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4 septembre 2006 1 04 /09 /septembre /2006 06:52

De bon matin, plein de bonnes résolutions de rentrée, pas la scolaire, non celle de Vin&Cie l'espace de liberté ma petite entreprise de presse au long cours, j'ai décidé de vous proposer pour la semaine qui s'ouvre un fil rouge pour mes chroniques, un fil rouge répondant au doux nom de : beaucoup de bruit pour une histoire de pompes... J'entends déjà dans les campagnes, entre les rangs de vigne, monter la rumeur : " c'est grave docteur, voilà maintenant que ce pauvre Berthomeau ce met à nous raconter des histoires de godasses. L'a pas d'autres choses à faire ce garçon..." Méfiez-vous, comme le disait la SNCF d'avant : attention un train peut en cacher un autre...

" Quand j'étais petit(nous parlons de la fin des années 60) il y avait le jour où l'on allait acheter les chaussures de sport(...) En ce temps-là, quand il fallait acheter des chaussures de sport, le choix était pratiquement limité à : Superga beige et Superga bleues. Enfin : dans ma famille c'était comme ça. En réalité, d'autres possibilités, il y en avaient, du moins en théorie. Les plus chicos et/ou riches achetaient les mythiques Adidas, trois bandes sur le côté, semelle profilée, renfort devant et derrière. Il y en avait de quatre sortes : je me souviens que j'étais dingue d'un modèle qui s'appelait Rom. Adidas Rom. Ou bien Room ? Je ne sais plus. En tout cas j'en étais dingue. Plus élitistes encore, les Puma : très peu en avaient, et elles étaient regardées avec un grand respect mais aussi avec une pointe de méfiance (elles étaient considérées comme les rivales des Adidas, ce qui ne témoignait pas en leur faveur). Et pour finir, les All Star, mais elles étaient vraiment rarissimes : ce qui nous plaisait c'est qu'il y en avait aussi des rouges, mais en gros elles étaient vues comme des chaussures de blaireau, elles étaient très difficiles à trouver, les seuls pratiquement qui en avaient c'étaient ceux qui jouaient au basket. En dessous de cet Olympe on trouvait les nulles. C'étaient des chaussures avec des noms spirituels genre Tall Star, Luma, Addas. Elles tentaient le coup. Sans aucune pudeur, elles affichaient les bandes mythiques sur le côté : sauf qu'il y en avait quatre, ou deux. Elles ne coûtaient pas cher, et elles se vendaient au marché (...) Il faut rappeler aussi que les chaussures de sport se mettaient quand on allait faire de la gymnastique, et pas à d'autres occasions (pourquoi les abîmer ?).

Je me rappelle que puisque tout le monde avait des Superga, et que dans la salle de gym on était tous là avec les mêmes chaussures comme si on était des Chinois, à part deux ou trois privilégiés avec des Adidas ou des Puma, mais il y en avait peu, les autres c'était tous les mêmes - bref, je me rappelle que certains d'entre nous, les plus originaux, un peu rebelles, ceux qui étaient les plus éveillés, n'arrivaient pas à accepter ça, qu'on soit tous pareils, et alors, pour essayer d'être différents, pour vaincre la monoculture de la chaussure, ils décidaient de se rebeller, et ce qu'ils faisaient, justement, c'était : dessiner quelque chose au stylo-bille sur leurs Superga. Ou peut-être une inscription. Ou des petits coeurs, des fleurs, des choses de ce genre. Dans ce monde-là, pour inventer tes propres chaussures, tout ce que tu pouvais faire c'était dessiner dessus au stylo bille.

Bon. Et maintenant un grand saut dans la machine du temps. Imaginez que vous avez un fils d'une douzaine d'années et que vous l'emmenez acheter des chaussures de sport. Janvier 2002. "

Cet extrait est tiré d'un petit livre sur la globalisation et le monde à venir d'Alessandro Barrico " Next " chez Albin Michel et comme vous vous en doutez il se place comme le nez de Cyrano au milieu de la figure de nos chers promoteurs de la campagne Vinplissime : les dragueurs des " jeunes urbains désinvestis " A demain pour la suite de cette plongée dans l'étrange univers de la consommation dans lequel notre antique nectar culturel est balloté tel une bouteille à la mer... 

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1 septembre 2006 5 01 /09 /septembre /2006 08:38

Sans vouloir vous forcer la main chers lecteurs je vous demande ce matin de sacrifier quelques secondes de votre précieux temps pour vous soumettre aux 3 questions de ce test sans conteste déjanté. Vous répondez dans votre petite Ford d'intérieur. Vous zêtes pas zobligés de me transmettre le résultat. Bonne chance !

QUESTION n°1 : êtes-vous RAGGA ? OUI   NON

QUESTION n° 2 : êtes-vous VEJA ?   OUI   NON        

QUESTION n° 3 : êtes-vous CHAIYYA CHAIYYA BOLLYWOOD JOINT ?     OUI    NON

3 OUI = vous êtes aptes à draguer les " jeunes urbains désinvestis " pour leur vanter la séduction de notre merveilleux nectar.

2 OUI = vous pouvez tenter de vous y coller.

1 OUI = difficile mais si vous vous accrochez vous pouvez avoir quelques résultats.

NADA = il vaut mieux que vous changiez de métier si vous souhaitez vendre du jaja aux " jeunes urbains désinvestis ".

Les réponses vous seront données en fin de journée à la suite de cette chronique. Revenez-y et à bientôt pour d'autres aventures chers lecteurs...

Ragga : abréviation de Raggamuffin c'est un genre musical issu de la dancehall raggae. Sean Paul est l'un des chanteurs les plus connu de ce style musical avec son titre Baby Boy avec Beyoncé (cf ma chronique consommation ethnique). Une passerelle entre les générations.

Veja : c'est la basket équitable pour plus d'explication allez sur le site http://www.veja.fr même remarque qu'au-dessus. 

Chaiyya Chaiyya Bolywood Joint : est une chanson qui ouvre et qui clôture le film de Spike Lee Inside Man. Pour les culs pincés du Monde  " La musique de Inside Man s'impose tout naturellement comme l'une des meilleures BO de ce début d'année 2006 ". Vive l'Ipod ! N°1  des sonneries téléchargées, ça pulse pour tous les âges.

Dans une prochaine chronique je m'expliquerai sur ce test déjanté et, même si j'ai poussé le bouchon assez loin, on m'a toujours dit que pour explorer un territoire inconnu et ses habitants il valait mieux s'imprégner des us et coutumes, apprendre la langue, ce qui ne veut pas dire pour autant adopter pour soi-même les us et les coutumes de la tribu... Bon week...

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31 août 2006 4 31 /08 /août /2006 08:33

Paris le 31 août 2006

 

Cher JR,


La nouvelle est tombée : vous partez ! Vous quittez la présidence du syndicat des vignerons que vous occupiez depuis une grosse poignée d'années. Combien ? Je ne sais... Ce dont j'ai souvenir c'est que président vous étiez lorsque je débarquai d'un avion d'Air Liberté, en plein été, juste avant que le raisin ne soit vendangé, dans votre pimpante cité au pied des Pyrénées. Vos collègues venaient tous de démissionner du Comité et, dare-dare, les gens haut-placés du cabinet me dépêchait pour tenter de vous proposer un traité de paix. Médiateur y m'avait baptisé. C'était la première fois que ça m'arrivait depuis que je suis né.


Sous les stocks vous crouliez, des petits prédateurs, des bradeurs patentés ne faisaient que vous énerver. Bref vous faisiez que vous chamailler, vous insulter, faire du courrier aux autorités et plein de procès et autres joyeuseutés. A mon arrivée aux côtés du fringant Bringuier vous étiez dans vos petits souliers. Moi j'étais très étonné de ce défilé dans l'antichambre du préfet. Tout le monde voulait me causer. Se faire psychanalyser. Les excités voulaient des têtes coupées que bien sûr je ne leur ai pas données vu que je suis né en Vendée et que là-bas c'est pas notre tasse de thé. Bref j'ai écouté. J'ai même engueulé votre banquier préféré. J'ai beaucoup proposé. Dissous le Comité. Vous ai demandé de prendre vos responsabilités. En un mot j'ai essayé de faire au mieux le boulot pour lequel j'étais mandaté. Le résultat n'a pas été à la hauteur des problèmes posés mais qu'est-ce j'y pouvais ?


Pour en revenir à vous de prime abord je vous ai trouvé un peu ébouriffé même si je dois avouer que ce que vous me proposiez ne m'a pas décoiffé. Je n'ai pas toujours saisi ce que vous m'expliquiez, c'était un peu alambiqué mais, comme je ne suis pas très éveillé, j'ai évité de vous contrarier. On a beaucoup réunionné. Même que vous m'avez, à plusieurs reprises, invité à causer dans vos assemblées. J'y suis toujours allé. Faire des discours m'a toujours botté. Et puis ça faisait plaisir au préfet de me voir pérorer. Au bout du compte on a piétiné et les problèmes ont perduré.


Et puis la roue a tournée. Je m'en suis allé dans d'autres contrées. J'en ai profité pour jeter sur le papier mes petites idées. La dernière fois qu'on s'est revu c'était le jour où votre voisin préféré du département d'à côté, une célébrité avec Ray Ban incorporé, m'a donné un bel exemple de sa fidélité à la parole donnée. Vous aviez l'air gentiment peiné. Rassurez-vous la terre ne s'est pas arrêtée de tourner. Ce qui compte pour moi c'est que dans votre département ké presque tout Aocé, un peu moins que le bordelé, j'ai noué de solides amitiés, des gens de qualité et de fidélité. Alors j'aime toujours y retourner.


Allez, cher président retraité, je vous fait mes amitiés. Chassez bien le sanglier et sachez que moi, le gratte-papier, j'aurais tant aimé voir sur les arpents du vignoble de votre beau département, plutôt que des ceps arrachés, les premiers signes de la prospérité retrouvée... Bon vent cher président...


Votre dévoué


Pour les non initiés je suis désolé pour les clés de ce courrier. Je vous promets de ne plus recommencer.

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30 août 2006 3 30 /08 /août /2006 09:55

Dans un commentaire sur ma chronique " je suis un être simple " Dominique écrit " il est plus facile de critiquer que de faire... " et j'en conviens. Ceci étant écrit je me permets de lui faire remarquer que depuis plus de cinq ans les responsables du secteur ont été exemplaire dans le domaine décisionnel. Pour ma part je suis condamné à l'écriture - au moins contrairement aux paroles qui volent les écrits restent - et privé de travaux pratiques. Qui puis-je ? Pas grand chose et, comme il y a un temps pour tout, je prépare l'avenir. Dans ma petite vie j'ai beaucoup agi, fait des choix, participé à la décision, décidé aussi, alors je me sens légitime lorsque j'émets, non pas des critiques, mais des doutes sur des projets du type journée nationale des vins de France. " Parler vrai et agir juste..." ç'a vous dit peut-être quelquechose ?

En effet, il y a ceux qui disent et ne font pas, ceux qui font le contraire de ce qu'ils disent, ya ceux qui font sans dire, ya ceux qui ne disent rien et qui ne font rien, bref ce qui compte c'est que l'action se place dans une perspective et le dire c'est la mise en perspective de l'action. Alors c'est bien gentil d'écrire que l'on va faire quelquechose comme la Semaine du Goût : on navigue à vue et surtout, ce qui est plus grave, on poursuit plusieurs buts contradictoires à la fois : séduire les "jeunes urbains désinvestis", sortir le vin de son ghetto mortifère où l'environnement médiatico-politique prohibitionniste le place, redonner confiance et fierté à la filière (c'est dans le brief d'agence) ce qui est la preuve qu'on n'a choisi aucun cap. Trop de com tue la com : ne mélangeons pas tout.

La référence à la Semaine du Goût me va car, étant donné mes cheveux blancs, je l'ai vu naître au temps de Jack le flamboyant et je sais qui la sponsorise : le sucre. Des gens sérieux, efficaces : ils ont fait échec à Coca Cola pendant des années pour l'aspartam, des gens qui alignent des moyens conséquents et qui sont discrets : ce n'est pas la semaine du sucre mais ils soutiennent la consommation de leur produit. Le trop de sucre pour les nutritionnistes est un fléau mais les gens du sucre ne pleurnichent pas parce qu'on ne les aime pas, ils taillent leur route sans bruit. Nous on arrive avec nos gros sabots plein de paille, notre affliction et nos lubies. 

Peut-être certains d'entre vous se souviennent-ils de la " Grande Moisson " : un champ de blé sur les Champs Elysées dans les années 90. Un succès phénoménal : un million de personnes ce dimanche ce sont déplacés. J'étais membre du conseil d'administration de l'association organisatrice de la manifestation conçue par le CNJA. La performance de faire pousser du blé sur des claies, de transporter ces claies en une nuit, de les mettre en place était extraordinaire. Pari réussi par les JA, opération financière désatreuse (le président du CNJA de l'époque y a perdu son fauteuil) car en dépit de notre opposition, celle du Ministère de l'Agriculture et de la Ville de Paris pour une fois d'accord, ces jeunes gens ont fait appel à des communicants organisateurs d'évènements : la planche à billets pour du vent ça ils connaissent (on a même eu droit à une musique originale payée mais dont nous n'avons pas vu et entendu la première note). Conséquence : fusil à un coup, puis plus rien...

En dépit de ce que je viens d'écrire je souhaite que l'opération journée nationale enclenche une réelle mobilisation des gens du vin pour fêter le vin dans la ville sur le modèle de Bordeaux fête le vin : va pour Paris fête les vins de France, Londres fête les vins de France, Tokyo fête les vins de France. Entre nous Dominique l'exportation on ne fait pas qu'y songer car primo Londres est la banlieue de Paris et si nous n'allons pas vers la demande elle ne viendra pas à nous. Enfin, je ne pense pas que ce sont des kits pédagogiques dans les galeries marchandes qui vont nous aider à draguer les jeunes urbains désinvestis. Quand j'étais jeune j'évitais de draguer les filles avec mes pinces à vélo...  

    

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29 août 2006 2 29 /08 /août /2006 08:29

" Tout est imbriqué. Le secteur est dominé par une poignée d'individus qui cumulent tous les pouvoirs. Les dirigeants de la CNCA, Yves Barsalou et Lucien Douroux, se sont autorecrutés. Et ils ont eux-mêmes constitués, en tant que dirigeants de la FNCA, le CA de la Caisse Nationale. Ce dernier reconnaissant, les a ensuite portés à sa tête. Michel Debatisse, ancien président de la FNSEA, ancien secrétaire d'Etat aux IAA, beau-frère de Lucien Douroux, est aujourd'hui président de la Sodima, vaste ensemble de coopératives qui a répondu dans le monde la petite fleur de Yoplait. François Guillaume, ancien président de la FNSEA, ancien ministre de l'Agriculture, était président de St Hubert. L'ULN, qui pèse 10 milliards de francs de CA, est aujourd'hui dirigée par Michel Ledru, cinquante-quatre ans, président de la FNPL et n°3 de la FNSEA. Le monde du blé est tenu, lui, par Henri de Benoist, dirigeant de la caisse de l'Aisne du CA et président de la puissante AGPB. Georges Garinois, administrateur de Béghin-Say, est le patron des betteraviers... "

C'est toujours extrait du bouquin de Gabriel Milési publié chez Belfond en 1990, page 123, la fameuse page où se niche l'inconnu dont tout le monde se fout sur ce blog...

 

C'est de l'histoire ancienne me direz-vous, l'ensemble des dirigeants cités par Milési se sont retirés de la scène professionnelle et Michel Debatisse est décédé. Alors pourquoi remuer la poussière ? Pour une raison simple : en 2006 l'establishment agricole a en grande partie perdu les manettes du pouvoir économique de haut niveau : la CNCA est un groupe privé CASA où la technostructure gouverne, sur les deux groupes laitiers : l'un la SODIMA est en sursis, l'autre l'ULN s'est englouti suite à " sa faillite " dans le groupe Bongrain. Les céréaliers perdent du terrain avec la nouvelle PAC et les soucis d'Unigrains. Il n'y a plus d'entreprise française dans le secteur du sucre qui va perdre avec la réforme de l'OCM ses privilèges. Bref, le monde change, le monde agricole perd encore de son influence...


L'autre raison de ce retour en arrière c'est qu'à l'époque où Milési publiait son opus j'étais directeur du cabinet et qu'un jour, à la suite du mardi mensuel avec le CAF (FNSEA, CNJA, CNMCCA et APCA) Michel Ledru me demande un entretien. Il me suit dans mon bureau pour m'annoncer que l'ULN a un trou de trésorerie et qu'il sollicite mon soutien, c'est-à-dire celui de l'Etat. Le trou est abyssal. Ces braves gens ont acheté à tour de bras des entreprises en Espagne : un peu comme le pékin moyen qui s'achèterait des appartements avec son découvert de CB. Le directeur général, dont je tairais le nom, me la joue grave. Nous devons avec Edith, la conseillère technique au cabinet, ex de la Banexi, tenir à bout de bras le pool bancaire de 23 banques aussi affolé qu'une couvée de poussins. La paye de lait mensuelle de 12 000 livreurs est en cause. Les repreneurs se bousculent, Michel Besnier en tête : Coeur de Lion la marque de camenbert de l'ULN cause des soucis à son Président. Mon devoir de réserve m'interdit de faire état du jeu : les avocats d'affaires s'agitent, les redresseurs d'entreprises fondent sur la proie : mon ex-patron à la SVF l'innénarable Axel Ruckert me la fait dans le style on se connaît Jacques, les élus s'affolent, les dirigeants agricoles rasent les murs et j'en passe...


Discret, ex-séminariste, Jean-Noêl Bongrain, l'homme du Caprice des Dieux, du Boursin et autres spécialités fromagères, l'homme des marques, fondateur et patron du groupe laitier éponyme créé dans une petite laiterie de Haute-Marne, demande à me voir. La rencontre a lieu dans un discret hôtel particulier du VIIième arrondissement assez mal meublé. Gris sur gris, l'homme m'accueille avec la componction des prélats. A peine suis-je assis que JN Bongrain de sa voix doucereuse me pose une question. "Monsieur Berthomeau pourriez-vous me citer les vertus cardinales?" Inversion des rôles, d'ordinaire mes interlocuteurs me cirent les pompes, lui me met en difficulté. Il sait que je suis un pur produit de l'enseignement catholique vendéen. Il me teste. Dans les tréfonds de mes souvenirs de catéchisme je ne retrouve que les 3 vertus théologales : la foi, l'espérance et la charité mais du côté des cardinales, qui elles sont au nombre de 4, je suis à la ramasse. Pourtant je m'arrache et risque la justice et le courage puis je jette l'éponge. JN Bongrain, toujours aussi chanoinesque me félicite, d'ordinaire ses interlocuteurs sèchent totalement. Il complète ma liste : la prudence et la tempérance... Vous comprenez mieux maintenant pourquoi mon coeur penche du côté du vin plutôt que vers les produits laitiers...  

 

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28 août 2006 1 28 /08 /août /2006 08:39

Les Charentes cultivent leur particularisme, la revue régionale viti-vinicole : le Paysan vigneron l'exprime bien, tant par son titre même que par son contenu : on bichonne la vigne, elle est superbe, c'est un beau vignoble industriel. Je reçois toujours la revue qui, au temps de ma mission, sous la plume de sa rédactrice Catherine Mounier, avec la modération traditionnelle propre aux charentais, trouvait mes propositions assez iconoclastes : syndicat des vignerons, fin de la double fin, augmentation de la QNV, vin de pays de l'Atlantique... Mon successeur Zonta, en bon fonctionnaire atteint du syndrome du chant du coq, m'a enterré vite fait et ainsi va le monde, la roue tourne comme la girouette. Bref, je lis toujours le Paysan vigneron qui se veut maintenant aussi bordelais.

L'édito titre : La pyramide de Bordeaux je cite " Si l'image de la pyramide est souvent reprise au sujet des vins - pour illustrer l'idée de segmentation - cette image colle parfaitement à Bordeaux aujourd'hui. " Ceux qui sont au sommet se portent mieux que jamais, les tranches intermédiaires essaient de tirer parti de la situation tandis que le quart du bas souffre énormément ", note un bon observateur de la filière. Les plus à la peine sont sans doute les viticulteurs qui font du vrac. Pour eux, les difficultés ne sont pas cachées. A la recherche des responsabilités, on stigmatise volontiers " le tout AOC " pratiqué pendant longtemps sans retenue par la région, accompagné d'une certaine ignorance des attentes du consommateur et d'un léger laxisme du décret d'appellation Bordeaux et Bordeaux supérieur, datant de 1974. L'aval, c'est-à-dire les metteurs en marché, n'est pas non plus exempt de reproches. Un témoin autorisé exprime sa vision assez sombre du contexte " Pour avoir oublié de se recapitaliser, le négoce bordelais n'a plus produit d'argent, a perdu de sa rentabilité et n'a plus intéressé les investisseurs. Fait aggravant il est allé droit au mur quand il a commencé à jouer les petits châteaux. Une politique de courte vue mais avait-il le choix ? Cependant, pratiquant de la sorte, il a aboli la stratégie des grandes marques. Bordeaux compte encore 450 maisons de négoce, ce qui est énorme. Un certain nombre n'existent que parce qu'elles " margent " sur les crus bourgeois et les grandes appellations, en laissent de côté les " petits Bordeaux ". On peut penser qu'il y aura au sein du négoce des disparitions ou des regroupements, de même qu'en viticulture. Malheureusement, la phase de déclin ne semble pas finie." Pour faire bonne mesure, on parle aussi " d'une incapacité de la filière bordelaise à adopter une gestion de crise". 

Pour la suite, lire le Paysan vigneron de juin le.paysan@wanadoo.fr c'est un bijou picto-charentais (cf mots en italiques et en bleu) en effet, ils ont été pendant un bout de temps des grands experts en laxisme et en une certaine ignorance des attentes du marché, nos amis viticulteurs charentais. Quand à la stratégie des grandes marques que n'ai-je entendu pendant mon séjour à Cognac! Du côté de l'incapacité de la filière bordelaise à adopter une stratégie de crise du côté des Charentes on peut sans problème jouer un rôle d'expertise de première. Pris au deuxième degré l'édito a un côté ironique et compassionnel, je suis mauvaise langue comme vous le savez. En 2001, avant d'écrire mon rapport, je suis allé à Vinexpo dans la petite 104 de la DDA de Charente, le goudron fondait sur les routes entre Cognac et Bordeaux, dans ma petite tête les sédiments s'accumulaient et je me disais qu'il allait falloir sortir le bleu de chauffe pour faire comprendre à la filière qu'elle filait droit dans le mur...

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25 août 2006 5 25 /08 /août /2006 09:14

L'un de mes premiers patrons, dont l'acronyme PML pesait son poids de provocation dans la viticulture, lorsqu'il voulait déstabiliser ses interlocuteurs lâchait " moi vous savez je suis un être simple..." alors que j'ai rarement croisé dans ma vie un homme aussi complexe, subtil, d'une sensibilité à fleur de peau, attachant mais insupportable. Les  " je vais vous parler franchement ou pour être honnête..." me laissent toujours dubitatif.

Alors, quand par les gazettes j'apprends que le 28 octobre ce serait la journée nationale des vins de France destinée à draguer les " jeunes urbains désinvestis " dixit, en montrant que le vin c'est simple, même que c'est vinplissime, je sors mon révolver à bouchon et j'arrose tout ce qui bouge. D'abord une de plus : sur google y'en a des tonnes, je la vois bien coincée entre la journée nationale des surdoués en difficulté et la journée nationale des raquettes de neige. Cémieu ke rien m'objecterez-vous... Yès, mais pourquoi un jour pour un produit que l'on voudrait voir apprécié chaque jour dans des habits de tous les jours... C'est comme la journée nationale de la courtoisie au volant moi le cycliste j'aimerais bien que la courtoisie soit quotidienne.

J'entends mes "amis" organisateurs de la dite journée soupirer : jamais content ce gus... Pas vrai et de ce pas je vais mettre un cierge à la chapelle de la médaille miraculeuse rue du Bac près de la Grande Epicerie du Bon Marché pour que nos chères têtes blondes ki n'ont rien à kiffer du jaja soient touchées par la grâce et qu'elles hèlent le garçon : " un Si mon père savait... de Bernard Magrez, un 2003, c'est un Côtes du Roussillon, du rouge sienbur..."

Vous voyez que c'est simple, vinplissime en quelque sorte. Ben non, les vins de France ne sont pas tous simplissime. Y'en a ki sont endimanchés, d'autres en costards sur mesure, des aristos, des ennoblis, des kon de la paille dans leurs sabots, des ringards, des pinards, des ki aiment les ptis zoiso, des ki sont en jeans, tongs et débardeur... Alors moi je veux bien que dans un " on n'est tous dans la mouise - ce qui est faux d'ailleurs - les vins d'en haut fassent chambre commune avec le tiers-état, mais ce n'est pas de la pédagogie qu'il faut faire mais du ménage pour mettre en avant les vins qui donneront du plaisir à nos simplets.

Enfin, au nom de l'efficacité du premier et du dernier franc dépensé je pose la question : pourquoi en France ? La croissance de la consommation est ailleurs, au Royaume-Uni par exemple, la législation y est plus souple et un campagne France sonnerait l'heure de la reconquête des ménagères de Birmingham... Horreur, malheur, je dis des gros mots, là-bas c'est chacun pour soi car ya beaucoup à gagner, alors qu'en France où ya ka se partager les restes c'est pour faire plaisir aux producteurs kon fait ça.

Je suis sans nul doute mauvaise langue mais puisque la mobilisation de la filière est souhaitée : où est la grande distribution dans le dispositif ? Y aura-t-il des portes ouvertes chez les grands metteurs en marché des vins simplissimes ? Bon vous me direz que ces questions je n'ai qu'à les poser à ceux d'entre eux qui sont membres de Sans Interdit. Je n'y manquerai pas chers lecteurs. Allez, moi qui ne suis même pas un PQ, de quoi je me mêle hein, les sous collectés faut bien les dépenser...

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24 août 2006 4 24 /08 /août /2006 09:58

Aider, rendre service, donner un coup de main à son voisin, le ciment de la vie sociale. Au temps des battages à la Mothe-Achard, avec la "vaneuse" de mon père nous faisions le tour des métairies selon un rituel immuable : la première servie de l'année n clôturait la tournée de l'année n+1. Le cycle s'inversait. Sur le chantier des battages la main d'oeuvre tournait aussi, échange de service, pas de monnaie, à charge de nourrir, bien nourrir, et d'abreuver la troupe : vive le noa sur le gerbier et le pailler !

Les temps modernes ont vu fleurir un produit hybride : l'aide publique. Je ne m'aventurerai pas sur le terrain du social me cantonnant à l'économie. Comme dirait le bon sens populaire ça part d'un bon sentiment : aider les jeunes à s'installer, le vieux à partir, les exportateurs à exporter, les boeufs à paître dans les prés, le vin à s'enrichir mais couche après couche ça se sédimente, seuls les spécialistes s'y retrouvent et les experts parlent d'effets pervers, d'effets d'aubaine, d'effets de seuils ; les exclus de favoritisme ; les contribuables de gabegie ; j'en passe et des meilleures... La liste est longue : les soutiens à l'agriculture 303 pages INRA éditions 2004.

Le plus beau cas d'aides perverses ce sont les restitutions à l'exportation dans le domaine des céréales. Au temps où la production, dopée par des prix artificiels, croissait sans limite elles ont fait accroire aux céréaliers français qu'ils étaient de vrais exportateurs, alors qu'ils se contentaient d'approvisionner à bon compte des monopoles publics et collatéralement de contribuer à finir de tuer les productions vivrières locales. Quand il a fallu revenir à la raison le régime des aides compensatoires à pris le relais et là c'est un roman qu'il faudrait écrire. 

Bref, moins y'en a mieux ça va mais comme toutes les addictions il est difficile de sevrer le patient brutalement et, dans certaines situations difficiles, c'est le seul et dernier recours. Deux exemples : le rachat des quotas laitiers aux éleveurs âgés à permis qu'ils partent avec une retraite plus décente et la collecte a été restructurée ; après les accords de Dublin les primes d'arrachages ont permis aux viticulteurs restants de rénover leur vignoble : mon ami Pierre Mirc m'a toujours dit que Limoux n'aurait pu prendre le virage qu'il a pris sans cet apport financier.

Un dernier point à souligner : le secteur du vin dans l'Union émarge très faiblement au budget communautaire et la réforme de Fisher Bohl va nous mettre face à nos responsabilités nationales. Enfin, pire que les aides publiques sont les services soi-disant offerts par des organismes prélevant sur la masse la manne qui finance ces soi-disant services... Là je mets les pieds dans une grande écuelle et je me méfie des éclaboussures.

Ce billet est dédié à un fidèle lecteur et pugnace commentateur : S.Courrau. Les autres prenez de la graine :  à vos claviers et souris ! Vous pouvez même m'adresser des messages qui ne paraîtront pas sur le blog mais me seront destiné sur ma messagerie : il vous suffit de clicquer tout en bas du blog sur contact

    

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23 août 2006 3 23 /08 /août /2006 08:00

Août 2001, nous avions décidé de suivre le sentier Stevenson dans les Cévennes, de le faire bien sûr avec un âne pour compagnon, en l'occurence comme pour Robert-Louis une ânesse prénommée non pas Modestine mais Sarriette. Je venais de remettre mon rapport au Ministre et ... c'est une autre histoire. Ce matin je vous offre un extrait du Journal de route en Cévennes de R.L.Stevenson.

 

Vendredi 4 octobre Adieu Modestine !

 

Examinée le matin du 4 octobre, Modestine fut déclarée inapte à voyager. Il lui fallait au moins deux mois de repos, d'après le palefrenier(...) je résolus de vendre mon amie et de partir par la diligence cet après-midi là (...) Notre marche de la veille, avec le témoignage du charretier qui nous avait suivis dans la montée de Saint-Pierre, fit une bonne réputation sur les aptitudes de mon ânesse. Des acheteurs éventuels furent au courant d'une occasion sans pareille. avant dix heures, j'avais une offre de vingt-cinq francs ; et avant midi, après une rude discussion, je la vendis avec la selle et tout le reste pour trente-cinq francs (...)

 

Encore une chose à noter. Le phylloxera a ravagé les vignobles dans le pays, et au petit matin, sous les châtaigniers près de la rivière, j'aperçus un groupe d'hommes travaillant à un pressoir de cidre. comme je ne compris pas tout de suite ce qu'ils faisaient, je demandai à l'un d'eux de m'expliquer : " On fait du cidre " dit-il, " oui, c'est comme ça. Comme dans le nord ! ". La voix vibrait, sarcastique : le pays allait au diable.

 

Ce ne fut pas avant d'être installé à côté du cocher, et de rouler dans une vallée rocheuse, entre oliviers nains, que je me rendis compte de mon deuil. j'avais perdu Modestine. Jusqu'à ce moment-là, je croyais que je la détestais ; mais maintenant qu'elle était partie, " Oh ! quelle différence pour moi "

 

Pendant douze journées, nous avons été d'intimes compagnons : nous avions parcouru plus de cent-vingt milles, franchi mainte crête vénérable et trottiné de nos six jambes par mainte route de traverse rocheuse et bourbeuse. Passé le premier jour, bien qu'offensé parfois, et distant d'allure, j'étais resté patient ; et quant à elle, la pauvre, elle en était arrivée à me considérer comme un dieu. Elle aimait manger dans ma main. Elle était patiente, élégante de forme, couleur d'une souris idéale, et petite inimitablement. Ses défauts étaient ceux de sa race et de son sexe ; ses vertus lui étaient propres. Adieu, et si c'est pour toujours...

 

Le père Adam avait pleuré quand il me l'avait vendue ; après l'avoir vendue à mon tour, je fus tenté par son exemple ; et me trouvant seul avec un cocher de diligence et quatre ou cinq jeunes gens d'agréable compagnie, je n'hésitai plus à céder à mon émotion."

 

 Croyez-moi depuis mon compagnonage de huit jours avec ma Sarriette j'ai pour les ânes une tendresse et un respect bien plus grand que pour beaucoup d'humains...

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22 août 2006 2 22 /08 /août /2006 08:57

Notre jeune pousse de club, ce "Sans Interdit" toujours sous serre, nous avons pour ambition d'en faire un advocacy tank à part entière. J'entends déjà les ricanements et les réflexions peu amènes de ceux qui trouvent que je suis un agité du bocal et que j'ai le chou trop large mais, comme je m'en tamponne le coquillard, vu leur efficacité au cm2, je persiste et je signe. Kes céke ça un advocacy tank ?

Une des quatre variétés principales de think tanks qui sont comme chacun sait des " laboratoires à idées ", des " creusets de la pensée ", un nouveau concept venu du monde anglo-américain que la langue et le monde politique français ont du mal à intégrer. Les advocacy tank ont un objet plus restreint, ils sont au service d'une cause précise, ils produisent des idées et des recommendations qui se conforment à un socle de valeurs communes et un axe d'argumentation précis. Leur but est intéressé : gagner la bataille des idées. Pour "Sans Interdit" cette définition lui va comme un gant.

Mais, comme nous sommes au pays des sceptiques et du non d'abord, comme le souligne Pascal Lamy le DG de l'OMC "La notion de "think tank" suscite pourtant encore une certaine méfiance en France. On l'associe à cet autre concept sulfureux venu d'outre-Atlantique : le " lobbying ", officiellement banni du vocabulaire institutionnel hexagonal. Pourtant, plus personne ne croit en France que nos élus politiques, armés d'une administration omnisciente, sont en mesure de déterminer l'intérêt général in abstracto, et que celui-ci ne serait aux Etats-Unis que le résultat de la compétition entre intérêts égoïstes. Cette opposition est simpliste..."

On va m'objecter que pour vendre du vin ya pas besoin de gagner la bataille des idées... Erreur tragique qui nous confine dans une stratégie de ligne Maginot : nous défendre, ratiociner sur tout et rien pour céder sur tout au bout du bout. " Dans le monde moderne, qui est un monde du savoir, les Britanniques savent s'approprier la pensée, jouer avec brio de la stratégie de l'information. Cette capacité à utiliser la recherche et le monde universitaire pour étayer leurs thèses, les français ne l'ont pas assez." C'est de Pervenche Bérès - la filleule de Jean Pinchon, députée européenne socialiste, peu soupçonnable d'avoir un faible pour ce type de structure -  elle ajoute " Ce qui m'agace c'est que parfois les Français ont raison mais ils ne savent pas vendre leurs idées."

Nous avons, même si leur modestie doit en souffrir, les meilleurs experts européens du vin : Françoise Brugière, Patrick Aigrain et sans doute dans leur coin quelques autres à l'INRA ou dans nos Ecoles. Je l'ai constaté il y a deux ans lors d'un colloque organisé par la Commission européenne : ils dominaient le sujet de la tête et des épaules. Que faisons-nous pour mobiliser cette matière grise, mettre en réseau nos pôles d'excellence : est-il donc impossible de connecter Bordeaux à Montpellier et à Dijon ? Chacun dans son coin et les cochons seront bien gardés et nos amis anglais les mieux placés...

Bref, à " sans Interdit " nous assumerons notre statut d'advocacy tank pour sortir le vin de nos débats gaulois, faire comprendre aux décideurs que c'est le seul produit agricole à vocation exportatrice, à potentiel de développement, capable de conjuguer tradition et modernité à condition de ne pas le confiner dans une vision étriquée et défensive.

Je vous conseille de lire  Les Think Tanks cerveaux de la guerre des idées de Stephen Boucher et Martine Royo éditions le Félin...

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