide à la détente avons la chance d’avoir des élaborateurs d’un magnifique plan de filière remis au Président Macro, en janvier.

 

Ces géniaux représentants de la filière vont proposer à la Commission Européenne l’apposition d’un QR Code sur les bouteilles, qui renverra le consommateur vers un site d’informations généralistes. « Mais rien n’empêche un vigneron qui veut aller plus loin de le faire » précise Thomas Montagne président des VIF. « Nous sommes dans les temps. Nous sommes parvenus à un accord et nous remettrons un projet à la Commission le 12 mars » indique-t-il.

 

Je m’en tiens là.

 

Ça fait belle lurette qu’une gorge profonde travaillant avec les tacherons de la Commission m’avait alerté pour me dire que les brasseurs et les spiritueux étaient bien plus futés que nos chefs de la filière.

 

De toute façon tout ça faire prospérer le chiffre d’affaires des labos d’analyse et les boîtes de certification. Quand à vérifier cette masse d’informations je doute vraiment que qui que ce soit puisse contrôler. P’tète bien qu’ils viendront emmerder les naturistes pour qu’ils prouvent qu’ils ne rajoutent rien dans leur jus de raisin fermenté.

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11 mars 2018 7 11 /03 /mars /2018 07:30
Ce matin je vous propose un texte qui me va comme un gant : sans la contrainte d’un délai je suis vraiment un fainéant…

Mon statut d’allongé pendant un bon mois m’a permis, outre de lire une palanquée de livres voir ICI, de me poser la question : que vas-tu faire lorsque tu vas retrouver la plénitude de ta locomotion ?

 

Du vélo sans doute mais comme je ne saute jamais le périphérique mon rayon d’action reste fort limité.

 

Que faire ?

 

Glander ?

 

Me laisser vivre comme un retraité…

 

Pourquoi pas ?

 

Comme je suis un retraité aisé, le modèle-type frappé par l’augmentation de la CSG – ce dont je ne me plains pas – je pourrais me payer des croisières culturelles pimentées par la présence de la fine fleur de nos intellectuels : Zemmour, Luc Ferry, FOG, BHL…

 

Me ferais trop chier !

 

Autre piste : me transformer, comme le gros Hercule Poirot, en écumeur de 3 étoiles, me la péter au Plaza ou au Meurice, me prendre pour un succédané de Pudlo, gratter comme lui des chroniques que personne ne lit, faire accroire, comme lui, que je suis un grand dégustateur…

 

Que nenni, je fuis ces nouveaux temples pour nouveaux riches, au décor pompeux, aux assiettes chichiteuses et aux caves atrocement conventionnelles.

 

Alors aller au ciné, au théâtre, au concert, au stade, au casino, à l’Assemblée nationale, au Sénat, à Vinexpo, à Vinisud, à Vinovision, à la Dive…

 

Certes, mais pourquoi me cacher derrière mon petit doigt ce qu’il me faut pour me maintenir en vie c’est encore une bonne dose d’adrénaline afin de lutter contre ma nature profonde de fainéant.

 

 

« Schneiderman était le principal chroniqueur d New York Herald tribune, un métier accaparant qui l’obligeait à sortir presque tous les soirs pour assister à des concerts, des récitals et des opéras, il avait ensuite un délai très court pour écrire sa critique et la faire parvenir le soir même au secrétaire de rédaction en charge des pages artistiques, ce qui paraissait à Ferguson une tâche pratiquement impossible, il n’avait que deux heures ou deux heures et demie pour mettre en ordre ses impressions sur la représentation qu’il venait de voir et d’entendre et pour écrire à son sujet quelque chose de cohérent, mais Schneiderman avait l’habitude d’écrire dans l’urgence et la plupart des soirs il achevait ses articles sans même lever les mains de son clavier et lorsque Ferguson lui demanda comment il pouvait produire les mots à une telle vitesse, il répondit à son beau-fils, je suis vraiment paresseux, Archie, et si je n’avais pas la contrainte d’un délai à respecter je ne terminerais jamais rien, et Ferguson fut impressionné de voir que son beau-père pouvait ainsi se moquer de lui-même car bien évidemment il était tout sauf paresseux. »

 

4321 Paul Auster page 258 Actes Sud

"4 3 2 1" : pourquoi le dernier roman de Paul Auster est exceptionnel

 

 

Paul Auster publie "4 3 2 1" (Actes Sud), un roman monumental qui met en scène la vie d'un garçon d'origine juive né en 1947. Auster y inaugure un dispositif narratif inédit en déclinant 4 scénarios possibles pour son personnage, dont la somme dessine un portrait d'une grande profondeur, l'histoire des Etats-Unis en toile de fond. "4 3 2 1" est un roman exceptionnel. On vous dit pourquoi.

 

ICI https://culturebox.francetvinfo.fr/livres/la-rentree-litteraire/4-3-2-1-pourquoi-le-dernier-roman-de-paul-auster-est-exceptionnel-267719

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6 mars 2018 2 06 /03 /mars /2018 07:00
Chez les jeunes pousses conseillères du vin il est plus facile d’enfoncer des portes ouvertes que d’ouvrir des perspectives…

« Le numérique est l’origine, la conséquence et peut être la solution de la volatilité / incertitude des marchés du XXI eme siècle »

 

Phrase  d'anthologie, le genre à provoquer un AVS chez un économiste atterré, à mettre Thomas Guénolé en état d'attrition, à donner des frissons aux têtes d’œufs du FMI, à mettre en érection les passionnés du vin...   

 

 

Je l'ai goûté, savouré, et comme suis un vieux con et que je ne me soigne pas… bien au contraire... je m'octroie le droit de me payer la fiole de celles et ceux, tout juste sortis d’écoles dont je tairais le nom, qui, sur les petites estrades financées par le bel argent pompé sur les vignerons, viennent doctement dispenser des oracles, des conseils à un parterre d’apprentis communicants ou commerçants rêvant jour et nuit de créer leur start-up qui crachera du pognon.

 

L’imagination n’est guère au rendez-vous sur ces petites estrades, c'est le genre nez dans le guidon, PowerPoint a l’appui, les jeunes pousses conseillères, enfoncent joyeusement des portes ouvertes pour le plus grand bonheur des ravis. C’est du convenu pur sucre, du mal digéré, une vision du monde du vin idyllique, un mélange mal digéré d’idées reçues et de vieilles recettes.

 

Même si ça les fâche je persiste à croire que la capacité à donner des conseils repose sur l’expérience et non sur un savoir académique plus ou moins bien assimilé. Le jeunisme du bac à sable est tout aussi redoutable que le gâtisme des vieux revenus  de tout.

 

Ce qui me chagrine vraiment c’est que tout ce petit monde se berce d’illusions, il rêve de vivre sur la bête mais la bête n’a pas besoin d’eux, très vite les fameuses start-up passent à la trappe, seuls survivent les organisateurs événements.

 

Depuis que je chalute sur le Net, tel sœur Anne, je ne vois rien venir, les grands intervenants de la vente de vin sur la  Toile sont des grosses machines, Ventes Privées et Cdiscount, qui servent à écouler les invendus des négociants, des châteaux ou domaines, et non les géniaux innovateurs qui soit se font bouffer comme le Petit Ballon ou disparaissent sans fleurs ni couronnes.

 

Comme le proclamait le Grand Charles, à propos de l’Europe, il ne suffit pas de faire des sauts de cabri en criant : « le digital, le digital… » pour emporter l’adhésion des vignerons qui n’ont pas forcément beaucoup de pognon à jeter par les fenêtres.

 

Attention je ne suis pas en train d’écrire que le digital est un miroir aux alouettes, bien au contraire, ça un bail que je crois que c’est une révolution pour les vignerons.

 

18 mai 2009

 

Urgence : défendons le seul chemin vicinal qui relie Embres&Castelmaure à New-York : l'Internet  !

 

C’était à propos de la volonté de Bachelot de verrouiller l’internet du vin sous la pression du « Mobilisons-nous face à une risque sanitaire et social majeur » des prohibitionnistes masqués emmenés comme à l’ordinaire par l’ANPAA

 

« La Toile n’est pas une télévision-bis, elle maille toutes les voies de communication possibles sur  lesquelles la circulation est à double sens. Alors traiter le vide juridique, en ce qui concerne la publicité pour les boissons alcoolisées sur l’Internet, par un simple principe d’interdiction relève soit de la mauvaise foi, soit de la politique de l’autruche. »

 

Ce que je conteste aux jeunes pousses conseillères c’est tout d’abord de se contempler le nombril entre elles, et surtout de vouloir se substituer aux vignerons, de leur tenir la main parce que bien sûr ils n’y connaissent rien.

 

Ces dernières années toutes les innovations du vin sont venues des vignerons de vin nature et d’une poignée de restaurateurs, cavistes ou buveurs, mais pas de petites louves et de petits loups dispensant besogneusement, régurgitant leurs cours.

 

Même si certains m’accusent d’être immodeste, ce que je ne conteste pas, je conseille à tous ces apprenti (e) s de bien vouloir passer par la case terrain avant de nous bassiner avec leurs lieux communs qui ne valent pas deux balles.

 

J’ai vendu du vin, beaucoup, dans ma vie ; j’ai été un conseiller gris de décideurs privés et publics ; j’ai beaucoup appris plus de mes gamelles que de mes faits d’armes ; lorsque j’ai pris la plume pour pondre un rapport j’ai écrit :

 

« … je pose avec clarté les limites de mon travail, j’affirme que ces choix relèvent de la seule décision des principaux intéressés au devenir de nos grands ensembles viticoles. On peut attendre mon diagnostic, me demander les éléments de base de l’ordonnance mais seul un travail collectif, où les intérêts forcément contradictoires de la filière se confronteront au réel peut permettre de définir le champ du possible, de formuler des propositions opérationnelles, de chiffrer les moyens à mettre en œuvre, de rechercher comment on va financer les actions.

 

Le passé nous montre avec clarté qu’à recourir systématiquement à des points de vue extérieurs on débouche sur des études qui restent au fond des armoires, on n’anticipe pas, on subit et alors, le seul recours qui fédère, le seul bouc émissaire qu’on exhibe, qu’on rudoie c’est l’Etat. L’impérieuse conjoncture fait de lui l’urgentiste en chef, il faut parer au plus pressé, engloutir des moyens considérables dans des mesures de sauvegarde, et bien entendu, lorsqu’on sera de nouveau sur pied, juré, on se mettra sérieusement au travail.

 

[…]

 

Je propose donc qu’un noyau dur de quatre personnes : 2 pour la production, 2 pour le négoce pilote cette réflexion stratégique avec un groupe de travail pour aboutir, courant du dernier trimestre 2001, à la rédaction du « nouvel élan des vins de France 2010 »

 

Je persiste et je signe, les conseilleurs ne sont pas les payeurs, les nouveaux outils digitaux permettent aux vignerons, avec des moyens raisonnables, de retrouver leur liberté…

 

La liberté n’est pas la tasse de thé des sponsors des évènements où les jeunes pousses conseillères viennent s’exprimer, faut pas les fâcher… le CIVB, Terra Vitis et…

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3 mars 2018 6 03 /03 /mars /2018 07:00
Verticale et horizontale de livres : le mois d’un allongé.
Verticale et horizontale de livres : le mois d’un allongé.

30 jours après mon changement de cardan je marche sans cannes, lentement et sûrement. Je vais et je viens dans la ville, pas encore à vélo mais en auto avec chauffeur.

 

La question que l’on m’a le plus souvent posé au cours de ce mois : alors comment va ta rééducation ?

 

Désolé je ne me suis pas fait rééduquer, je me suis reposé.

 

J’ai vécu allongé me contentant de me déplacer avec mes cannes anglaises dans mon appartement.

 

 

Pour cicatriser vite j’ai dévoré de la viande rouge.

 

 

Petit à petit j’ai laissé de côté mes anglaises puis un jour je suis sorti en leur compagnie.

 

Bref, j’ai passé 90% de mon temps allongé et, tout en écoutant FIP, j’ai lu.

 

Dans le monde des grands amateurs de vin, à la LPV, au machin de la villa d’Este, il est de bon ton de pratiquer des verticales et des horizontales pour en mettre plein la vue au bas peuple qui se contente de boire.

 

Pour l’édification des jeunes pousses voici la compilation de mes lectures de mon mois d’allongé, sans respecter l’ordre chronologique de lecture.

 

  • Le Livre des Baltimore Joël Dicker éditions de Fallois  (29/09/2015) 476 pages

 

 

« Jusqu'au jour du Drame, il y avait deux familles Goldman. Les Goldman-de-Baltimore et les Goldman-de-Montclair.

 

Les Goldman-de-Montclair, dont est issu Marcus Goldman, l'auteur de La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert, sont une famille de la classe moyenne, habitant une petite maison à Montclair, dans le New Jersey.

 

Les Goldman-de-Baltimore sont une famille prospère à qui tout sourit, vivant dans une luxueuse maison d'une banlieue riche de Baltimore, à qui Marcus vouait une admiration sans borne.

 

Huit ans après le Drame, c'est l'histoire de sa famille que Marcus Goldman décide cette fois de raconter, lorsqu'en février 2012 il quitte l'hiver new-yorkais pour la chaleur tropicale de Boca Raton, en Floride, où il vient s'atteler à son prochain roman.

 

Au gré des souvenirs de sa jeunesse, Marcus revient sur la vie et le destin des Goldman-de-Baltimore et la fascination qu'il éprouva jadis pour cette famille de l'Amérique huppée, entre les vacances à Miami, la maison de vacances dans les Hamptons et les frasques dans les écoles privées. Mais les années passent et le vernis des Baltimore s'effrite à mesure que le Drame se profile. Jusqu'au jour où tout bascule. Et cette question qui hante Marcus depuis : qu'est-il vraiment arrivé aux Goldman-de-Baltimore ? »

 

  • Anthony Trollope Quelle époque ! fayard 06/01/2010 824 pages

 

 

 

« Dans cet ample roman victorien aux ramifications multiples, le centre de gravité est occupé par Augustus Melmotte, un financier véreux qui lance une vaste opération spéculative en Angleterre et en Amérique pour prendre au piège les investisseurs naïfs. Le procédé qu’il met en œuvre à Londres dans les années 1870 préfigure curieusement certaines affaires du vingt et unième siècle. Melmotte n’est pas le seul à tricher. Les jeunes gens de bonne famille désargentés n’hésitent pas à payer leurs dettes de jeu en monnaie de singe et à faire la cour à de riches héritières dans le seul but de reconstituer leur fortune. On triche aussi dans le monde littéraire, où une romancière sans talent veut s’assurer les bonnes grâces des critiques pour faire vendre ses livres. On triche enfin dans le monde du journalisme et de la politique. Quelle époque! Anthony Trollope nous en brosse un portrait sans concession dans ce roman satirique que connaisseurs et spécialistes saluent comme son chef-d’œuvre.

 

Roman traduit de l'anglais, préfacé et annoté par : Alain Jumeau.

 

Anthony Trollope est né à Londres en 1815 et mort en 1882. Fils d’un avocat raté et d’une femme de lettres qui eut une certaine notoriété, il fit carrière comme inspecteur des postes jusqu’en 1867. Entre 1847, date de parution de son premier livre, et sa mort, il publia près de cinquante romans ainsi que des nouvelles et connut une grande célébrité. »

 

  • Sebastian Barry Des jours sans fin [Days Without End] Trad. de l'anglais (Irlande) par Laetitia Devaux Collection Littérature étrangère/Joëlle Losfeld, Gallimard Parution : 11-01-2018

 

 

« Chassé de son pays d’origine par la Grande Famine, Thomas McNulty, un jeune émigré irlandais, vient tenter sa chance en Amérique. Sa destinée se liera à celle de John Cole, l’ami et amour de sa vie.

 

Dans le récit de Thomas, la violence de l’Histoire se fait profondément ressentir dans le corps humain, livré à la faim, au froid et parfois à une peur abjecte. Tour à tour Thomas et John combattent les Indiens des grandes plaines de l’Ouest, se travestissent en femmes pour des spectacles, et s’engagent du côté de l’Union dans la guerre de Sécession.

 

Malgré la violence de ces fresques se dessine cependant le portrait d’une famille aussi étrange que touchante, composée de ce couple inséparable, de Winona leur fille adoptive sioux bien-aimée et du vieux poète noir McSweny comme grand-père. Sebastian Barry offre dans ce roman une réflexion sur ce qui vaut la peine d’être vécu dans une existence souvent âpre et quelquefois entrecoupée d’un bonheur qui donne l’impression que le jour sera sans fin. »

 

  • Pierre Lemaitre Couleurs de l'incendie Albin Michel 259 pages 3 Janvier 2018

 

 

« Février 1927. Le Tout-Paris assiste aux obsèques de Marcel Péricourt. Sa fille, Madeleine, doit prendre la tête de l'empire financier dont elle est l'héritière, mais le destin en décide autrement. Son fils, Paul, d'un geste inattendu et tragique, va placer Madeleine sur le chemin de la ruine et du déclassement.

 

Face à l'adversité des hommes, à la cupidité de son époque, à la corruption de son milieu et à l'ambition de son entourage, Madeleine devra déployer des trésors d'intelligence, d'énergie mais aussi de machiavélisme pour survivre et reconstruire sa vie. Tâche d'autant plus difficile dans une France qui observe, impuissante, les premières couleurs de l'incendie qui va ravager l'Europe.

 

Couleurs de l'incendie est le deuxième volet de la trilogie inaugurée avec Au revoir là-haut, prix Goncourt 2013, où l'on retrouve l'extraordinaire talent de Pierre Lemaitre. »

 

  • Jean-Paul Kauffmann 31, allées Damour. Raymond Guérin (1905-1955) Première parution en 2004 La Table Ronde Parution : 15-03-2007 317 pages

 

 

 

« Écrivain inclassable, victime d'une des plus grandes erreurs littéraires de l'après-guerre, Raymond Guérin est mort à cinquante ans. Romancier scandaleux, il reste incompris par son obsession de tout dire et de par uen écriture insaisissable qui le portait à changer délibérément de manière à chacun de ses livres.

 

Agent général d'assurances à Bordeaux, il avait commencé comme garçon d'étage au Crillon, à Paris. Prisonnier en Allemagne, sous-officier réfractaire, il rate le Goncourt en 1941. De cette captivité qui le brisa, il revint avec un livre d'une noirceur irrémédiable, Les Poulpes, chef-d'œuvre de dérision écrit dans une langue dont on n'a pas encore mesuré la profonde originalité. Découvert par Jean Grenier, admiré par Paulhan, Arland et Gide, ami de Henri Calet, Henry Miller, Cartier-Bresson et Malaparte, l'auteur de L'Apprenti a fait exploser les genres littéraires en forgeant une «mythologie de la réalité».

 

Cet ouvrage n'est pas une biographie littéraire au sens traditionnel. Après le succès de La Lutte avec l'Ange, Jean-Paul Kauffmann pousse la porte du 31, allées Damour, s'installe derrière le bureau de Guérin, s'imprègne de son univers et retrace le parcours d'un homme tendre et cassant, qui a voulu incarner de manière pathétique la figure de l'écrivain absolu. »

 

  • Mélancolie de gauche La force d’une tradition cachée (XIXe-XXIe siècle) Enzo TRAVERSO éditions la découverte 222 pages

 

 

« Depuis le XIXe siècle, les révolutions ont toujours affiché une prescription mémorielle : conserver le souvenir des expériences passées pour les léguer au futur. C’était une mémoire « stratégique », nourrie d’espérance. En ce début de XXIe siècle, cette dialectique entre passé et futur s’est brisée et le monde s’est enfermé dans le présent. La chute du communisme n’a pas seulement enterré, une fois pour toutes, la téléologie naïve des « lendemains qui chantent », elle a aussi enseveli, pour un long moment, les promesses d’émancipation qu’il avait incarnées.

 

Mais ce nouveau rapport entre histoire et mémoire nous offre la possibilité de redécouvrir une « tradition cachée », celle de la mélancolie de gauche qui, comme un fil rouge, traverse l’histoire révolutionnaire, d’Auguste Blanqui à Walter Benjamin, en passant par Louise Michel ou Rosa Luxemburg. Elle n’est ni un frein ni une résignation, mais une voie d’accès à la mémoire des vaincus qui renoue avec les espérances du passé restées inachevées et en attente d’être réactivées.

 

Aux antipodes du manifeste nostalgique, ce livre – nourri d’une riche iconographie : des tableaux de Courbet aux affiches soviétiques des années 1920, des films d’Eisenstein à ceux de Théo Angelopoulos, Chris Marker ou Ken Loach – établit un dialogue fructueux avec les courants de la pensée critique et les mouvements politiques alternatifs actuels. Il révèle avec vigueur et de manière contre-intuitive toute la charge subversive et libératrice du deuil révolutionnaire. »

 

  • Parlez-moi encore de lui Lisa Vignoli Stock Collection La Bleue 03/05/2017 240 pages

 

 

« Jean-Michel Gravier n’était personne et il était tout. C’est le paradoxe de ce roi secret d’une époque, confident d’Isabelle Adjani, critique visionnaire du cinéma de Jean-Jacques Beineix, chroniqueur se rêvant écrivain, promeneur de célébrités, entremetteur de talents, fou de femmes et incapable de les aimer, éternel enfant grandi en province et étourdi de la gloire des autres.

 

Lisa Vignoli n’a pas connu ce journaliste et chroniqueur mort trop tôt, en 1994. Pas non plus son époque, les années 80. La nostalgie qui étreint son livre est celle d’une autre génération que la sienne. Décalée comme Jean-Michel Gravier, passeuse de lumières qui s’éteignent si vite et se rallument parfois, elle s’est plongée dans sa vie comme on le fait dans ce livre doux et fluide, émouvant comme une longue étreinte, pour un dernier feu. Ultime brasier des vanités. »

 

  • Robert Muchembled La Civilisation des odeurs (XVIe-début XIXe siècle) les Belles Lettres 272 pages

 

 

« Pourquoi l’odorat, ce sens primordial d’adaptation au danger comme de repérage du meilleur partenaire sexuel, demeure-t-il si méconnu ?

 

Son histoire paradoxale, pour peu qu’on s’y attache, est des plus captivantes.

 

Dans cette synthèse sans équivalent, Robert Muchembled mène l’enquête et présente les extraordinaires mutations de l’odorat en Occident, de la Renaissance au début du XIXe siècle.

 

Les sources utilisées sont multiples et riches : manuels de physiognonomie ; oeuvres de médecins, philosophes, poètes, conteurs, théologiens, polémistes, moralistes ; traités de civilité, traités de "Secrets pour dames" ; édits royaux ; règlements du métier de gantier parfumeur, inventaires après-décès (apothicaires, gantiers parfumeurs) ; iconographie du sens olfactif...

 

Muchembled s'empare de cet extraordinaire ensemble et dresse l'histoire du puissant refoulement qui, depuis un demi-millénaire, nous a fait considérer l'odorat comme le plus méprisable des sens avant que de le hisser récemment au rang du plus affûté.

 

Des miasmes exhalés par les concentrations humaines aux émanations intimes nauséabondes, des senteurs "excrémentielles" (musc, civette et ambre) prétendument protectrices de la peste aux condamnations des moralistes, de la révolution olfactive du XVIIIe siècle, qui transforme la goutte de parfum floral ou fruité en vecteur d'hédonisme jusqu'aux dernières découvertes scientifiques, c'est à un extraordinaire voyage olfactif dans la civilisation des mœurs que Muchembled convie son lecteur. »

 

  • 4 3 2 1 Paul Auster Actes Sud 1019 pages janvier 2018

 

 

« À en croire la légende familiale, le grand-père nommé Isaac Reznikoff quitta un jour à pied sa ville natale de Minsk avec cent roubles cousus dans la doublure de sa veste, passa Varsovie puis Berlin, atteignit Ham- bourg et s’embarqua sur l’Impératrice de Chine qui franchit l’Atlantique en essuyant plusieurs tempêtes, puis jeta l’ancre dans le port de New York au tout premier jour du XXe siècle. À Ellis Island, par une de ces bifurcations du destin chères à l’auteur, le nouvel arrivant fut rebaptisé Ferguson. Dès lors, en quatre variations biographiques qui se conjuguent, Paul Auster décline les parcours des quatre possibilités du petit-fils de l’immigrant. Quatre trajectoires pour un seul personnage, quatre répliques de Ferguson qui traversent d’un même mouvement l’histoire américaine des fifties et des sixties. Quatre contemporains de Paul Auster lui-même, dont le “maître de Brooklyn” arpente les existences avec l’irrésistible plaisir de raconter qui fait de lui l’un des plus fameux romanciers de notre temps. »

  •  La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert (poche) Joël Dicker de Fallois 864 pages 27/05/2014

 

 

“C’est rare, mais quand cela arrive, rien ne peut couper court à l’excitation. Jeune ou moins jeune, lecteur difficile ou facile, femme ou homme, on lira sans discontinuer jusqu’au bout le roman français de Joël Dicker, La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert. On n’en sortira qu’épuisé et ravi par le jet continu d’adrénaline littéraire que le narrateur n’a cessé d’injecter dans vos veines.” ( Marc Fumaroli, de l’Académie française, Le Figaro Littéraire)

 

“Si vous mettez le nez dans ce gros roman, vous êtes fichu. Vous ne pourrez pas vous empêcher de courir jusqu’à la six centième page. Vous serez manipulé, dérouté, sidéré, agacé, passionné par une histoire aux multiples rebondissements, fausses pistes et coups de théâtre.” (Bernard Pivot, de l’Académie Goncourt, Le Journal du Dimanche)

 

“Un bon livre, Marcus, est un livre qu’on regrette d’avoir terminé.” Joël Dicker

 

La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert est adaptée en  une série télévisée de 10 épisodes par le réalisateur Jean-Jacques Annaud, première diffusion 2018 »

 

  • Yannick Haenel Tiens ferme ta couronne Collection L'Infini, Gallimard 17-08-2017 352 pages

 

 

« Un homme a écrit un énorme scénario sur la vie de Herman Melville : The Great Melville, dont aucun producteur ne veut. Un jour, on lui procure le numéro de téléphone du grand cinéaste américain Michael Cimino, le réalisateur mythique de Voyage au bout de l'enfer et de La Porte du paradis. Une rencontre a lieu à New York : Cimino lit le manuscrit. 


S’ensuivent une série d’aventures rocambolesques entre le musée de la Chasse à Paris, l’île d’Ellis Island au large de New York, et un lac en Italie. 
On y croise Isabelle Huppert, la déesse Diane, un dalmatien nommé Sabbat, un voisin démoniaque et deux moustachus louches ; il y a aussi une jolie thésarde, une concierge retorse et un très agressif maître d’hôtel sosie d’Emmanuel Macron. 



Quelle vérité scintille entre cinéma et littérature?

 
La comédie de notre vie cache une histoire sacrée : ce roman part à sa recherche. »

 

  • Sylvain tesson Sur les chemins noirs Collection Blanche, Gallimard  13-10-2016 144 pages

 

 

«Il m'aura fallu courir le monde et tomber d'un toit pour saisir que je disposais là, sous mes yeux, dans un pays si proche dont j'ignorais les replis, d'un réseau de chemins campagnards ouverts sur le mystère, baignés de pur silence, miraculeusement vides.

 

La vie me laissait une chance, il était donc grand temps de traverser la France à pied sur mes chemins noirs.

 

Là, personne ne vous indique ni comment vous tenir, ni quoi penser, ni même la direction à prendre.»

 

Sylvain Tesson.

 

  • Marie Ndiaye La Cheffe, roman d'une cuisinière Collection Blanche, Gallimard  03-10-2016 288 pages

 

 

«Elle trouvait excessives les louanges dont on s’est mis à couvrir sa cuisine.

 

Elle comprenait les sensations puisqu’elle s’appliquait à les faire naître, n’est-ce pas, et que leur manifestation sur la figure des convives l’enchantait, c’est tout de même bien ce à quoi elle s'évertuait jour après jour, depuis tant d’années, presque sans repos.

 

Mais les mots pour décrire tout cela lui paraissaient indécents.»

 

Le narrateur raconte la vie et la carrière de la Cheffe, une cuisinière qui a connu une période de gloire, dont il a longtemps été l’assistant – et l’amoureux sans retour. Au centre du récit, la cuisine est vécue comme une aventure spirituelle. Non que le plaisir et le corps en soient absents, au contraire : ils sont les instruments d’un voyage vers un au-delà – la Cheffe allant toujours plus loin dans sa quête d’épure.

 

Les phrases de Marie NDiaye se déploient lentement, comme pour envelopper le lecteur avec un charme constricteur. Les replis de l’âme de chaque personnage sont explorés avec une détermination calme dans la volonté de dissoudre la pénombre des êtres. Le récit dévoile une humanité violente, claire, à la fois mélancolique et enviable. »

 

 

  • Aurélien Bellanger Le Grand Paris Collection Blanche, Gallimard 12-01-2017 480 pages

 

 

« Enfant de l’Ouest parisien, Alexandre Belgrand a grandi à l’ombre des tours de la Défense, au bord de la voie royale qui conduit du Louvre à la Grande Arche et qui sert de frise chronologique à l’histoire de France. Héritier autoproclamé de ce majestueux récit, il rejoint une école de commerce, certain d’intégrer à sa sortie l’élite de la nation.

 

L’un de ses professeurs l’initiera alors à l’histoire secrète de la capitale, avant de le faire entrer au service de l’homme fort de la droite – «le Prince» – en passe de remporter la prochaine présidentielle. Il lui aura fallu, auparavant, parfaire sa formation d’urbaniste au milieu du désert algérien, d’où il assistera, impuissant, au soulèvement des quartiers de l’Est parisien à l’automne 2005.

 

Au soir du 6 mai 2007, il est au Fouquet’s, dans le tout premier cercle, prêt à intégrer le cabinet du Prince. Suivront, pour Alexandre, deux années d’alcoolisation heureuse, de travail acharné et d’amitiés nocturnes au cœur du triangle d’or parisien. Il écrira l’un des discours les plus remarqués du Prince, prélude au lancement d’une grande consultation architecturale sur l’avenir de Paris ; c’est lui encore qui imaginera de doter la nouvelle métropole d’un grand métro automatique, le Grand Paris Express. Il aura alors l’orgueil de se croire indestructible.

 

Sa disgrâce, imprévue et brutale, le conduira jusqu’à l’Est maudit de la grande métropole. C’est là que, dans sa quête de plus en plus mystique d’une ville réconciliée, il devra s’enfoncer, accomplissant son destin d’urbaniste jusqu’à son ultime conversion, ainsi qu’il le lui avait été prédit au milieu du désert : «Nous autres, urbanistes, nous parlons aux dieux plutôt qu’aux hommes.»

 

 

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2 mars 2018 5 02 /03 /mars /2018 08:00
«Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi.» 78% des français défendent l’héritage de mai 68, ça fait chier Zemmour : bilan critique.

Les 3 figures médiatiques de Mai 68 : Cohn-Bendit, Sauvageot et Geismar symbolisent bien l’extrême diversité du mouvement.

 

Je n’aime pas les célébrations mais je déteste tout autant que l’on réécrive l’histoire avec la plume de cet avorton de Zemmour qui proclame inlassablement que 68 fut un mouvement programmé pour « détruire la France traditionnelle »

 

50 ans déjà, j’avais 20 ans et on ne fera pas avaler que mai ne fut que le tremplin à des opportunistes qui tel, Serge July, et quelques autres, iront se vautrer dans les couches du grand capital.

 

Je verse au dossier l’éditorial de Joffrin dans Libé qui résume bien ce que fut le mouvement (il est classé dans la catégorie July mais peu importe) ; le sondage réalisé par Harris Interactive pour Le Nouveau Magazine littéraire, les Français sont 79 % à défendre l’héritage de Mai ; Benjamin Stora: «Heureusement que nous, à l’extrême gauche, n’avons pas pris le pouvoir après mai 1968»  Jean-Dominique Merchet pour l’Opinion

 

Mai réhabilité

 

C’est un pavé dans la mare nostalgico-réac : Mai 68, contre toute attente zemmourienne, est populaire. Dans un sondage publié par le Nouveau Magazine littéraire, qui défend courageusement la culture progressiste malmenée de toutes parts, on apprend que 79% des personnes interrogées pensent que Mai 68 a eu des conséquences positives. Après tant de philippiques, de dénonciations, de pseudo-démythifications, le chiffre apporte un démenti cinglant aux procureurs de la révolte. A bien y réfléchir, cette surprise s’explique. Il faut pour la comprendre, revenir à la réalité de la révolte et non aux interprétations cacophoniques qui ont fleuri depuis.

 

Mai fut une révolte culturelle à l’origine : la jeune génération, étudiante, d’abord, ouvrière ensuite, ne supportait plus les coutumes autoritaires et les préjugés surannés qui dominaient la société française. Comme personne ne souhaite, en fait, y revenir, en dehors que quelques éditorialistes passéistes, la libération des mœurs et le refus des hiérarchies autoritaires ont été massivement ratifiés par les Français.

 

Mai fut aussi, et c’est ce qui fait sa singularité parmi les mouvements contestataires de l’époque, une vaste révolte ouvrière, avec à la clé la plus grande grève de l’histoire de France. Plus lucides que bien des analystes, les Français s’en souviennent et approuvent tout aussi massivement les revendications présentées à l’époque : de meilleurs salaires, une plus grande liberté syndicale, des rapports patrons-salariés moins rigides, une réduction du temps de travail, une association des travailleurs à la marche de l’entreprise. Là encore, personne ne souhaite revenir en arrière.

 

Cette approbation ultra majoritaire des conquêtes de 68 fait passer au second plan les réserves que suscite l’événement : les errements d’un certain individualisme libertaire, qui donne involontairement la main à l’idéologie libérale, les schémas révolutionnaires plaqués par l’extrême gauche sur ce vaste mouvement qui réclamait surtout des réformes, un antigaullisme mécanique qui faisait bon marché du rôle historique de l’homme de la France libre, l’idée naïve et courte selon laquelle une société peut se passer de tout héritage. Ces excès, au vrai, n’étaient pas au cœur de la révolte. Ils en étaient les scories, les illusions, les outrances. L’essentiel n’était pas là : il s’agissait d’exiger une société plus juste et plus libre. Le reste n’était que palinodies transitoires complaisamment gonflées par une certaine pensée réactionnaire. Manifestement, les Français l’ont compris.

 

LAURENT JOFFRIN

 

MAI 68 : LE SONDAGE QUI DÉMENT LES CLICHÉS RÉACS

 

C’est une immense surprise tant Mai 68 fut critiqué, à gauche comme à droite : dans un sondage réalisé par Harris Interactive pour Le Nouveau Magazine littéraire, les Français sont 79 % à défendre l’héritage de Mai. Analyse d’une étude à contre-courant.

 

Quand on y pense, c’est fou le nombre de pavés acérés que le mythe de Mai 68 s'est pris dans la figure depuis cinquante ans ! Il y eut ceux, venus de la droite traditionnelle, qui visèrent dès l'origine ce mouvement trop spontané pour être honnête dont les germes freudo-marxistes et libertaires allaient assurément saper les fondements de la société, de l'État, de l'autorité et de la famille. Cette « pensée anti-68 » (Serge Audier) culmina en 2007 dans la volonté du candidat Nicolas Sarkozy de « liquider l'héritage » supposément toxique de 68. Puis elle devint un invariant médiatique, voire un running gag, dès lors que l'éditorialiste Éric Zemmour s'en empara pour dénoncer chaque semaine ou presque un mouvement programmé pour « détruire la France traditionnelle ». Puis, plus inattendues, mais lancinantes, il y eut ces nombreuses attaques venues du centre, de la gauche libérale ou de l'extrême gauche, critiquant tour à tour, et selon des mini-cycles historiques très variables, les travers « anti-humanistes » de la pensée 68 (Alain Renaut et Luc Ferry), ses dérives politiques « droits-de-l'hommistes » (Marcel Gauchet), ses traîtres à la cause « passés du col Mao au Rotary » (Guy Hocquenghem), l'héritage impossible du « gauchisme culturel » (Jean-Pierre Le Goff), etc. Sans oublier, last but not least, l'individualisme hédoniste de cette « génération lyrique » (François Ricard) qui – résumé au slogan « jouir sans entraves » – participa activement à l'avènement d'un capitalisme (sans entraves lui aussi).

 

Parmi ces dernières critiques, certaines furent évidemment salutaires, d'autres injustes, déplacées ou vite datées. Mais toutes démontrèrent l'incroyable passion générée par 1968 dans l'imaginaire et le débat français. Mais aujourd’hui quelle perception les Français en ont-ils ? Et, au fond, a-t-on seulement songé à demander son avis à ce « peuple », exalté par les révolutionnaires de l’époque, à qui l'on prête aujourd'hui une indifférence polie aux célébrations du cinquantenaire – au mieux – ou qui vouerait une haine éternelle à un mouvement responsable de l'anomie néolibérale – au pis ?

 

Et si l'enquête que vous allez lire ici démontrait l'inverse ? Et si justement, l'heure était venue de regarder, de critiquer, d’apprécier sereinement l’héritage de 68 ? Passer du droit d'inventaire, indispensable, légitime, au droit d'inventer (de nouveau), en défendant les acquis de 68 comme les Français semblent le faire sans complexes dans cette étude ? L'une des conclusions de l'enquête NML/Harris Interactive peut le laisser penser : ce sont en effet les plus de 65 ans, ainsi que les profils « soixante-huitards » les plus éduqués, et issus des classes sociales les plus aisées, qui jugent le plus durement Mai 68. C'est un immense paradoxe. Et peut-être la preuve statistique, avec les articles et les auteurs qui suivent, que les meilleurs avocats de Mai 68 sont ceux… qui ne l'ont pas vécu. Légataires universels du mythe. Avec ses forces et ses faiblesses.

 

Benjamin Stora: «Heureusement que nous, à l’extrême gauche, n’avons pas pris le pouvoir après mai 1968»

 

L’historien Benjamin Stora, spécialiste de l’Algérie et de l’immigration, raconte ses années militantes, chez les trotskistes puis au PS, dans un livre très personnel et d’une grande lucidité, 68, et après. Les héritages égarés (Stock). Homme de gauche, il porte aujourd’hui un regard très critique sur sa famille politique, son sectarisme et ses compromissions. Il retrace aussi des aspects plus personnels, avec pudeur, comme la mort de sa fille, son infarctus ou les menaces de mort qui l’obligèrent à quitter la France pendant plusieurs années.

 

  • Revenant sur votre engagement dans l’extrême gauche trotskiste de 1968 à 1986, vous écrivez : « Heureusement que nous n’avons pas pris le pouvoir ». Un aveu assez rare. Comment l’expliquez-vous ?

 

Lorsqu’on évoque mai 1968 et les années d’après, on en retient aujourd’hui surtout l’aspect festif, libertaire, presque libertin avec la révolution sexuelle. Or cela ne correspond pas à mon vécu personnel. Certes, j’avais dix-sept ans à l’époque et ce mouvement m’a permis d’entrer dans la société française, de sortir de la logique communautaire d’une famille juive rapatriée d’Algérie. 68, c’est à peine six ans après la fin de la guerre d’Algérie : on est soudain passé d’une France en noir et blanc à une France en couleurs ! D’ailleurs, c’est en 1967 que la télé couleur apparaît. Pour moi, qui vivais dans un milieu ouvrier à Sartrouville, en banlieue parisienne, 68, c’est le soleil retrouvé de l’Algérie, la fraternité, la chaleur, la fin de la solitude. Mais il y a une autre dimension bien plus sombre. On ne veut toujours pas accepter le fait que les années de l’après-68 ont été celles de l’engagement de milliers de jeunes dans des organisations révolutionnaires d’un marxisme orthodoxe, pur et dur. Tout courants confondus, j’estime entre 10 000 et 20 000 le nombre de militants. C’est sans doute plus que le nombre de hippies ou de jeunes partis élevés des chèvres à la campagne… Rien qu’à la fac de Nanterre, il y avait au moins 300 militants organisés et je ne parle pas des sympathisants, beaucoup plus nombreux. C’était une jeunesse très dogmatique, très disciplinée qui inquiétait vraiment le pouvoir. Même si on critiquait vigoureusement le PC, on était très stalinien dans les formes d’organisation. L’extrême gauche était une sorte de petite armée en constitution, avec l’engouement pour des pratiques politiques autoritaires et une volonté assumée de diriger la société par le haut, avec l’attrait pour le secret, par exemple l’utilisation de pseudonymes, et le verticalisme d’organisation. Nous étions des négateurs, refusant le compromis et le réformisme. Une culture du refus sans accommodement. Et avec le vertige devant la séduction d’une violence extrême. La tentation de passage au terrorisme a existé.

 

  • Vous étiez membre de l’OCI – l’Organisation communiste internationaliste – la tendance dite « lambertiste » du trotskisme français. Pourquoi ce choix ?

 

Au départ, j’étais lycéen à Sartrouville et mon lycée était situé à côté de l’Ecole normale d’institutrices. Il y avait une dizaine de jolies filles à l’OCI, avec lesquelles je me suis retrouvé au café… J’ai adhéré dès 1968 et je suis resté. J’étais fils d’ouvrier, je travaillais à l’usine pendant les vacances et l’OCI était pour moi une organisation très sérieuse, avec de la rigueur et de la discipline. C’était des valeurs importantes pour moi. La Ligue (LCR, l’autre organisation trotskiste) m’apparaissait comme plus « petite bourgeoise », avec un côté mouvementiste qui s’éloignait des traditions ouvrières orthodoxes. Quant aux maos de la Gauche prolétarienne, je les trouvais trop « spontanéistes » et folkloriques ! L’OCI était un PC en miniature de l’ancien temps, une école de cadres. Lionel Jospin, Jean-Luc Mélenchon et Jean-Christophe Cambadélis, pour ne citer que les trois plus célèbres, en sont d’ailleurs issus. Ils sont les produits de cette histoire.

 

  • Et ils ont fait de belles carrières…

 

Si, à la base, il y avait un langage de radicalité, en haut, les dirigeants pratiquaient les compromis et ses accords d’appareils, comme le dirigeant Pierre Lambert, responsable au sein du syndicat FO. Tout cela, je l’ai appris après coup, surtout au moment de mon départ. Si le discours radical s’inscrit dans une vieille tradition française, le guesdisme, le blanquisme, les pratiques d’appareils et de compromis renvoient plutôt au « molletisme ». Un discours orthodoxe, radical, et des pratiques de louvoiement, opportunistes.

 

  • Pourquoi l’extrême gauche française n’a-t-elle pas basculé dans le terrorisme, comme l’allemande (Fraction armée rouge) ou l’italienne (Brigades rouges), dans les années soixante-dix ?

 

Sur le non-basculement vers le terrorisme, on peut invoquer la puissance du Parti communiste. Il était encore le premier parti de France, 700 000 adhérents ; 1,5 million à la CGT, 21 % des voix pour Jacques Duclos à la présidentielle de 1969. Le PC a empêché l’extrême gauche d’accéder physiquement aux usines en établissant un « cordon sanitaire », une barrière quasi-infranchissable pour les étudiants les plus violents, les plus radicaux. Mais il faut également signaler que la France, à la différence de l’Allemagne et de l’Italie, n’a pas connu une longue expérience du fascisme, ce qui n’est pas sans incidence sur la culture politique violente de l’antifascisme et sur les représentations négatives de l’Etat. La légitimité du passage à la « lutte armée » comme poursuite d’un combat engagé par les parents était faible.

 

C’est cette incapacité de la gauche à faire le bilan critique de son histoire qui a conduit, entre autres, les socialistes au naufrage

 

  • Après l’OCI, vous rejoignez le PS en 1986 aux côtés de votre ami Cambadélis, avec le projet d’y créer un courant de gauche. Vous y retrouvez d’autres trotskistes, comme Lionel Jospin ou Julien Dray, ce dernier venant de la LCR. Là encore, vous allez connaître d’autres déceptions…

 

Même si j’ai été quelques années permanent de l’OCI, le cas de Lionel Jospin reste pour moi un mystère. Je ne sais pas quand il est vraiment sorti de l’organisation… Notre rencontre au PS en 1986, avec Cambadélis, était étrange : tout le monde était gêné. Avec Cambadélis, nous nous sommes séparés en 1988 quand il a choisi de faire carrière dans l’appareil du PS. Pour ma part, j’avais choisi la recherche universitaire sur l’Algérie, puis ma fille est tombée gravement malade et je l’ai accompagné pendant quatre ans, jusqu’à son décès en 1992. Je me suis éloigné de la politique.

 

  • Et Jean-Luc Mélenchon ?

 

Je l’avais côtoyé dans les années soixante-dix, quand il s’occupait de l’OCI à Besançon. Il était déjà un orateur cultivé, mais son amour pour Mitterrand m’a étonné… J’avais déjà beaucoup travaillé sur la guerre d’Algérie et je connaissais le rôle de François Mitterrand comme ministre de la Justice et de l’Intérieur durant cette période. Il a quand même refusé la grâce de plusieurs militants algériens condamnés à mort ! Mitterrand était parvenu à occulter aussi bien son passé vichyste que celui de la guerre d’Algérie. Plus généralement, c’est cette incapacité de la gauche à faire le bilan critique de son histoire qui a conduit, entre autres, les socialistes au naufrage.

 

  • Vous portez désormais un jugement positif sur Michel Rocard…

 

Je porte sur lui un tout autre regard qu’à l’époque. Dans l’imaginaire de mon milieu politique, Rocard c’était la droite du PS – on parlait de « gauche américaine » – alors que Mitterrand incarnait la gauche. Or, ceux qui avaient une conception morale de la gauche, c’étaient les rocardiens, avec, à leurs côtés, Pierre Mendès France. Durant la guerre d’Algérie, Rocard avait pris des positions courageuses alors que la SFIO et Mitterrand étaient pour la guerre. Puis, avec la CFDT, il s’est intéressé à la situation des femmes, des immigrés, à l’écologie. Le PS de Mitterrand, c’était en fait toujours les mêmes pratiques que celles de la SFIO d’avant le congrès d’Epinay (1971) : on prend d’abord le pouvoir et on voit ensuite.

 

  • Les années quatre-vingt, c’est aussi la création de SOS Racisme. Pourquoi portez-vous un regard critique sur cet épisode ?

 

J’avais une divergence d’appréciation avec Julien Dray, le principal créateur de ce mouvement. Il y avait le danger d’une politique hégémoniste qui pouvait marginaliser les mouvements « beurs » qui émergeaient alors. Ces mouvements étaient issus de l’immigration algérienne que je connaissais bien, parce que j’avais, comme historien, travaillé sur les parcours de leurs pères. Il fallait discuter avec eux et ne pas imposer une structure politique venue d’en haut. Parce que je venais de l’OCI, je savais que ces méthodes étaient, à terme, vouées à l’échec. Et on a vu ensuite des mouvements « beurs » mettre en accusation le PS, puis abandonner la politique, ou pour certains virer à l’islamisme.

 

  • Spécialiste de l’Algérie et de l’immigration, quel regard portez-vous sur les débats qui traversent la société française autour de l’Islam ?

 

Que ce n’est pas un problème franco-français et que nous devons penser tout cela dans un cadre plus large, avec le Maghreb et la Méditerranée. Par exemple, on ne pourra pas organiser l’islam en France tant que l’Algérie et le Maroc s’affronteront comme ils le font. Et je regrette que trop peu d’intellectuels français soient capables de regarder la France avec les yeux du Sud, de faire le va-et-vient entre les deux rives.

 

 

Cours, camarade, Mai 68 est derrière toi !

 

GASPARD KOENIG - LES ECHOS | LE 08/11/2017

 

Mes parents sont d'authentiques soixante-huitards. Issus de la bourgeoisie catholique de province, ils ont fui l'ennui gaulliste pour se lancer à Paris dans la révolution sexuelle et culturelle qui bousculait la France. Ils ont occupé l'Odéon, vécu dans des dômes géodésiques en Californie, fumé des joints dans les grottes de Turquie, marché nu-pieds en Inde et envahi les campagnes du Lubéron. Puis ils ont travaillé dans les journaux de la contre-culture des années 1970, d'« Actuel " au « Sauvage ». Dans l'appartement de mon enfance, on trouvait encore des portraits du Bouddha, des grappes de chanvre séché, des livres de Guy Debord et des affiches proclamant que « seules les bêtes à cornes ont peur du rouge ». Mes parents ont voté Mitterrand en 1981 puis n'ont jamais remis un bulletin dans l'urne, préférant une forme d'anarchisme discret au socialisme braillard. Le libéralisme que je défends aujourd'hui, même s'il prend une forme plus théorique, doit beaucoup à cette éducation. Nous partageons en famille la défiance face à toute autorité centrale et la tolérance vis-à-vis des modes de vie alternatifs.

 

Ce n'est pas parce que « le sang n'a pas coulé » en Mai 68 que « ce n'est pas une révolution », comme l'entendait Kojève. Ce fut une profonde rupture sociale et même métaphysique, traversant l'ensemble de la pensée occidentale. Dans leur livre critique « La Pensée 68 », Luc Ferry et Alain Renaut analysent avec brio cette forme particulière d'« anti-humanisme » caractérisée à la fois par l'avènement de l'individu roi et par la disparition du sujet en tant que cadre de référence d'une pensée universelle. D'un côté, l'individu devient la seule mesure des valeurs (« il est interdit d'interdire »); de l'autre, le sujet comme siège de la rationalité est contesté de toutes parts, devenant un épiphénomène traversé de désirs inconscients et de flux chtoniens. Voilà une belle ambition !

 

Certains ont évoqué récemment l'idée de « commémorer » Mai 68. Il n'en est évidemment pas question : l'Etat ne saurait se faire le porte-drapeau enfariné d'une révolte qui le contestait radicalement. En revanche, nous serions bien avisés de réactualiser des valeurs qui, loin d'avoir irrigué nos institutions, nous font cruellement défaut aujourd'hui. Nos comportements individuels sont réprimés par le retour en force de la morale, une dictature molle du vivre-ensemble aux antipodes de l'énergie iconoclastique des lanceurs de pavés. Le législateur moralise à tour de bras : la finance, bien sûr, mais aussi la politique (désormais réservée aux activistes de la vertu), l'entreprise (qui se doit d'être « socialement responsable »), la consommation (de la fiscalité comportementale à l'impôt sur les « signes extérieurs de richesse »).

 

Les insoumis du XXIe siècle préfèrent le fisc à l'amour. La valeur travail célébrée en choeur rend inaudible la peur de « perdre sa vie à la gagner ». L'obsession économique oublie qu'« on ne tombe pas amoureux d'un taux de croissance ». Le repli identitaire nous interdit de proclamer combien « les frontières on s'en fout ». Le présidentialisme à son apogée empêche de voir dans les élections un « piège à cons ». La phobie du harcèlement sexuel fait du projet de « jouir sans entraves » un anathème et nous transforme en statues de pierre : Nicolas Bedos exprime une opinion bien hétérodoxe lorsqu'il partage dans une tribune au HuffPost « ses craintes quant aux dérives liberticides que semblent autoriser les combats de société ». Le jeu des réseaux sociaux et de la délation - citoyenne, bien sûr - achève de renforcer le poids de la norme commune. Dans la course à la transparence, nous allons finir en méduses, échoués et gélatineux.

 

Quant au sujet universel, il réapparaît au galop dans les théodicées contemporaines. Les superstitieux de toutes obédiences le cherchent à nouveau dans le ciel des essences divines. Les fanatiques de l'Etat-nation en font un citoyen modèle, prêt à tout sacrifier sur l'autel du contrat social. Qui ose encore chanter « Ni Dieu ni maître » avec Léo Ferré ? Qui, hormis quelques libertariens isolés, entreprend de déconstruire le sujet de droit ? Surtout, Mai 68 reflétait une formidable confiance en l'avenir. « Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi. " Aujourd'hui, alors même que les progrès scientifiques ouvrent de manière vertigineuse l'horizon des possibles, les enfants de ces camarades empruntent trop souvent le chemin inverse, se complaisant dans la nostalgie de temps révolus. Courons plus vite !

 

Gaspard Koenig

 

 

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28 février 2018 3 28 /02 /février /2018 07:00
photo extraite du blog les vins bio de Camille

photo extraite du blog les vins bio de Camille

 

« Rocardien un jour, rocardien toujours… ». Oui je le confesse sur les mannes du Michel vilipendé par la gauche bien-pensante de Tonton, de Joxe à Mélenchon en passant par le ressuscité de Belfort, je continue de cultiver ce goût immodéré, chevillé au corps, pour le cambouis des solutions, se coltiner la réalité du terrain, un vieux reste de l’autogestion enterrée par Tito, loin des étatistes de tous poils qui pensent et légifèrent à notre place.

 

L’INAO des origines, cet objet juridique non identifié, fleurait bon l’autogestion, les vignerons y avaient le dernier mot. De nos jours, la maison n’est plus qu’un conservatoire des « labels », ce que l’AOC n’a jamais été, une soupente de la rue de Varenne, une administration où l’imagination a depuis longtemps perdu le pouvoir.

 

L’INAO a raté, il y a 10 ans, la mise en avant de la protection de l’environnement en s’enferrant dans une soi-disant redéfinition des cahiers des charges, en s’abritant derrière les exigences communautaires pour fabriquer des ODG et tout ce qui s’ensuit. Le pouvoir est passé entre les mains de la FNSEA et de ses satellites avec Despey et la CNAOC comme supplétifs.

 

Alors qu’espéraient donc certains producteurs de vins nature en allant quémander une définition de leur breuvage qui pue au Comité National ?

 

Faire barrage au Gégé et consorts qui se sont jetés sur la tendance comme la vérole sur le bas-clergé en surfant outrageusement sur le sans soufre ?

 

J’avoue que je ne comprends pas le but de cette démarche étant donné que les grosses locomotives dépotent dans la GD alors que les naturistes sont chez des cavistes. Ce n’est pas la même chalandise, la cloison est étanche et la notoriété des vins nature me semble au contraire renforcée par la stratégie de ces copieurs. C’est l’effet la laitière de Vermeer sur les yaourts industriels, le consommateur qui réfléchit ne se laisse pas prendre au piège.

 

Croire en la vertu d’une définition, quelle qu’elle soit, c’est se bercer d’illusion, c’est se fourrer tête baissée dans ce que souhaitent les gros faiseurs. L’exemple de la définition communautaire du vin bio en est un bel exemple.

 

Bref, lorsqu’on m’annonce que l’INAO enterre le rapport sur la définition des vins nature je me réjouis. 

 

Mais  comme je suis un bon garçon, traduire un rocardien non révisé, je verse au dossier de ceux qui aiment les définitions, la mienne.

 

« Le vin nature est un vin qui pue… »

 

C’est concis, c’est précis, ça satisfait les 2 camps, celui des pourfendeurs comme celui des adorateurs et c’est scientifique.

 

Démonstration !

 

Quelques citations tirées du livre La civilisation des odeurs XIVème-XVIIIème siècles de Robert Muchembled Les Belles Lettres 249 pages

 

 

Chapitre 1 Sens unique :

 

Page 15

 

« Jusqu’en 2014, l’odorat était un sens profondément dévalorisé, voire méprisé. Trop animal, il gênait l’homme dans sa conquête d’un statut exceptionnel, en un temps de fulgurantes découvertes technologiques et scientifiques ? Vestige inutile d’un passé bestial, il se trouvait puissamment refoulé dans notre civilisation désodorisante. Il n’intéressait guère les savants, qui n’avaient jamais tenté de vérifier l’opinion courante de leurs prédécesseurs à propos des 10 000 senteurs, au maximum, qu’était censé discerner le plus affûté des nez humains. Il est vrai que ce petit dernier faisait pâle figure face à la vue, capable de détecter plusieurs millions de couleurs différentes, ou à l’ouïe, distinguant près de 500 000 tons. Impasse biologique, en quelque sorte, il semblait sur la voie d’une lente extinction. »

 

Page 19

 

« L’odorat est un sens unique, exceptionnel […] L’idée commune selon laquelle l’olfaction serait très faible, résiduelle, chez l’homme n’est qu’un mythe sans réel fondement. Le flair a été refoulé culturellement par les bourgeoisies triomphantes, aux XIXe et XXe siècles »

 

Page 20

 

« Le système olfactif présente de grandes originalités. Il se développe dès que le fœtus atteint douze semaines. L’apprentissage olfactif-gustatif commence dans le liquide amniotique, qui contient les traces chimiques de tout ce que la mère consomme. Ainsi peut se créer une accoutumance à l’ail, par exemple. Il faut cependant plusieurs années pour arriver à la maturité en ce domaine. »

 

Page 21

 

« … l’odorat est le plus flexible, le plus manipulable de tous les sens. »

 

«… l’olfaction est le siège primaire des émotions… »

 

« Les choses ne sentent ni bon ni mauvais par elles-mêmes : c’est le cerveau qui opère la différence, puis la mémorise. Il s’adapte parfaitement aux fortes exhalaisons, car, au bout d’environ un quart d’heure, l’individu concerné ne discerne plus ni puanteur ni capiteuse fragrance. »

 

Page 22

 

« Montaigne écrit […] que pour chacun son excrément sent bon, formule appliqué au pet d’Érasme. »

 

Page 24

 

«  L’odorat est le sens « le plus voluptueux, disait déjà Diderot.

 

« Le choix du compagnon ou de la compagne de rêve ne devrait donc pas être défini comme un coup de foudre, mais plutôt comme une brève extase aromatique. La quête romantique du prince charmant ou de la belle au bois dormant prend ainsi une autre dimension. L’odeur de chacun est pratiquement unique, à tel point que les scientifiques parlent d’empreinte olfactive pour la définir. »

 

Page 26

 

« L’odorat est en outre un sens profondément social. D’une manière binaire, une fois encore, il produit du lien ou du rejet. Des champs aromatiques préférentiels enveloppent chaque groupe humain. Ils résultent en particulier des traditions culinaires locales et de la gestion collective  des effluves. »

 

Page 28

 

« Un dernier point du passionnant dossier concerne la grande difficulté à transposer les expériences olfactives dans le langage, quel qu’il soit. Ceux dont le métier implique la meilleure perception des odeurs, tels les cuisiniers, les médecins légistes ou les parfumeurs, l’éprouvent également. Les derniers ont résolu le problème en se dotant d’un jargon métaphorique, pour distinguer des fragrances vertes ou roses, des types épicés ou herbacés, des produits fruités, des symphonies florales, des notes dissonantes, balsamiques, fraîches ou ambrées. La raison du mystère provient de la corrélation directe établie entre les senteurs, les émotions et la mémoire, en toute indépendance des parties du cerveau régissant la verbalisation. »

 

Voilà c’est dit et ma définition lapidaire du vin nature me paraît être la seule qui permette de refermer le dossier.

 

Donc, à quand un logo « vin qui pue » !

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