Ces jours-ci quand sur mon vélo je suis un bus, une belle tête de boeuf me contemple : normal, Paris fait Salon, celui de l'Agriculture... Quelle agriculture dirait Modiano entre deux longs silences? Une grande vitrine bucolique, avec des vaches pomponnées, de beaux gorets, des petits moutons, des chèvres chères à Ségolène, pas de poules, des chevaux lourds, un concours général pour nos beaux produits de terroir et le barnum genre foire expo de préfecture avec défilé permanent des prétendants au trône de France...
Je l'ai arpenté en d'autres temps, et ce n'est pas pour vous confier mes impressions que ce matin je pianote sur mon clavier. Non c'est pour vous conter une petite histoire qui s'est déroulée il y a déjà dix ans. A l'époque je faisais dans l'huile. Les dirigeants des organisations représentant les végétaux voulaient faire contre-poids à l'omniprésence des animaux au Salon : ce fut la création de l'Odyssée Végétale. Les communicants de tout accabit par l'odeur alléché pondirent du concept à jet continu. Fort bien, puis vint le jour de l'inauguration par les zotorités. Buffet : les éternels canapés, le couple infernal Whisky-Porto et bien sûr notre grand vin de pays de la Marne...
Je fis colère. Réponse des chargées de com des grandes zorganisations zagricoles (désolé mais la profession est presqu'exclusivement féminine) : mon président boit du whisky. Moi j'ai rien contre cette boisson, mais fis-je remarquer poliment, dans une enceinte emblématique comme ce Salon ne pourrions-nous pas mettre en avant nos excellents breuvages nationaux : Cognac et Banyuls par exemple ? Elles haussèrent les épaules. Je n'aime pas m'avouer vaincu et, le Salon suivant, bourlinguant dans les Charentes profondes je demandai à Christophe Navarre PDG d'Hennessy de nous fournir produit et serveurs pour que nos grands chefs zagricoles s'aperçoivent que le Cognac existe. Ce fut fait. Ce fut un fusil à un coup.
J'ai l'habitude. En mai 1981 j'ai introduit le Banyuls dans les réceptions de la Présidence. Dernière expérience : dans la belle Interprofession que j'ai présidé 5 ans nous fournissions aux collectivités un serveur et le liquide pour qu'ils servent nos beaux produits : Calvados, Pommeau, Cidre, lors de leur "vin d'honneur". Je ne suis ni franchouillard, ni nationaliste mais quand même cette indifférence aux produits que l'on ne glorifie que dans les discours mais que l'on ignore systématiquement chez soi, je le dis tout net : ça me fiche en rogne...