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25 août 2007 6 25 /08 /août /2007 00:02

Le bateau accosta en début d'après-midi. Anselme Turbé, le vieux, père entre autres, du rousineur et du cornard, m'attendait au pied de la passerelle. Court sur pattes, râblé, le cheveu blanc en brosse, l'oeil bleu, le toujours vert patron de la " Belle Héloïse" me présentait une main dont je connaissais la fermeté. Qu'il fusse là, droit comme un i minuscule, constituait, sur l'échelle du protocole non écrit de l'Île, l'équivalent de l'accueil par le Président de la République d'un chef d'Etat sur le tarmac d'Orly - en ce tempslà Roissy n'était encore qu'un morne champ de betteraves - donc un évènement rare. Sans même solliciter mon avis il m'embarquait dans son Ami 6 pour me conduire jusqu'à l'hôtel des voyageurs tout proche puisqu'il donnait sur le port de pêche. J'étais tellement éturbollé, comme on dit chez moi, que je trouvais naturel qu'une chambre m'y fut réservé. D'ailleurs, tout ce déploiement d'attentions, sur ce confeti où d'ordinaire le non-ilien fait l'objet d'un ostracisme ostensible, glissait sur moi comme un filet d'eau tiède. Le vieux Turbé, qui devait lire dans le vide de mes pensées, m'assurait : " que sur le port jamais il n'y avait de doute. On savait que t'étais un gars fidèle. On était sûr que tu reviendrais la voir..." Sans prendre la peine de lui répondre je hissais ma carcasse moulue jusqu'à l'étage. Ce qui m'arrivait me dépassait et je ne pensais qu'à dormir.

On frappait à ma porte, des petits coups secs. Tiré de mon sommeil plombé je grommelais un oui pâteux en me relevant sur mon céans. Au travers de la brume de mon éveil je distiguais, dans l'encadrement de la porte, la silhouette d'un monsieur d'un autre temps. Avec sa canne et son chapeau, son pantalon rayé et son veston noir lustré, le père de Jean me souriait. Confus, de mes vêtements froissés, de ma barbe de trois jours et de ma saleté, je bredouillais des phrases confuses pleines d'excuses et du plaisir que j'avais de le voir. Le bon docteur de l'ïle - je n'ai plus souvenir de vous avoir narré dans mes écrits confus que, le père de Jean, exerçait avant sa retraite, rue Guisthau, à Port-Joinville et, qu'aux beaux jours, il revenait sur son île - sans se soucier de mon trouble, allait se poser sur la seule chaise de la chambre. Il posait sa canne et son chapeau sur la petite table de bois blanc qui complétait le mobilier sommaire. Toujours souriant, il s'inquiétait de ma santé. Ma réponse peu convainquante m'attirait une réponse paternelle : " vous devriez rester sur l'île quelques jours pour vous requinquer..." Mon silence le convainquait qu'il s'adressait à un mur. Le brave homme changeait de terrain : " Turbé m'a prévenu de votre arrivée. Je me permets de vous rendre visite car ce soir je ne pourrai être des vôtre. A mon âge, on se couche tôt. Jean arrivera par le bateau du soir. Nous désespérions de vous revoir cher Benoît..." Ce nous, cette coalition compassionnelle commençait à m'irriter. Je n'en laissais rien paraître. Douché, rasé et changé, je descendais avec le bon docteur prendre une menthe à l'eau en terrasse. La conversion roulait sur les petits riens de la vie. Elle m'apaisait. J'acceptais de me laisser gagner par la chaleur de ce petit monde ilien.  

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24 août 2007 5 24 /08 /août /2007 01:08

La loubine fait partie intégrante de ma jeunesse : les adeptes de la pêche à la ligne, en mer, la plaçait tout en haut de leur hit-parade des prises et, les braconniers - d'où le titre étrange de ma rubrique, titre d'un livre de jeunesse -, ceux qui la nuit allaient senner au Marais Girard, se vantaient d'en ramener de pleins sacs de jute... Normal, la loubine est un petit bar et le bar, le loup en Méditerranée, est l'un des poissons les plus appréciés des amateurs. A la maison nous n'en mangions que très rarement, sauf lorsque mon frère Alain se laissait entraîner par la bande de malandrins pour tirer nuitamment la senne (ou seine, filet disposé en nappe et formant un demi-cercle, en l'occurence tirés à main d'homme qui s'immergeait jusqu'au cou dans l'océan à partir de la grève). Alors, nous les mangions fricassées au beurre salé. Par, je ne sais quel décret interne, chez nous, seule la sardine avait droit, et à la fricassée si elle était petite, et à la grillade si elle était grosse. Ce matin, en hommage à ce poisson mythique, je vous propose une recette de mon cru : des loubines fricassées à l'unilatéral&galettes de pomme de terre à la cannelle.
bar-fiche.gifBar4.jpg

Acheter chez votre poissonnier des petits bars de ligne de pêche locale. Faites-lui lever des filets avec la peau non écaillée.
Acheter chez votre marchand de quatre saisons des grosses Bintge.
Acheter chez votre fermière des oeufs frais et du beurre salé et chez votre épicier de la farine de froment et des batons de cannelle. 
Vous pouvez aussi aller chez les gros épiciers kifontoci lé poissonniers, avec votre carte de fidélité, remplir votre grand panier, payer en trois fois sans fré...

Faire cuire les pommes de terre dans leur peau.
Peler-les puis passer-les au moulin type Moulinex d'origine ou écrasez-les à la fourchette.
Incorporer délicatement un ou plusieurs jaunes d'oeufs. Réserver les blancs.  

Avec une spatule en bois incorporer, en se gardant de pétrir, de la farine jusqu'au moment où l'on peut se saisir de la pâte de pomme de terre sans qu'elle adhère aux mains.
Salez, poivrer et incorporer la canelle rapée.

Former alors des galettes, ni trop fines, ni trop épaisses et déposez-les sur un plat.

Au dernier moment, juste avant de servir, faites grésiller du beurre salé dans une grande poëlle. Déposez alors les filets de loubines face avec peau sur le fond de la poëlle. Feu doux pendant 5 à 6 minutes.

Dans une autre poëlle, toujours au beurre salé, faites dorer les galettes que vous aurez préalablement trempées dans le blanc d'oeuf légèrement battu à la fourchette.

Servez l'ensemble dans un grand plat, genre faïence de Marseille, avec d'un côté les galettes et de l'autre les filets de loubines. Vous pouvez proposer, à part, à vos invités : du persil, de la ciboulette hachés et, pourquoi pas, des quartiers de citron. Bon appétit.

Pour le nectar, traversons la France d'Ouest en Est, cap sur l'ami Marcel Deiss http://www.marceldeiss.com/ 

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23 août 2007 4 23 /08 /août /2007 00:02

Cette chronique expose l'analyse d'une politologue américaine du MIT, Suzanne Berger, dont j'ai extrait des arguments dans la conférence annuelle qu'elle a délivrée devant l'Ecole doctorale de sciences politiques, à Paris, le 29 janvier 2007 (avant le dénouement de l'échéance présidentielle, c'est important). Le titre de ma chronique est celui donné dans le journal Le Monde par l'auteur. L'acuité d'un regard extérieur sur la situation réelle ou phantasmée de notre pays me semble intéressant pour mieux identifier notre potentiel (que l'auteur qualifie de fort) et les ressorts pour sortir de cette crise larvée.

 

Bien évidemment, je pense que cette analyse colle bien à la situation qui prévaut depuis quelques années dans le secteur du vin. Notre potentiel est immense, nous avions sur la table l'ensemble des éléments pour faire des choix clairs et porteur d'une nouvelle dynamique et nous nous sommes rétractés sur nos oppositions traditionnelles pour mieux nous ressouder dans un front commun anti-réforme de l'OCM vin, donnant ainsi à la Commissaire et à ses services l'occasion de démanteler, sans contreparties, l'ensemble du dispositif (voir ma chronique : madame la Commissaire du 8 août) Le non choix est une forme de choix par omission : on s'en remet en fait à d'autres pour les faire à notre place, quite à pousser des cris d'orfraies face aux conséquences de ces choix. Si vous êtes sortis de la torpeur de vos vacances vous pouvez utiliser Vin&Cie, qui est un espace de liberté, pour exposer vos idées, arguments ou vos questions.


" J'ai découvert la France en 1957. C'était un pays figé socialement et politiquement. A la question " Les gens comme vous peuvent-ils avoir une influence sur les destinées de la France ou au contraire avez-vous le sentiment d'être entièrement à la merci des évènements ? ", 60% des personnes interrogées répondaient : aucune influence. Cela sentait si fort la fin de régime que même un étranger pouvait s'en rendre compte. Je suis frappée par les similitudes entre l'atmosphère politique d'alors et celle de la France d'aujourd'hui {...}


" Nous avons tendance à privilégier les forces qui reproduisent le statu quo. Comme nous sommes obsédés par la stabilité, nous pensons que seuls de violents chocs extérieurs peuvent changer le système. Le problème est que nos critères ne nous permettent pas de comprendre que l'équilibre social est une donnée temporaire et potentiellement fragile, qui repose sur un compromis entre des acteurs concurrents et les presions qu'ils reçoivent. ll devient difficile d'identifier dans les tensions en présence la faille qui pourrait dégénérer en rupture {...}


" Ce que je soutiens, c'est que la société française d'aujourd'hui n'est pas un système unitaire totalement encadré, mais un monde de pressions contradictoires, de tensions, de forces et de faiblesses, d'attentes concurrentes, de désir de statu quo chez les personnes qui aspirent par ailleurs au changement. C'est une situation de conflit qui traverse les groupes et exige de chacun qu'il choisisse entre des idées complexes de générosité et d'égoïsme, le désir de changement et la peur d'en souffrir, la loyauté et l'engagement, le cynisme et la désertion {...}


" Prenons par exemple, le rapport entre innovation industrielle, science et éducation. Il suffit d'imaginer ce que la France aurait à gagner en accueillant mieux les étrangers qui souhaitent y enseigner * ou y créer des entreprises. En mentionnant les universités, je pense bien sûr à celle d'où je viens, le MIT. Sa capacité à maintenir et à renouveler ses forces reflète sa forte dotation en professeurs internationaux de haut niveau : à peu près un tiers des professeurs du MIT sont nés en dehors des Etats-Unis {...}


" Selon moi, la France d'aujourd'hui est une société dotée de la plupart des ressources - matérielles, psychologiques, intellectuelles, morales - nécessaires pour lui permettre de résoudre par elle-même ses problèmes les plus graves. Les Français se doutent bien que l'impasse actuelle ne peut pas durer. Selon moi, ils sont partagés entre les désirs de changement et les désirs de sécurité, face à un nouveau monde, lointain, qui ne figure pas sur leurs cartes anciennes {...} "

* dans une prochaine chronique je vous narrerai mon expérience de professeur-associé à mi-temps de l'Université pour une durée de 3 ans. Le corps professoral en place n'aime pas ce type de concurrence d'éléments extérieurs à la communauté scientifique statutaire... 

   

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22 août 2007 3 22 /08 /août /2007 00:02

 

Nous rentrons de Balagne via la route de Carghèse, passé Sagone dans la descente vers le pont de la Liamone : un bouchon. Serais-ce une opération de promotion pour les vins corses dont l'affiche proclame : " que nous allons aimer les bouchons..." ? Je plaisante, bien sûr. Un accident, alors ? Possible, eu égard à la propension locale à doubler en tout lieu sans visibilité. Bizarre, ici c'est une ligne droite. Nous attendons sous le cagnard et puis, après quelques minutes de sur-place, nous progressons au pas. Tout au bas de la descente, deux 4x4, type pick-up texan, forment un barrage filtrant. Un jeune homme souriant, genre étudiant en vacances, s'avance vers nous et nous expose, gentiment et avec conviction, les raisons de cette action pacifique : l'expulsion d'une famille de paysans de ses terres et de sa maison par un spéculateur. Nous l'écoutons. Opinons, surtout ma compagne très portée sur la défense de la veuve et de l'orphelin. Réceptionnons un petit tract en français et l'un des gros bras appuyé à l'un des pick-up nous fait signe de passer dans la chicane. Je ne peux m'empêcher de me souvenir du temps où je les retrouvais, face à moi, à la Préfecture, le palais Lantivy, pour me faire traiter de représentant de l'Etat colonial. Cent mètres plus loin, trois jeunes gendarmes attendent, les bras ballants,sur le bas côté. Si ça vous dit, lisez ou relisez donc l'Affaire Corse de Pétillon chez Albin Michel. Un vrai régal, un best-seller en Corse, dont je me permets de vous offrir quelques images. Ci-dessous, le tract du Comitatu Locale Resistanza.

     

 

 

 

 Pas simple la Corse, et la Corse agricole plus encore, mais j'ai déjà donné et comme l'ormeta a du bon, y compris pour l'affreux représentant du pouvoir colonial que j'étais, je garde mes souvenirs corses pour l'après boire...

 

                                 Rovani : la lutte continue
   On enlève la terre aux paysans au nom de la spéculation, du profit

La famille SENI est sur le point d'être expulsée de ses terres et de sa maison.

Pierre Sauveur SENI 84 ans a succédé à son père sur l'exploitation familiale de 190 ha que Jean Michel, son fils de 42 ans, a repris depuis une vingtaine d'année. Il cultive 500 oliviers et produit, les bonnes années, jusqu'à 15 tonnes d'olives qui sont pressées de façon traditionnelle dans le moulin familial. 60 châtaigniers et 40 vaches diversifient la production et permettent de survivre lors des années sans fruit. Le moulin traditionnel permet également aux paysans alentours de presser plus de 50 tonnes d'olives. Toute une vie de labeur qui a permis de mettre en place un forage de 40 mètres, d'installer l'électricité et la construction du moulin.

Suite à une grave mésentente familiale suivie d'un procès qui a duré trente ans, le verdict est tombé : l'ensemble des terres ainsi que la maison sont vendus d'un bloc aux enchères. La famille SENI n'a pu enchérir au-dessus de 220 000 euros. Un investisseur a proposé 350 000 et a remporté la vente..

Nous ne comprenons pas comment les organismes d'état en charge de l'agriculture ont pu être à ce point défaillants : un agriculteur ne peut être ainsi chassé de la terre qu'il exploite.
Nous ne comprenons pas pourquoi le Maire de la commune de Coggia n'est pas intervenu plus fermement en la faveur de ses administrés.
Nous ne comprenons pas pourquoi l'héritage de Pierre Sauveur SENI(1/4 du domaine) est rendu caduque. Comment le fait d'avoir fait vivre les 3/4 restant a pu le spolier de ses droits ?

Il peut arriver que la justice tranche d'une façon absurde. Mais comment peut-elle laisser expulser Pierre Sauveur aujourd'hui 84 ans, né dans cette maison, et sa femme Ariane, ainsi que Jean-Michel, leur fils, père de deux enfants et travaillant ces terres depuis 22 ans?

La récente acquisition d'une surface de 20 ha voisine des SENI par un spécialiste du bétonnage de notre littoral est-elle étrangère à tous ces déboires ? Peut on accepter de laisser nos terres agricoles avalées par des constructions de résidences secondaires comme on en voit trop sur Sagone ?

Malheureusement, légalement, tout est joué. M.Scatena, enseignant de gymnastique en poste à Mayotte, possesseur d'une maison sur la commune de Coggia, est le nouveau propriétaire. Connaissant la famille SENI depuis de nombreuses années, il rêve pour sa retraite d'un beau lotissement à forte rentabilité. Pourquoi pas ? Il semble simplement avoir oublié que des paysans vivent sur ces terres depuis plusieurs siècles. La terre doit appartenir à ceux qui la travaillent.

Pour lutter contre cette terrible injustice, il nous reste cependant deux voies non violentes à explorer :
- L'acceptation par M.Scatena d'un bail permettant à Pierre Sauveur de vivre dignement chez lui et d'un bail agricole permettant à Jean-Michel de travailler ces terres.
- La constitution d'une association de droit foncier. Son objet est d'aider financièrement la famille SENI à racheter à M.Scatena tout ou partie de la propriété. Les SENI disposent d'une possibilité maximum de financement de 220 000 euros. Mettre en vente par morceaux de 1 m2 le restant des terres permettant à chacun de contribuer au maintien de l'agriculture paysanne corse.

Si nous perdons ce combat, c'est une brèche qui s'ouvre. C'est la porte ouverte à tous les abus immobiliers sur des terres agricoles déjà fortement menacées. Faisons de ce combat un symbole, un exemple.

Si vous voulez soutenir ce combat, si vous voulez rencontrer cette famille, elle vous invite chaque dimanche midi à une merendella. 

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21 août 2007 2 21 /08 /août /2007 00:25

" Fraîcheur, gourmandise et minéralité caractérisent le millésime 2006 assez classique " indique Philippe Faure-Brac, petit-fils de vigneron provençal, sacré meilleur sommelier du monde en 1992, chez lequel le banc d'essai se déroulait. " c'est dans Régal d'août&septembre. Dans une prochaine chronique je reviendrai sur ce concept de banc d'essai, pour l'heure ce sont les qualificatifs utilisés pour caractériser ce millésime des Côtes-de-Provence qui me font en remettre une couche sur le vocabulaire du vin. Dans une langue, le vocabulaire est un ensemble de symboles à partir duquel se bâtit un langage qui permet à une population ou une corporation de communiquer et, si possible, de se comprendre. Dans le cas présent, le vocabulaire se veut spécialisé car il est utilisé par des spécialistes - le jury du banc d'essai regroupait une sommelière, Myryam Huet oenologue-conseil, un propriétaire de bar à vins, un organisateur de salon de vins, un importateur de vins et un journaliste gastronomique - mais il s'adresse à des lectrices et des lecteurs qui, eux, ne le sont pas. Mon interrogation est simple et sans malice : qu'elle est la fonction de ce vocabulaire ? Donner aux consommateurs des éléments objectifs qui orienteront son choix ? Faire joli : sous les mots fleuris, élégants, de fruits chacun met ce qu'il veut ? Dans cette hypothèse, il s'agit essentiellement de séduire les lectrices et les lecteurs pour les inciter à acheter ces vins. En soi, ce parti est défendable, mais pourquoi diable parer l'exercice d'un vernis technico-scientifique ? La séduction joue dans un registre autre, sauf à penser que Meetic devient la norme des amours du XXI e siècle.

La minéralité me semble un concept purement visuel puisque nos papilles n'ont guère l'occasion d'étalonner leurs connaissances en suçant des cailloux ou des galets. Quand à la fraîcheur, elle est, par essence, totalement subjective, puisqu'il s'agit d'une sensation liée à l'environnement dans lequel on se trouve : déguster un rosé frais sous une tonnelle en Provence ou un rosé tiède dans un igloo du pôle Nord procure-t-il des sensations identiques ? De plus, si la fraîcheur fait référence à la notion utilisée pour le poisson ou les légumes, il faut accepter de classer les vins en deux catégories : les frais et les pas frais mais, dans cette hypothèse, je doute de l'efficacité de la méthode pour des grands vins qui, bien vieux, procurent des sensations plus subtiles. Bref, ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément. Les expressions : être frais comme un gardon le matin ou frais comme une vieille limande le soir expriment bien, sous forme imagée, un état. Sans vouloir ironiser j'admets que la fraîcheur va bien au rosé comme les jupes aux filles.

Reste la gourmandise ? Mémé Marie me disait que c'était un vilain défaut, maman et le curé l'un des 7 péchés capitaux. Le gourmand, et même si nos sociétés sombrent de le relativisme, c'est quelqu'un qui ne peut s'empêcher de consommer, quite à s'empifrer ou se bourrer. C'est un peu compulsif mais, après tout, à chacun d'assumer sa bedaine ou ses rondeurs ou ses excès. Ce qui me pose question c'est que dans le cas d'espèce, le vin gourmandise est un vin gourmet ce qui veut dire un vin raffiné qui procure du plaisir. Ma question est simple : en dehors d'une minorité de vins anonymes, mal fagotés, ratés ou massacrés, les autres ne sont-ils pas, par construction même des produits gourmets ou gourmands ? Le vin, sur le plan nutritionnel, n'est pas indispensable - il a d'autres vertus - si on le consomme n'est-ce pas par simple plaisir ? Là encore, peut-on quantifier l'échelle du plaisir comme l'échelle de Richter ? Bien sûr que non, alors qualifier un millésime de gourmandise est-ce vraiment le différencier d'un autre millésime qui lui serait ascète ou frugal ou, horreur, sobre ? Désolé d'écrire qu'en l'occurence ici, comme souvent, on se paye de mots. Tout ça, bien sûr, n'a aucune espèce d'importance car ce qui importe c'est de vendre du papier glacé, du vin aussi alors tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes...    

 

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20 août 2007 1 20 /08 /août /2007 00:02

 

Ma chronique « éperdue de beauté brute » sur Anna Mouglalis m'a valu un commentaire acidulé de la mystérieuse Laetitia : je manquerais de galanterie en ne chantant que la beauté des femmes. Loin de moi ce parti pris masculin et, ce matin, permettez-moi, gentes dames, de vous offrir ces quelques mots sur un homme plein de charme et de ressources, le Valmont des Liaisons Dangereuses de Stephen Frears, l'étrange et envoutant John Malkovich. Ce faisant, certains de mes amis vont m'accuser de narcissisme car je leur ai raconté, qu'un jour à Paris, sur mon vélo, sanglé dans un imperméable mastic, alors que j'étais arrêté au rouge, deux américaines s'exclamèrent : " Waouh ! John Malkovich..." N'en déplaise à mon ego surdimensionné j'aurais du mal à me glisser dans la peau du grand John même si, pendant la semaine que j'ai passé dans un Riad à Essaouira, Vikash Dorassho qui y séjournait en famille, me gratifiait, à chaque fois que nous nous croisions, d'un « comment va notre John Malkovich ? »  Ce garçon est un original, il pense trop pour un footeux ce qui lui vaut d'être sur la touche. Et pourtant, en laissant de côté le physique, ce cher John et moi avons des amours en commun : les chiffons et le Luberon.

 

« Son amour de la mode, tout comme sa passion des livres, aide John Malkovich à défendre un certain art de vivre, qui fait de lui l'un des américains les plus européens de son époque. Son éclectisme est aussi savoureux que son sens de la mise en scène. L'acteur se glisse dans la peau de John Malkovich couturier avec un naturel qui désarçonne. » Laurence Benaïm le Monde du 14 mars 2003. Répondant à cette journaliste il déclarait, entre autre, « Bien m'habiller, c'est une manière de bien contrôler la situation. » ou « Faire des vêtements, c'est peut-être une façon de s'en guérir ». Plus fort encore, lorsqu'il rapporte cette anecdote personnelle « Je me souviens encore du jour où ma grand-mère m'a offert le même imperméable que mon frère. Une expérience atroce : je devenais son jumeau. En fait, la mode m'a permis de refuser toute forme de soumission. Depuis cette date, personne ne m'a jamais acheté de vêtements. Lorsqu'un jour une petite amie m'a dit : « Merveilleux, maintenant je pourrai te faire ta valise », j'ai rompu immédiatement. Ma garde-robe, c'est ma propriété privée. Je suis tellement maniaque qu'il m'arrive même de repasser mes chemises... » Croyez-moi, je me sens son frère à ce cher John : je n'ai jamais laissé le soin à qui que ce soit d'acheter mes nippes et bien sûr de les repasser.

 

Pour le Luberon, Malkovich y a vécu pendant des années, je crois qu'il l'a quitté récemment, mais peu importe, ce qui compte pour moi - j'entends déjà les railleries sur ce haut-lieu des néo-bourgeois parisiens - c'est qu'il a été séduit par ce petit coin de paradis. Je l'ai découvert par Michel H, grâce lui soit rendue. J'y suis retourné régulièrement grâce à Jean-Louis. Je ne me lasse jamais de la beauté des paysages. J'aime y marcher, y réfléchir et y écrire. J'y ai été heureux. Pour en revenir à John j'aime beaucoup ce qu'il répond lorsque la journaliste lui pose la question s'il se sent encore américain depuis qu'il a choisi de vivre en France : « Pour moi, être américain, c'est être international avant tout... Etre américain, ce n'est pas être pour ou contre Bush, c'est défendre une certaine capacité à savoir s'adapter à toutes les circonstances de sa vie. » Alors, dit comme ça, je me sens américain, un tout petit peu dans la peau de John Malkovich.

 

 

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19 août 2007 7 19 /08 /août /2007 00:05

Nous bûmes autant de tournées de Gros Plant que de présents au bord du bar. Face à l'épreuve redoutable pour mon ventre vide, que ce blanc minéral, dur et tranchant comme un déboucheur d'évier, je restais impavide. Lorsque ma griserie me portait à m'épancher, à m'épandre sur mon malheur, j'allais pisser. En surplomb du trou, mains plaquées au carrelage, je bafouillais que j'allais leur dire que je n'étais qu'un petit salaud qui portait sa putain dans son sac. De retour au bar, je trouvais la force de me taire, pour Marie. Mes accolytes aguerris s'envoyaient, sans moi, une cotriade de petits jaunes avant d'aller se coltiner la cargaison du bateau. Alors que nous sortions, Turbé, le cadet, dit le Cornard depuis que sa femme l'avait laissé tomber pour aller vivre avec un gendarme sur le continent, posait sa main droite sur mon épaule pendant que son oeil droit qui disait merde à l'autre cherchait vainement à me fixer. Nous turquolions. De sa voix, au débit express, bouffant les trois-quarts des mots, il me délivrait une étrange déclaration : " Benoît, j'peux t'y m'permettre de te donner du Benoît gars, hein ? " J'opinais. " Ce soir, au port, faut que tu viennes te joindre à nous au bar de la Marine. On a une proposition à t'faire. Y'a un p'tit bout de temps que nous voulions t'la faire mais y savions pas où te trouver. Y'avons bien demandé à ton poteau le marchand de vermoulu, mais l'savait pas non plus où t'étais. Bref, puisque t'ai là, y'allons en profiter. T'ais d'accord ? " Je secouai la tête en guise d'approbation. Le cornard se rengorgeait d'aise et sa main me pressait le gras de l'épaule. Prenant une bouffée d'air il m'expédiait des mots en mitraille : " Faudra t'acceptes c'qu'on te propose... Y'avons d'la honte t'sais... Des bourrins, pour sûr... sans trop d'cervelles quand y'avons litronés... Plus cons qu'méchants mon gars... on t'aime bien, crois-nous..."

Sitôt l'appareillage je m'installais à l'avant du bateau sur un tas de cordages. La mer claquait un peu sous un ciel parsemé de nuages effilochés. J'aspirais de grandes lampées d'air chargé d'embruns pour dégager ma tête des vapeurs éthyliques. Tout devenait flou, cotonneux, mou et je me laissais dissoudre pour atteindre la félicité de mon bain amniotique originel. Avant de sombrer dans le sommeil d'un seul bloc, j'invoquais je ne sais quel dieu pour qu'il fusse définif. De souvenirs je n'en ai aucun, sauf d'une main lourde qui me secouait avec une infinie douceur : " T'es bavard quand tu dors mon gars. Pire qu'une pipelette à la sortie de la messe. En plus tu fais les gestes. Un moment, j'ai cru que t'allais te balader sur le pont. T'en transporte trop dans le ciboulot mon garçon. Faut pas garder tout ça pour toi. Les femmes sont une engeance plus dangeureuse que la mer. Elles te sucent jusqu'à la moëlle sans te donner grand chose. J'dis pas ça pour ta Marie, gars. T'avais eu la chance de tirer un bon numéro et il a fallu qu'un sac à vin te l'enlève. C'est pas juste mais c'est cette putain de vie qui veut ça. Faudra que tu t'y fasses comme nous on ferme nos grandes gueules devant le curé lorsqu'il nous dit qu'y faut attendre la vie éternelle..." Hébété, je contemplais la tronche mal rasée d'Anatole Turbé, le cousin des deux autres, dit "poupoute", eut égard aux vents qu'il exportait aussi bien en haut qu'en bas, qui arborait un large sourire plein de chicots jaunis par la nicotine.

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18 août 2007 6 18 /08 /août /2007 01:16

Mon train allait jusqu'à St Gilles Croix-de-Vie. Après Nantes, il faisait omnibus et se trainait. Dès mon arrivée je gagnerais Fromentine en stop puis je m'embarquerais sur le premier bateau en partance pour l'Ile d'Yeu. Sylvie allait rejoindre Marie sur les hauteurs de Port-Joinville. Mes nouveaux commanditaires de la place Beauvau, face à ma détermination, me laissaient accomplir ce dernier geste même s'ils le considéraient comme une sensiblerie infantile. Je me fichais éperdument de ce qu'ils pensaient. Mon voyage, loin d'être un épisode de plus de mon petit théâtre d'intérieur, marquait vraiment le terme d'une tranche de ma vie. En quelque sorte j'enterrais ma vie de garçon. Au pays, le rituel, se cantonnait à une beuverie entre mecs, ponctuée de chansons ineptes et de gauloiseries, qui sombrait au petit matin dans le vomi ou la fraîcheur d'un fossé, ou les deux à la fois. En contemplant, au travers de la vitre du wagon le paysage marqueté du marais de la terre qui meurt, avec ses bourrines rablées et ses canaux étroits, je pensais à maman. L'irruption de Marie dans ma vie l'avait comblée. Connaissant bien son fils préféré elle savait qu'au bras de cette pousse vive, équilibrée et aimante, j'allais prendre de l'ampleur, m'épanouir, être heureux. Pour tenir le choc, ne pas entamer ma détermination, j'avais porté Marie en terre, sans elle, sans papa, et je m'étais enfui sans un mot. Mon silence devait la crucifier mais je me sentais incapable d'affronter ses yeux aimants.

Comme toujours, face au danger, je me réfugiais sous ma tente, dans la solitude j'attendais tel Giovanni Drogo face à la frontière. Lui, espérait encore, alors que moi j'allais ensevelir ma jeunesse en pleine conscience, sans illusion. Là-bas sur l'île de nos jours heureux, loin de toute nostalgie, en portant l'urne de Sylvie près de Marie, je me débarasserais des oripeaux de mon ancienne vie. Désabusé comme un vieux, sans attache, je pourrais aller me jeter, la tête la première, dans ce guêpier où ma hiérachie voulait que j'occupe la place d'agent dormant. Par chance, le marchand de cochons, qui me véhiculait dans sa camionnette, était un taiseux, ce qui m'évitait les frais de la conversation. En traversant, le bourg de Challans, c'était jour de marché, nous roulions au pas, et je me retenais d'aller rendre visite à mon cher Jean car je savais que lui aussi pouvait entraver ma détermination. A notre arrivée à Fromentine je payais une chopine à mon chauffeur au bar de l'estacade. Les marins du bateau d'Yeu, accoudés au bar, me reconnaissaient. Ils pointaient leur index sous la visière de leur casquette en lançant : " t'es le bienvenu, gars ! " ce qui pour eux, tout à la fois, marquait mon appartenance à la communauté des Islais et la dette qu'ils estimaient avoir à mon égard : l'un des leurs était à l'origine de mon malheur et ils étaient en compte avec moi. La tournée de Gros Plant qu'ils décrétaient impressionnait mon marchand de gorets et le sortait de son mutisme : " T'es d'là-bas ? " me demandait-il en s'épongeant le front avec un mouchoir presqu'aussi grand qu'un torchon. Ce fut Turbé, l'aîné, dit le rousineur, en référence à sa tendance naturelle qui le portait à tourner autour des femmes de ses collégues, qui lui répondait : " Foure pas ton groin dans nos affaires Boutoleau. Notre p'tit gars est à la peine ces derniers temps. L'a pas besoin qu'on le questionne..."

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17 août 2007 5 17 /08 /août /2007 00:22

En plein mois d'août oser proposer une interrogation écrite à ses chers lecteurs, alanguis sous leur tonnelle, alors qu'ils sont en train de déguster un rosé bien frais, ça frise l'inconscience, c'est pure provocation. Et pourtant, ne reculant devant aucune loufoquerie, je le fais sans honte et sans crainte. Je le fais d'autant plus facilement que je suis à peu près sûr, qu'après avoir lu le sujet d'un oeil distrait, vous sècherez. Copie blanche, tels des potaches goguenards vous me laisserez dans la solitude du gus qui s'échine à captiver son auditoire en racontant des histoires et qui se ramasse régulièrement des bides. Bref, je passe aux choses sérieuses :

- En consultant les photos ci-dessus et ci-dessous pouvez vous répondre aux questions suivantes :


                   

         1 - sur les marches de quel Hôtel de la République a-t-elle été prise?
         2  - qui était le Ministre ?
         3  - Ministre de quoi ? (appellation complète SVP)
         4  - à quelles dates ?
         5  - dans la typlogie de Guy Carcassonne, d'après vous, ce cabinet est un cabinet de ... (voir les chroniques du 16/07, du 30/07, du 2/08 et du 6/08 et). 
         6  - trois personnes sur cette photo ne faisaient pas parti, stricto sensu, du cabinet, à votre avis qu'elles étaient leurs fonctions ? (2 exerçaient les mêmes).
          7  -  deux personnes ont une attitude sanitairement incorrecte, que font-elles ?
          8 - suis-je sur la photo ?
          9  - pouvez-vous repérer Guy Carcassonne ?
        10 - quelle la fonction de l'homme situé à la gauche du Ministre ?

Merci pour vos réponses. Je publierai le corrigé dans quelques jours.

 

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16 août 2007 4 16 /08 /août /2007 00:03

 

   A son neveu, à ses amies venues prendre le thé, au signor Ortolani, à son boucher, aux habitants du quartier et parfois aussi aux touristes croisés sur le boulevard, elle racontait son procès dans les moindres détails en faisant des pronostics sur le moment où la discothèque fermerait ses portes pour ne jamais les rouvrir.


      Mais les jours, les semaines, les mois s'égrenaient, et rien de semblable ne se produisait. Bientôt, la dame ne parla plus que de cette incroyable persistance de la boîte de nuit à avaler tous les soirs des files de jeunes gens. Elle ne parla même plus que de cela, jusqu'à faire fuir ses amies qui cessèrent de venir prendre le thé.


      Quand on enterra le signor Ortolani, la vieille romaine s'aperçut qu'elle était devenue très vieille. Et la nuit suivante, elle vit que ceux qui, chaque nuit, s'agitaient en bas de chez elle, avaient toujours 20 ans.


       Alors elle demanda à son neveu de lui apporter deux planches de bois d'un mètre de long et d'en faire une croix qu'elle mit sur son balcon, contre le mur couleur vieil ocre, à côté du jeune olivier qu'elle venait de planter. Sur chaque bras de la croix, elle cloua des lanières en cuir brun. Puis elle quitta sa robe noire pour celle en soie rouge qui plaisait tant à son mari. Et comme arrivaient les premiers clients de la boîte de nuit, elle sortit sur le balcon, glissa ses poignets dans les lanières de cuir et, pendant trois heures, elle resta immobile, la tête tournée vers le ciel, le regard vague, indifférente aux murmures des la foule incrédule massée à ses pieds.


      Pas un jour ensuite ne s'était passé sans que la dame ne s'installât sur sa croix.


      Il n'y avait plus guère que les touristes pour s'en étonner. Les jeunes qui fréquentaient la discothèque et les habitués du quartier s'étaient accoutumés au spectacle et ne jetaient pas plus un regard à la vieille crucifiée par le bruit au dessus de leur tête qu'à la coupole du Vatican qui couronne leurs sept collines.


      Quand Pierre eut achevé son histoire, je levai les yeux comme je l'avais fait si souvent à cet endroit.


      La croix était là, son bras droit caressant une branche d'olivier. Je ne l'avais jamais vue. De ce balcon dont j'avais fait la quintescence de Rome, j'avais finalement manqué l'essentiel. J'avais retenu la profusion de couleurs, l'odeur de paradis, l'allure majestueuse et décrépie d'ancienne actrice déchue. Mais j'étais passée à côté du détail singulier - et pourtant frappant - qui le rendait unique, baroque et inoubliable que la ville elle-même.


Frédérique Echard

 

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