Stéphanie Noblet dans le Monde l’a écrit dimanche « Les Français ont fait de nets progrès en matière de pâtes mais n’ont pas éliminé tous leurs faux pas. De quoi justifier un décalogue, inspiré par la nouvelle bible « On va déguster l’Italie ».
Et qui c’est qui l’a inspiré ?
Alessandra Pierini, bien sûr !
Mais c’est un article pour les abonnés, puis-je le diffuser à mon petit comité de lecture ?
Après en avoir conférer avec moi-même la réponse est OUI !
Pourquoi ?
Tout bêtement je suis un vieil abonné du Monde et, lorsqu’il était papier je pouvais le faire circuler à ma guise sans rendre des comptes à Mister Copyright.
De plus, je ne tire de cette diffusion aucun profit.
La fabrication des pâtes en Italie dans le "Taccuinum Sanitatis" (manuel médiéval de santé), XIVe siècle ; bibliothèque Casanatense, codex 4182, Rome. © Wikimedia Commons, domaine public.
Les 10 commandements de la pasta ICI
Les Français ont fait de nets progrès en matière de pâtes mais n’ont pas éliminé tous leurs faux pas. De quoi justifier un décalogue, inspiré par la nouvelle bible « On va déguster l’Italie ».
Par Stéphanie Noblet
1. La géométrie de la pasta tu étudieras
Un trio spaghettis-macaronis-coquillettes, et des lasagnes les jours de fête, voilà l’étendue du menu pâtes (au beurre) de mon enfance. Sur un poster jauni, j’avais pourtant tôt découvert l’éventail des formes existantes, assorties de leurs noms chantants (bucatini, rigatoni, tortellini…). Une exploration quasi infinie tant le répertoire italien est riche (250 variétés au bas mot) et instructif, avec ses formes inspirées de la faune –lumache (« escargots »), farfalle (« papillons ») –, de la nature, du corps humain, du textile – mafalda (« ruban »), cappelletti, maniche (« manches ») –, des objets du quotidien – candele (« bougies »), radiatori, sigarette, ruote (« roues »)…
2. La géographie transalpine tu réviseras
Si la Sicile est considérée comme le berceau historique des pâtes sèches, à la farine de blé dur, ce sont Naples et la Campanie qui font figure de capitales de cette pasta secca, là même où elle fut associée pour la première fois à la tomate. Dans les régions du Nord, ce sont les pâtes fraîches, faites à la main avec de la farine de blé tendre et, fréquemment, de l’œuf, qui trônent sur les tables. Au-delà de ce schéma binaire, les particularismes régionaux et même familiaux apportent leur pierre à cet édifice protéiforme, qui se décline de bigoli vénitiens en délicate fregula venue de Sardaigne, de trofie ligures en orecchiette (petits bérets formés du bout du pouce), emblématiques des Pouilles…
3. Le concept de « primo piatto » tu cerneras
Encore un peu difficile à concevoir de ce côté-ci des Alpes, pourtant, les pâtes ne sont guère un banal accompagnement (contorno), au même titre que purée, riz, frites ou haricots, mais un plat en lui-même, et précisément un primo piatto (« premier service »). Ce qui signifie qu’une portion raisonnable suffit (de 80 à 100 g de pâtes par personne), mais aussi que « cet ingrédient principal mérite à lui seul toute l’attention, du choix du produit à sa cuisson, sa tenue et son accompagnement », souligne Alessandra Pierini, coautrice d’On va déguster l’Italie et propriétaire de l’épicerie RAP (Paris 9e).
4. Le bon grain de l’ivraie tu sépareras
Autrement dit l’authentique artisanal, voire le circuit court agricole, de l’industriel, bien plus inégal. Les mentions « tréfilées au bronze » (par opposition aux moules en Teflon, qui lissent la pâte) ou « séchage lent » ne sont plus très distinctives car largement utilisées dans l’industrie. L’origine du blé, en revanche, est déterminante (mais parfois difficile à identifier), les cahiers des charges étant désormais plus stricts en Italie et en France concernant les pesticides. L’IGP (indication géographique protégée) Pasta di Gragnano est fiable, qui certifie une semoule de blé dur originaire de la province de Naples et travaillée selon les méthodes traditionnelles.
Tableau "Marché en Italie" (Italiens dégustant des pâtes), par Jean Mieg, XIXe siècle. Musée des Beaux-Arts de Mulhouse. © repro-tableaux.com.
5. Les subtilités de l’al dente tu saisiras
En France, l’expression passe pour le critère suprême de la cuisson parfaite. C’est plus complexe. D’abord, cet usage est relativement récent en Italie, où l’on a dégusté des pâtes bien cuites pendant des siècles, avant que la texture ferme et la cuisson courte ne s’imposent, dans la foulée de l’unification italienne. Ensuite, ce qui croque sous la dent dans le Sud italien est bien plus ferme qu’au Nord. D’ailleurs, « la notion d’al dente ne concerne que les pâtes sèches, à la farine de blé dur, fait observer Alessandra Pierini, car les pâtes fraîches, faites de blé tendre et d’œuf, conservent toujours une consistance souple. » Enfin, si les pâtes sont destinées à rejoindre une sauce chaude, il est préférable de les ôter de l’eau avant même qu’elles soient al dente, puisqu’elles atteindront ce stade après la fin de la cuisson dans la poêle de la sauce…
6. L’eau de cuisson tu réserveras
Un des trucs les plus simples à adopter. Une fois rappelées la règle des 1/10/100 (1 litre d’eau pour 10 g de gros sel et 100 g de pâtes, ce qui nécessite une marmite généreuse) et l’incongruité qui consiste à ajouter de l’huile ou à couvrir le récipient, on prendra l’habitude de prélever une louche d’eau de cuisson. Ce liquide amidonné est précieux pour mouiller la sauce ou réchauffer un pesto qui n’est pas destiné à passer sur le feu. « Il faut en faire un usage prudent et non systématique, recommande la spécialiste italienne. C’est même franchement déconseillé avec une sauce tomate très juteuse. Le bon réflexe consiste surtout à égoutter plus brièvement, en gardant des pâtes mouillées ou légèrement aqueuses, plus à même de se lier à la sauce. »
7. Les règles d’appariement tu observeras
Adapter la sauce à la variété de pâtes choisie, c’est du grand art, bien plus que ça en a l’air. La nature (sèche ou fraîche), la forme (courte, longue, creuse, festonnée…) et la surface (lisse, poreuse, striée…) déterminent le choix. En principe, les formats courts, structurés et creux (penne, rigatoni…) conviennent mieux aux sauces riches, épaisses, granuleuses ou avec de la viande ; les formats longs et lisses (spaghettis, linguine, etc.) préfèrent les sauces légères, liées ou fluides, à la tomate, aux légumes ou aux fruits de mer. Parmi les grands duos qui ont fait leurs preuves : tagliatelles al ragu, trofie au pesto, bucatini all’amatriciana, spaghetti cacio e pepe…
8. Les conditions de l’osmose tu favoriseras
Pour que les pâtes puissent correctement abbracciare (« embrasser » – les veinardes, c’est autorisé) leur assaisonnement, il est indispensable que les deux soient à la même température, à chaud : « Ainsi, les pores de la pâte, en surface, vont se dilater et pouvoir absorber la sauce », explique Alessandra Pierini. Un amalgame impossible à réussir à froid : « C’est un peu comme si vous essayiez de faire mousser un shampooing sur des cheveux mouillés à l’eau froide… » Attention, ce sont les pâtes que l’on vient ajouter dans la sauce et non l’inverse (erreur fréquente).
9. Les gestes sacrilèges tu éviteras
La crème dans les carbonara, une passion française ! Pourtant, le fromage (pecorino) râpé, mélangé au jaune d’œuf, au gras du guanciale (ou de la pancetta) et lié par le jus de cuisson amidonné des pâtes sont bien assez riches et crémeux pour assurer le liant. Parmi les autres faux pas fréquents, citons l’ajout de parmesan sur des pâtes cuisinées dans une sauce comportant poissons ou fruits de mer. C’est dit et répété, mais libre à chacun de jouer la provoc franchouillarde.
10. La cuisson anticipée tu banniras
Simple et instantanée, la cuisson des pâtes est une affaire de dernière minute. Pourquoi s’entêter à faire autrement ? « Nombre de gens continuent à les préparer à l’avance, déplore Alessandra Perini, ce qui est rédhibitoire : comme elles ne supportent pas le réchauffage, en particulier au four à micro-ondes, elles vont forcément coller… » Seule la sauce peut être confectionnée en amont et réchauffée à feu doux avant d’accueillir les pâtes et leur jus. En ces temps d’intense recours à la livraison ou au « click & collect » en provenance des restaurants, cette faible aptitude au réchauffage plaide franchement en faveur de la pasta faite maison.
"Le mangeur de pâtes" par Jan Vermeer van Utrecht, en 1656. Musée National de Varsovie, Pologne. © Wikimedia Commons, domaine public.