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15 octobre 2006 7 15 /10 /octobre /2006 00:06

Lorsque Marthe Regnault, la sage-femme aux mains larges comme des battoirs de lavandière, recueillit, après l'ultime poussée de ma mère, les cinquante-deux centimètres visqueux de mon corps, j'étais à la limite de la cyanose. Par bonheur j'échappais aux fers. Pendu, à bout de bras, par les pieds, je l'entendais proclamer de sa voix de stentor " c'est un garçon ! ". Imaginez-vous la scène. Comprenez mon courroux. D'un coup d'un seul, après un périple dangereux et besogneux, on me faisait passer d'une position de coq en pâte à celle, ridicule et humiliante, de vermisseau gluant exposé à l'air libre tel un vulgaire saucisson. Intolérable ! Révolté je couinais comme un goret pour le plus grand plaisir de cette femme qui n'avait rien de sage. Ce cri primal me valait de me retrouver dans une position plus conforme à mon statut de nouveau-né. On me lavait. Par petites touches je virais au rose bonbon. On m'emmaillotait. Je souriais aux anges bien calé dans la corbeille des bras de ma Madeleine de mère.

 

" Ce petit salopiaud a du caractère. Il sait ce qu'il veut et, croyez moi Madeleine, avec un tel sourire ce sera un grand séducteur, un ravageur des coeurs..." Non mais, de quoi je me mêle l'accoucheuse, ce n'est pas ton rayon, garde tes lieux communs pour les lectrices de "Nous Deux". J'étais vénère. Sous mon sourire ravageur je fis ma première colère rentrée ; une colère fondatrice bien-sûr. " Qu'étais-ce donc ce monde d'apparence ? Mon minois de bébé rose ne préjugeait en rien de mes actes futurs. Etais-je programmé ? Je repoussais avec force ce déterminisme de pacotille..." Chemin faisant je m'apercevais que je me trouvais bien à l'intérieur de moi-même. Ce sentiment m'avait déjà habité lorsque, sitôt les eaux libérées, dans la tourmente de mon périple, si long et si court, à chaque contraction j'avais hâte de retrouver la volupté de mes profondeurs. Ma conviction était faites : c'était le seul lieu où je puiserais la force pour affronter ce monde où, au petit matin, on venait de me jeter.

 

Libéré du dernier lien, pomponné, prenant goût à l'air que je respirais, je me laissais glisser dans la paix de mon petit jardin d'intérieur. Moment voluptueux, moment que choisit ma mère pour confier au clan des femmes qui s'affairait " ce sera Benoît..." Coup violent et inattendu au plexus solaire. Je réprimais un cri de stupéfaction en engouffrant mon pouce dans ma bouche. Déjà quelle maîtrise ! Quel sang-froid ! Ma succion élégante stupéfiait le clan des femmes. Elles s'esbaudissaient. Je retrouvais le suc de ma bulle. Réfléchissais. Analysais froidement la situation. " Par quelle prescience ma mère avait-elle su anticiper sur mon moi profond ? " Ce Benoît était raccord avec le capital de duplicité que je découvrais en moi. Formidable intuition de Madeleine que d'accoler ce prénom à mon image de chair. Sur la photo Ferlicot, à nouveau nu comme un ver sur un coussin de soie, j'arborais mon sourire de bébé Cadum qui allait si bien avec le secret de mes profondeurs.

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14 octobre 2006 6 14 /10 /octobre /2006 00:05

L'intéressée, radieuse, ignorait avec superbe le venin de ces vipères édentées. Madeleine se contentait de concéder que ma conception était un banal accident de parcours ; une simple erreur de calcul. Elle riait en balançant aux rancies " une naissance est toujours un heureux évènement..." Pour le cas d'espèce le docteur Ogino avait le dos large car la réalité était toute autre. Mes parents, au retour des noces bien arrosées du cousin Neau qui se mariait sur le tard, dans l'euphorie de l'aurore, pour le plaisir, par deux fois, dans le foin de la grange et sous les draps frais du lit, avaient joué au papa et à la maman. Ce furent deux beaux assauts et, Madeleine, plus diablesse encore qu'à l'accoutumée, avait mené mon Philippe de père dans les hautes sphères du plaisir.

Je fus ainsi conçu, dans le désordre et le plaisir. Ma mère a joui, crié, dit des choses pas convenables en recueillant la semence de mon père. Je suis un enfant du péché et je m'en fous. Madeleine aimait l'après. L'abandon de son grand Philippe. Elle le rassurait avant qu'il ne roule sur le flanc et ne s'abime dans un sommeil lourd. Je suis un enfant de l'amour et j'aime ça. Mon code génétique a du, j'en suis sûr, être largement tributaire des tribulations initiales de mes géniteurs. Les mauvaises langues hygiénistes diront, puisqu'ils étaient gais, que mon Qi a du subir une forte dévaluation liée à cet état non conforme au code de l'accouplement sanitairement correct. Mais pour moi le pire était à venir : j'ai grandi dans les jupons des femmes.

Ce furent elles qui firent pression sur Madeleine pour qu'elle choisisse un prénom de garçon. Pour ma grand-mère paternelle, sa soeur ma grand-tante et ma soeur Zézette il ne faisait aucun doute que Madeleine portait un garçon. Dans la famille, le prénom de mon père : Philippe, se raccrochait au Pétain du Verdun de mon grand-père et, par pudeur, on évitait ce rappel historique. Par bonheur, mon père n'était pas un fan du général, j'ai donc échappé à Charles. Dans le lot des femmes seule ma Zézette de soeur faisait des propositions que nous qualifierions de nos jours de people. Ma mère, face à ces aussauts et à ceux de toutes les autres femmes qui passaient à la métairie, restait impavide. Elle affichait une indécision de façade mais, en trimballant avec entrain son gros ventre, elle attendait son heure.

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13 octobre 2006 5 13 /10 /octobre /2006 00:05

Dans l'histoire de Louis Bachelier je me suis imprudemment référé à Merton et Scholes, prix Nobel d'économie. Des Paganini du calcul différentiel stochastique, des adorateurs des processus browniens, en fait des bricoleurs d'une martingale pour boursicoteurs en manque de rendement à deux chiffres. Merton avait démontré un théorème : " le théorème d'excitation " qui disait en gros, plus le marché est risqué, plus le spéculateur est excité, et plus il a envie de prendre des risques, ce qui excite encore plus le marché, et excite encore plus les spéculateurs. Donc le théorème de Merton c'est " Plus tu m'excites, plus je suis excité ". 

Moi j'adore des mecs qui vendent une stratégie supposée sans risque sur un marché où le gain n'existe que par le risque. C'est du niveau de madame Irma mais avec ce genre de plaisanterie à deux balles leur société LTCM a joué environ 150 milliards de dollars avec une mise de moins de 3 milliards. Ils brassaient, en montant d'actifs, l'équivalent du PIB français : 1250 milliards de dollars. Merton et Scholes avaient pour clients les grandes banques et les patrons des grandes maisons de courtage de Wall Street y plaçaient leurs économies. Ce qui explique que, lorsque LTCM a bu le bouillon, nos deux compères loin d'être traînés devant les tribunaux, ont été sauvés par leurs pairs. Ils ont même perçu une prime d'un cinquantaine de millions en janvier 1999.

Alors ce matin, je vous invite à méditer sur l'extrait d'un texte paru dans le Monde de l'Economie de mardi à propos des hedge funds. " Par leur activisme, les hedge funds influencent cependant de plus en plus les comportements de toute la sphère financière, gagnée par leur approche à court terme. Ils sont en effet devenus les clients de plus en plus importants pour les banques : ils assurent un gros volume de transactions, et donc de commissions. Ils poussent les entreprises à des restructurations incessantes, des ventes d'actifs, des fusions. Or ce type de restructuration génère des mandats de conseil en fusions et acquisitions pour les banques d'affaires, la mise en place de nouveaux financements... S'il existe des murailles de Chine entre les différentes activités des banques, elles sont cependant de plus en plus conduites à accompagner les hedge funds. La communauté d'intérêts se double souvent d'une relation d'affinités, puisque beaucoup de dirigeants de hedge funds ont d'abord exercés leurs talents financiers pour le compte de banques."

Vous allez me dire que tout ça est très loin de nos préoccupations de gens du vin. Pas si sûr chers lecteurs. J'y reviendrai en abordant la question de la mise sur pied d'un fonds privé d'investissement qui puisse participer à la restructuration financière des entreprises de notre secteur. Prendre son destin en main est une bonne façon d'éviter de se retrouver dans les turbulences nées de ce que les Jean-Marc Sylvestre et consorts, ki ne sont que des beaux parleurs et des hauts parleurs, baptisent " la contrainte des marchés financiers". 

Demain pour retrouver le fil de mes écrits il vous faudra avoir lu les épisodes de samedi et dimanche derniers (7 et 8 octobre),où Benoît a pris le relais à la première personne.
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12 octobre 2006 4 12 /10 /octobre /2006 00:05

Les revues papier glacé de gastronomie nous placent sous perfusion sur l'art et la manière d'accorder mets et vins. Comme vous vous en doutez : j'adore ! Moi qui n'est jamais confié le soin à quinconque de choisir mes chemises, de les repasser et de les accorder avec mes vestes, ça me met en joie. Ceci étant écrit, comme je suis sur une position ultra-minoritaire, et que je dois tenir compte des désidératas des clients, ce matin je mets un mouchoir sur mon élitisme hautain et je vais dans le sens du vent en commettant une chronique : que boire avec une platée de choux ?

Car, entre autres appellations désobligeantes subies dans ma jeunesse de vendéen du bas-bocage : péquenot, bouseux, plouc... la plus infâmante, la plus vile était bien " ventre à choux " car je détestais la soupe choux qui, visuellement, s'apparentait pour moi à un jus proche de celui de la mare aux canards, et qui gustativement, tenait de la décoction du rebouteux du coin. Nos choux c'étaient des choux à vaches, des choux fourragers hauts sur tige que nous allions couper avec le pépé Louis. Nous mangions les feuilles du coeur. Cette proximité avec nos ruminantes aux yeux tendres : les Normandes laitières plus que les Parthenaises laboureuses, nous assimilait à des quasi-sauvages tout juste bons à défier la République pour le compte du maître et du curé. Bien sûr, je résistais et, avec la complicité de mémé Marie, j'étais dispensé de la soupe aux choux.


Maintenant j'adore les choux, le problème c'est que sur nos étals parigots c'est une denrée rare. On trouve toute sorte de choux, pommés, fleurs ou italien, mais le mien pas souvent. Lorsque j'en trouve je fais une razzia. Tout l'art de la cuisson du choux est dans le blanchiment. Faut être patient ou patiente, se colleter un grand faitout et passer les feuilles dans au moins 3 ou 4 rincées d'eau bouillante. Après faut embeurrer le choux. C'est pas aussi simple que ça paraît. D'abord faut un bon beurre salé, comme sur les pâtes faut jeter les feuilles sitôt sorties de l'eau bouillante sur la noix de beurre qu'est saisie et qui exhale ses aromes et sa pointe de sel


Et avec ça qu'est-ce qu'on ? Pas le choix un vin rouge de Mareuil de J.Mourat père et fils www.mourat.com allez sur le site et là, faites votre choix, moi j'adore la cuvée Folle Noire qu'est le nom sortable d'un cépage ancien : le ragoûtant. Pour le millésime voyez avec le propriétaire car moi comme vous le savez je n'ai pas ma carte de dégustateur agréé par la RVF et consorts. Chers lecteurs, cépa écrit guide sur mon front de chroniqueur " ventre à choux ".

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11 octobre 2006 3 11 /10 /octobre /2006 00:05

Je sais bien que ce n'est plus la dénomination linguistiquement correcte, maintenant on se rend au " restaurant d'entreprise " géré par monsieur Bellon. L'anecdote que je vais vous conter a eu pour cadre le restaurant d'entreprise de la Maison de l'Agriculture de Toulouse. C'était en 2002. J'effectuais mon tour de France post rapport. Invité par les vins du Sud-Ouest je délivre mon prèche qui décoiffe. Ici, c'est pénard, le public est positif et la matinée se déroule dans une ambiance studieuse et chaleureuse. L'heure du déjeuner arrive. Nous montons au restaurant où une grande table a été dressée pour nous. Nous composons notre repas en libre-service mais le vin est apporté par mes hôtes. Les bouchons font leur petit claquement caractéristique. C'est du bon. Tout le monde est content.

Par malheur ya cet emmerdeur de Berthomeau qui ramène sa science. Keski dit ce ramenar : " les amis, comme vous le constatez, la clientèle est plutôt jeune, la nourriture est honnête mais il manque quelquechose sur notre plateau... " Silence. Le chieur professionnel, heureux de son effet, poursuit " oui, nous n'avons pas posé sur notre plateau le carafon de rouge proposé à la clientèle. Et si nous le goûtions ? " Caramba ! Un nuage tchernobylien passe au-dessus des têtes. On pressent la cata et c'est la cata. Mauvais de chez mauvais le jaja en carafon vu que déjà il a du y être mis au petit matin et qu'il n'a pas supporté ce traitement. Bref, on attrappe pas les mouches avec du vinaigre.

Tous nos grands lamenteurs, y compris ceux qui veulent se déguiser en séducteurs de jeunes urbains désinvestis, ce que je comprends car dans le lot les filles sont plutôt jolies, se sont-ils inquiétés des ravages produits par ces petits carafons, moche de chez moche, sur l'image et la consommation du vin ? Ont-ils entrepris une action pour redresser la barre ? Non, les affiches terroir leurs suffisent. Ce sont-ils posés la question de l'impact négatif de la consommation de ce carafon par le dernier carré des irréductibles de la cantoche ? En effet, pour leurs collégues s'ils en sont réduit à boire une telle vacherie c'est que ce sont des pochtrons. Pas très vendeur tout ça coco !

Ben oui, c'est pas très sexy les resto d'entreprises mais ç'a draine du monde tous les midis. Je ne dis pas que si c'est meilleur ils en boiront. Mais, à l'occasion, parce qu'une copine fête une promo ou un mec son dernier moufflet, s'ils ont envie de s'offrir un petit verre, comme ça, pour égayer le repas, sans pour autant sombrer dans une belle sieste post-prandiale quand ils regagnent le turbin, ils seront satisfaits et un client satisfait est un client qui revient. Bon je sais que je dis que des conneries qui énervent les présidents à vie qui amusent la galerie mais qui n'ont jamais sévi dans les rayons d'un Shoppi... 

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10 octobre 2006 2 10 /10 /octobre /2006 00:05

" Fondamentalement, un ministère se compose du ministre et de ses services. Le cabinet n'est nullement un protagoniste à part entière, ayant en propre sa légitimité, sa compétence et sa fonction. Il n'a que celles que lui octroie le type de relations entre ministre et administrations. Tantôt le premier est assez sensiblement assujetti aux secondes, et les conseillers sont les interprètes plus ou moins fidèles des directions, davantage que les courroies de transmission de la volonté gouvernementale. Tantôt ils impriment effectivement la logique politique, mais alors ils parlent et agissent au nom et pour le compte de leur "patron". Car la fonction de ministre, en fait, n'est jamais individuelle. Il n'est de ministre que collectif : " le titulaire du poste+son cabinet ".

 

Qu'on ne s'y trompe pas : une telle affirmation ne signifie nullement que les membres du Gouvernement seraient des personnes sous influence aux mains d'une équipe qui les manipulerait. Plus prosaïquement, une part considérable du temps qu'un ministre consacre à son activité est dévorée par des fonctions tenant de la représentation, réduisant ainsi à la portion congrue - ou plutôt incongrue - les moments disponibles pour le travail de fond. Aussi, et parce que l'adoubement présidentiel ne suffit pas à conférer l'omniscience, le ministre se démultiplie en autant de parties que son cabinet compte de membres.

 

La question essentielle n'est donc pas de savoir comment l'équipe se situe entre le ministre et ses services - elle est le ministre collectif - mais porte sur la manière dont les membres du Gouvernement utilisent les moyens que leur offre cette démultiplication. En exigent-ils des informations, des conseils, des décisions ? Veulent-ils accaparer ou déléguer ? Toutes les combinaisons, avec tous les dosages, sont possibles entre ces divers éléments. "

 

Ce texte est un extrait d'un article " Typologie des cabinets " publié dans la revue Pouvoirs en 1986 par Guy Carcassonne. Guy et moi nous nous sommes rencontrés à la buvette de l'Assemblée Nationale en juin 1981, lui étant conseiller du président du groupe rose et moi conseiller du Président de l'AN. Nous étions fous, non du chocolat Lanvin, mais des maccarons de la buvette. Par la suite, en 1983, nous nous sommes retrouvés voisins dans la galerie Sully, lui conseillant le Ministre sur les questions d"enseignement agricole (loi Rocard sur l'enseignement privé agricole votée à l'unanimité) moi pataugeant déjà dans le marigot viticole (accords de Dublin). Guy est un ami, un expert : agrégé de droit constitutionnel, il chronique dans le Point, c'est un type original, sapé décalé, doté d'un humour corrosif, et la typologie qu'il donne des cabinets ministériels : 1. Les copains, 2. Les enfants, 3. Les valets, 4. Les lieutenants est un régal. Je vous la livrerai, par paquet, dans des chroniques futures.    

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9 octobre 2006 1 09 /10 /octobre /2006 00:18

" Cette vigne avait un âge dont nul ne se souvenait. Chaque année, depuis qu'il avait conscience des choses, Driot avait taillé la vigne, biné la vigne, cueilli le raisin de la vigne, bu le vin de la vigne. Et elle mourait. Chaque fois que, sur le pivot d'une racine, il donnait le coup de grâce, qui tranchait la vie définitivement, il éprouvait une peine; chaque fois que, par la chevelure depuis deux ans inculte, il empoignait ce bois inutile et le jetait sur le tas que formaient les autres souches arrachées, il haussait les épaules, de dépit et de rage. Mortes les veines cachées par où montait pour tous la joie du vin nouveau ! Mortes les branches mères que le poids des grappes inclinait, dont le pampre ruisselait à terre et traînait comme une robe d'or ! Jamais plus la fleur de la vigne, avec ses étoiles pâles et ses gouttes de miel, n'attirerait les moucherons d'été, et ne répandrait dans la campagne et jusqu'à la Fromentière son parfum de réséda ! Jamais les enfants de la métairie, ceux qui viendraient, ne passeraient la main par les trous de la haie pour saisir les grappes du bord ! Jamais plus les femmes n'emporteraient les hottées de vendange ! Le vin, d'ici longtemps serait plus rare à la ferme, et ne serait plus de "chez nous". Quelque chose de familial, une richesse héréditaire et sacrée périssait avec la vigne, servante ancienne et fidèle des Lumineau.

Ils avaient, l'un et l'autre, le sentiment si profond de cette perte, que le père ne put s'empêcher de dire, à la nuit tombante, en relevant une dernière fois sa pioche pour la mettre sur son épaule : " Vilain métier, Driot, que nous avons fait aujourd'hui ! ".

Cependant, il y avait une grande différence entre la tristesse du père et celle de l'enfant. Toussaint Lumineau, en arrachant la vigne, pensait déjà au jour où il l'a replanterait ; il avait vu, dans sa muette et lente méditation, son successeur à la Fromentière cueillant aussi la vendange et buvant le muscadet de son clos renouvelé. Il possédait cet amour fort et éprouvé qui renaît en espoirs à chaque coup du malheur. Chez André, l'espérance ne parlait pas de même, parce que l'amour avait faibli.

" Extrait de la " Terre qui meurt " de René Bazin, chapitre IX dont j'ai repris le titre pour ma chronique. Le roman a pour cadre le Marais Vendéen , " territoire qui s'étend de Saint-Gilles à l'île de Bouin " La Vendée viticole de l'entre deux guerres, en superficie, se classait au 10ième rang des départements viticoles.  

 

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8 octobre 2006 7 08 /10 /octobre /2006 00:05

Me doter du prénom du saint ermite de Subiaco ne constitue pas en soi une agression et ma part de mauvaise foi dans cette affaire est épaisse. En ces années 60, qui se vautraient encore dans l'ignorance, le sexe du locataire de la matrice restait ignoré jusqu'à son expulsion. Me proposer un prénom tenait donc de la gageure. Eussent-ils essayé qu'ils se seraient heurtés au mur de mon insouciance. Je coulais les jours heureux d'un foetus anonyme, ignare ; des jours que je croyais éternels. Tel un coq en pâte je me contentais de prospérer. Certes je devinais à certains signes : ballottements, palpations, auscultations et autres effleurements plus étranges, l'existence d'un monde extérieur plus agité que ma paisible bulle. Inconscient, sûr d'une position définitive, j'étais injoignable.

A l'extérieur, personne ne se doutait que le ventre dodu de Madeleine, ma future mère, abritait un lascar peu enclin à abandonner son statut d'occupant provisoire. Le village jasait. Comment donc la Madeleine, passée la quarantaine, pouvait-elle s'être laissée engrosser ? Tomber enceinte à cet âge, en ces temps obscurs, dans ce lieu comprimé, choquait le sens commun. Remettre sur le métier l'ouvrage, pour des presque vieux, relevait de l'obcénité. Alors une telle incongruité poussait aux ragots la fine fleur des grenouilles de bénitier qui n'étaient pas encore une espèce protégée. Dès l'annonce faite à Madeleine, par le docteur Martin, de son nouvel état, elles persiflèrent " vous n'allez pas me faire croire que c'était voulu. Ces deux-là font la chose, dieu me pardonne de le dire, rien que pour leur plaisir. Cette Madeleine, qui se dit si pieuse, cache bien son jeu. C'est du feu qu'elle a aux fesses cette sainte nitouche. Pour exciter son Philippe elle sait y faire..."

" Des petites culottes en dentelles la diablesse... des dessous en soie... rouge... Prête à tout jvous dis... Non..on ! Bien sûr que si... Elle s'contente pas d'honorer son devoir conjugal la bougresse... Z'en êtes sûre ? Certaine ! Même qui font ça quand ça leur chante. Eulalie les a vu dans la pâtis de la touche, à genoux la Madeleine, elle y allait de bon coeur... Non ! cé pas dieu possible... Bé si, et pire encore, y s'contentaient pas que de ça... Ne me dites pas tout de même qu'ils... Ben sûr que si... les jupes relevées la Madeleine et l'autre grand satyre, ses pantalons affalés aux chevilles, boutait pire qu'un étalon... Vous croyez que l'avait choisi le bon endroit ? Y'en sais fichtre rien mais ô m'étonnerait pas que l'aille s'y fourrer... Pour sûr qu'à confesse, la Madeleine, doit avoir une belle tartinée à avouer à notre curé. Entre nous soit dit elle récolte ce qu'elle a mérité la gourgandine. Et pis, grosse à son âge, éva nous faire un benêt..."

  

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7 octobre 2006 6 07 /10 /octobre /2006 00:05

Voici la suite de la "résistible ascension du petit Pochon". Elle va vous surprendre mais c'est ainsi, je vous avais prévenu. Bonne lecture et si mes " épluchures de vie " vous plaisent dites le à vos amis pour qu'ils viennent faire un petit tour sur " Vin&Cie " l'espace de liberté... Bonne lecture et bonne fin de semaine.  Votre chroniqueur parfois déjanté.

Je suis né en siège, les pieds devant, expression d'ordinaire appliquée à ceux qui quittent la vie alors que moi j'y entrais, le cul en l'air, violacé et suffocant, façon toboggan. Position qui allait marquer durablement ma façon d'aborder la vie que je vis. Me laisser glisser sur la pente de mes inclinaisons les plus fortes. Ma génitrice, si elle aussi s'était laisser aller à suivre ce chemin, aurait du me prénommer Désiré. Ce fut Benoît, et ce fut ma première exécration. Je hais ce prénom. Bon fils j'ai toujours tenu ma mère dans l'ignorance de cette exécration. Avec moi c'est toujours ainsi, je garde tout à l'intérieur, avec soin. Soigneux et précis pour l'important, je ne suis pas pour autant rigide. Foutoir et bazar sont les fonds de commerce de mon quotidien plein d'histoires insignifiantes.

De ces petits riens mal rangés, en général, je n'en fais rien, sauf pour rêver. Ils sont la trame de mes rêves. Je brode. Depuis mes origines je rêvasse. Mon prénom abhorré, exécration native, c'est mon rêve fondateur, celui par qui tout a commencé. Enfiler des cotriades de rêves, au long de mes jours et de mes nuits, est extatique. Ca m'aide à vivre. Au commencement donc fut l'annonce de mon fichu prénom. Il m'est tombé dessus dans les minutes qui ont suivi mon expulsion. Déjà choqué par la position originale de ma venue je ne m'y attendais pas. Comprenez-moi, tout était allé si vite. Depuis deux cent soixante cinq jours, à couvert dans la tiédeur de ma bulle amniotique, je baignais dans le ravissement. Alors que je filais des heures heureuses, brutalement, sans préavis ni explication, on me fichait dehors. Ca augurait mal de la civilité du monde où l'on me précipitait.

 

Pourtant, la détestation de ce prénom, tombé sur ma tronche de fraîchement né, ne trouve pas son origine dans la brutalité de mon expulsion. En effet, sitôt bouté hors de mon paradis, j'étais prêt à faire contre mauvaise fortune bon coeur. Après tout, ce monde nouveau que j'abordais du bout de mes petits doigts de pied, pouvait lui aussi recéler des charmes identiques à ceux que je venais de connaître ; toutes ces douces heures passées à croître en paix. Mon amertume vient d'ailleurs. Nu, pitoyable et démuni je voyais le jour. Ebloui, en apnée, sans papier en transit, il me fallait du temps pour asseoir ma nouvelle position. Mes concepteurs n'en tinrent aucun compte. Avec une désinvolture frôlant l'arrogance, par dessus ma petite tête gluante, ils s'arrogèrent le droit de me prénommer. Me consulter s'imposait. D'ailleurs, ils eussent pu le faire au temps béni de ma réclusion.   

 

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6 octobre 2006 5 06 /10 /octobre /2006 00:05

Philémon Bossis, en écho à mon propre questionnement, dans les commentaires de ma chronique " dictionnaire des idées reçues " m'interpelle " c'est quoi, monsieur, un vin industriel ? " Je pourrais m'en tirer en répondant que si j'ai posé la question à monsieur Gerbelle c'est que je ne connaisssais pas la réponse. Mais, comme je suis un bon garçon et que je respecte mes lecteurs, je vais tenter d'éclairer le sujet pour Philémon.

Tout d'abord, c'est du vin selon la définition traditionnelle, donc le produit de la fermentation naturelle de jus de raisins frais. Pour industriel, reportons-nous au Robert qui nous réponds : qui à rapport à l'industrie. L'industrie c'est, au sens large, la transformation de matières premières en produits fabriqués, impliquant la centralisation des moyens de production, la rationalisation et l'utilisation du niveau technique le plus avancé de la mécanisation à l'automatisation. En France, la fabrication du vin, même dans les plus grands outils coopératifs, n'est pas le fait d'unité industrielle, de véritables wineries.

Pour autant, et c'est là où l'affaire se complique, l'utilisation du niveau technique le plus avancé, dans les vignes, comme dans les chais, est le fait, aussi bien des châteaux les plus prestigieux que de producteurs vins plus modestes. Comme dans le pain (cf mes chroniques sur la chaîne de boulangerie Paul des 2 et 3 novembre 2005) on peut à partir d'une matière première noble produire un produit de haute qualité en adoptant un process hyper rationalisé. Ainsi, à Laguiole, André Valadier, à partir d'un lait de vache Aubrac respectant des fondamentaux alimentaires, produit dans sa coopérative Jeune Montagne, sur la base d'un process industriel, un fromage AOC de haute valeur. Inversement, un process artisanal n'est pas forcément la garantie d'un produit final de qualité.

Mais, cher Philémon, nos vaillants pourfendeurs des vins, qu'ils disent industriels, utilisent à dessein ce qualificatif au sens du XIXième siècle " qui agit avec ruse et malhonnêté " en sous entendant produit en quantité industrielle, donc des vins uniformes, formatés, reproductibles à l'infini comme nos petites voitures : des vins Twingo avec des étiquettes flashies pour séduire le gogo. Car nous en France il nous faut produire que des Rosengard, du fait main, pièce unique et tout le tintouin. Ha, si les choses étaient aussi simples ça se saurait et ce n'est pas sur la base d'une approche volontairement réductrice, qui jette l'opprobe sur tout ce qui ne correspond pas aux canons de quelques juges aux élégances autoproclamés que nous apporterons aux consommateurs une information digne de notre produit.

Quand cesserons-nous d'opposer des modèles fantasmatiques ? Notre France du vin est, pour une part, vigneronne et c'est bien ainsi. Mais au nom de quel dogme devrions-nous priver l'autre partie de notre viticulture du droit de vivre sur des bases diférentes, correspondant à une demande solvable de grands pays découvrant le vin. J'ai écrit vivre, pas survivre Philémon, ce qui signifie que cette forme de viticulture puisse, en termes de compétitivité, s'adapter. L'espace de liberté c'est le desserement de la contrainte mais ce n'est pas pour autant le n'importe quoi. Quand accepterons-nous d'arrêter de nous envoyer à la figure des slogans ineptes ou d'inciter des viticulteurs à aller badigeonner sur les caves " non à Cap 2010 " alors qu'ils ne l'ont jamais lu. Les donneurs d'ordre ont la mémoire courte, comme leurs idées d'ailleurs. 

Chers lecteurs, je vous recommande la lecture du commentaire d'Antoine Gerbelle sur la chronique : dictionnaire des idées reçues. C'est long mais "brillamment" argumenté. J'adore, je suis ravi. A propos à la question : qui lit la RVF ? la réponse cher monsieur Gerbelle : moi. Une petite précision : je ne chasse pas avec l'homme de la GD, car 1 je chasse pas, et 2 ce n'est pas mon ami. Désolé mais ce type d'insinuation relève des procédés d'une certaine presse. Pas vous, pas ça monsieur Gerbelle... A la prochaine pour déguster un bon petit vin pas cher...
  

  

 

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