Cet chronique s'est mise en ligne par erreur le 23 mai, elle revient aujourd'hui sous sa forme définitive.
Ces derniers temps on a beaucoup glosé sur les délocalisations et je suis frappé par la distorsion entre l'expression du citoyen-électeur, qui s'en émeut, manifeste de la crainte, proteste parfois, et son comportement de consommateur où, très souvent, il semble indifférent, sensible qu'au prix, sans se soucier de la provenance. Dans bien des cas nos protestataires pensent avec leurs pieds lorsqu'ils poussent leurs caddies dans les allées des centres commerciaux ou lorsqu'ils font du shopping dans des boutiques plus modestes. C'est pour cette raison que ce matin j'ai décidé de vous entretenir de mes chaussures.
En économie ménagère, mère de la science économique, l'acquisition d'une paire de souliers doit être considérée comme un investissement lourd, fait pour durer. Les grolles jetables sont une insulte au développement durable. Gaspillage inepte ! Une bonne paire de chaussures - masculine j'entend - est en cuir cousue Goodyeard. La durabilité d'une chaussure exige qu'on en change chaque jour, sinon elle pourrit par la racine. En cas de pluie, éviter le séchage violent. Pour lui garder sa forme on doit l'emboucher. Bien sûr, le cuir étant un produit vivant, il faut le nourrir régulièrement. Enfin, il faut savoir faire ressemeler ses chaussures à bon escient. Comme le disait ma chère maman " les chaussures c'est ce qui fait la différence..." C'est toujours vrai ! Et ne venez pas me dire que ce que j'écris relève de l'élitisme. Que j'achète des grolles de luxe. Que je suis un bobo en Veja. Que j'insulte les gens de peu. Faux ! Archi-faux ! Entre 150 et 200 euros, ce qui n'est pas rien je le concède, on trouve de la chaussure durable mais comme il s'agit d'un investissement à long terme le diviseur - une vie pour certaines paires, un minimum de 15 ans pour les autres - même en comptant le coût du ressemelage, ramène chaque paire bien au-dessous de la Nike assemblée pour une poignée et vendue au prix du caviar ou de chooses à deux balles made in China rétamée en une demi-saison.
En plus j'achète français. De la belle chaussure de qualité, dessinée par de jeunes créateurs ou créatrices, fabriquée en Alsace, des HESCHUNG www.heschung.com . Y'en a pour tous les goûts, pour les nanas et les mecs. Comme vous pouvez le constater sur les photos elles sont belles mes Heschung ! Bref, on peut aussi se fournir chez Paraboot ou, si on le porte-monnaie plus ventru chez JM Weston, qui, comme leurs noms ne l'indiquent pas, sont made in France. Pour autant je ne sombre pas un nationalisme étroit. Nos voisins anglais et italiens fabriquent de la belle chaussure. Pour mémoire, je cite la réussite exceptionnelle des Della Valle qui, avec leurs mocassins Tod's et leur marque Hogan, on fait la démonstration de la vitalité des artisans sachant adopter des process industriels. Le maintien de l'industrie européenne sur nos territoires est à ce prix : un mariage intelligent entre le luxe et le prêt à porter, la créativité et l'innovation technique. Encore faut-il que ceux qui ont les moyens d'acheter intelligent cessent de le faire avec leurs pieds. La rationalité des choix de certains consommateurs me laisse pantois. Que tout ceux qui expriment leur peur, à juste titre parfois, fassent l'effort de revenir à des principes simples de l'économie ménagère.
Allez, pour en terminer avec mon prèche, je vous offre une petite couche vinique. Si nous ne nous décidons pas rapidement à opérer certains choix la délocalisation d'une part de notre production nous guette alors même que nous sommes en capacité de couvrir tout le spectre de la demande mondiale. Produire du luxe nous savons faire. Faire des petits vins aussi. Reste ce foutu coeur de gamme où nos conditions de production, encore assujetties à une conception de type AOC même pour nos vins de pays, ne nous permettent pas de générer une ressource permettant aux opérateurs de mettre sur le marché des vrais produits de marque, certes sans grand génie mais sans défaut. Nos grands ayatollahs du vin artisanal pourfendent cette approche. Ce faisant ils condamnent une grande part de notre vignoble et les viticulteurs qui vont avec. Le grand concert unanimiste face à la proposition définitive de la commissaire sur la réforme de l'OCM montre que nous allons encore nous tapir dans notre tranchée et ne pas mettre au défi les eurocrates de bâtir un avenir à la viticulture du Vieux Monde. Notre nouvelle Ministre de l'Agriculture n'a nul besoin qu'on lui trace une ligne qu'elle ne devrait pas dépasser. Il eut été plus positif de lui proposer un contre-projet offensif pour lui faciliter son entrée en négociation et lui permettre d'assurer à la viticulture, que l'on dit condamnée à la disparition, les chances d'un rebond. Et pourtant ce n'est ni le temps, ni les idées qui nous ont manqué depuis que le projet est sur la table à Bruxelles. Désolant...