sans titre (escalier personnage), 2002
Pastel sur papier 66,5x79 cm
© Sam Szafran Courtesy galerie Claude Bernard
Jean Baptiste SECHERET
C’est un livre à lire, je n’en dirai pas plus.
Interlude en forme de confession pages 119-120
J’ai écrit ce livre le cœur plein de doutes.
Avec le sentiment que je n’étais pas la bonne personne pour l’écrire, que je n’avais aucun titre à le faire ; la crainte même, prête à surgir, que mon goût pour la peinture et les peintres ne soit pas un goût véritable, mais un goût imité, acquis, un goût de perroquet, qui voit ce qu’on lui dit de voir, qui aime ce qu’on lui dit d’aimer.
Avec la peur que la peinture n’intéresse plus personne, que l’époque de l’art soit terminée, que cette passion pour cette chose désuète soit un trait de privilégié, de bourgeois, de parasite.
Avec la claire conscience, enfin, que ce goût est chez moi un plaisir de voyeur. La peinture ne me demande pas d’agir, de parler avec quelqu’un, de mener quelque chose jusqu’à son terme : elle me permet au contraire de me retirer du monde, de m’absorber dans la contemplation de celui des autres. Ici le voyeurisme est frère de l’impuissance : on jouit des yeux pour ne pas agir. On passe de longues heures au musée pour oublier qu’on existe, mettre son corps mal aimé entre parenthèses, quitter le monde en ne vivant plus que par la vue et la pensée. Ce plaisir que je trouve à la peinture, je ne vois que trop ce qu’il veut dire chez moi du refus d’être et de faire.
Mais, on le sait, l’abattement n’est jamais loin de l’exaltation. Je n’étais sans doute pas la bonne personne pour écrire ce petit livre, mais il fallait que quelqu’un le fasse ; je n’intéresserai sans doute pas grand monde, mais j’aurai dit ce que je crois, défendu une cause que je crois juste ; enfin, j’aurai peut-être, l’espace de quelques pages, fait quelque chose de mes rêveries et de mon inaction, quelque chose de réel.
Je suis à cent coudées au-dessous de Benjamin Olivennes mais, au cours de ma période forestière, retiré dans l’ancien pavillon d’honneur du château de Georges Halphen, lui-même transformé en un hôtel de luxe, Hôtel du Mont Royal, un cheminement, solitaire et sans bagage, en terre inconnue : la peinture, la sculpture, la gravure… et je me retrouve dans ce qu’il écrit dans sa confession. Ce fut une immersion lente, profonde, déclenchée, comme souvent, par un attrait irrépressible, une soif inextinguible, une démarche à tâtons dans un univers où je ne maîtrisais aucun des fondamentaux. Ce fut donc un temps de bric et de broc, où, avec ma compagne de l’époque, nous hantions, les galeries, les expositions, les musées, je chinais aux Puces de Saint-Ouen à la hauteur de mes faibles moyens financiers, je discutais avec Georges Halphen, grand collectionneur, je lisais, je cultivais, par petites touches, loin des experts, des sachants, des modes, mon goût pour les arts non-graphiques…
• Crédits : François Guillot - AFP
Celles et ceux qui osent émettre le moindre doute sur la qualité des installations, des performances ou des œuvres de Damien Hirst, Tracey Émin, Piero Manzoni, Daniel Buren, Jeff Koons ou de Joseph Beuys sont les successeurs des bourgeois bornés qui poussaient des cris d'horreur devant Olympia de Manet, qui vomissaient Les demoiselles d'Avignon de Picasso et qui ont laissé mourir Van Gogh dans la solitude, la folie et la misère.
C'est par cette analogie, écrit Benjamin Olivennes, que l'art contemporain officiel intimide la critique et occupe tout l'espace au détriment de peintres non moins contemporains qui perpétuent leur art, mais ne prennent plus la lumière. Jean-Baptiste Sécheret est l'un d'entre eux.
Je lui demanderai où il trouve la force et le courage de poursuivre ce qu'Aragon appelait la même longue étude. Mais je voudrai poser à Benjamin Olivennes et à Jean-Baptiste Sécheret cette question préjudicielle : et si les amoureux de l'art contemporain avaient raison ?
Si les inconditionnels des FIAC et des Biennales voyaient juste ?
Dans la nuit du 17 octobre 2014, un petit commando a débranché la gigantesque sculpture gonflable de l'artiste américain Paul McCarthy, installée place Vendôme à Paris, ce monument éphémère intitulé Tree jouait sur la ressemblance entre un sapin de Noël et un plug anal.
Qu'est-ce qui vous permet de dire que le petit commando et toutes les personnes qui sont passées à l'acte ont été consternées de voir l'œuvre en question trôner en plein cœur de Paris, ne défendent pas contre l'audace et l'humour de la création, la culture policée et la bienséance bourgeoise, comme l'a écrit à l'époque l'éditorialiste en colère du journal Le Monde.
Sam Szafran, "Sans titre", aquarelle et pastel sur carton, 995 x 1395 cm. Galerie Claude Bernard.
Courtesy Galerie Claude Bernard/ADAGPParis2019.
« L’autre Art contemporain » : qu’est-ce que le véritable art contemporain ? ICI
14 février 2021
À l’encontre de l’Art post-moderne dominant, Benjamin Olivennes réhabilite la peinture du monde réel et le portrait des êtres humains dans son polémique et brillant livre : L’autre art contemporain: Vrais artistes et fausses valeurs (Grasset).
Benjamin Olivennes. Photo : Figaro Magazine
Voici un petit livre hyper-intelligent, paradoxal, iconoclaste et salvateur, portant sur l’Art au vingtième siècle et jusqu’à aujourd’hui, qui renverse comme au jeu de quille, dans un joyeux déboulonnement d’icônes, les notions de modernité, d’avant-garde, de post-modernisme et va, l’insolent réactionnaire, jusqu’à se moquer sans pitié de l’art abstrait, excepté Kandinsky, Pollock et Rothko, des soixante-dix dernières années. Sans parler, cela va sans dire, du PopArt et tutti quanti. Au profit de qui, demanderez-vous ? Réponse : du véritable Art contemporain, bâillonné, véritable Underground de l’Art, réduit au silence sous les impostures wharoliennes, Jeff Kooniennes et son Balloon Dog, Damienhirstiennes, d’un Anish Kapoor, d’un Maurice Cattelan, d’un Claude Lévèque (dont une œuvre, si l’on peut dire ainsi, s’intitule : « mon cul/ ma vie/ mes couilles ») ou encore d’un certain Manzoni empaquetant ses propres déjections. Le tout sous les diktats du marché, les spéculations des grands collectionneurs et marchands faiseurs de modes et de côtes, relayés par les expositions moutonnières des musées d’art contemporains comptant pour rien, et des grandes institutions culturelles qui, tous et toutes comme un seul homme, emboitent le pas pour ne pas louper le train du Post-Moderne, des arts de masse, du Trash, du fun et du degré zéro du Beau. A commencer par les nôtres, beaubouriennes, languiennes, FRACquiennes et autres.
Le véritable art contemporain, qu’est-ce donc à dire ? C’est, pour notre auteur et quelques autres dont ici votre serviteur, cette discipline savante et de haute technique où les peintres savent encore, ou de nouveau, dessiner et peindre, et les sculpteurs sculpter, bref ont ce qui s’appelait jadis du métier. Outre, comble de l’audace, qu’ils peignent le monde réel, les êtres humains, comme jadis encore Degas, Cézanne, Monet et non moins Picasso ou Hopper et Balthus, ou, plus près de nous, Lucian Freud, Francis Bacon, David Hockney, Kiefer ou Baselitz. Ils peignent, ces solitaires, ces incompris, ces Anciens, ces archaïques, quasiment ces artistes maudits, un compotier, un paysage, un visage de femme ou de torturé, et même, rendez-vous compte !, un escalier. Pas forcément du tout par pur réalisme, sous l’emprise d’un mimétisme plat et mécanique, mais par réalisme poétique, magique, métaphysique et autre encore, voire par amour du Beau : les sculptures de Giacometti en disent plus sur le tragique de la condition humaine que les ineptes bandes à l’infini d’un Daniel Buren ou l’énorme phallus gonflable de Paul McCarthy place Vendôme à la Noël 2014.
Alors qui sont ces artistes sous le boisseau, cette arrière-garde qui maintient vivante la demeure de l’Art, le foyer du Beau ? Ils se nomment, en France, Truphémus, Sam Szafran, Avidor Arikha, feu le délicieux Raymond Mason, Zoran Music, Henri Cartier-Bresson. S’y ajoutent Cremonini, et même jadis le doux Henri Rivière. Et que grâces leur soient rendues !
Bref, lisez le jeune Benjamin Olivennes, son Autre Art contemporain (un titre, il est vrai, pas trop terrible).
Jean-Baptiste Sécheret, « New York », 2011-2012, peinture à la colle sur papier marouflé sur toile ©Henri Delage
La peinture est toujours vivante en France malgré l’État
Par Aude de Kerros. ICI
Benjamin Olivennes a pris la plume pour exprimer sa passion pour la peinture, sa révolte contre la bêtise du dogme qui la condamne, hélas défendu par l’État en France.
Quelles oeuvres d'art pour renouveler notre vision du monde ?
L'art contemporain est d'emblée accepté immédiatement par tous les pouvoirs en place : le pouvoir de l'argent, du marché, des grandes fortunes et le pouvoir des institutions publiques -de l'État, de la bureaucratie-. [...] Ce que j'appellerai les "artistes véritables" éclairent toujours le réel d'une manière nouvelle ; ils renouvellent notre vision du monde et ce faisant ils perturbent notre vision et demandent à notre œil de s'accommoder. [...] A contrario, les artistes dit contemporains ne renouvellent en rien notre vision du monde. Ils ne font que singer ce que sont les oeuvres d'art depuis une centaine d'années et de reproduire dans leurs œuvres les signes et les objets de la société de consommation. Benjamin Olivennes
Vous avez une nostalgie parce qu'il y a une vraie histoire de l'art qui était écrite. [...] Lorsque j'étais professeur, je m'amusais à réécrire la vraie histoire de l'art, et jamais personne ne pouvait m'apporter une contradiction ! La confusion date de 1830. [...] Qu'est ce qui manque dans l'histoire de l'art ? c'est l'histoire des incohérents, c'est la révolte populaire en même temps que Gustave Courbet. On appelle cela le réalisme. Jean-Baptiste Sécheret
C'est un discours idéologique qui est le mythe de l'histoire de l'art [...] On raconte qu'il y a un enchaînement inéluctable qui va de Cézanne au plug anal ! Benjamin Olivennes
Une autre histoire de l'art
J'accorde une très grande valeur à la peinture de paysage, qui était un genre majeur au XIXe siècle, et qui a connu une forme d'éclipse au XXe siècle, malgré tout, dans les avant-gardes officielles. [...] La peinture de paysage, c'est l'art qui nous amène, non pas à aimer l'art, mais à aimer la terre sur laquelle nous vivons. Benjamin Olivennes