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5 septembre 2008 5 05 /09 /septembre /2008 00:07

 

J’entends déjà certains me rétorquer avec un sourire entendu : « Okaaay ! Okaaay ! » mais je ne me laisserai pas déstabiliser : j’affirme haut et fort « oui ? même en vacances en Corse, je continue de jouer du clavier ». Face à la mer je peux, grâce à la Wi Fi, vous abreuver de mes chroniques. Ce matin, en dépit d’un titre qui semblerait porter mes hautes pensées vers la Cité des Doges, c’est bien du vin et de la Corse dont je vais vous causer.

 

Mon Casanova à moi, n’est pas Giacomo le grand libertin du XVIII e siècle, né à Venise, mais le domaine Casanova d’Aghione qui produit un joli petit gris, médaillé d’or au Concours Général du Salon de l’Agriculture. C’est un rosé vin de pays de l’Ile de Beauté. Excellent, rafraichissant, un petit 12°5 pour 3,58  euros au supermarché Coccinelle et 3,90 chez le petit épicier où j’achète mes légumes corses, ma charcuterie corse : figatelli goûteuse, mes fromages de brebis corses : un Brocciu passu d’Antoine Ottavi à damner même un membre de l’ANPAA et quelques spécialités corses : comme la bastelle, l’ambrucciata, les canistrelli ou le canistron. Je consomme identitaire.

 

Pour Venise c’est plus compliqué. En vacances, n’en déplaise aux professeurs en blouse blanche qui veillent sur ma santé publique, tels des vieux coqs édentés sur des poules , je ne fais pas que boire et manger, je consomme, bien plus encore, des nourritures spirituelles. Je lis. Le texte qui suis est extrait d’un roman américain d’Harry Mathews « Cigarettes » publié chez P.O.L

« À dix heures, il arriva à l’appartement de Morris qui occupait tout un étage haut de plafond dans un brownstone rénovée de Cornelia Street. Lewis rougit quand Morris le serra dans ses bras. Ils s’assirent dans un coin, au milieu de vastes bibliothèques en désordre. Une carafe et deux verres étaient disposés sur une table basse à côté d’une assiette de sandwiches au roquefort. Morris versa le vin. C’était un vin dont Lewis n’avait jamais entendu parler, doux, français, avec « Venise » dans son nom. La chaleur du vin répandit soulagement et bien-être de sa gorge à son estomac puis jusqu’au bout de ses pieds et de son nez. Il lécha le bord de son verre en fermant les yeux. Quand il les rouvrit, il était assis à la même place, nu, les poignets et les chevilles liés à sa chaise. Morris était debout devant lui, dénudé jusqu’à la taille, portant aux poignets des bracelets de cuir noir décorés d’une clouterie chromée ; sa main droite serrait un coup de poing américain… »

Vous comprendrez sans problème que j’ai choisi ce passage pour la référence au Muscat de Beaumes-de-Venise et non pour le reste plus trash, dans le ton de ce que nos plumitifs nous balancent en cette rentrée littéraire (samedi vous aurez droit à une chronique Millet Angot Chabalier versus Berthomeau pourfendant ceux des porteurs en bandoulière de leur souffrance personnelle, la vendent aux ménégères de plus de 50 ans).

 

Enfin, pour la tête de gondole, comme je lis aussi la presse locale, dans « Corse matin » du 27 août, c’est une interview tonitruante de Michel-Edouard Leclerc, titrée « Une révolution à faire dans la distribution corse ». Je vous en livre un extrait : du pur jus de notre MEL « je communique plus vite que mon ombre ». En Corse on s’en gondole déjà : normal notre MEL a une belle tête de gondole et, comme dirait l’autre, les promesses n’engagent que ceux qui les entendent

 

Question : Le contexte politique et économique de l’île a-t-il constitué un frein, sachant que les investisseurs ne se bousculent pas en Corse ?

 

MEL : L’arrivée de Leclerc peut être aussi une contribution politique à l’amélioration du pouvoir d’achat. On peut apporter notre pierre à la baisse des prix dans l’île, au bien être des corses. Il y a une révolution à faire dans la distribution corse. Ce sont les entrepreneurs qui étaient en bout de contrat avec système U qui se sont tournés vers nous. Ce n’est pas un transplant du continent sur l’île mais une évolution culturelle et économique d’entrepreneurs qui ont fait acte de candidature. Ce n’est pas Leclerc qui vient en Corse, ce sont des gens du pays, des gens volontaires, dotés d’une vraie force entrepreneuriale qui nous ont sollicités, des personnes déterminées à s’engager dans la logique Leclerc. Nous avons beaucoup discuté, j’ai apprécié la transparence de nos contacts.

 

Question : Votre implantation a entraîné nécessairement une étude approfondie du marché. Que connaissez-vous du terrain, qu’avez-vous appris ?

 

MEL : La baisse du pouvoir d’achat frappe toute l’économie européenne et aussi la Corse dont les revenus sont inférieurs à d’autres régions. C’est vrai qu’il y a des coûts d’approvisionnement mais on constate trop d’aberrations, trop de prix scandaleux en Corse, les enseignes y sont peu nombreuses et il y a peu de concurrence entre les enseignes. Nous avons donné à nos futurs adhérents des objectifs de prix, nous exerceront des contrôles, ils veulent jouer le jeu et nous arriverons à cette efficacité de prix.    

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4 septembre 2008 4 04 /09 /septembre /2008 00:09

 

La France adore les classements de toutes natures : ça va du classement à la sortie de ses grandes écoles jusqu’au classement des Crus de Saint-Émilion et, bien sûr, les exceptions, au premier rang desquelles la culturelle et moins connue, œuvre de Napoléon, celle de posséder deux ordres de juridiction : la civile et l’administrative. Nous sommes le peuple le plus intelligent, le plus génial de la planète car nous sommes capables de mettre en place de savantes machines à classer, sous le contrôle éclairé de notre Administration, de méconnaître tout de même chemin faisant « les principes cardinaux du droit administratif que sont l’égalité de traitement des candidats ou l’impartialité de la composition du jury (1), donc de prêter le flanc à des recours de la part des déclassés, de prendre un arrêté interministériel homologuant le 12 décembre 2006 le beau travail de classement pour le voir annulé par une décision du tribunal administratif de Bordeaux le 1ier juillet 2008. Pfutt, plus de classement : en effet l’ancien homologué par arrêté du 8 novembre 1996 « est devenu caduc dix ans après cette publication ». Le premier est caduc et le second annulé : le trou noir. Sauf que dans la nuit du 9 au 10 juillet un amendement présenté par le  Gouvernement (un pur cavalier) au projet de loi de modernisation de l’économie en discussion au Sénat proroge l’ancien classement pour les vins issus des récoltes 2006 à 2009. Ouf, tout le monde est content sauf les promus ! Pas si sûr et je vais essayer de dire pourquoi.


Peut-on vraiment continuer de vouloir fonder la valeur économique d’un Cru sur un classement administratif ? À la suite des derniers épisodes contentieux, quel intérêt présente encore un classement qui tirait sa force et son caractère incontestable de la garantie de régularité juridique que lui accordait le fait qu’il soit réalisé sous le contrôle de l’INAO ? Dans la réalité du commerce ce qui fait la valeur d’un vin est-ce sa place dans un classement issu de dires experts ou le marché ? Dans le cas d’espèce tout le monde sait que des vins plus chers et plus célèbres ne sont pas classés. Mais, comme le classement fait partie intégrante du patrimoine de l’appellation Saint-Emilion et que les mentions : 1ier Grand Cru classé A (2), 1ier Grand Cru classé B (13) et les grands Crus classés (46) sont protégées par le droit communautaire, on ne peut s’en tenir à ce type d’argument. De plus, comme le fait remarquer le Pr Jean-Marc Bahans « ce n’est pas la pertinence du classement qui est stigmatisée par les juges et la légalité interne de l’arrêté n’est pas remise en cause. Aucune erreur manifeste d’appréciation n’a été retenue dans les deux instances évoquées. L’avenir du classement des crus en Bordelais n’est en réalité pas compromis… » Donc, si les principes du sacro-saint droit administratif à la française sont respectés l’ordre pourra régner à nouveau.


Il n’empêche qu’un classement à haute valeur économique qui intègre dans sa procédure une dégustation sera toujours contestable car, par construction, la dégustation est un élément purement subjectif, donc sujet à caution, donc contestable, qui pour avoir une quelconque valeur, doit être pratiquée par des experts ayant une réelle connaissance de l’appellation et qui de ce fait seront souvent juges et parties donc susceptibles d’être accusés de partialité. L’externalisation de la dégustation déporte le problème sans, ni le régler, ni apporter une réponse incontestable. Alors que faire ? À mon avis, l’une des pistes à expertiser, étant donné l’ambivalence du classement, est d’étudier la possibilité de sortir la procédure de classement de la machine infernale du droit administratif et de sa juridiction spécifique. De la privatiser au sens juridique s’entend.

 

Je m’explique.


Les fondements juridiques de la procédure du classement (extrait de l’article du Pr JM Bahans du 21 juillet 2008)


« C’est un décret du 7 octobre 1954 qui a établi les fondements d’un classement des crus de Saint-Emilion, c'est-à-dire un classement des exploitations viticoles bénéficiant de l’appellation d’origine en cause, devant être révisé tous les dix ans. Le classement qui vient d’être annulé était le cinquième depuis l’origine. A l’heure actuelle, les règles présidant à ce classement sont fixées par le décret du 11 janvier 1984 relatif aux appellations d’origine contrôlées « Saint-Emilion » et « Saint-Emilion grand cru » et par le règlement de classement qui lui est annexé (V. A. Vialard, Les classements des vins de Bordeaux, Eurowines, févr. 2005, p. 42-49). L’article 7 du décret du 11 janvier 1984 prévoit que les mentions « Grand cru classé » et « Premier grand cru classé » sont réservées à « des exploitations viticoles ayant fait l’objet d’un classement officiel homologué par arrêté conjoint du ministre de l’agriculture et du secrétaire d’Etat chargé de la consommation, après avis du syndicat intéressé sur proposition de l’INAO ». Il prévoit encore que le classement doit être fait en respectant un règlement soumis à l’approbation des deux ministres en cause. Enfin, il ajoute que « le classement susvisé est valable pour dix ans à compter de la parution de l’arrêté d’homologation ».


Le règlement prévoit que le classement est fait par une commission nommée par l’INAO sur proposition du syndicat intéressé, qui peut avoir à sa disposition l’ensemble des informations qu’elle estime utiles. Ce règlement précise l’ensemble des règles de procédure qui doivent être suivies pour l’établissement du classement. On peut relever parmi celles-ci que les échantillons doivent être prélevés par l’INAO, que les décisions défavorables de la commission doivent être notifiées par le même institut et que les candidats malheureux peuvent s’expliquer devant la commission et solliciter un nouvel examen. »


Les résultats de cette procédure :


Le nouveau classement ne modifiait pas la short liste (2) des 1ier Grand Cru classé A : Ausone et Cheval-Blanc mais accordait une promotion de Grand Cru Classé à Grand Cru classé B à 6 nouveaux châteaux : Bellefont-Bercier, Destieux, Grand-Corbin, Grand Corbin-Despagne et Montbousquet et déclassait dans le sens inverse 13 châteaux : Bellevue, Cadet-Bon, Curé-Bon, Faurie de Souchard, Gadet St Julien, La Clusière, La Tour du Pin Figeac, La Marzelle, Petit Faurie de Soutard, Tertre Daugay, Villemaurine, Yon-Figeac… et aucun petit nouveau n’entrait dans le Saint des Saints. Bien évidemment, n’ayant aucune compétence particulière en ce domaine, je ne vais pas m’aventurer à porter un jugement de valeur sur les promus ou les déclassés mais je vais me contenter de 2 remarques :

-         un classement qui fonctionne en circuit fermé : aucun nouvel entrant et aucun sortant sent le club et la consanguinité. Dans les compétitions sportives, même les plus grands, quand ils ne sont pas à la hauteur, descendent ;

-         les seuls pénalisés dans cette affaire, telle qu’elle s’est dénouée, sont les promus dont tout le monde s’accorde à reconnaître qu’ils récoltaient là le fruit de leurs efforts. Donc tout ça pour ça : on sauve les meubles mais quelque part nous nous discréditons et nous prêtons le flanc aux critiques, voire aux recours de nos clients.


La justice administrative est une incongruité à la française


Bien évidemment, dans le cas d’espèce, je ne mets pas en cause la compétence des magistrats administratifs du Tribunal de Bordeaux mais, comme l’a fait remarquer Arnaud Montebourg (qui n’est pas habituellement ma tasse de thé)  à l’occasion de la réforme des institutions « la modernisation de la justice administrative devait être posée à l’occasion de la réforme des institutions. Le défaut d’indépendance des magistrats administratifs, qui sont avant tout des fonctionnaires, ainsi que la double compétence du Conseil d’État, à la fois conseiller du Gouvernement sur la rédaction des actes administratifs et juge de la légalité de ces mêmes actes, a conduit ces dernières années à une multiplication de recours contre la France devant la Cour européenne des droits de l’homme qui ridiculisent notre pays[1]. À cet égard, et sans même évoquer la question des nominations au tour extérieur, les fonctions du commissaire du gouvernement, qui ne représente pas le Gouvernement mais s’exprime devant les juridictions en dernier sans qu’il soit possible de lui répondre, sont révélatrices de l’anomalie que constitue aujourd’hui le fonctionnement de la justice administrative française. Il s’est donc déclaré en faveur d’une clarification du rôle et de la situation du Conseil d’État dont la fonction juridictionnelle ne doit pas être consacrée par la Constitution. »


Pour illustrer mon propos je me permets de citer les déclarations de monsieur Pierre Carle associé propriétaire du Château Croque Michotte à Saint-Emilion qui, à défaut d’être toujours juridiquement pertinentes, sont significatives de la défiance du justiciable vis-à-vis de la justice administrative : « Dans ses conclusions le Commissaire du Gouvernement chargé de défendre l’administration, a rejeté toutes les démonstrations des avocats des viticulteurs. Mais il l’a fait avec une prudence de chat et un luxe de précautions. Et surtout il n’a, à aucun moment, fait appel à la loi, aux textes de loi votés par les représentants du peuple. Le Commissaire du Gouvernement n’a pu se reposer que sur des jurisprudences. Saluons au passage la performance de ce représentant de l’Etat qui, voulant à tout prix défendre l’administration, est allé rechercher jusqu’à près de cinquante ans en arrière les jurisprudences les plus inattendues que les juges de l’époque se sont donnés beaucoup de mal à rédiger afin de justifier – quoi ? des erreurs administratives qui auraient dû être annulées par les textes votés par le Parlement ! Ajoutons que nous n’avons pas le loisir d’aller vérifier ces jurisprudences qui concernaient des décisions administratives bien loin de notre problème de classement. Mais il est à parier qu’un examen approfondi de toutes ces décisions montrerait que toutes ces jurisprudences ne sont pas logiquement applicables dans nos affaires. Ces jurisprudences sont censées justifier des mesures de rétroactivité, accepter des conflits d’intérêt, accepter l’opacité des procédures de classement sous le couvert de souveraineté de la Commission ».


Privatiser la procédure de classement est la seule solution moderne


L’INAO n’a rien à faire dans cette galère. L’Institut doit être le garant des règles fondamentales de nos appellations non la caution d’une compétition dont le résultat pèse sur la valeur du vin. C’est donc au Conseil des Vins de Saint-Emilion de remettre l’ouvrage sur le métier, de proposer une nouvelle procédure se fondant sur un contrat privé auxquels les compétiteurs souscriront s’ils souhaitent participer à la compétition et surtout de prévoir en cas de conflits ou de contestations une procédure d’arbitrage, plus réactive et plus rapide, dont les décisions ne seront pas susceptibles de recours au contentieux. La puissance publique n’a pas à s’impliquer dans des procédures qui ont pour résultat d’influer sur le cours économique des choses. Sans doute va-t-on m’accuser d’être totalement iconoclaste et de m’occuper de ce qui ne me regarde pas mais ce n’est que mon point de vue, il n’engage que moi mais une véritable rénovation juridique de ce type de procédure s’impose. Nous qui donnons des leçons à la terre entière, avec un soupçon d’humilité et de pragmatisme, en nous engageant sur cette voie, nous nous épargnerions de nous faire taxer d’inventer des usines à gaz qui accouchent de situations aussi incompréhensibles qu’inextricables et de pénaliser les entreprises qui se retroussent les manches pour porter plus haut leur vin et ainsi l’appellation toute entière.

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3 septembre 2008 3 03 /09 /septembre /2008 00:02

Rassure-toi Jacques en te qualifiant de Merveilleux je ne te range pas dans la catégorie des « incroyables » et des « merveilleux » née sous le Directoire de la frénésie de jouissance post-Terreur. D’ailleurs, la majuscule marque la différence. En effet, enfant et adolescent, dans ma Vendée des maîtres, j’éprouvais une réelle fascination pour leur patronyme à rallonge. Ils sonnaient bien. Montaient et descendaient, tels des montagnes russes : de Tinguy du Poët, Boux de Casson, de Baudry d’Asson, de la Lézardière, Morrisson de la Bassetière…Des noms qui venaient de loin,  de l’Histoire, qui fleuraient bon le fief et le métayage. Paré de tels joyaux je ne pouvais que passer mon bac Philo à l’Institution Amiral Merveilleux du Vignaux aux Sables-d’Olonne. La classe non, ça pète mieux que le LEP de la ZUP de Garges-lès-Gonesse… Alors, lorsqu’il s’est agi de trouver un titre à ma chronique sur mes impressions de lecture de ton livre « Choses bues », chez Grasset, face à la baie de Tiuccia, l’illumination m’est venue plus naturellement que la sobriété à Hervé Chabalier d’accoler à ton patronyme officiel Merveilleux du Vignoble. Ça te va très bien je trouve cher Jacques Dupont du Point.


 

 

Merci tout d’abord d’avoir écrit. Je m’entends et j’espère être compris, ton livre, dans sa forme, révèle de belles qualités d’écrivain, il est comme ces grandes bâtisses d’autrefois, plein de vastes pièces lumineuses et de recoins mystérieux, on s’y sent très vite bien, ta maison d’intérieur, c’est si rare dans ce genre d’exercice, que je me devais de le souligner. Derrière les lignes, au-dessous, tout autour, sous la peau d’un style enlevé, j’ai à tout moment senti ta patte, ton empreinte. Moi qui n’ai pas un nez aussi sensible que le tien, cher Jacques, je pense en revanche avoir le sens de la matière, de sa richesse, celle qui donne de l’épaisseur, de la profondeur, absorbe la lumière et fait la différence entre de la peinture et une œuvre originale. Ton livre, lui aussi, prend bien la lumière. Il a de la tenue, de la retenue, c’est pour moi de la belle ouvrage de plume. Que tu aies participé à l’aventure de la « radio libre » : Lorraine Cœur d’Acier n’a rien d’étonnant, tu es un homme de cœur et de fidélité en amitié. Certains vont ricaner, ironiser qu’en tant qu’ancien enfant de chœur je manie sans vergogne l’encensoir. Procès facile, tout comme celui qu’ont instruit ceux qui m’ont accolé les plus « viles étiquettes ». N’exerçant pas le métier de critique je fais parti de ceux qui n’évoquent, auprès de leurs amis, que ce qu’ils aiment : films, expositions, livres, restaurants, et vins bien sûr. Éreinter un livre minable ou un film « je me regarde le nombril pendant 2 heures » n’est pas ma tasse de thé, je laisse la besogne aux écrivains ratés ou aux réalisateurs rentrés.

 

Ceci écrit, je n’ai « aucune honte » de dire que Jacques Dupont fait parti de ceux, forts rares dans sa profession – beaucoup se sont ralliés depuis – qui dès la sortie de mon fichu rapport, l’a lu et a compris ce qu’il préconisait pour nos vins de France. Comme lui je suis fidèle en amitié mais accordez-moi le crédit que ça n’ôte en rien de la liberté à ma plume. Ce livre promenade personnelle je vous recommande de le lire car il vous donnera envie d’en être, sans être pour autant être un spécialiste, un raseur pédant, et surtout quelqu’un qui s’excuse de son inexpérience, de flâner au gré de votre bon plaisir, de rencontrer des hommes et des femmes passionnés, intéressants, de partager des plaisirs simples avec eux ou avec des amis autour d’une bonne table avec de belles bouteilles dessus. La vie quoi, simple et dépourvue d’affèteries. Certes l’ami Jacques fréquente des gens de la haute, comme on disait chez moi, monsieur le « barong » et autres propriétaires châtelains(en rendant hommage aux maîtres de chai, Jacques donne de la chair à une catégorie qui m’est chère : les vins de salariés) et ses croquis des médocains m’ont rappelé un dîner, chez l’ami Bruno Prats, à Cos d’Estournel, organisé par l’Union des Grands Crus du Médoc à l’occasion d’un déplacement d’une poignée de futurs énarques. C’était sous Giscard et ce fut un long lamento sur la dureté du temps. Même que JL Bourlanges – futur ex-star Bayroutiste – en fut tout bouleversifié.

 

Dans son livre, Jacques Dupont assume des positions que bien peu de ses confrères n’osent même pas aborder comme le « petisme », concept du sociologue Gérard Mermet, « un mal bien français qui fait toujours préférer l’artisan à l’industriel, le malchanceux au veinard et dénigrer la réussite » ou la défense du métier de commerçant « je sais, ce n’est pas poli de mettre en parallèle commerce et vin. C’est en somme brader l’art chez le mercantile. Tout créateur se doit en France de finir comme l’homme à l’oreille coupée, seul et dans la misère. Celui qui réussit est douteux. » Courageux mais aussi pertinent, plus particulièrement sur le terroir « j’ai plutôt tendance à trouver ringards tous ceux qui n’ont du mot terroir qu’une définition naturaliste, comme si celui-ci était le fruit d’une sorte de génération spontanée. Le terroir béni des dieux, créé de toute pièce par Dame Nature qui en aurait fait don aux hommes, me donne envie d’aller me coucher. C’est de la philosophie de syndicat d’initiative. Ou pour dire vrai, ce terroir-là n’existe pas. »Et le Jacques de se référer à Ernest, pas le YOUNG qui vend ses écrits au prix du caviar, mais le RENAN répondant à la question « Qu’est-ce qu’une nation ? » qui procède par élimination pour en arriver à affirmer « l’existence d’une nation est (pardonnez-moi cette métaphore) un plébiscite de tous les jours » Alors va pour une définition moderne du terroir comme un « plébiscite permanent » cher Jacques.

 

Aubert de Vilaine, Jean-Michel Cazes, Paul Avril et bien d’autres moins connus, Jacques Dupont côtoie ce qui se fait de mieux dans le monde du vin et c’est un peu malice de ma part que d’avoir titré ma chronique : Merveilleux du vignoble. En effet, moi le tâcheron public, qui aie plus fréquenté ceux qui font profession de « défendre » le vin que ceux qui le font loin des estrades ou des antichambres ministérielles, ma vision du monde du vin est un peu plus proche du terre à terre de la réalité des ODG, des réunions interprofessionnelles, du comité national de l’INAO, des AG des zinzins et des bouzins, et de tout ce petit peuple des coopérateurs bien vite jetés dans le même sac du désintérêt pour leur vin collectif. Les réunions à la salle communale de Maury ou de Matha permettent plus que  la dégustation des primeurs de toucher au plus près la vie des gens d’en bas. À chacun son métier, et sous ma plume ce n’est qu’un léger reproche, cher Jacques, mais les gars de la coopé d’Embres&Castelmaure ou de la coopé de Tain ou de Sieur d’Arques, sont tout aussi valeureux que bien des vignerons qui occupent les feux de la rampe. Mais j’en conviens ton livre n’avait pour vocation d’aborder les « misères » de notre viticulture. Comme je sais que mon combat pour que notre grand pays généraliste du vin fasse bien et bon, à chacun de ses étages, je suis persuadé, comme tu le fais depuis des années dans le n°spécial du Point, lorsque tu reprendras ta plume pour nous offrir un nouveau livre, tu iras aussi à la rencontre de cette France du vin parfois bien irritante.

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2 septembre 2008 2 02 /09 /septembre /2008 00:01

 

Même si certains pensent que je suis le roi du baratin l’histoire qui suit est une histoire vraie. Pour vous prouver ma bonne foi je pourrais citer à la barre des témoins de haute volée qui sont par ailleurs les acteurs de cette histoire. Mais, pour ne pas compromettre leur réputation, je ne les appellerai pas à la rescousse et ne vous dévoilerai pas leur CV. Que du beau monde nous avions, en cette fin d’après-midi-là, invité sur les hauteurs d’Asnières, tout près de la gare de Bécon-les-Bruyères chère au cœur du grand Emmanuel Bove. Au 5ième et dernier étage, sur une splendide et vaste terrasse, notre hôte, homme du vin, compagnon gourmet de mon bref séjour sur le port de Gennevilliers, et son épouse, nous accueillaient pour ce que je voulais être – mégalo je suis – une grande et belle dégustation de rosés d’été. Le panorama nous dévoilait les joyaux de notre ville capitale. Nous nous extasions. Tout le monde était à l’heure, sauf notre Murielle du 15iem. Ça sentait la fin de cycle, tout ce petit monde fourbu aspirait aux vacances et je me disais que le natif d’Asnières avait eu raison de préciser sur l’invitation que la dégustation serait conviviale.

Dans le cercle des invités : 6 mecs et rien qu’une gonzesse, mais quelle gonzesse si je puis me permettre ce type de familiarité. Du caractère, juste ce qu’il faut de provocation de fille, une belle expérience dans le marketing du vin, un zeste de piment dans le monde plonplon des zonzons et un joli prénom qui a une histoire pour moi (lorsque ma sœur attendait son second enfant, persuadée d’avoir une nouvelle fille elle voulait la prénommer Valérie et moi de lui dire : si c’est un garçon ne change pas de prénom. C’est ainsi que mon neveu s’est retrouvé affublé du prénom de Valéry immortalisé par le déplumé de Chamalières). Sur la table, des verres alignés, et la première fournée des 28 bouteilles à déguster. Nous avons adopté une technique de dégustation très innovante, très débridée, speedée, dont bien évidemment je vous tairais les grands principes afin que les grands prêtres qui officient dans les lieux saints ne me vouent pas à la Géhenne et demandent mon excommunication par bulle du souverain professeur Pitte.

L’échantillon était-il représentatif ? La réponse est oui sans contestation. Pourquoi ? Parce que les 2 échantillonneurs sont 2 anciens acheteurs patentés, le premier, un vrai pro, notre hôte, 18 bouteilles, l’autre assez peu fiable, c’est moi, 10 bouteilles. Donc, silence dans les rangs, notre philosophie se résumait à tester des rosés populaires, pas trop chers, ceux que monsieur et madame tout le monde peut acheter au magasin du coin. Tout le contraire de ce que font nos chers confrères qui dégustent des vins qu’il faut aller chercher avec sa petite voiture : pour exemple Régal qui vantait 2 vins dans son dernier numéro et aucun n’était accessible dans la Région Parisienne faute d’être distribué (je n’incrimine pas le vigneron). Bref nous avions 2 vins de table, 18 vins de pays, 7 AOC et 1 espagnol. Au plan régional : Val de Loire 4, Oc 4, Var 4, Ile de Beauté  3, petites zones VdP 2, Bouches du Rhône 1, Bordeaux 2, Sud-ouest 2, Provence 1, 1 Languedoc et 1 Beaujolais. On pourrait nous reprocher la sous représentation des rosés de la Provence AOC par rapport au VdP du Var mais il s’agit d’une pure question de prix (les bons sont chers). Enfin 5 des vins étaient des AB.

Le top départ était donné pour la première série. Le plop des bouchons en cascade, peu de liège, une seule vis, le nectar est servi et les mecs se coltaient au taf dégustatif avec un bel enthousiasme et le professionnalisme qui sied à l’exercice. Et la gonzesse me direz-vous, que faisait-elle ? Elle attendait son heure avec l’air détaché de celle dont attendez une réponse favorable après une cour acharnée et qui va vous éconduire avec le sourire. Allait-elle nous prendre à contrepied ? Aimer les délaissés. Les garçons se délectaient de la lecture de certaines contre-étiquettes qui selon eux raviraient les amis de la CNAOC. Et puis, dans l’entre-deux il y eut un silence, et la sentence de notre « the nana » est tombée, tel un couperet acidulé, sans appel : « moi j’aime que les rosés de mec ! » Emballé c’est pesé. Le message d’une clarté limpide : lâchez-nous les baskets les mecs, cessez d’estampiller le rosé boisson pour filles, ne pensez pas à notre place, faites du vin, point ! Ses très chers collègues, tout en appréciant la beauté du geste, la charriait sur le thème : « tu ne sais pas quoi inventer pour te singulariser… » alors que moi, grand expert es-nana, blanchi sous le harnois, je pensais que l’irruption des femmes dans l’univers bien macho du vin allait vraiment faire bouger les lignes, secouer les certitudes et, comme diraient les mecs, « pas fini de nous en faire baver… »

 

Les séries 2 et 3 furent dégustées sur le même mode endiablé. Votre serviteur collationnait les notes de dégustation. Notre Murielle du 15ème arrivait en compagnie de son mari. Notre hôtesse nous régalait. L’heure était venue de savourer des bulles. J’avais bien sûr apporté du Préambulles. Je prévins notre hôte de son caractère éruptif. Ce fut un geyser qui épandit sa mousse sur le déboucheur qui, avec son humour bien connu, imbibé du nectar sauvage, lâchait « c’est ça les bios… on ne peut pas leur faire confiance… » À notre grand regret nous ne pûmes apprécier le Préambulles qui embaumait la vêture de notre hôte. Par bonheur restait la bouteille de champagne les Rachais de l’ami Boulard. Comme chat échaudé craint l’eau froide on me confiait le débouchage qui se déroulait sans incident. Nous n’étions plus en mode dégustation mais en mode réception : belle surprise, belle unanimité et, que Valérie me pardonne l’appellation un peu triviale que je lui ai collé pour les besoins du scénario, notre gonzesse qui n’aime que les rosés de mec appréciait. Finir en beauté une dégustation débridée me comblait de bonheur. Vacances pour tout le monde et compte-rendu pour la rentrée des classes…

 

PALMARÈS

 

1-     Les préférés (5citations) : Poussin Rose de Sacha Lichine VdP des Sables 2007, le Gamay 2007 de Claude Cogné VdP du Val de Loire, Pink Flamingo 2007 VdP des Sables, Domaine Montrose 2007 VdP des côtes de Thongue, Château Pénautier comte de Lorgeril Cabardès 2007.

2-    Les appréciés (4 citations) : Les Sablonnettes Ceci n’est pas un rosé VdT 2007 Val de Loire, le Grolleau de Joël Hérissé 2007 VdP du Val de Loire, Gris de Gris de Gérard Bertrand VdP d’Oc 2007, Tradition de Buzet 2007 et Château Cajus Bordeaux Clairet 2006.

3-    Les typés (3 citations) : Grenache Grains de cépage Nicolas VdP de l’île de Beauté 2007, En la Tradition Saint Mont 2007, Syrah Un 2007 Caves Commandeur VdP du Var et Domaine la Sauveuse 2007 Côtes de Provence.

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1 septembre 2008 1 01 /09 /septembre /2008 00:00

 

Ce matin je ne vais pas jouer à l'ancien, genre "parrain", celui qui un beau jour de juin 1988 accueillait dans son bureau le jeune et sémillant Alain Berger en provenance de l'INAO pour qu'il prenne en charge le portefeuille des productions végétales, donc la viticulture, au cabinet d'Henri Nallet. Le président de l'INAO m'en avait dit grand bien. Je connaissais le portefeuille puisqu'il avait été le mien avec Michel Rocard et je venais de passer presque trois années à la Société des Vins de France. Les accords de Dublin commençaient à produire leurs effets sur la viticulture languedocienne. Le dossier viticole n'était plus aussi chaud mais se profilait une présidence française à Bruxelles où nous avions l'intention de mettre le dossier de nos AOC en avant. Bref, le jeune homme se révéla plein d'allant et de punch. Il fit son trou avec brio. Son beau parcours le destinait tout naturellement à devenir le directeur de l'INAO. Avec la loi de 1990 nous fîmes le ménage dans nos différentes formes de reconnaissance de l'AOC et intégrions les produits laitiers à l'INAO, puis à Bruxelles les notions d'AOP et d'IGP étaient reconnues pour que nous puissions mettre le dossier sur la table du GATT devenu OMC. Nous avons été des précurseurs même si nos enfants n'ont pas toujours été traités comme nous l'aurions souhaité. Et puis un jour Alain osa dire sur nos AOC vins ce que certains ne voulaient pas entendre dire. On le pria d'aller s'occuper des poissons à l'OFIMER. Par la suite il fit le directeur de cabinet de Jean Glavany Ministre de l'Agriculture qui me passa commande du rapport. Puis ce fut l'Inspection Générale de l'Agriculture, l'Interprofession des Fruits et Légumes et récemment le voici devenu Directeur des Services du département de l'Indre-et-Loire. Beau parcours que voilà et la gentillesse de distraire un peu de son temps pour répondre à mes 3 Questions. Merci Alain.


1ière Question
:
Alain, sans te couvrir de fleurs, car certains m’accuseraient de connivence, tu es considéré, y compris par tes détracteurs, comme un Directeur de l’INAO qui a marqué son passage dans la « vieille maison ». Ta conception de l’AOC t’a value d’aller planter tes choux ailleurs – même si c’était des poissons – alors maintenant que tu fais dans les fruits et les légumes, avec le recul et la distance que ça te donne, livre-nous ton analyse de la dérive des AOC. Pourquoi et comment a-t-on pu en arriver là ?

 

Réponse d’Alain Berger :

J’ai toujours considéré l’AOC comme la plus belle façon de faire parler un territoire, ou, pour être plus techno, un « terroir », fait de son sol, son sous-sol, son climat et de ce savoir faire de générations d’hommes et de femmes qui ont trouvé la meilleure façon de faire vivre en symbiose l’homme et son territoire… La vigne avec ses cépages et ses pratiques viticoles et œnologiques, la production laitière avec ses races de vaches, et ses pratiques fromagères, etc.

 

Mais le respect des terroirs et de l’intégrité de leur expression au travers des produits qu’ils génèrent suppose diversité, hétérogénéité, aléas ; nous sommes trop loin des logiques dites modernes de rémunération qui demandent homogénéité, maîtrise et volume. Cette fameuse mondialisation supposée être l’avenir incontournable de l’humanité a substitué le modèle « Parker » au goût quasi monopolistique, à cette diversité faite d’humilité et d’aléas. Et pourtant, puisque nous sommes plus dans l’univers artistique qu’économique sensu stricto, que de modernité dans ce concept d’AOC. Quand on dit que le principe d’AOC est ringard, ou qu’il constitue un obstacle au développement économique, ce n’est que l’expression d’une profonde méconnaissance de sa réalité : on ne le regarde que selon des logiques « industrielles » de « prêt-à-porter » ! Je maintiens que ce concept reste aujourd’hui le meilleur outil de résistance des territoires à la délocalisation et à la banalisation ; il est le meilleur outil de préservation de la rémunération potentielle de nombreux terroirs.

 

Trop souvent, l’AOC a été décriée alors que son mode d’emploi  n’avait pas été respecté !Quand vous n’arrivez pas à faire fonctionner votre portable, vous ne le jetez pas à la poubelle : vous lisez la notice !

 

2ième Question :
D’après toi, à dire d’expert, de bon connaisseur des hommes et de nos clochers, que faut-il faire pour que notre grand vignoble généraliste puisse conjuguer tous ses atouts, éviter la délocalisation d’une part de la production, boxer à armes égales dans toutes les catégories : des petits aux grands et aux très grands, pour redonner à certaines de nos AOC leur crédibilité ? Les réformes internes engagées vont-elle dans le sens que tu souhaites ? La nouvelle OCM vins va-t-elle profondément bouleverser la donne ?

 

Réponse d’Alain Berger :

J’avoue très sincèrement m’être éloigné de la réalité viticole immédiate et de ses préoccupations du moment. Peut être parce qu’une partie significative de cet univers, comme tu l’as souligné tout à l’heure, m’a demandé de planter mes choux ailleurs. Pour moi, il n’y a pas de solutions universelles, seulement quelques principes de base à respecter : l’AOC n’est pas la solution unique ; elle est, par nature, faite d’exceptions. Le vin « œnologique » a autant de raisons d’être que le vin de terroir. Quand on est « petit », il faut savoir préserver et entretenir son identité sans chercher à vendre sur tous les marchés. La logique de volume doit nécessairement donner la préférence à la marque plutôt qu’au terroir…etc.

3ième Question :
Alain, tu as laissé dans notre petit monde du vin, le souvenir d’un amateur éclairé, d’un bon vivant, dis-nous ce que le vin représente pour toi ? Comment y es-tu venu ? Quels sont tes goûts ? Tes préférences ? Tes coups de cœurs ? Nous allons boire tes paroles. 

Réponse d’Alain Berger :

Comme je l’ai déjà dit, avant d’être un produit, le vin c’est d’abord un terroir, une histoire, des hommes avec leur passion, de la découverte. J’y suis venu par la Recherche, à l’INRA ; je voulais comprendre en quoi le concept d’AOC permettait à des régions de se développer. On me parlait de rente institutionnelle, et j’ai vite compris que c’était beaucoup plus subtil. Il suffisait que des hommes d’un terroir refusent de copier sur leurs voisins, en puisant chez eux leurs potentialités de développement.

 

 Et je suis allé à la découverte des terroirs... En fait, je vais souvent de coups de cœurs en coups de cœurs, même si je reste fidèle à quelques uns. Il s’agit toujours de vins dont je connais le vigneron, en Bourgogne, du coté de la Côte de Nuits, dans les Côtes du Roussillon, en Corse. Aujourd’hui, je découvre de superbes Bourgueil. En revanche, je fuis les vins dits « d’élite », peut être parce que je reste convaincu que la logique du modèle imposé à tous est incompatible avec le respect du concept d’AOC. Je considère que l’univers du vin devrait être une formidable école d’humilité : chacun peut trouver son plaisir, sans être l’amateur dit « éclairé ». 

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31 août 2008 7 31 /08 /août /2008 00:08

Chloé, après avoir traversé à vive allure la forêt de St Germain et effacé des contrées idylliques telles que Houilles, Bezons, Colombes, sans jamais enfreindre le code de la route, nous fit entrer dans Paris par la Porte d’Asnières. Moi qui l’avais pris de prime abord pour une évaporée déjantée elle se révélait organisée, pleine de sang-froid et surtout très consciente des limites du combat révolutionnaire de nos zozos de la GP. Ma nouvelle liberté, concédée par Marcellin, m’ouvrait des perspectives. Je ne savais pas encore lesquelles mais l’important était d’être disponible pour saisir les meilleures opportunités qui ne manqueraient pas de s’offrir à moi. Pour l’heure je me retrouvais dans ma position favorite : pris en main par une fille border line. Paris, en cette fin d’après-midi, commençait à déglutir ses banlieusards. Telles des fourmis tout ce petit monde des bureaux, en paquets serrés, front bas, regards fermés, se jetait dans les bouches de métro pour gagner les gares de triage. Sans vouloir jouer les sociologues de bazar, je ne pouvais m’empêcher de penser que c’était eux qui comptaient, que c’était eux qui pesaient, que c’était sur eux que reposaient les contours flous d’une France qui n’avait plus rien à voir ni avec celle des paysans, ni avec celle des ouvriers. Le combat de Flins était aussi imbécile qu’inutile. Nous étions inaudibles, à côté de la plaque, les derniers rejetons dévoyés des grandes croyances du XXième siècle. Tous les angles, les aspérités, le dur se floutaient, les frontières s’effaçaient, le plus grand nombre n’aspirait plus qu’à la bagnole, au week-end, au confort d’un pavillon de banlieue.

 

Les beaux quartiers résidentiels semblent toujours hors la vie, lisses, indemnes du grouillement, de la promiscuité, vides de tout. Nous enfilions des rues paisibles et cossues du Triangle d’or et La Norton, à bas régime, crachotait des sons étouffés. Chloé m’amenait chez l’une de ses copines anglaises, Ossie, qui l’approvisionnait en denrées diverses : fringues et pompes de Carnaby Street et de King’s Road, fragrances exotiques, vinyles des Stones, substances illicites en provenance des States ou d’Amsterdam. Elle me l’avait dit à un feu rouge, place du Maréchal Juin, alors que nous regardions passer une colonne de camions de la gendarmerie mobile qui devait sans doute filer sur le théâtre des opérations. L’appartement d’Ossie, au dernier étage d’un superbe immeuble, immense, lumineux, adossé à une terrasse-jardin embrouillamini de plantes et d’arbres exubérants, donnait le sentiment, avec ses canapés en tout sens, d’être une suite de vastes salles d’attente d’un aéroport futuriste. Peu ou pas de meubles, pas de tables ni de chaises, mais des toiles aux murs, des toiles des plus grands : de Kooning, David Hockney, Jackson Pollock, Roy Lichtenstein, Andy Warhol, Jasper Johns… Ossie trimballait sa grande carcasse très pulpeuse pour une anglaise, dans un sari immaculé. Ses cheveux longs, très noirs, ramenés en une longue tresse qui lui battait le bas du dos, et un maquillage très élaboré, lui donnait un air de danseuse d’un temple dédié à la déesse Jivah. Des bougies et des lampes à huile posées à même le plancher ou sur les plateaux des cheminées, ainsi que des brûleurs d’huiles essentielles, et la musique Rabi Sankhar en boucle, achevaient de nous dépayser. 

 

Chloé me confiait à Ossie avant de se vautrer sur un canapé demi-circulaire pour s’offrir quelques lignes. Ossie affichait une sérénité souriante qui me rendait disponible. J’étais prévenu. Dans l’ascenseur Chloé m’avait gentiment demandé de jouer le jeu. Alors je le jouais avec un réel plaisir. Ossie me conduisit dans la salle de bain, une vaste pièce circulaire dont le centre était occupé par une grande vasque de marbre emplit d’une eau qui exhalait des vapeurs parfumées au bois de santal, et me défit de bas en haut avec beaucoup de délicatesse ce qui m’évita d’afficher une érection. Avec toujours la même grâce elle libérait son corps du sari et la vue de sa nudité charnue me précipitait cette fois-ci dans une vive bandaison. Bêtement je posais mes mains jointes sur mon sexe dressé. Ossie les écartait doucement et, d’une main douce et ferme, elle apaisait mes élancements sans pour autant m’amener à la libération. Nous n’avions échangé aucune parole. Étrangement, une fois que nous nous fûmes plongés dans la vasque émolliente, alors que nos corps étaient quasi enchâssés, je ne ressentais plus l’envie d’aller plus avant. Mon corps relâché se laissait aller à ses caresses et, au risque de vous paraître cuistre, la seule envie qui m’envahissait était celle de dormir. Fort heureusement l’arrivée d’une vraie indienne portant sur un plateau d’argent deux grands verres à orangeade, qui me semblaient emplis de lait, mais c’était du lassi aux pétales de rose, m’évita le ridicule de m’endormir dans les bras d’Ossie. 

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30 août 2008 6 30 /08 /août /2008 00:06

 

Chez nous, dans notre doulce France, Charles Trenet a chanté la Nationale 7, la route des vacances, aujourd’hui rangée au rang des vieilleries depuis que le froid ruban de l’autoroute A6, dites du Soleil, charroie moyennant finance, les addicts de la bronzette déboulant du Nord de l’Europe.

Aux Etats-Unis, l’histoire de la route 66, est comme toujours dans ce pays immense, un véritable mythe. Depuis le jour de sa construction elle est le symbole d’un pays en marche vers un autre monde. C’est une voie sacrée que John Steinbeck surnommera « la mère des routes ». Une grande diagonale qui part de Chicago pour venir s’échouer sur les rivages du Pacifique. Les fermiers de l’Oklahoma chassés de leur terre par la Grande Dépression l’emprunteront et, dans les Raisins de la Colère, en 1939, la route 66, fait son entrée dans la littérature avant d’être immortalisé sur la pellicule en 1940 par John Ford The Grapes of Wrath, avec Henry Fonda incarnant Tom Joad le chef de famille.


À l’origine, un homme d’affaire de l’Oklahoma, Syrus Avery qui, dans les années 20, est de ceux qui pensent, avec l’irruption de la voiture et du camion, qu’il faut doter le pays d’un réseau routier moderne. Le chemin fer est trop rigide. Il faut désenclaver les terres perdues au milieu du continent. Soutenu par des associations et des syndicats, Syrus Avery, fait adopter un tracé qui va à l’encontre des traditions car, depuis un siècle, la célèbre compagnie de chemin de fer la Santa Fe Trail ouvrait les portes de l’Ouest. Les nouveaux pionniers passeront par le sud : une route de géants qui passera par les mornes plaines du Middle West, traversera les vastes déserts du Sud-Ouest, longera le grandiose Grand Canyon et se terminera à Los Angeles sur les plages de Santa Monica. Elle traversera les États
de l’Illinois, du Missouri et du Kansas. En Oklahoma, elle tournera vers l’Ouest jusqu'au Nord du Texas, pour avaler le Nouveau Mexique et l’Arizona avant d’atteindre la Californie.

Cette route qui s’étale sur 2,400 miles (4,000 km) de long, reliant des villes assez importantes du Middle-Ouest et du Sud-Ouest telles que Springfield en Illinois, St. Louis au Missouri, Oklahoma City, Amarillo au Texas, Albuquerque au Nouveau Mexique et Flagstaff en Arizona, portée sur toutes les cartes à partir de 1926, reste pendant longtemps, sur de nombreuses portions, qu’un médiocre chemin de terre que le moindre orage transforme en bourbier. Le revêtement en dur sera terminé en 1936.

Outre les fermiers exilés de la Grande dépression, la route 66 sera mythifiée comme un vecteur de l’histoire lorsque, lors du 2d conflit mondial, elle drainera les ouvriers civils et militaires rejoignant en masse les usines d’armement installées pour des raisons de sécurité sur la côte Pacifique. La paix venue c’est la route des vacances, celle qui conduit aux plages de sable doré de Santa Monica, en passant par les réserves d’Indiens et les parcs nationaux. Les mobil-homes et les caravanes se bousculent aux portes des drive-in. Nationale 7 et route 66 même combat ! Même destin aussi puisque la « mère des routes » va petit à petit s’effacer derrière le monstre autoroutier : l’Interstate, 5 autoroutes qui se relaient pour parcourir la même distance. Que reste-t-il de la route 66 ? Pas grand-chose, des stigmates, car la mise à mort s’est faite sans regrets ni scrupules, on détruit tout avant de pleurer ses racines. Dans les années 95, Jean-Louis André, témoigne dans le Monde « Il faut aujourd‘hui beaucoup d’attention pour parvenir à quitter l’Interstate 40, au bord du Nouveau Mexique, afin de traverser Grants par ce qu’il reste de la 66. Comme frappée par une catastrophe brutale, toute une partie de la ville s’est figée en un musée grandeur nature des années 60. Une enfilade de motels en ruine, des vitres cassées, des garages, des épaves de Pontiac qui sont restées sur place, prises par la rouille. La poussière a terni les enseignes qui rivalisaient d’éclat pour arrêter l’automobiliste pressé. À la sortie de la ville, on n’a même pas pris le temps de démonter les pompes à essence, et le prix du dernier plein est resté affiché. »

La 66 est morte c’est un mythe réincarné dans le buiseness touristique : plaque émaillée frappé du chiffre magique, livres et produits dérivés pour boutiques souvenirs. La légende continue, dans nos têtes…

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30 août 2008 6 30 /08 /août /2008 00:00


Comme la plupart d'entre vous le savent je suis un inconditionnel de Pierre Desproges et comme celui-ci était l'ami de Guy Bedos, vous comprendrez aisément que j'ai un faible aussi pour ce dernier. Ce matin je vous offre un grand moment d'humour grinçant : Desproges faisant l'éloge funèbre de Guy Bedos.

http://www.youtube.com/watch?v=Wz-Fe5bGeoo

Et, pour faire bonne mesure, je vous transcris aussi quelques "Mauvaises pensées" de Bedos qu'il confiait au journal Libération à l'époque de la cohabitation Mitterrand-Balladur. Vous en serez sans doute étonné.

" J'ai beaucoup de sympathie pour Jean-François Deniau. Je l'entendais à la radio ce matin, parler de l'ex-Yougoslavie. Il n'avait pas réponse à tout mais ce qu'il disait était sincère, intelligent et émouvant. on sait bien que lui, quand il va faire un tour à Sajarevo, ce n'est pas seulement pour se faire filmer ou photographier. Je ne l'ai jamais rencontré, cet homme là, mais il déclenche en moi un sentiment de respect affectueux. Il est de droite à ce qu'on dit. Et moi je serais plutôt étiqueté de gauche. Ce n'est pas simple, en ce moment, la politique. Il va falloir s'habituer"

" A propos de tous ceux qui, critiques professionnels ou amateurs, vous assènent leurs contestables sentences, Bertrand Poirot-Delpech me raconte que Picasso - encore lui ! - lors du vernissage d'une de ses expositions, croise une dame qui lui dit d'un air sévère :
- Je n'aime pas du tout.
- Mais, madame, ça n'a aucune importance."

" Je repense au dessin de Plantu, l'autre semaine, qui faisait dire à ses snipers : " L'embêtant, avec les enfants, c'est qu'ils bougent tout le temps ! "

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29 août 2008 5 29 /08 /août /2008 00:06

 

Dès que reviennent les beaux jours je suis un adepte des terrasses de café quand le soleil commence à disparaître au-dessus des toits. L’air devient tendre. La ville s’apaise. Les gens se posent. Après avoir accroché mon vélo à un réverbère je m’installe à une place bien exposée, face au soleil couchant. Et, très souvent, je commande un demi de bière. Pas n’importe quelle bière, la meilleure du monde, une tchèque : la Pilsner Urquell. Elle se distingue des autres bières par sa plénitude, sa belle amertume désaltérante. Fabriquée à Pilsen, le pays de naissance de la bière double, fermentée à basse température, cette fine mousse présente l’avantage de n’être servie que dans les bars et les brasseries de qualité : le café Florian à Venise ou le Sélect à Paris. Vous allez me dire que je suis snob. Non j’applique à la bière le même régime que pour le vin : je bois bon. Que voulez-vous quand je vais chez Hugo Desnoyer mon boucher, et que je lui demande de la hampe, je vois son œil pétiller. Il apprécie. La hampe c’est moche, on dirait une serpillère brunâtre effilochée, mais c’est un délice.

 

Mes vacances d’été sont corses. Là-bas je prends le maquis. Je plaisante bien sûr. Le soir sur le port d’Ajaccio ou chez le glacier de Sagone je m’offre une Pietra. C’est une bière ambrée à la châtaigne fabriquée dans l’île de Beauté. Belle réussite insulaire puisqu’on la trouve maintenant assez facilement à Paris. Elle aussi, comme ma Pilsner Urquell, est très désaltérante. Certes elle est plus rustique mais elle fleure bon le maquis. J’aime. Bref, j’abrège car je sens poindre chez les ardents défenseurs du vin servi en terrasse une pointe d’agacement : qu’est-ce qui vient nous chanter les mérites de la bière le gars Berthomeau là où seul le divin nectar a le droit de cité. Que nenni, ici, c’est écrit « espace de liberté » alors on n’est pas sectaire : la bonne bière ça désaltère et je l’écris. Et puis, comme certains le savent j’adore les mélanges. Adepte du blanc limé je ne crache pas aussi sur un vrai panaché fait avec une limonade traditionnelle et une bonne bière bock des familles. Que voulez-vous, quand j’étais en culotte courte, contre toutes les préconisations des blêmes de la santé publique, mémé Marie colorait mon eau fraîche avec un peu de vin rouge : pour étancher sa soif je n’ai jamais trouvé mieux.

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28 août 2008 4 28 /08 /août /2008 00:05

La Baltique ses harengs, ses bains et son soleil de minuit, ses vins… je plaisante à peine. Sur les îles d’Åland, un archipel boisé de la mer Baltique, entre la Finlande et la Suède, à 1600 km au NE du vignoble français « au printemps et en automne, lorsque les températures sont très variables, Frederik Slotte prend toujours soin d’arroser ses vignes. En gelant, l’eau enveloppe les ceps dans une fine pellicule de glace qui les protège contre des températures bien inférieures à 0°C. » John Tagliabu, dans le New York Times, précise que « Slotte, un médecin de 29 ans, fait partie d’un groupe de gens de plus en plus nombreux, en Finlande et dans d’autres pays voisins, qui, avec le réchauffement climatique, se tournent vers la viticulture. Il utilise des cépages robustes, résistants aux intempéries, notamment un hybride créé à partir de souches lettonnes et sibériennes. D’ici deux ans, Slotte espère produire quelque 110 bouteilles par an, pas de quoi inquiéter les producteurs français. »

J’adore nos amis journalistes américains qui savent si bien souligner que, par construction, les seuls viticulteurs inquiets en ce bas monde ne peuvent qu’être français. Par bonheur, et pour rassurer notre José Bové multicarte – désolé Pascal – « l’affreux descendant de l’oncle Sam » nous rassure « Membre de l’UE depuis 1995, celle-ci (la Finlande) n’est pas considérée comme un pays producteur de vin au regard des règles européennes, ce qui signifie que Slotte n’a pas le droit de vendre son vin. « Je l’offre à ma famille et à mes amis » explique-t-il ». Anecdotique certes, mais assez représentatif d’un phénomène dont, seuls nos élites et nos autoproclamés défenseurs de la Santé Publique, semblent ignorer que la civilisation de la vigne et du vin s’étend, plonge ses racines dans de nouvelles terres, gagne chaque jour des adeptes alors que dans notre beau pays, au nom d’une vision dépassée, hors la réalité de notre époque, elle est ravalée au triste rang de simple vecteur de l’alcoolisme. Erreur funeste, pure bêtise, exploitation médiatique par amalgame du fléau qu’est l’alcoolisme, entreprise de démoralisation stupide de ceux qui font et vendent du vin. Reproche-t-on au sémillant et médiatique Arnaud Lagardère d’être un vendeur d’armes ? Aucun média ne s’y risquerait, mais en revanche l’hypocrisie la plus crasse règne dans beaucoup de rédactions vis-à-vis du vin sous le couvert facile du respect de la loi Évin. Je n’ose pas croire que la position des prohibitionnistes rentrés sur l’accès à l’Internet va triompher : la protection de la jeunesse ne passe pas par une illusoire ligne Maginot.

Mais revenons à la Finlande. Dans ma jeunesse, certes je savais la situer sur une carte d’Europe, mais pour moi ce vaste et lointain pays n’était que la patrie d’inépuisables coureurs de demi-fond : Nurmi, Kolehmainen et d’excellents lanceurs de javelot dont j’ai oublié les noms imprononçables mais qui ont imposé depuis 1927 la technique du lancer. Depuis mes connaissances n’ont guère progressé et je dois avouer, qu’en dehors des forêts et de l’industrie papetière qui va avec (un reste du Ministère de l’Agriculture qui est aussi celui de la Forêt et du fameux dossier de la Chapelle-Darblay), la Finlande se résume pour moi en trois noms : Nokia, Hélène Schjerfbeck et Aki Kaurismäki.  

Nokia c’est mon premier téléphone portable. C’est Franck, mon chef du service informatique à la SIDO qui me l’a acheté : « le meilleur… » m’avait-il déclaré en me remettant ce drôle d’insecte tout gris et tout pataud. Il avait raison, Nokia est devenu le géant de la téléphonie mobile qui détient entre : 30 à 35 % de part de marché. Et dire que ce groupe, né de la fusion en 1966, de vieilles industries du XIXe : papeterie, caoutchouc et câbles, conglomérat touche à tout, au bord de la faillite, lorsqu'il jette par-dessus bord en 1992 toutes ses activités en dehors des télécoms ne semblait pas le mieux placé pour devenir leader d'un des marchés les plus extraordinaires de la fin du XIXe siècle. Bref, ce matin je ne vais vous rejouer ma petite musique habituelle sur la mondialisation.

 

Helene Schjerfbeck c’est pour moi l'un des plus grands peintres du début du 20ième siècle. Elle vient de faire l'objet d'une magnifique exposition rétrospective qui a fermé ses portes fin janvier 2008 au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris. Enfant prodige, elle complète sa formation académique à Paris, dans les rares ateliers libres ouverts aux femmes. Son naturalisme allié à une grande virtuosité technique lui vaut d’être rapidement reconnue. Au cours de cette période elle voyage, en Bretagne, en Angleterre, en Russie, en Italie. À l'extrême fin du XIXe siècle, dans une Finlande luttant pour l'indépendance, son refus du romantisme national, la marginalise. De santé fragile depuis son enfance elle s’éloigne d'Helsinki, s’isole, élabore une écriture picturale épurée, réaliste, ascétique : elle peint « son entourage, les ouvrières de l'usine locale ou plus tard les infirmières du sanatorium, des paysages et des natures mortes intimes qui sont comme autant de méditations faisant échos aux autoportraits où à la fin de sa vie elle traque les progrès de l'âge, de la maladie et de la mort s'approchant ». Femme étrange, étrange destin, une vie entièrement dédiée à la peinture dans la solitude et le plus grand dénuement.
 

Aki Kaurismäki un cinéaste finlandais, un déjanté total, dont le film le plus connu est L'Homme sans passé qui a reçu le Grand Prix au Festival de Cannes en 2002, à voir un soir où l'on n'a pas le spleen. En regardant ces images lugubres, glacées du Helsinki nocturne, d’alcoolisation violente et solitaire, l’envie me démange de proposer à notre médiatique et repentant Chabalier de s’y rendre, tel un missionnaire de notre enfance, porter sa bonne parole toute empreinte de son chemin de croix. Nos penseurs sanitaires devraient aller y méditer sur les rapports entre la solitude extrême et les pratiques d’alcoolisation expéditives qui gagnent du terrain en France, plus particulièrement chez les jeunes. Ensuite que tout ce beau monde ne vienne pas me chanter que le vin n’est pas l’un des meilleurs accoucheurs de convivialité.

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