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28 juillet 2007 6 28 /07 /juillet /2007 00:22

Ma revendication d'aller voir Sylvie à la morgue laissait Dornier sans voix, pour lui je vivais sur une autre planète que la sienne et ça le stupéfiait. Avant qu'il ne reprenne ses esprits Mousset ramassait les photos éparses et me prenait par les épaules : " Viens mon garçon, on y va..." Derrière son bar, face à notre repli, le patron esquissait un sourire plein d'espoir et se risquait à affirmer, d'une voix mal assurée, " l'addition est pour la maison. Merci de votre visite... " Dornier, faute de pouvoir s'opposer à notre coalition, lui tombait méchamment sur le rable : " toi, le bic, te fiches pas de notre gueule sinon je vais te foutre une inspection sanitaire au cul pour t'apprendre la politesse. Tu fais l'addition, mon collègue passera la régler un de ces quatre..." Décomposé, le limonadier, se lançait dans une séance d'à plat ventre pitoyable. Tout y passa les excuses dégoulinantes, les promesses non voilées d'une collaboration sans faille, les flatteries sirupeuses. Dornier se délectait " c'est comme ça que je les aime les melons, bien sucrés." Mousset qui me tirait vers la sortie s'immobilisa face au patron qui, en se tordant les mains, ponctuait ses interventions de courbettes grotesques : " te donne pas tant de peine, carpette, il te suffit pour plaire à monsieur de récurer tes gogues à la turque. Comme toutes les grosses fiottes, mademoiselle adore se faire empaffer par des petits gitons mais comme elle est très délicate la donzelle, il lui faut de l'hygiène pour sa rondelle..." A mon grand étonnement Dornier ne protestait pas, il passait la porte en roulant son gros cul. Le patron rasséréné nous tenait la porte, penaud. Il lançait à Mousset un " merci monsieur " chaleureux. Celui-ci haussait les épaules " tu vois mon garçon je n'aurais jamais pu être dans le commerce. C'est un métier de larbin."

Tassé dans le fond de la 403 je regardais les filles défiler sur les trottoirs. Avec l'irruption des mini-jupes elles exhibaient leurs cuisses au soleil neuf. Je me sentais vieux. Marie portait si bien la mini-jupe. Elle pouvait tout se permettre Marie. Le genou est l'ennemi de la mini-jupe. Les deux maigres qui couraient en sortant de la bouche du métro les avaient pointus ; la boulotte qui attendait son bus : cagneux ; Marie, elle, offraient au regard des genoux amandes, lisses et voluptueux. Ma barbe de trois jours me tirait la peau. Vieux ! Complaisant plutôt, elle ne raterait pas Marie si elle me voyait ainsi avachi. Je me ferais remettre d'équerre. " Tu passes trop de temps à la contemplation de toi mon petit Benoît. Cesse de te mettre en scène ! Laisse toi vivre tout simplement..." Aux prochains feux tricolores, ouvrir la porte. Descendre. Saluer Mousset. Dire à Dornier que, de ce pas, j'allais écrire ma lettre de démission sur la table du premier café venu. Oui mais il y avait Sylvie dans son tiroir métallique. Je ne pouvais fuir si vite. Assumer. Et après ? Après il n'y aurait toujours pas Marie. Comme l'autre détraqué de Brejoux, enfermé dans la prison sans barreaux que je m'étais construit, je ne voulais pas sortir. L'air libre me paniquait. La peau de Marie me manquait. La toucher. Qu'elle me touche. M'ébranle. Je croisais le regard bleu de ciel de Mousset dans le rétroviseur. Petit à petit les effets du Calvados me précipitaient dans des assoupissements ponctués de réveils brutaux.     

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27 juillet 2007 5 27 /07 /juillet /2007 00:27

J'ai découvert Anna Mouglalis, dans le film de Chabrol " Merci pour le chocolat". Comme lui - il l'a confié à la presse - je suis troublé. Des yeux immenses, mystérieux, un rien orientaux, une bouche magnifiquement dessinée, pulpeuse, raffinée. Elle bouge avec une grâce fluide, sa voix est sophistiquée, grave et mûre, elle prend bien la lumière. Beauté moderne, distante et proche à la fois, c'est une Carole Bouquet, sans la froideur des trop belles pour moi. Transgressive soft cette nantaise qui se balade en jeans sur sa vieille mobylette dans les rues de Paris pour aller boire des bières dans un bouiboui avec ses amis en écoutant Jimmy Clift. Bref, c'est la ruée des médias : sus à la nouvelle femme fatale ! Et puis, le pire lui arrive : Karl Largerfeld qui voit en elle " la voix de Jeanne Moreau, la force d'Anna Magnani, la présence d'Ava Gardner..." Rien que ça, n'en jetez plus.

Chanel donc ! Anna Mouglalis en 2002 est choisie, après Inès de la Fressange et Carole Bouquet, pour représenter l'image de la maison. Le communiqué de presse est dithyrambique " Ce mélange de chic suprême et de décontraction, de masculin et de féminin, de raffinement et de simplicité, cette façon bien à elle de jouer avec les conventions en font naturellement une femme digne de Chanel. Comme une petite soeur de Mademoiselle, qui donnait sa propre définition de l'élégance : pour être irremplaçable, il faut être différente" Fort bien, tout ça et bel beau mais il semble que mon Anna n'a pas confirmé ses prémices prometteurs. La petite soeur de Mademoiselle, sans être rangée au rang des accessoires inutiles, se place en retrait. Son image n'est peut-être plus aussi vendeuse. Ainsi va la vie des apprenties stars : un jour en pleine lumière, le lendemain dans l'ombre et pourtant la belle Anna Mouglalis reste éperdue de beauté brute...

Ceux d'entre vous qui dans un accès de folie souhaiteraient séduire l'inaccessible Anna, je leur conseille d'aller l'attendre à la sortie d'un tournage dans une Juva 4 bleu postal et de lui payer un coup de Muscadet dans un verre Duralex...

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26 juillet 2007 4 26 /07 /juillet /2007 00:35

Cette chronique se place dans la veine de celles que j'ai consacré aux objets cultes. Elle s'étalera sur deux jours (la prochaine le 31/07)et, pour tenter de dessiner le personnage friant de l'accoutrement complet que je vais m'efforcer de mettre en scène, un garçon connu de nous tous, une figure, un icône occitan, une seule image m'est venue à l'esprit : celle de Dennis Hooper dans Easy Rider. Plus que Peter Fonda, Hooper, alias Billy, colle très bien à l'image qu'a toujours voulu se donner l'homme qui parlait si bien juché sur le tonneau.

Nous allons commencer par le bas : les santiags. Ronald Reagan, qui avait fait lui aussi l'acteur avant de présider aux destinées des USA, en possédait une trentaine de paires. Elles ont chaussé les pionniers anonymes des origines du Texas, au siècle dernier, tout autant que le légendaire Buffalo Bill, ou les Gary Cooper, John Whayne et Eastwood, au même titre que les champions de rodéo ou les camionneurs solitaires de la transaméricaine. Aujourd'hui c'est la Rolls de la chaussure. Le petit Bush a même essayé, lors d'un G8, d'en fourguer à notre grand Jacques qui préfère le moccassin sur chaussette transparente. Les meilleurs bottiers spécialisés américains offrent le choix entre 9 coupes de talons, 6 formes de pointes, 4 découpes de tiges, 6 modèles de surpiqures et 8 tailles dans la largeur, dans une variété de peau et de coloris extraordinaire.

A l'origine, ne l'oublions pas, les santiags étaient des objets fonctionnels. Elles étaient faites pour des gugus qui se tapaient le cul sur une selle de cheval toute la sainte journée en gardant des vaches : des cow-boys quoi. Elles se glissaient impec sous le jeans, le Levi's. Si elles sont effilées c'est pour faciliter leur entrée dans les étriers. Leurs longues tiges doivent protéger la jambe des frottement des étrivières. Quant aux talons taillés en biseau et aux renforts de semelle en acier, ils permettent de mieux s'enfoncer dans le sol quand on doit résister à la force d'une bête prise au lasso. Je vois votre oeil s'illuminer : sur l'asphalte des trottoirs des villes pour la manif y'a rien de mieux mon Jeannot ! La mythologie, surtout la sienne, ça se cultive avec le même soin qu'un bonzaï. J'en resterai là pour aujourd'hui et, pour ne pas rompre avec la tradition qui veut que je vous offre avec ma chronique un petit verre, aujourd'hui je vous propose : un vin des Côtes de Thongue... www.cotes-de-thongue.com

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25 juillet 2007 3 25 /07 /juillet /2007 00:03

Cette chronique reprend des extraits d'un papier de Yann Moix dans Voici ( j'ai déchiré la page dans la salle d'attente de mon dentiste, pardon Christian d'avoir privé tes patients d'une lecture roborative...)

" A l'âge où Einstein développait sa théorie de la relativité restreinte, où Stendhal terminait le Rouge et le Noir et où Mozart agonisait, Benjamin annonce, lui, fièrement, que dans le prochain Loft, il y aura "sûrement" une piscine. C'est une des vertus du castaldisme ça : l'adolescence infiniment prolongée [...]

Le "benjamin", dans une famille, est traditionnellement le plus jeune. C'est un très bon départ pour être aussi plus immature. Les historiettes avec Flavie, les gamineries lofteuses, cher Benjamin (et pour reprendre un vocable d'incontinence orgasmique adolescente) : on s'en branle. Les fiches préparées, façon ENA, pour annoncer qu'une pétasse blonde va se faire féconder dans le chlore d'une piscine, l'oreillette branchée, façon NASA, pour prévenir qu'un blondinet beauf en rut va sortir du Loft si on compose le "36 quelque chose", toute cette gravité factice posée sur du néant, cette morgue scolaire greffée sur du perlimpinpin vulgos, je te le dis, ô Benjamin : ça fout le cafard.

Car il faut bien que quelqu'un écrive ce qui suit : la télé ce n'est rien. Et les animateurs télé, ça ne peut animer que du rien. Faire bouger du rien, donner vie à du rien, donner de l'importance à du rien, ce n'est pas à la portée de tout le monde : il faut être spécialiste du rien. Un docteur du vide. Un diplomé du creux. Je connais des gens qui, avec un rien, parviennent à faire un tas de choses. Benjamin, lui, avec un tas de rien, parvient à une seule chose : cette seule chose s'appelle sa "carrière". La poule qui pond son oeuf prétend-elle faire une "carrière" de poule ? Non. "

Yann Moix

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24 juillet 2007 2 24 /07 /juillet /2007 00:29

Un jour dans une chronique j'ai confondu Jules Roy avec Claude Roy, afin de me faire pardonner de l'auteur de la série Les Chevaux du Soleil, dont j'ai tant aimé le tome III : Les Cerises d'Icherridène je vous offre un extrait d'un de ses petits bijoux : La Mort de Mao écrit en 1969 à Vézelay et publié chez Christian Bourgois. Bien sûr je dédie ce texte à mon ami le guide du Pous, grand timonier des années de braises soixante-huitardes.

Je l'avais appelé Mao parce que je revenais de Chine. Je voulais qu'il règne sur moi comme le grand empereur de la nouvelle dynastie sur son peuple. Certains virent là un signe de mépris pour le vainqueur de la Longue Marche. Pour cela, il aurait fallu donner son nom à un porc ou à un veau. Mon dernier chien s'appelait César comme celui de la ferme de mes grands-parents dans la Mitidja. Ainsi à nous deux portions-nous le nom du général qui conquit la Gaule et la soumit à Rome. Dans l'idée que, ce Mao-là, du moins, je pouvais l'aimer, et qu'il m'obéissait, j'avoue qu'on pourrait discerner quelque secrète démarche ou fourberie : sans penser à ramener, symboliquement, la Chine au servage de l'Occident, j'admets que se nichait là une innocente ironie, mais quoi, j'aurais aussi bien appelé mon chien Charlie pour me gausser espièglement de notre roi, si grand, si fier et si puissant. Après tout, quand on donne aux chiens le nom d'un homme, c'est que cet homme est illustre, et l'hommage ainsi décerné flatteur pour un monarque, qu'il soit roi de France ou empereur de Chine. Et puis Mao peut s'écrire comme un vieux nom français. Un gendarme de Vézelay s'appelle Mahaut, et il eut assez d'humour pour ne pas se vexer quand il a su que mon chien portait le même nom que lui. Chaque fois que nous allions chez le menuisier, c'était des Mao par-ci et des Mao par-là. La gendarmerie est au-dessus, et le fils du gendarme Mahaut un familier de l'artisan, qui tient bistrot.
Ne devrais-je pas employer l'imparfait de l'indicatif ? A présent, la gendarmerie a été bâtie hors des murs de la ville, le menuisier s'en est allé, le bistrot a changé de propriétaire. Serais-je en vie quand ces pages paraîtront ?

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23 juillet 2007 1 23 /07 /juillet /2007 00:05

Ce plat doit tout à la moule de bouchot. Dans mon pays, la conchyliculture occupe les deux baies, celle du nord : Bouin qui fait face à Noirmoutier, et celle du sud : l'Aiguillon qui surplombe l'île de Ré. La méthode d'élevage dite " sur bouchot " serait due à un voyageur irlandais, Patrice Walton, qui ayant fait naufrage en 1235 dans l'anse de l'Aiguillon, ne quitta plus le pays. Pour capturer certains oiseaux, Patrice Walton tendait des filets "d'allouret" entre de hauts piquets de bois plantés en mer. Ces piquets se couvrirent de moules qui profitaient remarquablement. L'irlandais multiplia ces piquets, les rapprocha et les réunit par des clayonnages. Dans sa langue, il appelait ces barrières curieuses des "bout choat". Le bouchot était né, et avec lui le métier de boucholeur.


Pour ma recette, deux options : l'artisanale pour les puristes, l'industrielle pour les pressés. En effet, avec la moule de bouchot le problème c'est le nettoyage. De part son élevage en grappes, elle est barbue. Elle nécessite donc une préparation longue et attentionnée. Les moules toutes prêtes en bocaux sont plus pratiques mais du côté fumet et saveur c'est morne plaine.


Ingrédients pour 6 personnes :

   - 2 litres de moules de bouchot
   - 1 paquet de 500 g de Coudes Rayés Panzani
   - des tomates cerises
   - du persil plat
   - oignons
   - piment d'espelette et piment de Cayenne
   - gros sel et poivre
   - vinaigre de cidre et huile d'olive.
 

 

Préparation :

- après avoir nettoyé les moules, dans un grand faitout couper les oignons en tranches grossières, mettre des branches de persil plat puis les moules. Couvrir. A feu vif faire ouvrir les moules. Quand elles sont ouvertes retirer les moules pour qu'elles refroidissent, et réserver le jus de cuisson que vous filtrerez.

   - dans une grande casserole faite bouillir de l'eau salée (gros sel de mer) puis jeter y la quantité de coudes rayés que vous souhaitez en fonction de l'appétit de vos convives. Les coudes doivent être cuit al dente 9 mn.

   - débarasser les moules de leurs coquilles.

   - dans un grand saladier verser un peu du jus de cuisson des moules, puis une cuillerée de vinaigre, puis en fonction de votre goût pour l'huile 2 à 3 cuillerées.

   - ajouter à cette préparation les moules, les tomates cerises, poivrez, ajoutez les piments d'Espelette et de Cayenne suivant vos goûts de l'épicé.

   - lorsque les coudes rayés sont égouttés les refroidir vivement sous le robinet. Les sécher dans un linge. Les verser dans la préparation.

   - brassez l'ensemble, rajouter poivre et piments.

   - coupez du persil plat sur le mélange.

   - mettre au frais.

 

 

 

 

Pour le vin sans aucune hésitation du Brem des Fiefs Vendéens de chez Thierry Michon www.domaine-saint-nicolas.com La cuvée Maria 2002

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22 juillet 2007 7 22 /07 /juillet /2007 00:01

le 12 mai 1969

 

Mon cher Mousset,

 

Ca fait un bail que je ne t'ai vu. Ce qui m'amène à t'écrire aujourd'hui, je l'avoue, est un peu particulier, mais, puisque tu te trouves, si je peux me permettre d'écrire ça, placé au bon endroit au bon moment que je t'adresse cette lettre. Quand tu la recevras je serai mort et, sans doute, en seras-tu déjà informé. Peu importe, je ne vais pas m'emberlificoter dans des explications. Ce dont je suis sûr c'est que, quand tu sauras, je pense que tu auras du mal à comprendre mon geste. L'affaire, mon affaire, sera de la compétence de ta circonscription. L'ironie du sort voudra peut-être qu'elle tombe sur toi. L'important c'est que tu saches pourquoi j'ai fait ce que je vais faire dans quelques heures. Ma décision est prise. Je ne peux reculer. En t'écrivant cela je ne te demande pas de comprendre mon geste, ni même de l'excuser. Mon seul but est de faire en sorte que Benoît ne soit pas inquiété. Foutez-lui la paix. C'est ma seule et unique exigence.

Venons-en aux faits comme on dit dans notre grande maison. Sitôt cette lettre postée je vais me rendre chez Sylvie Brejoux, mon épouse légitime, et je vais la tuer. Je pourrais le faire proprement mais je vais le faire salement. Pourquoi ? Pour rien. Si, pour en finir avec une obsession qui me bouffe la tête. Ce que je vais faire n'a pas de nom mais je vais le faire, froidement, sans haine. Sylvie va payer le prix de ma lâcheté. Depuis qu'elle est née c'est mon fardeau. Un fardeau que j'aime. Que j'aime comme un fou furieux. Sylvie me mine et me corrompt. Elle est ma fille. je suis son père biologique et son mari devant le maire. A chaque fois que je lui ai fait l'amour je perpétrais un inceste. J'y ai pris un plaisir vénéneux. Un plaisir dont je suis aujourd'hui privé. Je ne peux, ni ne veut l'admettre. Si au moins, comme au temps où je possédais la mère et la fille, je pouvais espérer avoir encore une emprise sur Sylvie, j'attendrais. J'espérerais. Mais je n'ai rien à espérer. Sylvie doit disparaître. Je dois effacer la tache originelle.

Mon orgueil m'a poussé à vouloir qu'elle m'aime. Un vieux jouant les amoureux transis c'est ridicule. J'ai été ridicule mais elle était là, à moi, toute à moi. Lorsque je l'ai senti s'éloigner, l'ai vu penser qu'à partir, Benoît est arrivé. Je l'ai joué comme mon va-tout. Avec lui Sylvie serait en de bonnes mains et, un jour, je m'en expliquerais avec lui. Il me comprendrait. Me permettrait de venir partager le lit de Sylvie. Je l'ai écrit à Sylvie. Sa réponse a été cinglante. Je te tuerai avant que tu puisses le faire. J'aime Benoît. Je n'aime et n'ai aimé que lui. Tu es un vieux salaud. Lui ne m'aime pas mais il me respecte. Tout était plié. J'aurais du me suicider mais je n'en ai pas eu le courage. La faire mourir me le donnera et, sois certain que je ne me raterai pas.

Il faut que j'en termine. Mon geste est celui d'un dément parfaitement sain d'esprit. Je ne peux supporter que Sylvie me survive. Je vais la supplicier pour la punir. Elle n'aurait jamais du exister. Je lui ai donné la vie par hasard. Je la lui retire en pleine conscience.

Voilà, cher Mousset, ce que je voulais te confier. Acquitte-toi au mieux de la mission dont je te charge. Qu'on brûle mon corps et qu'on jette mes cendres à la décharge publique. Je ne demande pardon à personne, sauf à Benoît qui est un chic type.

Brejoux

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21 juillet 2007 6 21 /07 /juillet /2007 00:36

La révélation de Mousset me tirait de ma torpeur éthylique. Dans la confusion de mes pensées une lueur d'espoir clignotait. Je commandais un Perrier pour rincer ma bouche empâtée. Dornier, furax, tripotait nerveusement ses boutons de manchette et, lorsque Mousset me tendit la lettre en me disant : " si tu veux la lire..." il s'interposa avec véhémence.
    - C'est une pièce à conviction. Elle doit être versée au dossier. Ce salopard n'a pas à en prendre connaissance...
      - Tu me gonfles Dornier. Cesse de jouer les chefs ! Primo, tu n'as pas à me donner d'ordres ; secundo, arrête de te référer à un dossier puisqu'aucune instruction n'est ouverte. Nous enquêtons sur les circonstances de la mort de deux quidams point c'est tout.
       - Il n'empêche que ce trou du cul n'a pas à lire cette lettre...
       - Et pourquoi ?
       - Parce qu'il est l'un de nos suspects...
       - Tu délires Bib. C'est n'importe quoi. Dans cette affaire il n'y a aucun suspect mais rien que tes petites salades pour mouiller notre collègue. Compte sur moi pour te mettre des bâtons dans les roues.
       - Le commissaire appréciera.
     - Voilà, c'est dit, grosse larve. Fais ton sale boulot mais ne le badigeonne pas aux couleurs d'une procédure régulière. Si tu continues je saisis le Proc...
       - Tu saisis le Procureur... J'aurai tout entendu de toi. T'es barjot Mousset. Crois-moi, ça vient de très haut les ordres. Ce petit con intéresse les grossiums de la place Beauvau.
        - Et alors, que veux-tu que ça me foute ? Moi je fais le boulot pour lequel on me paye. Je ne joue pas dans le marigot des politiques. Je laisse ce soin aux fouilles-merdes dans ton genre.
         - Garde tes appréciations pour toi. Donne-moi cette lettre !
         -
 Violation du secret de la correspondance privée, tu es chocolat Dornier ce courrier, si je le veux, tu en ignores jusqu'à l'existence alors fous-moi la paix. Tiens mon garçon, lis-là...

Dornier, hors de lui, me regardait déplier le feuillet plié en quatre. L'écriture soignée et régulière donnait un sentiment d'application. Brejoux avait écrit à la plume en utilisant de l'encre bleue. Je prenais une forte inspiration et lisais à haute voix. D'une voix sourde mais audible qui plongeait plus encore les vieux dans une forme de panique muette. Dans un mouvement non concerté, un à un d'abord, puis par paquets ils quittaient le rade enfumé tels des parias frappés d'une nouvelle malédiction. Le patron tétanisé essuyait ses verres sans grande conviction. Dornier frisait l'apoplexie. Au fur et à mesure que je lisais la lettre de Brejoux dans cette salle maintenant vide je ne me supportais plus. Qu'est-ce que je foutais ici ? Mon inertie indifférente, posture d'orgueil, débouchait sur le vide. Je bafouillais. Ma vue se brouillait. Je n'étais qu'un pauvre gosse paumé. Mousset craquait sa éième allumette. Je lui tendais le feuillet que je venais de replier avec soin. " Je veux voir Sylvie. Emmenez-moi à l'Institut Médico-légal. Il faut que je m'occupe d'elle. Je lui dois bien ça ..."  

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20 juillet 2007 5 20 /07 /juillet /2007 00:14

Ceux qui me lisent le savent, j'aime Jacques Dutronc. En 1966, il écrit et interprète : Mini, Mini, Mini. La première jupe rase-pets est apparue dans le quartier de Chelsea dans la boutique Bazaar sur King's Road et est l'oeuvre d'une jeune styliste autodidacte : Marie Quant. La mini-jupe va déferler sur le monde : 200 000 pièces vendues en 1966 pour la France. Coco Chanel la trouve "ridicule". Le Ministre de l'Education Nationale, Christian Fouchet, la juge déplacée "dans les lycées " ; en Pologne le Parti dit "oui" ; en Hollande le Parlement vote "non".

 

Plus qu'une jupe raccourcie, la mini-jupe est le symbole de la contestation exit les bas et les porte-jarretelles, vive les collants. C'est aussi paradoxalement, l'expression des premiers effets de l'opulence : provocation de la perfide Albion pourtant reine des filatures. Les baby-boomeuses s'affichent, s'exhibent diront certains, montre leurs cuisses et leurs petites culottes. Le top-model Twiggy personnifie cette époque et défile pour Marie Quant. Corps d'adolescente à la silhouette filiforme, la raie sur le côté à la garçonne personnifie le début des Swinging Sixties qui s'exprime dans les rues aussi bien dans la musique ou la peinture que dans les tenues vestimentaires. Londres avec sa City guindée fait exploser les lignes, devient la capitale de la création.


 

 

 

 

A l'instar des Beatles, Elizabeth II élève Mary Quant au rang d'officier de l'Empire britannique. André Courrèges se fait un nom en créant une mode ultra-courte taillée et structurée comme une architecture. " Ce n'est pas un raccourcissement mais une construction parfaite. " écrira Roland Barthes dans Marie-Claire en 1969. Le préfet Gandouin, doublement célèbre pour être à la fois l'auteur reconnu d'un guide du protocole et des usages et s'être fait débarquer par son Ministre de l'Intérieur, alors qu'il était préfet de la Sarthe, pour propos orduriers à l'endroit d'un preneur d'otages, donne du discours une définition savoureuse " Un discours doit ête comme une mini-jupe, suffisamment long pour couvrir le sujet, mais suffisamment court pour retenir l'attention". Tout ça pour dire, et l'écrire, que ceux qui réécrivent l'histoire des années 60, à l'aune d'une nouvelle pudibonderie, en prêchant pour un retour à l'ordre moral, couvrant au passage les baby boomers d'opprobe, me gonflent.


Comme je fais parti du Parti d'en boire je vous conseille pour accompagner cette chronique rase-pets de vous ouvrir, en souvenir du préfet Gandouin, préfet de la Sarthe, arroseur arrosé, un petit coup de Jasnières du domaine de la Bellivière.  http://www.belliviere.com/  et que sa minéralité superbe vous inspire...

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19 juillet 2007 4 19 /07 /juillet /2007 00:03

La scène se passe, autour d'une table en bois, dans une cuisine des années 60 meublée de placards en formica. Lino a tombé la veste, Blier, Blanche et Lefèvre sont en costards cravate. Relégués là par les djeuns qui dansent le twiwt dans le reste de l'appartement nos 4 tontons flingueurs se tartinent du pâté. Pour faire couler la miette ils s'avisent de s'envoyer un verre mais, comme le "tout-venant", champagne, whisky, a été "piraté par les mômes", ils doivent se rabattre sur le "bizarre", une eau-de-feu de contrebande planquée sous l'évier. Blier ose une gorgée "Faut reconnaître... c'est brutal !" concède-t-il. Ventura fanfaronne "J'ai connu une Polonaise qu'en buvait au petit déjeuner !" avant de concéder la gorge en brasier : "Faut quand même admettre que c'est plutôt une boisson d'homme !" Lefèvre, plus minable que jamais, risque un commentaire de dégustateur, la larme à l'oeil : "J'y trouve un goût de pomme." Francis Blanche patelin confirme : "Y'en a !" Enhardi par cet appui Lefèvre suggère qu'en plus y'aurait aussi de la "betterave".


 

Film culte que ces Tontons Flingueurs de Georges Lautner qui passe régulièrement à des horaires raisonnables sur les chaînes généralistes. Il roule vers la cinquantaine (44 ans) frais et gaillard comme du vin nouveau. Sur la toile, des internautes qui n'ont pas fréquenté Lulu la Nantaise et Suzanne Beau Sourire lui dédient des sites. Des accros connaissent les dialogues d'Audiard par coeur et, au café, il s'en trouve toujours un, à l'heure du pousse-café, pour jurer que oui, il a "connu une polonaise". C'est un rien machiste. Les vérités s'y débitent comme des évidences : "Les cons, ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît !" affirme l'imperturbable Lino. Alors, pourquoi diable ce film, au budget serré, traverse-t-il le temps sans prendre une ride ? Comme la recette du succès n'existe pas je vais risquer une explication : nos quatre larrons, si différents, ont pris du plaisir en tournant le film. Les 4 sont des pros, sérieux, mais ce sont aussi, chacun à leur manière, de bons vivants. Lino adorait cuisiner "Quand le menu ne lui convenait pas, il apportait sa gamelle, à la manière d'un ouvrier de la Fiat !"


 

Manier la démesure, la déconnade est un art, y ajouter un comique de répétition comme les "châtaignes" que prend Blier, alias Raoul Volfoni, à trois reprises dans sa péniche-tripot, relève du génie. Rappelez-vous : on frappe à la porte... Volfoni ouvre... Ventura cogne. Volfoni s'écroule... Musique ! Au troisième bourre-pif, Blier a cette tirade, un sommet Audiardien : "Non mais, t'as déjà vu ça ? En pleine paix, il chante et puis clac, un bourre-pif ! Mais il est complètement fou ce mec ! Mais moi, les dingues, j'les soigne ! J'vais lui faire une ordonnance et une sévère ! J'vais lui montrer qui c'est Raoul ! Aux quatre coins de Paris, qu'on va l'retrouver, éparpillé par petits bouts, façon puzzle ! Moi, quand on m'en fait trop, j'correctionne plus : j'dynamite, d'disperse, j'ventile !" Reste la grande question : "que contenaient les grosses flasques achetées chez un épicier des environs et faussement étiquetées " The Three Kings, scotch whisky" ? Du thé, comme d'ordinaire sur les tournages ?  Jean Lefèvre vend la mèche " A mon avis, ça devait être du genièvre. Vous savez, je suis du Nord, et le genièvre, c'est ce qu'on donnait aux mineurs avant de descendre dans les puits. Croyez-moi, ça vous tortille les boyaux ! "


Conclusion : pour tourner des scènes cultes, tournez bourrés !

 

 
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