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4 septembre 2007 2 04 /09 /septembre /2007 00:02

Monsieur,

Sur le fond de votre bouquin je n'écrirai rien puisque, pour l'heure, je n'ai pas pris la peine de le lire. Pourtant, juste avant Vinexpo, votre éditeur me fit une offre guère alléchante, un maigre 10%, pour que j'achetasse cette charge girondine contre l'affreux pouvoir jacobin, en plus vulgaire je devrais écrire parisien. Mon propos de ce matin, mûri, pesé sur un trébuchet de pharmacien, affirme, sans grand risque que je puisse être contredit que, l'appellation non contrôlée, que vous m'accolez ou qu'habilement vous suggérez, est erronnée. Je vous sais trop fin pour ne pas comprendre que vous le faites à dessein pour me disqualifier. Par la bouche de vos présidents vous ne vous en êtes point privé. A plusieurs reprises j'ai expliqué que je n'étais ni haut, ni fonctionnaire, en vain. Un conseil en passant, puisque vous n'êtes pas avare dans ce domaine, faites le ménage dans votre maison au lieu de me chercher des poux sur la tête. Donc, monsieur, en dépit de votre obstination, je filais des jours heureux, en me disant, qu'après tout, si tel était le poids et la pertinence de vos arguments, je n'allais pas m'échiner à les réfuter.

Alors, pourquoi donc me suis-je décidé à vous écrire ? Tout simplement parce que Jean-Jacques Chiquelin, journaliste au NO, m'a signalé, au détour d'une conversation, que dans votre petit bouquin, vous vous offusquiez de mes écrits dans Vin&Cie, ici même. Drapé dans vos habits professoraux, Sciences-Po Bordeaux je crois, vous évoquez le devoir de réserve qui devrait m'empêcher de m'exprimer. Vous voudriez qu'on me censura. Mais, grand dieu, au nom de quoi ? De quelle règle de Droit ? Moi qui suis docteur en droit public, qui ai occupé un poste de Professeur-associé de l'Université, permettez-moi d'écrire que c'est du n'importe quoi. Depuis fort longtemps je n'occupe plus de poste d'autorité dans l'Administration. Mes seules fonctions officielles, attestées par le JO, avec délégation de signature ministérielle, furent d'être Directeur de cabinet d'un Ministre. Depuis, nenni, je suis un pékin ordinaire pas un haut-fonctionnaire. Sur mon espace de liberté j'écris en mon nom et je n'engage que moi. Alors, monsieur, une fois, deux fois, trois fois bonjour les dégâts, ça suffit. Je vous prie donc de me lâcher les baskets et de refouler vos instincts dénonciateurs.

Enfin, vous qui m'avez fait un jour le plaisir de me faire parvenir cet e-mail savoureux : " mon président me demande de vous inviter..." je vous prie de bien vouloir noter que votre fonction de Directeur d'un zinzin interprofessionnel, vivant de CVO, sous contrôle d'Etat, fait de vous un salarié émargeant sur des fonds dont le caractère public est avéré. Pour preuve, vous pouvez avoir recours à la contrainte publique pour faire payer les récalcitrants. Alors, je suppose, que vos écrits n'engagent que vous qui n'avez jamais ôté vos fesses du même fauteuil depuis fort longtemps. Alors, permettez-moi, aussi, de vous signaler que moi j'ai changé, tous les 4 ou 5 ans de fonction ou d'employeur et que, suprême indécence, pendant 3 ans, j'ai acheté, embouteillé, livré du vin - gros contributeur pour votre maison-, au sein de la plus grande société de vin française à l'époque : la SVF. Si j'avais été, un haut-fonctionnaire, j'eusse pantouflé. J'ai tout bêtement démissionné. Pas de parachute doré, monsieur, tout simplement la vie d'un salarié. Je vous saurais donc gré de m'épargner votre suffisance sur la pertinence et l'opportunité de mes écrits. Mon expérience dans le secteur du vin vaut largement la vôtre, CV contre CV, je laisse à chacun, puisque cette lettre est ouverte, d'en juger.

Ceci étant écrit, cher monsieur, je ne m'interdis pas, après lecture des vôtres, de commettre une nouvelle chronique, afin de livrer, à mes chers lecteurs assidus, ce qu'ils m'inspirent. Certains, alors, seront peut-être surpris de lire que je partage certaines de vos analyses et que, contrairement à vous, je ne me prive pas de l'écrire car, à votre différence, je n'ai aucun fond de commerce  à défendre. Ma liberté, certes vous dérange, mais sachez qu'elle a un prix, à l'occasion je pourrai vous l'indiquer, cher monsieur. Dans cette attente, je vous prie d'agréer l'expression de mes salutations les meilleures.

Jacques Berthomeau

    

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3 septembre 2007 1 03 /09 /septembre /2007 00:02

Un-dimanche-ordinaire-001.jpg
Les courageux et geuses, les accros de mon blog, tous ceux et celles qui, même en plein mois d'août, avant d'enfiler leurs tongs, leur chemisette et leur short, pendant que le café s'égoutte et que les grillées blondissent, se ruent sur leur clavier, clicquent et découvrent avec soulagement, qu'encore ce matin, je ne les ai pas oublié, se sont dit à la lecture de ma lettre du 8 août à madame la Commissaire, cette chère Mariann, www.berthomeau.com/article-7012042.html quelle mouche a piqué le Berthomeau ? Pourquoi un tel courroux en plein mois d'août à l'encontre de tout ce petit monde qu'a quitté la grisaille de Bruxelles pour aller se rôtir sur les plages de la Méditerranée ? Tout le monde s'en fout ! C'est plié il ne reste plus qu'à manifester. C'est d'ailleurs la question que m'a posé au téléphone, alors que je me prélassais sous le soleil Corse, ma copine Françoise Laborde de France 2. Manif ou pas, ça ne réponds pas à vos légitimes interrogations : pourquoi secouer comme un prunier ce machin qu'ait déjà ficelé ? Ou, plus exactement, qu'ait un vrai panier percé. A quoi bon tonner contre cette volonté de donner les clés au seul marché puisque c'est ce que vous vouliez, monsieur le rapporteur, le promoteur du pilotage par l'aval peuplé de négociants prédateurs. Vous n'avez que la monnaie de votre pièce, monsieur l'apprenti-sorcier diront ceux qui ont peint sur les frontons des caves coopés " Non à Cap 2010".

Sans hésitation, je vous réponds non, ça n'a rien à voir avec nos propositions. Mais là n'est pas l'explication de ma colère face à la proposition de madame la Commissaire. Ceux qui lisent ce blog depuis ses origines savent que je me suis engagé pour le Oui, non que la Constitution me plaisait, mais parce que la coalition des nons me déplaisait, m'irritait, débouchait sur le néant car elle regroupait des européens convaincus, des souverainistes aigres ou peu fréquentables et les faux-culs de l'extrême gauche. Le peuple français a voté majoritairement Non me rétorquera-t-on. Fort bien, le même peuple a porté au deuxième tour de la Présidentielle, avec un pourcentage de votants imposant, deux partisans du Oui et élu un Président engagé dans la relance du processus européen. Pour ma part, ayant pratiqué concrètement le fonctionnement des institutions européennes : Conseil des Ministres de l'Agriculture, DG 6 et autres, Feoga, je reste convaincu que le désamour de nos concitoyens vis à vis de l'UE tient en grande partie dans l'opacité du processus de décision communautaire. C'est une boîte noire. C'est une machine à fabriquer de l'irresponsablité. C'est le royaume d'une bureaucratie mal dirigée et mal contrôlée. Voilà la raison première de mon coup de sang : madame la Commissaire et ses services, en jouant à merveilles des contradictions, des oppositions, entre acteurs du secteur, entre grands Etats producteurs et les non-producteurs, de la "nullité crasse" de la contribution des parlementaires européens, a fait adopter par la Commission un projet purement idéologique.

Je m'explique. Crozier écrivait dans les années 60 qu'on ne réforme pas une société par décret. Dans le cas précis de l'OCM vin, qui je le rappelle était à l'origine essentiellement, pour ses outils de gestion, un réglement vin de table, on ne peut se contenter de s'en remettre au seul pilotage des metteurs en marché. Ceux-ci sont des opérateurs commerciaux non des régulateurs du potentiel. Celui-ci qui, dans notre pays, y compris en Champagne, reste entre les mains de producteurs nombreux, s'il est totalement dérèglementé, subira, pour une grande part de notre vignoble, une délocalisation et, pour une autre part, une concentration. C'est un choix. Il faut l'annoncer. L'expliciter. En discuter dans la transparence et la clarté. Ne pas se cacher derrière son petit doigt ni même s'arquebouter sur le small is beautiful. Ce n'a pas été le cas. On fait comme si on se contentait de réajuster le potentiel par l'arrachage et qu'ensuite, grâce aux zakouskies vert pré du deuxième pilier, notre viticulture artisanale coulerait à nouveau de beaux jours. C'est un leurre. Qu'il faille un grand plan social pour certains de nos viticulteurs, c'est une évidence. Qu'il faille professionnaliser plus encore certains de nos viticulteurs, j'ai été de ceux qui l'on écrit. Qu'il faille laisser les domaines dynamiques grandir, c'est vital. Qu'il faille renforcer nos entreprises leaders, ça fait plus de 5 ans que je clame dans le désert qu'il faut mettre en place un fonds d'investissement dédié. Ce n'est pas avec de la promotion à la sauce européenne que nous relèverons le défi des vins du Nouveau Monde et celui des marchés émergents. C'est de la cosmétique pour faire plaisir à certains dirigeants professionnels adeptes des voyages organisés. L'important pour rebondir c'est de tirer parti de notre modèle de production qui, contrairement ce que nous serinent certains, à fait ses preuves. Le réformer. Lui donner de l'air, de la souplesse, de la liberté, en finir avec des gestions malthusiennes, ça ne signifie pas le jeter à la poubelle. Alors, avant qu'il ne soit trop tard, ceux qui se disent dirigeants se doivent d'enlever leurs oeuillères, de regarder les réalités du monde en face, de s'inspirer de certains de leurs prédécesseurs qui ont su s'élever au-dessus de la mêlée, expliquer, faire comprendre, prendre le risque de l'impopularité, en une expression simple : servir l'intérêt général...      

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2 septembre 2007 7 02 /09 /septembre /2007 00:03

Jean faisait tinter un verre avec son couteau et, de sa voix impérieuse d'ancien manipulateur d'AG, il réclamait le silence. Il l'obtenait. Le vieux Turbé se levait, chaussait des besicles cerclées d'écaille et, d'un geste un peu théâtral, tirait de la poche intérieure de sa vareuse une feuille de papier pliée en quatre. Marcelline s'adossait au bar en tamponnant son opulente gorge avec un petit mouchoir en dentelle. Dans la salle tous retenaient leur souffle. Le patriarche allait-il être à la hauteur de l'évènement ? Pour eux, il en allait de l'honneur des marins de l'Île. Turbé se raclait la gorge. Il dépliait le feuillet et le plaçait à la bonne distance de lecture. En d'autres circonstances il aurait déjà eu droit à une bordée de quolibets sur ses manières de sous-préfet inaugurant le nouveau bâtiment de la coopérative maritime. Ce soir, sous l'effet du nectar d'exception et, sans aucun doute, parce que des consignes strictes avaient été données, les plus ramenards fermaient leur grand clapet. Annette trouvait le moyen de briser une pile d'assiettes sales en s'étalant de tout son long. Un murmure réprobateur parcourait l'assistance. La pauvrette, honteuse et meurtrie, fondait en larmes. Je me levais pour l'aider à se relever et je la prenais dans mes bras pour la consoler. Une salve d'applaudissement saluait mon geste. Le vieux Turbé, tel un César, levait la main pour éviter que la cérémonie ne vire eu jeux du cirque. Je me rasseyais en posant Annette sur mon genou droit. Certains se retenaient de faire des commentaires grivois. Le silence, telle une plaine immense, offrait un boulevard à l'orateur.

" Cher Benoît,
Comme il faut bien que quelqu'un se dévoue pour dire les choses qu'on a à te dire, j'me suis dit, et j'vous l'ai déjà dit à vous, comme sur nos bateaux, quand la mer est grosse, c'est au patron de tenir la barre..." Le vieux Turbé improvisait. Se jeter dans le texte de Jean - car sans nul doute ce feuillet était l'oeuvre de mon ami - devait le tétaniser. Son front bas perlait de sueur. Ses doigts coutauds pressaient la feuille comme si elle pesait des tonnes. Pour l'aider à démarrer, en dépit de la position d'Annette qui s'épandait sur moi, j'adoptais l'air inspiré du paroissien en attente du prêche du curé. Le vieux aspirait une lampée d'air puis se lançait : " Souvent, aux endroits isolés, à force de rester longtemps à guetter, on finit par voir, même en plein jour, des formes humaines qui surgissent entre les buissons et les rochers, on a l'impression que quelqu'un est en train de vous épier, puis on va voir, et il n'y a personne..." Je fusillais Jean du regard. Cet immonde salaud avait placé une citation du Désert des Tartares, mon roman-culte, en entame du discours. Turbé s'en sortait avec les honneurs. Ses collègues, subjugués par la diction fluide, le respect de la ponctuation d'une aussi longue phrase, n'en revenaient pas. Moment de grâce absolu, le vieux, aux anges, prenait son envol. " Toi qu'on voyait si souvent se promener, avec elle, les jours de gros temps, sur la lande du vieux château, face à la fureur de notre putain d'océan, on sait maintenant, qu'à cause de l'un des nôtres, chaque jour, tu vas la guetter, croire qu'elle se cache dans le creux d'un rocher, et, pour ton grand malheur, jamais plus tu ne pourras l'atteindre. La toucher. La serrer dans tes bras..." Les plus durs fondaient. Les plus tendres s'épandaient. Reniflaient. Marcelline, en eau, s'affaissait sur une chaise. Annette me pelotait en sanglotant. Turbé galvanisé se rengorgeait. Moi, stoïque, j'entrais maintenant de plain-pied dans le non-sens de ma situation.

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1 septembre 2007 6 01 /09 /septembre /2007 00:07

La première partie de la soirée consista en un tour de chauffe maîtrisé. La modération apéritive y fut impressionnante. Marcelline, la moitiée du patron du bar de la Marine, trimballait son quintal ensaché dans une robe noire de crêpe georgette au décolleté profond, avec la grâce d'une dinde de Noël et alimentait les tablées en cochonailles. On mangeait au couteau. Jean, qui me faisait face, disert, glosait sur la chape de plomb jetée par le pouvoir sur l'ORTF; un sujet qui, comme vous vous en doutez, passionnait nos interlocuteurs. Comme eux, je me contentais de manger, laissant le marchand de vermoulu soliloquer. Tout ce cinéma n'était qu'une mise en bouche concoctée par l'esprit fertile de Jean. Dans l'instant, même si ça me paraissait un peu surréaliste, je ne percevais pas le côté factice de cet arrière-fond. L'apparition des langoustes et des bars grillés, juste après les platées d'huîtres et de palourdes, me mettait la puce à l'oreille. On me conditionnait comme une viande nerveuse passée à l'attendrisseur. Le vieux Turbé, l'air de rien, m'observait. Jean, enfin silencieux, s'acharnait sur le fourneau de sa pipe. Lorsque Taraud, le patron, commençait de poser sur les tables des bouteilles de vin bouché étiquetées Meursault, nous atteignions la cote d'alerte. L'arrivée d'un tel nectar, importé d'une contrée aussi lointaine qu'inconnue pour ces marins que Terre-Neuve pour nous, représentait le summum du luxe en ce lieu dédié à la chopine de blanc sec d'origine indéterminée. Alors, fataliste, je me préparais au choc à venir.

Les gars y allaient de bon coeur car, aussi bizarre que ça puisse vous paraître, le bar et la langouste, même pour les fêtes, figuraient rarement au menu ; comme le rôti de boeuf ou le gigot pour les paysans, ces mets c'étaient beaucoup de sous. Ce grand pervers de Jean leur offrait une belle tranche de débauche. Impression confirmée lorsque je le vis se lever pour faire un commentaire de dégustation sur le Meursault. Mes bois sans soif l'écoutaient, dans un silence religieux, avec la même stupéfaction dans les yeux que Bernadette face à l'apparition de Massabiel. Jean, si je puis dire, buvait du petit lait. Pour compléter ce tableau digne d'un maître flamand, à notre table, nous mangions dans le service à poissons de Marcelline, celui de son mariage, avec les couverts en métal argenté de sa ménagère et, suprême luxe, nous étions dotés de serviettes Linvosges. Suite à la démonstration de Jean toute la salle claquait de la langue et se gargarisait avec le nectar de Bourgogne. Les plus audacieux se risquaient à lui trouver de la cuisse. Annette, la serveuse, devait zigzaguer pour éviter les mains lestes. En regardant Jean je lui trouvais des airs du divin marquis. Il tangentait l'extase. Le lendemain, comme pour s'excuser, il me confiait " comprends-moi, ces types ne se lachent jamais. Coincés, entre leurs bonnes femmes et le curé, ils se réfugient dans le bourrage de gueule. Grâce à toi je leur offert ce que jamais ils ne pouvaient espérer, même en rêve, un vrai festin, du vrai bonheur..."

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31 août 2007 5 31 /08 /août /2007 00:01

A l'instant où ce mois d'août pourri - du moins à Paris - va tomber dans la poubelle du temps, je ne résiste pas au plaisir de vous livrer les dernières bonnes feuilles de mon séjour insulaire. Tout d'abord un retour sur le jour de mon anniversaire, où j'eus le grand plaisir de recevoir de certains d'entre vous des messages bien agréables, pour vous conseiller, lors d'un séjour prochain - c'est ouvert été comme hiver - d'aller jusqu'à Péri, à l'auberge Chez Séraphin. C'est tout près d'Ajaccio. Le village est beau, l'environnement superbe. L'accueil corse, bonhommie goguenarde agrémentée d'un léger zeste, comment dire, d'on est ici chez nous prenez-nous comme nous sommes qui, moi, me va comme un gant. L'obséquiosité m'irrite. La distance Corse me comble. Bien sûr, ce 12 juillet, à midi, il faisait beau, avec une légère brise de mer. L'avantage du déjeuner chez Séraphin, en saison estivale, c'est que la clientèle y est corse. Le soir, la magnifique terrasse est le territoire quasi-exclusif, des touristes post-bain de soleil. Donc, en ce beau jour d'anniversaire, nous étions les seuls continentaux. Près de nous, une tablée familiale dans la plus pure tradition corse. Plus loin, des adorateurs de petits jaunes.

Chez Séraphin, c'est de la cuisine de femme, menu unique, copieux, fin, léger. La table est bien mise. A midi le service est assuré par un délicieux marocain, prévenant et heureux de vivre dans ce pays depuis longtemps. Dans l'assiette, entre autres délices, les aériens beignets de fleurs de courgettes, les incomparables cannellonis au brocciu et le succulent gigot d'agneau, on savoure. On se laisse vivre. On écoute les histoires d'un type qui pourrait se prénommer Ange ou Nonce. Et ça donne ça : " Pourquoi ai-je ma barbe plus blanche que mes cheveux ? Parce que j'ai plus travaillé avec ma bouche qu'avec ma tête..." A l'auberge de Péri on boit le vin du seul viticulteur de Péri. C'est sans prétention. On se laisse gagner par une douce béatitude et l'on a pas très envie de lever l'ancre. On se dit que ce pays est unique. On se dit qu'on y reviendra. Le menu est à 42 euros vin compris. Allez-y les amis vous serez, j'en suis sûr, ravis. Pour s'y rendre il faut prendre la N193 Ajaccio-Bastia et, à 12 km, sur la droite se rendre au village de Péri par la D229. Le téléphone : 04 95 25 68 94, pas de CB mais le chèque est accepté.

Enfin, pour clore ce chapitre Corse 2007 les photos ci-dessous sont les photos des deux faces d'une belle bouteille bue à l'Ancuna, sur le port de Sagone : Antoine Arena est, sans nul doute, un de ces hommes qui font avancer la cause de la viticulture insulaire...

 

 

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30 août 2007 4 30 /08 /août /2007 00:01

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" Banc d'essai : bâti sur lequel on monte les moteurs pour les éprouver ; concours organisé pour les débutants, où ils s'essayent ; ce par quoi on éprouve une personne, une chose " telles sont les définitions données par le Robert. Alors dire, comme dans le numéro d'été de Régal, que l'on vient d'éprouver 7 Côtes-de-Provence pour en tirer un palmarès de rosés me semble, plus qu'un abus de langage, une façon de présenter, sous un vernis technico-scientifique, une simple dégustation de 7 vins pré-sélectionnés sur des critères que seuls le ou les sélectionneurs connaissent. Il serait plus honnête, comme le font certains critiques littéraires ou de cinéma, d'indiquer aux lecteurs que dans l'océan de la production, avec la liberté et même le parti-pris du signataire de la critique, c'est un choix arbitraire fondé sur le goût ou la volonté de privilégier une certaine catégorie de viticulteurs. Moi ça ne me gène pas. Ce qui m'irrite c'est cette forme d'hypocrisie à la française qui éprouve le besoin de se drapper dans une pseudo-objectivité. Appelons un chat un chat : les heureux élus, même la malheureuse Bastide des Bertrands qui ne semble être là que pour se faire étriller " On aime... pas grand chose..." et récolter le bonnet d'âne avec 9/20, sont sûrement d'excellents producteurs, y compris la la cave coop des Vignerons de Grimaud avec son 12,5/20 - c'est maintenant d'un chic d'inclure la bonne coop dans une dégustation - et les lecteurs seront satisfaits de leur achat si tant est qu'il puisse facilement trouver le produit.

Certains vont dire que je radote mais, que voulez-vous, je ne me ferai jamais à ces pratiques opaques, liées à l'entregent, aux carnets d'adresses de quelques-uns, ça me dérange. L'honnêté intellectuelle, de la part de gens qui passent par ailleurs leur temps à évoquer de grands principes, la vérité du terroir, les pratiques respectueuses de l'environnement et du produit, devrait conduire à un code de bonne conduite. Moi, je me mets à la place des exclus de ces bancs d'essai, palmarès et autres zin-zins à faire vendre du papier glacé. Certes, beaucoup s'en tamponnent la coquillette, d'autres s'essaient aux ronds de jambe, d'autres encore développent un marketing du discours enluminé : famille, élève de, bio et retour à la terre qui ne ment pas, d'autres enfin regardent passer les flamboyants critiques dans leurs belles autos et sont vénèrent.

Bref, puisque ces braves gens de Régal affichent en couverture : Vins et Terroirs : Bien acheter à la propriété, et que lecture aidant, je ne lis rien de tel, un petit poil d'exhautivité, d'humilité aussi, devraient permettre au malheureux consommateur urbain, qui n'a ni le temps, ni l'envie, d'acheter à la propriété, de se dépétrer dans le maquis des rayons vins. Pour la cause du vin, pour ceux qui abordent sa consommation, pour ceux que l'on terrorise en les stigmatisant d'être des non-connaisseurs, ce serait, j'ose l'écrire, une bonne action. En adoptant cette posture, ces troubadours du vin, pleins de mots du vin, accadémiciens du bon goût, se font les alliés objectifs des hygiénistes, de tous ceux qui veulent ne laisser au vin qu'une place marginale ou en faire un produit de luxe pour collectionneur. Alors, de grâce, au travail, battez la campagne, ratissez le vignoble, secouez le convenu, donnez-nous de l'info. A toute fins utiles, si par un hasard étrange, mes écrits venaient à tomber sous le regard des rédacteurs de Régal, je signale que j'y suis abonné. En conséquence, permettez-moi d'écrire ce que bon me semble. 
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29 août 2007 3 29 /08 /août /2007 00:02

Détrompez-vous, chers lecteurs, non je ne pense pas qu'à ça du matin au soir et du soir au matin. Je ne suis pas accro, ne fait parti d'aucune chapelle, d'aucun cénacle, d'aucun cercle d'initiés. Bien sûr, j'ai souvent été intronisé mais ça n'a jamais été pour mes compétences mais tout bêtement parce qu'on ne pouvait l'éviter. Ce qui me frappe toujours, lorsque je noue des liens avec des gens qui ignorent mon fond de commerce, c'est que, dès que je leur en fait part, 9 fois sur 10, ils se croient obligés de glisser dans la conversation : moi, je ne suis pas un spécialiste mais... Ils s'excusent, comme s'ils étaient honteux de leur inculture. Entrer chez un caviste, oser lui faire part d'une certaine forme d'ignorance, provoque chez beaucoup une réaction simple : ils s'abtiennent ou bien ils se rabattent sur l'anonymat de la muraille des grandes surfaces. Là, au moins, on ne leur prend pas la tête, en revanche ils sont paumés, désemparés. Nos amis les libraires, eux aussi en bute à la fois à la concurrence des grandes surfaces, de la télévision, ont remarquablement réagi. Tout d'abord, eux, ils ne pratiquent aucun ostracisme : Marc Levy est sur les présentoirs tout comme Baudrillard ou Modiano. On trouve chez eux des polars, des livres politiques, de la littérature étrangère, des livres de poche... Beaucoup, donnent leurs coups de coeur, avec ou sans petite fiche explicative, mais sans jamais vouloir peser sur le choix de leurs clients. Bref, on entre chez eux le coeur léger et on en ressort avec sa moisson de livres.

Sur mon petit espace de liberté je m'essaie à cette diversité, alternant légèreté et sujets plus sérieux. J'ouvre les fenêtres. Je cherche à attirer vers notre beau secteur ceux qui ne le connaissent pas. Le monde du vin est atteint du même syndrome que celui de la politique : il ne pense qu'à ça. Polarisé. Comme si le monde était en orbite autour de lui. Un tel enfermement provoque, bien évidemment, un sentiment de citadelle assiégée. Bien sûr, je ne nie pas, bien au contraire, la stratégie culpabilisatrice des hygiénistes et des "je vous barde de conseils", mais que diable le monde ne se réduit pas à notre hexagone plutôt tenté par le rétrécissement. Comme je l'ai écrit, le monde est plat : les nouveaux canaux de communication, dont celui où vous êtes en ce moment, peuvent nous permettre d'irriguer n'importe quel point du monde. Convaincre. Séduire. Montrer que la France est encore le pays de l'art de vivre, du bien manger et du bien boire. Alors ce n'est pas avec des mines sérieuses et chiantes de "je vais vous faire la leçon" ou des gémissements que nous allons y parvenir. Dans ces nouveaux tuyaus il nous faut mettre des contenus, des contenus adaptés à ces néophytes, ces nouveaux entrants. Cesser de penser que le Monde pense comme nous. Que nous sommes le nombril du monde. Nous renouveler. Notre patrimoine ne demande pas qu'à être défendu, entretenu, il faut de nouveau créer de l'imaginaire. Avec nos confréries, nos bannières, nos banquets ennuyeux, nous ne séduisons que nos adeptes, les convaincus, des vieux (un jour faites la moyenne d'âge d'un chapitre et vous serez édifiés). La nouvelle génération, d'ici et d'ailleurs, demande de la fête, de l'anti-stress. A nous la faire fête avec eux. Entendez-moi bien, je ne suis pas en train d'écrire qu'il faille renoncer à nos us et coutumes, bien au contraire, ce que je souhaite c'est que nous dépoussiérions ce folklore, que nous pensions au renouvellement de nos consommateurs ici et ailleurs.

Donc en bon petit soldat, cet été, je me suis essayé pendant ces mois où beaucoup font relâche, lèvent le pied, à élargir le champ de mes sujets. Le résultat est probant : au travers de mon kit d'administration je constate l'élargissement de mon lectorat. Des nouveaux venus passent, butinent sur les 620 chroniques, reviennent pour certains. En revanche, mais là ce n'est qu'une impression car je n'ai pas de statistiques, les purs et durs du vin ne goûtent pas forcément ces nouveaux sujets. Je peux le comprendre car mes centres d'intérêts ne sont pas forcément du goût de certains. L'avantage de l'internet, hormis l'encombrement de sa boîte e-mail (inconvénient facile à éviter en s'ouvrant gratuitement une boite hotmail.com ou fr ou yahoo pour réceptionner ma littérature) c'est la facilité de stockage, c'est la liberté de consulter ou non, d'imprimer ou non, de jeter à la corbeille, d'aller sur le site et de faire son marché en fonction de son temps et de ses envies. Pour ma part, si je continue d'occuper cet espace, en dehors de flatter un ego surdimensionné, c'est que j'estime que c'est une terre vierge qu'il faut investir. J'investis donc. Je suis têtu et patient. Au cours des mois qui viennent j'élargirai encore mon champ d'investigation pour toucher plus encore de gens hors de notre petit monde. Certes le temps est incompressible - bien que la physique quantique montre le contraire -, mais il existe une constante, vérifiée par l'expérience, celle qui fait la différence dans la vie, c'est que plus on est occupé plus on a du temps. Il suffit de le prendre. Un Antoine Riboud, grand stratège et homme de détails, était de ceux-là
 

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28 août 2007 2 28 /08 /août /2007 00:02
Le texte qui suit est de la plume de Marc Parcé de l'association Seve. Son titre officiel est : " Sans intégrer rapidement la segmentation la réforme des AOC sera un échec." Je le publie sur Vin&Cie pour verser une pièce au débat sur la réforme introuvable des AOC et j'ai pris la liberté du titre de la chronique. Bonne lecture et il n'est pas interdit de commenter.

Nous sommes obligés de le constater lors de cette rentrée, autant dans la note d'information du CAC n°1 que dans les deux notes de la CNAOC sur les cahiers des charges et les plans d'inspection/contrôle, les points positifs de la réforme sont menés à mal alors que les aspects les plus discutables en particulier ceux concernant un risque d'uniformisation, eux sont bien en route : il faut bien admettre aujourd'hui que dans bien des cas les ODG sont des copiés-collés des syndicats de cru et on a vu s'évanouir, au nom du calendrier dans de nombreuses appellations, la mise en place d'un vrai débat démocratique qui faisait partie de l'intérêt même de la réforme : au nom d'une représentativité majoritaire on a mis rapidement sous le boisseau les quelques lumières qui auraient pu nous parvenir des vignerons dits minoritaires ou marginaux et qui sont souvent le fer de lance sur le marché de leur appellation. Ils n'ont souvent même pas été conviés au débat !

Un point caricatural de cette situation, c'est le retour en force de la dégustation et de l'examen organoleptique. Les documents publiés récemment laissent entrevoir le pire et remettent en question tous nos espoirs de voir enfin un changement dans la vie des appellations : " La réforme ne modifie pas le principe selon lequel la dégustation est un élément fondamental du contrôle des produits, en particulier pour ce qui concerne les appellations d'origine." INAO

Seve, à travers le colloque de Banyuls et grâce aux travaux des professseurs Mac Leod en neuro-biologie et Marc Danzart en statistique, a montré et démontré les limites de l'analyse sensorielle dans son application concernant les agréments ; les propositions de Gérard Boesch pour la réforme de l'agrément allaient dans le bon sens puisqu'elles partaient du principe que la dégustation ne peut être un élément fondamental dans la reconnaissance et la validation d'une démarche de qualité d'un opérateur : l'analyse de l'amont semblait enfin être un point déterminant dans "l'agrément" d'une exploitation. Cette déclaration de l'INAO concernant les travaux du CAC est une régression catastrophique pour tous ceux qui imaginaient que de réels progrès avaient été fait sur ce sujet et voient à nouveau le spectre de la standardisation et de l'uniformisation réapparaître par la dégustation !

Quant à la CNAOC :

" Les AOC ont aujourd'hui un cahier des charges : c'est leur décret d'appellation. Si la réforme est l'occasion de compléter ou d'actualiser les décrets, il faut cependant tenir compte du calendrier très serré de la réforme.

Ce qui signifie que l'ODG doit être pragmatique. Le plan de contrôle peut être défini dès à présent à partir des conditions de production existantes. Dans le délai d'un an qui lui est imparti, l'ODG pourra envisager les demandes de modifications mineurs. Par contre, les modifications majeures feront appel à une procédure plus lourde et donc, nécessairement plus longue."

Là encore, alors que la réforme était l'occasion d'un vrai débat au sein des appellations et permettait de tout mettre à plat, l'immobilisme est préconisé !

A Seve nous avons soutenu cette réforme parce qu'elle nous semblait contenir les ferments d'une renaissance ancrée sur l'exigence, elle était une possibilité offerte afin de se recentrer sur ce qui avait fait la philosophie de Joseph Capus : cette méritocratie nous continuons de penser qu'elle mérite d'être défendu parce qu'elle a permis à de nombreux vignerons, à travers les appellations qui font partie de notre patrimoine France, d'élaborer les meilleurs vins du monde !

Par contre remettre à demain la nécessaire relecture des décrets à travers l'élaboration des cahiers des charges, se contenter de l'examen organoleptique alors qu'objectivement et scientifiquement ses limites et ses insuffisances ont été démontré, cette médiocratie qui nous est proposée, nous n'en voulons pas parce qu'elle est profondément injuste pour les vignerons qui travaillent à l'élaboration d'une viticulture de terroir.

La réforme mise en place aujourd'hui ne concerne en fait que ce qui devrait être le segment IGP des vins français, les vins de région, de pays, de volume et encore avec des erreurs fondamentales quant à la place de la dégustation.

Si rien n'est mis en place rapidement de façon volontaire pour définir et imposer un cahier des charges définissant les exigences des vins de terroir, les AOP, la réforme en cours va écraser ceux-ci et les contraindre d'une façon ou d'une autre à trouver leurs propres moyens de définition et de communication, pour continuer à exister.

Nous vous proposons aujourd'hui un document de réflexion * sur ce sujet afin d'alimenter le débat et en espérant que l'esprit de la réforme puisse être encore sauvegardé !

A Seve nous voulons travailler à une renaissance des appellations pas à leur enterrement.

Marc Parcé, Banyuls le 22 août 2007  clicquez sur ce lien pour lire le document de réflexion *
http://www.thewineblog.net/vin/
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27 août 2007 1 27 /08 /août /2007 00:02

La région du lac de Naivasha, à 3 heures de route de Nairobi, est la capitale kenyane de la culture des roses (le bouquet ci-dessus vendu par la chaîne au nom de la rose en fait un argument de vente puisqu'il est désigné sous le nom de roses africaines). Bel exemple de délocalisation à base de capitaux hollandais du produit phare du marché français et européen. Les berges cernées de 1200 ha de serres bâches plastiques produisent 2000 millions de fleurs par an. Sous le climat équatorial, chaque tige, produit une rose tous les 45 jours. Culture hyper-intensive sur une trentaine de plantations dédiées aux marchés européens. Tous les jours les bouquets, maintenus à 3°, partent de l'aéroport de Nairobi pour être 2 jours après la coupe sur les étals des fleuristes de Paris, Berlin ou de Zurich. Des millions de tonnes d'eau sont pompées du lac pour l'irrigation qui reçoit en retour des millions de litres de pesticides et se meurt doucement. Quant aux conditions de travail dans les plantations elles sont au niveau de ce que dénonçait le rapport Villermé au XIXe. Tout ça pour s'offrir un petit bouquet de roses pas chères.

Mais, comme la bonne conscience s'achète, un marché naissant de la fleur coupée équitable est né. Carrefour propose des "roses équitables" de Panda Flowers sous le logo Max Havelaar. En Suisse, pays pionnier en la matière, plus de 90% des roses sont estampillées équitables. La ferme de Panda Flowers c'est 50 ha, 70 millions de roses/an et 800 employés. Le cahier des charges oblige à une bonne gestion de la ressource en eau. Les pesticides dangeureux y sont bannis. Les employés, grâce au sur-prix payé par les acheteurs : 12 % au-dessus des prix du marché, se sont partagés un pactole de 120 000 euros en 2006. La prime a permis de financer des panneaux solaires, un moulin à farine de maïs, une école... Dans un océan de sur-exploitation, vous me direz, c'est mieux que rien. Cependant, les domaines équitables du Kenya et de Tanzanie restent dans une perspective de culture de rente intensive qui exige de lourds investissements. La délocalisation guette ces pays avec l'irruption de la Chine sur ce marché lucratif mondialisé.

Alors que faire ? Acheter intelligent comme je l'écrivais dans ma chronique " la meilleure façon de marcher ". Comme ose l'avouer, Gertrud Falk, responsable de la campagne fleurs pour l'ONG allemande Fian : " Notre message : avant de vous tourner vers les fleurs équitables du Sud, recherchez d'abord des fleurs cultivées dans votre région..." La fleur coupée, comme notre divin nectar, fait partie de ces produits non indispensables à notre survie physique mais si utiles à la vie que l'on vit, alors pourquoi s'interdire de promouvoir des démarches qui touchent le grand nombre et pas seulement les militants de causes perpétuellement minoritaires : rien ne m'énerve plus que la pub de biocoop pour les vins équitables d'Afrique du Sud. Entendez-moi bien, j'achète aussi équitable, mais en rester à ce degré de bonne conscience ne suffit pas, il faut oser dire et écrire que, dans notre beau pays, on produit aussi équitable puisque notre modèle de production est respectueux des hommes. Dans le débat sur la réforme de l'OCM vin, bien plus que les leurres environnementaux agités par la Commission, l'approche territoriale, celle des coopératives comme celle des vignerons indépendants doit être économiquement prise en compte. C'est un plus commercial, un argument de choix de consommation intelligente. C'est la meilleure arme contre les délocalisations. C'est notre avenir de pays développé. C'est aussi l'un des moyens efficace de peser sur le modèle de production dominant hyperproductiviste, non durable, en créant un vaste marché où celui-ci ne sera plus efficient. 

Ce n'est pas une vue de mon esprit. Pour preuve, les paludiers du sel de Guérande ont pu faire reculer les grosses salines qui dominaient le marché en leur piquant 15 à 20% de leur part de marché. Un marché rentable et surtout pas une de ces fameuses niches. Alors, sur les bords du lac Naivasha, les domaines, au lieu de se contenter d'être "équitables" pourront être acteurs sur ces marchés, créer leur propre richesse, créer un classe moyenne leur permettant aussi se tourner vers des cultures de proximité utiles aux populations autochtones. Ce n'est pas rêver que de promouvoir des solutions économiquement viables et socialement efficaces. Le Marché Commun, si critiqué, à juste raison dans ses dérives, a été aussi créateur d'un marché intérieur qui fait vivre nos territoires ruraux, viticulture y compris. Aux consommateurs occidentaux de choisir en citoyens du monde adultes plutôt que de se lamenter sur l'horreur de la mondialisation. Dites-moi savez-vous quel est le prix d'un petit bouton de rose africaine ? Au début du siècle nous étions les premiers producteurs de fleurs du monde. Alors ? 

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26 août 2007 7 26 /08 /août /2007 00:02

Jean, en adepte raffiné de la distorsion entre le dire et le faire, sport préféré des grands bourgeois progressistes, manipulait avec délectation le petit peuple des marins. Combien de fois l'avais-je raillé sur sa radicalité verbale qui s'accomodait fort bien de l'exercice classique de son buiseness de brocanteur où il ne se privait pas de sous-payer ses acquisitions, de rouler dans la farine des vieilles rombières en mal de cash, de régler avec un lance-pierres son ébéniste, de vendre au black, de ne pas me déclarer et de me payer en liquide, et bien sûr de considérer les mareyeurs, jouant la même partition que lui, comme les pires exploiteurs du peuple et de vilipender la bureaucratie de la SS responsable du blocage des honoraires de son excellent frère aîné, médecin spécialiste de son état, alors que lui concédait à l'URSSAF des cotisations équivalant à quelques journées d'ambulancier. Ce soir, ce cher Jean, au sommet de son art, campant dans la confortable posture de l'intellectuel guide de l'aile marchante du prolétariat, goûtait le vénéneux plaisir de manipuler ses compagnons de bouteille. Dieu qu'il est excitant de maintenir les braves gens dans les bras rassurants de l'ignorance. J'imaginais l'oeil de Jean s'allumer lorsque le vieux Turbé, après un nombre respectable de verres, lui avait confié son tourment.

Au bar de la Marine, lorsque je pénétrai dans la salle donnant sur le quai, vers neuf heurs du soir, les tablées fournies, bien ordonnées, peuplées de marins endimanchés, soudain silencieuses, évoquaient pour moi le temps où enfant, accompagnant mon père, je pénétrais, le jour du mariage de la fille aînée du maître, dans les communs du château où l'on avait parqué les métayers pour leur servir le repas de noces ; même respect gêné, même soumission têtue, même rage contenue, ces hommes ne se sentaient pas à leur aise. Simple impression bien sûr, car, en la circonstance, leur présence ici n'avait rien de protocolaire, même si certains ne faisaient que suivre, la majorité d'entre eux semblait là de son plein gré. Ce qui m'arrivait était si étrange que je décidais de ne plus me poser de questions. Le seul qui se tenait debout, accoudé au bar, tétant son éternelle pipe éteinte, c'était Jean. Dans cette affaire, en peu de temps, je compris que mon complice des jours heureux jouait, en quelque sorte, le rôle de consultant auprès de cette amicale de soiffards en repentance menée par le vieux Turbé. Comme ces biberonneurs chevronnés s'aventuraient loins de leurs deux lieux de prédilection : le bistrot et le bateau, les conseils de Jean leurs évitaient l'échouage ou le naufrage. Qu'ils aient eu l'idée de ce raout, je n'en doutais pas, mais il leur manquait l'ordonnateur, celui qui écrit paroles et musique. Sur cette île, plus encore que dans ma Vendée continentale emmurée, pour ces hommes censés porter la culotte, trimer, ramener l'argent à la maison, le laisser paraître, tout ce qui pourrait être perçu par le monde extérieur comme l'expression ostensible des sentiments, relevait de l'obscénité. Pour autant, leur pudeur naturelle s'effaçait lorsque l'océan rappelait aux terriens qu'il était plus dangereux qu'un champ de patates. J'étais ici l'un des leurs.

 

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