Le vin ça fait vendre du papier glacé : zavé jamais vu de spécial bières ou de spécial eaux minérales et pourtant nous sommes les champions du monde de la consommation d'eau en bouteille. Bref, ce matin je ne vais pas vous causer de l'eau du robinet mais des problèmes de robinet simples comme l'arithmétique de l'école primaire. Et pourtant, j'ai le sentiment que plus personne ne sait faire des additions et des multiplications, reste plus que la soustraction : l'osmose inverse qui met en transe les puristes :-)
Tout le monde glose sur la saga des petits robinets : ça donne des vignerons qui montent, des révoltés, des mutants, ça donne de belles photos d'hommes et de femmes qui font bien leur métier, ça donne des coups de coeur, des coups de foudre et que sais-je encore ? Qu'on me comprenne bien, je suis pas contre, je trouve même ça intéressant, mais au bout du compte je fais l'addition. Et là, chers vous tous et les autres, tous ces petits robinets dispensateurs de nectars ça fait de belles bouteilles mais pas beaucoup d'hectolitres. Le gros du peloton (je ne pense pas à Perrico) qu'est-ce qu'on en fait? Lui laisser croire, comme certains, pas tous cher Jacques, que cette démarche vigneronne proche des boulangers artisans qui font du bon pain, est la seule voie à emprunter pour s'adapter à la nouvelle donne, c'est vendre de l'illusion. D'ailleurs, sous l'image d'Epinal, moi qui suis dans le cambouis de la réalité, qui vois et entends, elle n'est pas toujours rose cette réalité, certains petits robinets ont bien du mal à trouver preneur car le marché n'est pas extensible.
Entre cette démarche, que je respecte et défends, et celle qui tend à assurer un débouché commercial durable au plus grand nombre, il n'y a pas un océan de vinasse ou de vin industriel formaté, une telle vision relève du fantasme. A ceux qui, à tout bout de champ ou de vigne, demandent le respect du travail vigneron, je dis qu'on doit exiger d'eux le même respect des gens de peu qui sont comme eux dans leurs vignes et y font bravement leur boulot. Il n'y a pas de sot métier, il n'y a que des sots. Notre problème central de vieux et grand - au sens de la taille de notre vignoble et de sa réputation - pays généraliste du vin est de savoir ou de vouloir gérer nos grands réservoirs de vin : encore un problème de robinets, des gros, et de vases communicants : les replis.
La solution, la seule à la hauteur des volumes, est entre les mains de ceux qui sont en capacité de concevoir et de vendre les vins issus des raisins produits sous le grandes ombrelles régionales. Piloter nos grands bassins par l'aval c'est réguler l'ensemble du système, c'est anticiper, enterrer les distillations de destruction, éviter que la mauvaise monnaie chasse la bonne. Bien plus que les belles réformes juridiques dont nous raffolons, nous les héritiers du droit romain écrit, la gestion des grands volumes est la clé du renouveau. La codification viendra par surcroît. Appliquons déjà les fondamentaux et cessons de seriner que notre système d'AOC est trop complexe, il l'est certes, mais il est surtout figé, calcifié, niveleur, protecteur de médiocrité, bavard et hypocrite. Par essence c'était un système de responsabilité où chacun était partie prenante de l'élaboration et du respect des règles communes. Qui s'en souvient ? L'AOC n'a pas besoin de chapelles, de Savonarolles ou ayatollahs autoproclamés, de bureaucrates enkystés, mais de respiration, d'invention, de liberté... De nos jours Dom Pérignon n'aurait plus droit de cité.
Ce qui me chagrine et me navre dans la situation actuelle c'est que, comme pour tout problème de robinets, la solution est d'une effarante simplicité. Mais qui sait encore compter ? C'est politiquement incorrect de compter, il est plus gratifiant de se conter des histoires entre soi, toujours les mêmes. Nous sommes un grand pays d'architectes mais en ce moment nous avons besoin de maçons...