Petit texte à méditer à l'heure où, en Chine, un promoteur vient de bâtir un lotissement pour la classe moyenne, réplique tout en faux des immeubles Haussmannien de Paris, micro Tour Eiffel incorporé et banlieue en faux village bourguignon. La France les fait rêver déclare-t-il. Alors qu'attendons-nous pour enfoncer le clou ? Nous en avons tant d'histoires vraies ou brodées à leur raconter à ces chinois qui n'ont pas les moyens de venir dans notre beau pays. Le faisons-nous ? Je ne le crois pas. Et si nous voulions le faire la voie royale ne serait-elle pas celle que j'utilise en ce moment : la toile ? Allons-nous nous réveiller encore quelques années après la bataille ? Vin&Cie est à la disposition des opérateurs pour mettre des histoires dans les tuyaux de l'Internet. Mais qui m'entends ? Faire passer le message, merci par avance...
" Reste que la renommée universelle du champagne est déjà une vieille histoire et qu'elle est en marche depuis plusieurs siècles. En un certain sens, elle est même le fruit d'une campagne de promotion lancée dès le milieu du XVIIe siècle.
Du marketing avant la lettre ?
Pourquoi pas ? J'en veux pour preuve cette affirmation de Jean-Antoine Chaptal (l'homme de la chaptalisation) selon laquelle les vins de la région de Reims seraient redevables de leur célébrité "aux grands seigneurs qui accompagnèrent Louis XIV à son sacre", en 1654. Le postulat me paraît solide, et d'autant plus que ce ne serait pas la première fois qu'une classe dominante (le roi, la cour, les notables et le clergé) irait imposer ses goûts et ses préférences à une société toute entière. D'ailleurs les choses se sont-elles jamais passées autrement ? Sans oublier que le Champagne se trouve aux portes de l'Ile-de-France. Et sans oublier non plus qu'il y a la Marne puisqu'il est admis que les fleuves et les rivières navigables ont longtemps été les moteurs de l'économie et du commerce.
En tout cas, très vite, les vins de Champagne vont bénéficier d'une image royale, aussi bien en France que dans d'autres pays européens, notamment en Russie et en Angleterre. Et ils auront, pour les faire connaître, quelques ambassadeurs de choix, tels que Charles de Marguetel de Saint-Denis, seigneur de St-Evremond, un des écrivains les plus excentriques du Grand Siècle dont l'oeuvre paradoxale, désinvolte, semble bâtie à coups d'improvisations, comme si elle venait injurier les textes méthodiques de Boileau ou de Racine. Saint-Evremond a vécu deux existences : une première en France dans l'état-major de Condé, une seconde en Angleterre à partir de 1661, après avoir dû s'exiler. On n'a que peu de renseignements sur la vie anglaise de Saint-Evremond ; on sait seulement qu'il a été à Londres courtier en champagne et qu'il y a écrit la plupart de ses opuscules, toujours avec beaucoup de goût et de discernement, jusqu'à être un des premiers à révéler dans le détail, en 1677, les multiples facettes du génie comique de Molière. Et comme l'a remarqué Raymond Dumay, il a eu avant tout le monde l'idée lumineuse d'inventer la "généalogie éblouissant" du champagne, à travers ces propos vraisemblablement rédigés en 1683 : " Léon X, Charles-Quint, François Ier, Henri VIII avaient tous leur propre maison dans Ay pour y faire curieusement leurs provisions. Parmi les plus grandes affaires du monde qu'eurent ces grands princes à démêler, avoir du vin d'Ay, ne fut pas un des moindres de leurs soins."
Le champagne était lancé.
Et si bien qu'en quelques décennies il allait s'installer partout et avoir la réputation d'être un vin de luxe. Ce qui veut dire aussi celle d'un vin cher, par rapport à tous ses rivaux et concurrents, et ne serait-ce que les bourgognes (...) "
extrait de "La légende du vin" petit essai d'oenophilie sentimentale de Jean-Baptiste Baronian éditions Le Temps qu'il fait, pages 84-86