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15 décembre 2009 2 15 /12 /décembre /2009 00:00

Le Roman du Vin Noir : « Greffées sur les collines qui drapent la vallée du Lot, les vignes environnant Cahors recèlent bien des secrets. Avec ses âges d'or, ses drames et ses bonheurs, l'histoire de ce vignoble, réputé pour son vin noir, regorge de péripéties. Intrigante, mystérieuse, elle relève du roman. Ainsi, Jean-Charles Chapuzet nous offre beaucoup plus que la simple histoire du vignoble. Avec son regard d'historien et sa plume de romancier, il fait vivre les hommes, les mentalités, les odeurs, les coutumes, les émotions... tout ce qui a façonné, depuis deux millénaires, le paysage quercynois, son vignoble et ses vins. Il signe ici un ouvrage gourmand : gourmand de vies, gourmand d'histoires. Car boire un verre de Cahors, c'est un peu, se remémorer la construction et la légende du Pont Valentré au XIIIe siècle ; guidé par un vigneron de Puy-l'Evêque ou d'Albas, c'est se souvenir des ancêtres qui luttèrent contre le phylloxéra ; c'est aussi s'asseoir, une fin d'après-midi d'été, sur la fontaine de Prayssac et savourer le bonheur de l'instant. Un livre indispensable pour découvrir une région et des vins passionnants. » tel est présenté le livre de Jean-Charles Chapuzet Cahors le Roman du Vin Noir aux éditions Féret préfacé par Michel Dovaz. 

À ceux qui s’étonnent de la prolificité de mon « inspiration quotidienne », si tant est que je fusse un jour inspiré, je réponds : « il suffit de se pencher, les histoires sur le vin se ramassent à la pelle, ou plus joliment dit, il suffit d’avoir la tête dans les étoiles, le nez au vent, le cœur léger et, comme les oiseaux du ciel qui ne sèment, ni ne moissonnent, elles viennent à moi de surcroît. Au Grand Tasting de B&D où je ne sais par quelle engeance, sans doute dans une optique stakhanoviste des grands DD (dégustateurs debout)  y’a pas l’ombre d’un petit siège pour poser son cul, manger un bout en buvant un coup, je fus cueilli par l’ami Mathieu Poirault, hébergé pour un temps à la maison Jeanjean où il me fit découvrir, entre autre trésor, le vin noir de Cahors remédiant ainsi à mon ignorance crasse. En l’écoutant me narrer l’histoire du vin noir au temps où Cahors, place forte enserrée dans une boucle du Lot, amenait par ce fleuve, affluent de la Garonne, via le port de Bordeaux, le « black wine » à la cour d’Angleterre. En effet, 1152. Aliénor d’Aquitaine épousait Henri Plantagenêt, futur roi d’Angleterre, précurseur le vin de Cahors ouvrait la voie à une grande passion de nos amis anglais pour les vins de Bordeaux. Bordeaux la grande rivale qui mettre à profit sa domination sur l’arrière-pays. Et puis, bien sûr, le foutu phylloxéra rayera de la carte le vignoble de Cahors.

Cahors, tel le phœnix, renaîtra de ses cendres après la 2de Guerre en renouant avec son cépage emblématique : le malbec. Mais revenons à l’élaboration Vin Noir, tradition ancestrale revisitée par la maison Rigal www.rigal.fr  pour vous révéler une partie du mystère. Les baies sont chauffées avant la macération suivant diverses méthodes : passage des baies dans les fours à pruneaux, chauffage des barriques ou, comme le fait Rigal en partenariat avec le Clos de Gamot, par le chauffage de la vendange éraflée avant son introduction dans des fûts de chêne neufs. Bien plus qu’un long discours le petit crobar ci-dessous est plus parlant, avec en vedette le roulage de la barrique 4 fois par jour pour briser le marc. En résumé le raisin est vinifié et élevé dans les mêmes futs de l’arrivée au chai à la mise en bouteille.

  Chou-6206.JPG

Question des questionneurs patentés « et ça donne quoi dans la bouteille votre black wine sieur Berthomeau ? À vous croire il faudrait se contenter de boire vos mots mais, désolé, il vous faut passer à l’épreuve du ciboire : le malbec c’est déjà mahousse costaud alors avec la tradition revisitée n’est-ce pas bodybuildé ? Non l’extraction ne rime pas ici avec musculation, c’est équilibré, fin, souple et soyeux. Toute l’ampleur de la complexité aromatique est révélée, merveilleusement offerte « au long nez et au bec fin » bien sûr mais aussi aux malheureux comme moi, martyrisés par le traitement Bettanedesseauvien – comme un ancien 1ier Ministre croqué par Plantu je rêvais dans les travées du Carrousel du Louvre d’une chaise à porteur – qui trouvaient dans ses fragrances de violette un réel réconfort. Pour faire chic, un conseil, si vous voulez bluffer votre futur beau-père ou épater votre patron servez-lui Le Vin Noir de Rigal avec des truffes cuites sous la cendre. Vous ferez exploser tous les compteurs. Bien sûr faut avoir une cheminée mais bon vous pouvez toujours tenter le brasero sur votre balcon ou sur la pelouse de votre résidence, ça mettra un peu d’animation dans votre quartier.

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14 décembre 2009 1 14 /12 /décembre /2009 00:00

Au temps de mes études agricoles le Yorkshire évoquait essentiellement une belle race de porc et non une future AOC viticole. En effet, hormis quelques excentriques ou d’exilés, tel le frère Bécot mon professeur d’histoire et mon maître vigneron (lire son histoire anglaise http://www.berthomeau.com/article-34022380.html) l’idée même d’implanter un vignoble en Angleterre ou au Pays de Galles relevait d’une forme de galéjade très So british. Sans exagérer l’importance du mouvement ils sont tout de même à ce jour 416 viticulteurs répertoriés en « Cornouailles, dans les étendues sauvages du Pays de Galles ou dans la périphérie de Londres. » Le Courrier International grand humeur de tendance consacre quelques pages à un dossier vins « Et maintenant les vins nordiques » Royaume Uni, Belgique, Danemark, Pologne. Même s’ils partaient de pas grand-chose l’expansion des surfaces est significative « au cours des cinq dernières années, la surface consacrée à la viticulture a augmenté de plus de 50%)

Les politiques toujours à l’affut s’y intéressent. Lors Du G20 d’avril dernier à Londres, alors que le libéralisme débridé branlait en manche, Gordon Brown servait à ses invités « un nyetimber blanc de blancs de 1998, un vin effervescent à bulles fines produit dans le Sussex, dans le sud de l’Angleterre. Roger Helmer, eurodéputé conservateur, eurosceptique et climatosceptique, déclare « quand quelque chose change, il y a toujours des perdants et des gagnants.. Regardez, la Grande-Bretagne a maintenant une industrie du vin. Il y a même des producteurs français qui achètent des terres chez nous... » Tremblez les bouffeurs de grenouilles la perfide Albion après avoir accueillie à bras ouverts les barbares du Nouveau Monde va débouler plein pot en notre doulce France avec ses « bubbly » En effet, c’est un professeur émérite de géologie à l’Impérial Collège à Londres, Richard Selley, qui a découvert que « les sols crayeux du sud de l’Angleterre étaient identiques à ceux de la Champagne. D’après lui, il suffisait de sélectionner des coteaux exposés au sud pour que les vignes poussent bien. » Les romains avaient bien fait pousser de la vigne en Angleterre jusqu’à ce que « le petit âge glaciaire, à la fin du Moyen Age » mette fin à l’aventure viticole. L’auteur de l’article du Der Spiegel, Marco Evers, note que « les plus grands viticulteurs de Champagne, comme Louis Roederer, ont commencé à étudier la possibilité d’acheter des terres de l’autre côté de la Manche... où elles valent le dixième de ce qu’elles pourraient coûter en France. » Bonne pioche, au lieu d’aller au Chili créer un vignoble comme certains je vais prendre l’Eurostar pour faire pousser mes ceps sur le terroir du Kent. Pourquoi le Kent ? Parce que c’est chic : imaginez la marque « Duc de Kent » by appointement de sa gracieuse majesté, le pied !

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Que le plus grand vigneron british se nommât Mr White ne s’invente pas. « En 1984, Adrian White, un entrepreneur ayant fait fortune dans les usines de traitement des eaux usées » rachète une ferme à 40 km de Londres où l’on cultivait du maïs et où on élevait des porcs et du bétail. Deux ans plus tard, il plante 300 000 plants sur les coteaux exposés plein sud. La première bouteille de vin a été débouchée en 1989. Le « Denbies Wine Estate » couvre maintenant 107 ha de vignes. 2009 sera selon le propriétaire une bonne année – connaît-on un propriétaire déclarant le contraire – et plus de 500 000 bouteilles : blanc, rosé, rouge et, surtout, du mousseux produit selon la méthode champenoise. Vin&Cie essayera de se procurer quelques flacons pour une dégustation à l’anglaise. Comme rien n’arrête nos voisins grands consommateurs de fish, le professeur Selley « prévoit qu’avec le réchauffement climatique les vignes pourront être cultivée jusque dans les Highlands écossais. Il est convaincu que, d’ici à 2080, les coteaux qui entourent le Loch Ness produiront un excellent riesling » Et si Pernod Ricard grand producteur de whiskies écossais s’entichait du riesling !

Au dernier International Wine Challenge « la Grande-Bretagne a décroché 24 médailles cette année, dont quelques médailles d’or. Avec ses 729 médailles, la France demeure toutefois le leader incontesté » Ouf !

 

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13 décembre 2009 7 13 /12 /décembre /2009 00:00

 

Un seul accès menait à l’Ile de Fédrun, butte de terre au milieu du marais posée sur un lit de roseaux. Le jour se levait et, en des haillons cotonneux, la brume s’effilochait au-dessus de la curée, le canal cernant l’île sur le lequel les chalands familiaux étaient amarrés à des pontons donnant sur de minuscules jardinets collés aux maisons basses recouvertes de roseaux. Nous allions, Chloé et moi, occuper l’une d’elle premier jalon du Parc Naturel qui venait tout juste d’être créé. Les Préfets sont magiques dès qu’il s’agit de satisfaire le bon vouloir des nouveaux princes de ce monde, en quelques coups de téléphone le nôtre avait mobilisé ses chefs de service de l’agriculture et de l’équipement pour nous fournir le havre de solitude que nous sollicitions. Bien plus tard, un Directeur de l’Agriculture me racontera comment, chaque week-end, son Préfet le mobilisait pour assurer la paix – les agriculteurs sont très joueurs avec les Ministres – aux amours d’un Ministre avec celle qui se baptisera par la suite la P... de la République. Le premier soleil levait une part du mystère de l’île en la parant d’un camaïeu de vert et d’exhalaisons fortes de vases putréfiées et de mousse fraîche. Pas âme qui vive, le chant des oiseaux, le clapotis des eaux, loin d’être saisis par une impression d’échouage sur cette levée de terre, Chloé et moi, sans avoir à nous le dire, ressentions au contraire une grande paix nous envahir. À mille lieux de nos folies ordinaires nous nous arrimions à une terre de tout temps hostile aux étrangers ; une terre en train de mourir dans l’indifférence générale.

 

Las et revenus de tout, nous n’étions pas venus à Fédrun pour faire des galipettes. Nous ne savions d’ailleurs pas pourquoi nous étions là, debout, côte à côte, au petit matin, sur lcette île au beau milieu de la Grande Brière. Certes nos vies, tels les bouchons d’une cane à pêche, se laissaient porter par le courant tout en restant bien arrimées et sensibles à toutes les sollicitations du fil que nous avions encore à la patte. No future, pour nous, n’était pas un slogan pour tee-shirt d’adolescent boutonneux mais une réalité dure et prégnante. Le ripolinage actuel des années 70, derniers feux des soi-disant 30 Glorieuses, relève de l’escroquerie intellectuelle, de la réécriture de l’histoire à des fins de partisanes : après avoir été si joyeux nous étions tristes à en mourir. Ce furent des années de plomb, pesantes, nous enterrions nos illusions dans un décorum révolutionnaire en carton pâte, du moins en France car en Italie Chloé tenait des propos alarmistes sur les affrontements et les manipulations des néo-fascistes infiltrés dans les services secrets de l’armée qui avaient, et allaient, faire couler le sang. Depuis son retour à Paris je cherchais le moyen de la retenir pour qu’elle ne retournât pas au milieu de ces fous furieux mais elle dressait un mur de désinvolture sur lequel toutes mes tentatives glissaient. Avec ma simplicité habituelle, pleine de nœuds et de détours, je me promettais de profiter de notre isolement briéron pour la convaincre. Comment ? Je n’en savais fichtre rien.

 

Dans le fond de la camionnette nous découvrîmes deux grands paniers emplis de victuailles et de bouteilles de vin, des thermos de café, une miche de pain, de quoi soutenir un siège. La maison, au confort minimal, comportait un tout petit lit en fer et une grande cheminée. Chloé me chargea de la corvée de bois pendant qu’elle préparait un copieux petit déjeuner : œufs brouillés, jambon et tartines beurrées. Repus, face à un grand feu que j’avais eu bien du mal à faire prendre et qui fumait un peu, ce qui nous obligeait à maintenir la fenêtre ouverte, nous trouvâmes refuge, dans un sac à viande militaire rêche, empestant le renfermé humide, sous un empilement de couvertures kaki monstrueux. Nous dormîmes collés l’un à l’autre tout habillés. Sur le coup de midi nous prîmes un chaland pour faire le tour de l’île. Chloé maniait la perche aussi bien qu’un gondolier. Je comptais les ragondins. Nous croisâmes un vieux type décharné, au regard à demi caché sous la visière d’une casquette crasseuse, qui suçotait une petite pipe tout en fourrageant avec une cane dans un bouquet de roseaux. Le « Bongiorno » rieur de Chloé le fit sursauter puis se redresser et sourire, un sourire plein de chicots brunis par la nicotine. D’un geste qui, en d’autres circonstances, eut pu paraître obscène, de sa main libre il réajusta son entrejambes en nous fixant de ses petits yeux encavés. « Et si vous veniez prendre la goutte... » La voix était étrangement cristalline, quasi enfantine. Chloé nous poussa jusqu’au ponton et le vieux nous amarra.

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12 décembre 2009 6 12 /12 /décembre /2009 00:01

Les ligues féministes alliées pour l'occasion avec les ligues de tempérance vont, au vu du titre de ma chronique, me clouer au pilori. J'assume tout en me réfugiant derrière l'imparfait marquant qu'une évolution est en marche. Pour le vin c'est une réalité, la gente féminine oenologise, les chais se féminisent même si les stars de la profession sont encore des mâles. Plus encore les femmes vigneronnes plaisent aux médias, c'est tendance. En revanche dans les fournils le mitron règne encore. La Boulangère reste encore la femme du boulanger - Ha ! Pomponnette  - celle qui sert les miches et rend la monnaie aux clients... Alors ce matin attardons-nous sur ce vieux compagnon du vin : le pain en remontant jusqu'aux dieux grecs.
   
« Les dieux grecs recevaient en sacrifice un pain rituel, non cuit, dont la fine farine était pétrie d’huile et de vin. Ce psadista rassemblait ainsi les trois aliments de base : pain, huile et vin. »

Toujours la Trinité fondamentale !

Comme le note Maguelonne Toussaint-Samat « bien qu’avant eux l’humanité ait consommé la farine sous forme de bouillie puis de galette, sans négliger ces préparations – bien au contraire –, les Grecs ont fait de la boulange un art véritable. Athénée a dénombrée, au IIIe siècle de notre ère, au moins soixante-douze pains différents qui avaient cours depuis fort longtemps. Et le boulanger Théanos eut les honneurs de citations de son talent exemplaire par Aristophane, Antiphane et Platon. »

 

« […] il revient aux Grecs d’avoir inventé le véritable four préchauffé à l’intérieur et s’ouvrant de face, qui sera ensuite utilisé en cuisine. »

 

« Si la mouture était une tâche assignée aux femmes esclaves, comme dans toute l’Antiquité et encore en Afrique et aux Amériques, il semble que le pétrissage ait employé – mais dans quelle mesure ? – une main d’œuvre féminine, comme à la cuisine. »

 

« Malgré leurs contacts étroits avec les Grecs, les Romains ne s’intéressèrent à la boulange qu’à partir du VIIe ou au VIIe siècle avant notre ère. Jamais la foule ne réclama panem et circenses à un quelconque Néron. Ces mots sont extraits d’une fulminante et méprisante adresse de Juvénal (Satire X-81) aux Romains de la décadence, « tourbe dégénérée des enfants de Rémus » (il leur reproche de ne se préoccuper que de la « bouffe » et des jeux gratuits)

 

« Les Grecs, fous de boulange, avaient formés des boulangers pour les besoins de leurs comptoirs et les Gaulois, avec le talent que nous nous connaissons, n’avaient pas tardé à devenir des mitrons remarquables. La qualité de la baguette qui fait notre renom au Japon ou en Amérique tout autant que nos parfums ne date pas d’hier ! D’autant que, déjà initiés à la bière par les Grecs, les Gaulois avaient très bien compris l’intérêt de la levure de bière (spuma concreta), mousse formé par la fermentation sur le dessus du liquide et déjà constatée par les Egyptiens. Cette levure faisait un pain très léger et bien gonflé que l’on trouvait à juste titre, délicieux.

 

« Contrairement aux habitudes grecques, les femmes ne font jamais le pain […] Le pain est une affaire masculine. »

 

« Le pain fit rapidement partie du service de table. À partir de l’installation des Francs jusqu’à la Renaissance, une épaisse tranche de pain, le tranchoir, posé ou non sur une sorte de plat en bois ou une planche, qui peut être également désignée comme tranchoir, reçoit les morceaux de viande et leur sauce. On dispose un tranchoir entre deux convives qui partagent ainsi ce pain. Ils ont donc des « com-pain », des compagnons qui deviendront des copains. »

 

Cet ensemble de citations est bien sûr tiré d’« Histoire Naturelle&Morale de la Nourriture » Prix d’Histoire de la Société des Gens de Lettres, de Maguelonne Toussaint-Samat, historienne, journaliste et écrivain, petite-fille et arrière-petite-fille des fondateurs du Petit Marseillais, Jean-Baptiste Samat et Toussaint Samat, est publié chez Bordas novembre 1987 (on le trouve en vente sur le Net).

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11 décembre 2009 5 11 /12 /décembre /2009 00:08

« Ça ne se dit pas », comme son pendant « ça ne se fait pas », étaient des phrases cultes dans la bouche de ma sainte et prudente mère dans ma bonne Vendée bien comprimée. Toujours tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler constituait, bien sûr, le corollaire de cette façon d’être soucieuse de ne jamais donner prise à aucune forme de reproche. Être bien comme il faut, bien lisse, ne causer aucune peine, aucun chagrin à qui que ce soit, se garder à droite, se garder à gauche, passer au travers des gouttes, sourire à l’un, acquiescer aux propos de l’autre, savoir se taire donc. J’ai été trop bien élevé par un clan de pieuses femmes pour l’être vraiment donc ce matin je vais avouer à la face du monde du Vin une chose que j’ai jalousement caché pendant des années : « le vin du Jura n’est pas vraiment ma tasse de thé. » tout comme ce brave Félicien Guérillot, vigneron à Arbois, qui lui avait une aversion radicale pour le vin (voir la nouvelle de Marcel Aymé Le Vin de Paris http://www.berthomeau.com/article-34381963.html)

C’est dit et déjà je sens fondre sur moi l’opprobre des puristes, l’excommunication d’Erwan fan de l’Arbois, les ricanements des « on vous l’avait bien dit ce type n’est pas fréquentable », les gros yeux d’Olif, la pétition du syndicat de défense des vignerons du Jura, le fantôme d’Edgar Faure plaidant auprès de mon Ministre, avec son cheveu sur la langue, mon bannissement... Je n’assurerai pas ma défense, ou n’invoquerai pas des circonstances atténuantes, car si je suis coupable de quelque chose ce n’est sans doute la faute que de mon inculture crasse. Comme chacun sait le vin est un produit de culture et il se boit avec les mots. Moi je ne les ai pas et comme je ne les ai pas je n’ai aucun moyen de travestir ma pensée. J’eusse donc du continuer de me taire. Jusqu’au samedi 5 décembre, deuxième jour du Grand Tasting cher à B&D, je le fis sans grand mérite car, en public, je n’eus jamais à faire état de mes sentiments à l’égard des vins du Jura. Le coupable de retournement de jurisprudence se nomme François de Chavanes. Lorsque nos regards se sont croisés alors que j’errais après avoir été délogé par 2 pompiers « jugulaire-jugulaire », ainsi que d’autres pauvres hères, des marches où j’avais posé mon auguste cul - vu que B&D y z’aiment pas les sièges : ce sont des buveurs debout eux - pour boire un petit noir. Bref, ce cher homme dont j’ignorais alors, et le nom, et le prénom, a tout de suite perçu mon léger mouvement de recul face à la perspective de devoir affronter, non Jurrassic Park, mais l’épreuve d’une dégustation de vin du Jura. Je sais qu’en avouant cela j’aggrave mon cas.  

Face au péril deux stratégies possibles : aller au contact et jouer l’acte 2 scène 3 du dégustateur qui dit tout et son contraire – j’avoue que je sais faire eu égard à ma pratique des ors de la République – ou m’esbigner en prétextant la fatigue, l’envie d’aller faire la cour aux filles du Carrousel du Louvre ou tout autre prétexte vaseux... Si je n’adoptai ni l’une, ni l’autre c’est que François de Chavanes sut trouver les mots pour me convaincre d’avancer à découvert. Je ne les transcrirai pas ici car c’est lui qui subirait sans doute les foudres des susdits. Rassuré j’y suis allé de bon cœur et je ne l’ai pas regretté : de très beaux vins blancs, droit comme leur accoucheur, d’une fraîcheur extraordinaire, des blancs comme je les aime sans affèterie, ni lourdeur, ce doit être sans doute cela le Jura que je ne connais pas. Je le concède mon dossier jurassien est très lourd va falloir, maintenant que je suis accro des vins de François de Chavanes, que j’aille faire une virée du côté de Montigny les Arsures puisqu’il y a 6 chambres d’hôtes dans le beau château de Chavanes www.chateau-de-chavanes.com . J’ai donc goûté et apprécié 3 de ses vins, les blancs, avec une mention particulière pour le dernier qui porte allégrement sa dénomination de Grande Réserve :

-         le Chardonnay 2007

-         le Savagnin 2006

-         la Grande Réserve Blanc 2006 ;

Pour faire court, car je suis toujours trop long disons que François de Chavanes y fait pas comme tout le monde avec ses vins dans son beau Jura et c’est sans doute pour ça que j’ai pu leur déclarer ma flamme, à deux pas de la Pyramide de Pei puits de lumière et de minéralité. L’homme est avenant, sympathique car sans détours, il va droit au but, ses vins, et ce n’est pas une image de style, lui ressemblent. Donc, selon la formule consacrée « qui m’aime me suive » vous pouvez vous aussi vous laissez aller à aimer ses vins, ils vous le rendront bien. Dernière notation, mais elle est d’importance, le vignoble du château de Chavanes, est un vignoble de reconquête sur des prairies naturelles post-phylloxériques, donc indemnes de toute forme de chimie, je dirais naturellement bio.  

Pour ceux qui n’auraient pas le temps d’aller sur le site du Château de Chavanes je  vous livre le copié-collé de la page d’accueil.

 

Hier,

Aujourd’hui ……
Faire le choix au début du XXI ° siècle de reconstituer l’ancien domaine viticole des Boutechoux de Chavanes, décimé au XIX° par le phylloxéra relevait du pari.

Un pari, peut-être, si les différentes parcelles de ce patrimoine, 5 hectares environ, n’avaient pas été parmi les meilleures terres de Montigny, et que devenues des pâtures ou laissées en friche, elles aient ainsi échappé aux conséquences désastreuses de la culture intensive de la vigne, liées à l’emploi des désherbants, engrais et  traitements chimiques.
Un pari, plutôt un choix me permettant le retour à
un travail artisanal, petites surfaces, petits rendements
(35 hectolitres à l’hectare), travail mécanique des sols éliminant tout désherbant chimique.
Chacune des parcelles du domaine, bénéficiant de sols
aux expositions différentes, «  Le Clos », « La Barby », « Sauvagny » et « Changoin », est vinifiée indépendamment, selon les techniques actuelles de vinification : suivi œnologique en laboratoire, matériel de cave ultra moderne, fermentation sans levurage, élevage
de dix-huit à vingt quatre mois en fûts pour que
s’expriment pleinement le terroir et le millésime.

François de Chavanes

 

 

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10 décembre 2009 4 10 /12 /décembre /2009 00:00

 

Pour ma génération de soixante-huitards non révisés, en nos jeunes années échevelées Londres et l’Angleterre plus généralement, en matière de musique, d’art et de mode, c’était l’excentricité, l’inventivité, le pôle des extrêmes, un geyser bouillonnant, les Stones et les Beatles, le Paris de St Germain des Prés prenaient des rides, la tendance traversait le Channel et nous découvrions avec horreur qu’il allait falloir tout sacrifier à cette foutue langue anglaise pour être dans le vent...


Et pendant ce temps-là un garçon né à Oxford, passe par Eton Collège puis à l’University of Sussex pour faire plaisir à ses parents et à ses professeurs tout en se rêvant « artiste ». Bien sûr 4 trimestres plus tard il plaque tout, des petits jobs pour survivre et il peut enfin entrer aux Beaux-arts. Il y étudie pendant 3 ans, une année de fondation puis 2 de peinture. Avant même la 4ième année notre homme présente à son expo de peinture un seul objet : une moto qu’il avait restaurée et peinte. Imaginez la tête de ses professeurs face à l’œuvre ; des professeurs, bien évidemment pourvus d’un solide humour britannique, qui lui demandent si elle fonctionne. La réponse positive de l’artiste « rebelle » lui vaut de la part de l’un d’entre eux une sentence sans appel « je pense que nous sommes bien d’accord, votre carrière chez nous est terminée ». Digne sous l’outrage notre artiste fauché en plein envol, ouvre la porte, démarre la vieille Harley WLA 45 fonctionnant au kick, avec changement de vitesse à main sur le réservoir et le voilà filant vers un autre destin. Nous sommes en 68 mais, si cette scène se déroulait de nos jours, je suis persuadé que David Cobbold exposerait son « œuvre » face à Buckingham Palace ou dans le potager du Roi au château de Versailles à la demande de Jean-Jacques Aillagon.


La « femme assise » placée en frontispice de cette chronique est de lui. Je l’ai découvert à la suite d’un déjeuner avec David Cobbold au Juveniles un bistrot à vins – cave - « Alternative Wine Merchant » situé au 47, rue de Richelieu dans le 1ier arrondissement www.juvenileswinebar.com tenu par le jovial Tim Johnston, un écossais comme je les adore (je ferai une petite chronique et sur le bar et sur Tim un de ces 4). Ce jour-là, suite à mon épisode très chaud du Grand Q Glacé cher à Cyril Alonso, j’y ai bu mon premier Bojolo Nuovo 2009, un Chermette cuvée Vieilles Vignes très affriolant, le genre rock and roll tout à fait en phase avec mon état neuronal assez speedé en ce moment. Il pleuvait ce jour-là. Nous avons, avec David, partagé le pain et une nourriture fort roborative tout en conversant de tout et de rien. Pour moi c’est toujours un plaisir d’échanger avec David, j’apprécie sa rectitude morale, son parler sans détour, son courage intellectuel et sa culture du vin qu’il n’étale pas comme certains de ses confrères. Bref David est parti avant moi et j’ai alors pris le temps de contempler ses tableaux exposés sur l’un des murs du Juveniles. Elle m’a plu de suite cette grande bringue aux pieds nus plongée dans la lecture, une Marianne Faithfull brune.


 

 

Retour sur image, la fin des années 60, Mike Jeagger et Marianne Faithfull... et pendant ce temps-là notre David Cobbold pour survivre se fait photographe et en 72/73 il débarque en France. La France des terroirs, c’est le temps du « retour à la terre » : la Haute-Savoie puis le Lot et Garonne où il retape de ses mains de vieux bâtiments. Enfin Paris où notre homme va se former et se frotter aux métiers du vin mais aujourd’hui ce n’est le David Cobbold homme du vin reconnu dont je voulais vous parler, même pas de son double, mais plutôt de celui qui enfourchait sa vieille Harley et qui peut-être faisait la « bêtise » de sa vie. Une vocation ne se remise jamais vraiment, elle affleure : David recommence à dessiner en 1978 ; elle reprend le dessus : David reprend des cours et fait deux petites expos en 1980 et 82 ; et puis elle se réinstalle en 2003. Depuis David Cobbold peint. Ce n’est pas « un peintre du dimanche » il lui faut être en situation alors il peint donc chaque été.


Mes relations avec la peinture touchent d’assez près celles que j’entretiens avec le vin : elles sont, dans leur expression écrite ou orale, quasi-mutiques car les mots, les miens tout au moins, sont dans l’incapacité de transmettre mes émotions esthétiques, de traduire avec la bonne intensité ce je ressens tout au fond car c’est de l’ordre de la sensualité pure. Je jouis. J’entre dans le tableau, il m’envahit, me submerge, m’amène sur des rives inconnues. Les mots briseraient la magie. Faire des phrases alors que l’on sent monter en soi la volupté équivaut pour moi à faire l’amour avec une armure de chevalier du Moyen-âge. Donc n’attendez pas de moi une fiche technique sur la « femme assise » de David Cobbold j’en suis bien incapable. Elle est entrée sans autre forme de procès dans la galerie de mes femmes assises, du moins en pensée, car je n’ai plus de place sur les murs de mon appartement pour qu’elle les y rejoigne. 


 

 

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9 décembre 2009 3 09 /12 /décembre /2009 00:04

Dauvergne&Ranvier ça sonne BD, comme Floch&Rivière et ainsi la boucle est bouclée puisque c’est le Grand Tasting de B&D : Bettane&Desseauve voir ma chronique Bettane&Desseauve 2009 by FLOC’H http://www.berthomeau.com/article-22808007.html pour saisir le lien, qui me permet de consacrer une chronique à ce duo de jeunes créateurs de vin. Pour être plus précis, avant de m’intéresser à leurs œuvres, je vais d’abord vous parler du seul que je connaisse depuis un bail : François Dauvergne. Nous nous sommes croisés sous les ors d’une salle à manger de la République sis rue de Lille où un connétable de Bourgogne, répondant au prénom de François, Ministre du Commerce et de l’Artisanat mais aussi, vous vous en doutez, fort soucieux de tout ce qui touchait à la vigne et au vin, avait convié à déjeuner une poignée de dangereux agitateurs d’idées : certains rédacteurs de Cap 2010. François faisait ses classes dans la vallée du Rhône pour le compte d’un grand négociant bourguignon grand ami du François Ministre et connétable de Bourgogne.

Ce qui m’avait de suite accroché ce jour-là chez François Dauvergne ce fut, bien sûr, sa précision, sa discrétion, sa passion pour le vin mais plus encore son souci réel d’établir avec les vignerons une relation de confiance. Langage neuf dans le monde du négoce français plus porté sur l’envie de faire de « bonnes affaires » au coup par coup que sur l’établissement de liens durables avec la propriété. N’en déplaise à certains ce n’est pas de l’angélisme ni du discours pour faire joli mais l’un des leviers à utiliser pour redonner à une part de notre viticulture – et aussi d’ailleurs de notre agriculture qui continue d’appliquer à ses relations avec l’aval des méthodes syndicales – un nouveau dynamisme et des raisons de croire en l’avenir. Donc ce jeune homme, un peu intimidé, au sourire éclairant une réserve naturelle, apportait de l’eau à mon moulin et vous vous doutez bien que j’inscrivis son nom sur mes tablettes et que je suivis son parcours professionnel avec attention. En 2004, le voilà qui vole de ses propres ailes en s’associant avec Jean-François Ranvier. L’enthousiasme des deux compères va très vite convaincre des vignerons de leur confier quelques parcelles prometteuses pour qu’ils puissent y exercer leur savoir-faire.

De la vigne à la bouteille que font-ils nos D&R qui n’ont pas de château, ni de domaine et donc des vignes ? « D’un domaine à l’autre ils agissent à toutes les étapes : conseillant pour les plantations, veillant à la taille, recommandant d’enherber ou d’ébourgeonner, dégustant les raisins, ils vont jusqu’à choisir avec les vignerons les dates de vendanges [...] Lorsque vient le temps de la récolte, dans chaque domaine, les raisins sélectionnés sont vendangés à part puis vinifiés dans des cuves qui leur sont dédiées. » Naissance du vin menée avec des soins patients et attentifs puis c’est le temps de l’élevage « temps suspendu, temps d’attente dont le rythme lent berce leurs vins » Et puis, « à chaque vin son fût et nos 2 compères sélectionnent eux-mêmes les origines et la chauffe de leurs barriques. » Vous comprendrez donc plus aisément que moi, fils de couturière, j’ai intitulé cette chronique « des vins sans coutures » et, comme l’aurait dit maman, tout est dans le drapé, l’art de donner à la matière de l’ampleur, de la structurer sans lui ôter son grain, velours ou soie, crêpe georgette ou organza... Les vins de François Dauvergne et de Jean-François Ranvier sont des vins rares dans le sens où, comme dans les grandes maisons de coutures, hormis le génie du créateur, c’est la succession des gestes des petites mains qui donne naissance à un produit à la fois unique et chaque fois renouvelé. Le vin est sans conteste le domaine où l’artisanat, cet art de la main prend tout son sens car ici la matière est vivante.

Nos créateurs de vins « off shore » de Rhône Valley présentaient au Grand Tasting leur collection : 1 Côte du Rhône : Vade Retro 2009 dont je me disais en le dégustant « si tous les côtes du rhône étaient de cette facture, nul n’aurait besoin de s’interroger dans les sphères professionnelles sur lien au terroir... », puis, en n°2, venait la pièce la plus accomplie du défilé : le Gigondas 2007 Vin Rare car il est exceptionnel, de quoi exciter les neurones des jurés du Wine Spectator qui n’aiment rien tant que les perles de la Rhône Valley. Ce vin sera en rayons chez Monoprix à partir de février puisqu’il a été sélectionné par le jury de Monoprix Gourmet (lire la chronique «  À  Grains Nobles une labellisation Gourmet Monoprix avec B&D au pupitre http://www.berthomeau.com/article-31056996.html pour être l’une des stars).  Si vous accordez une confiance minimale à mes capacités de « long nez et de bec fin », et si vous avez un Monop près de chez vous, courez-y vous ne serez pas déçu du voyage c’est de la belle et fine ouvrage. En 3 venait le Châteauneuf-du-Pape 2007 de belle facture et d’un rapport qualité/prix tout à fait exceptionnel : moins de 20 euros. Le dernier vin à monter sur le podium était une Côte Rôtie 2007 Vin Rare qui tout comme le Gigondas vaut le détour. Sans vouloir couvrir de fleurs nos jeunes créateurs je me dois de souligner, leur modestie dut-elle en souffrir, que leur plateau de 4 vins était en tout point remarquable et surtout signé du fait de leur finesse et leur élégance.

R&D Vins c’est aussi Jean-François Ranvier, ingénieur agronome et œnologue qui a été directeur de labo-conseil (ICV) puis responsable des achats chez Bernard en même temps que François Dauvergne. C’est l’homme du suivi des vignobles et des vinifications alors que François  Dauvergne est plus axé sur le commerce. Pour ce qui concerne l’étape cruciale des achats et des assemblages ce sont les deux qui officient de concert. R&D Vins c’est aussi une activité de conseil axée sur le haut de gamme et le suivi des conversions bios Une des propriétés suivies en conseil  a eu un 100/100 de Parker. La liste de leurs récompenses est fournie et témoigne de leur esprit d’excellence tourné vers des vins accessibles. En effet, ils développent 3 gammes de vins :

- Dauvergne Ranvier qui représente la gamme la plus ambitieuse en termes de qualité tout en restant à un niveau de prix raisonnable.

- une gamme de vins plus "cœur de marché"

- une gamme de domaines et châteaux.

Faire du vin, son vin, sans posséder ou détenir en propre un vignoble, doit laisser pantois ceux qui affichent sur leur vitrine « vins de propriétaires ». Vous connaissez mon peu de goût pour cette dénomination très caractéristique de notre beau pays où est né le code Napoléon, ce code civil qui est le socle de la propriété privée. J’arrête car certains vont me traiter de « collectiviste ». Cependant, si nos deux compères peuvent ainsi se déplacer dans les vignes, les domaines et les chais, c’est parce qu’ils ont su créer un réel climat de confiance par le respect de la parole donnée. Autant que je sache, si ça fonctionne, c’est que les deux parties y trouvent leur compte : c’est du partenariat. Bien mieux que les beaux discours, les appels à l’aide des pouvoirs publics pour aider à vendre le vin produit ne serait-il pas plus judicieux de faire produire ou élaborer le vin par ceux qui savent le vendre. Que je sache passer 2 jours derrière une table de dégustation au Carrousel du Louvre n’est pas tout à fait une sinécure et comme François Dauvergne sait, mieux que beaucoup, faire partager sa passion du vin, de ses vins, et comme de surcroît ce sont d’excellents vins, je n’ai pas trouvé mieux comme méthode. Bonne pioche, ne croyez-vous pas ?  À Paris, à Londres, à Hong-Kong, à Shanghai ou à New-York... 

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8 décembre 2009 2 08 /12 /décembre /2009 00:00

Provocateur ? Non, simplement grand explorateur de dénominations de professions, certes cousines germaines, qui traduisent des hiérarchies, des différentiations sociales, des mœurs ou des valeurs différentes. Là où je veux bien concéder un zeste de provocation c’est d’avoir focalisé cette distinction sur Bordeaux. Comme le souligne Philippe Gardey dans sa somme « Négociants et Marchands de Bordeaux » de la guerre d’Amérique à la Restauration (1780-1830) : « Ce problème de vocabulaire n’est pas proprement bordelais et encore moins français : les sociétés marchandes de l’Occident comme celle de l’Orient ont toujours fabriqué de pareilles hiérarchies qui s’affirmaient avec le développement des échanges et de la prospérité. Dès le XVe siècle, en Italie, la distance est grande entre le negoziante et le mercante a taglio. Au XVIIe siècle, en Espagne aussi, le langage devient sélectif : hombre de négocios s’oppose à mercader. Dans le Bristol de 1775, on distingue aussi l’élite des merchants, commerçants en gros à horizon international, de la foule des tradesmen, les boutiquiers. À Hambourg, kaufmann, le négociant est utilisé dans le langage officiel en opposition à Krämer, le détaillant. »

 Le fossé entre l’élite, l’aristocratie du commerce et ces vulgaires boutiquiers semble profond et incomblable car la ruse, l’âpreté au gain, les petites combines de ces derniers sont incompatibles avec l’honorabilité de ceux qui exerce l’art de la négociation : « Et alors que le marchand ne peut servir l’État, le négociant peut embrasser les idées et les vues du négociateur, et en tenir lieu au besoin. » note l’Encyclopédie Méthodique éditée par Panckoucke en 1785. Certes le négoce des vins n’est qu’une part du négoce de Bordeaux mais sa vocation internationale le place au cœur de cette distinction. Avant de mettre un peu de poil à gratter sur l’autel du négoce bordelais en particulier et du négoce français en général je ne peux résister au plaisir de publier le dialogue entre M.Vanderk père et son fils, tiré de l’œuvre du dramaturge Sedaine, ami de Diderot, dans le Philosophe sans le savoir car elle illustre bien comme le note Philippe Gardey une vision « aussi sympathique qu’erronée ».

M.VANDERK Père. – Quel état, mon fils, que celui d’un homme qui, d’un trait de plume, se fait obéir d’un bout de l’univers à l’autre ! Son nom, son seing n’a pas besoin, comme la monnaie d’un souverain, que la valeur du métal serve de caution à l’empreinte, sa personne a tout fait ; il a signé, cela suffit.

M.VANDERK Fils. – J’en conviens, mais...

M.VANDERK Père. – Ce n’est pas un peuple, ce n’est pas une seule nation qu’il sert ; il les sert toutes, et en est servi ; c’est l’homme de l’univers.

M.VANDERK Fils. – Cela peut être vrai ; mais enfin en lui-même qu’a-t-il de respectable ?

M.VANDERK Père. – De respectable ! [...] Quelques particuliers audacieux font armer les rois, la guerre s’allume, tout s’embrase, l’Europe est divisée ; mais ce négociant anglais, hollandais, russe ou chinois, n’en est pas moins l’ami de mon cœur : nous sommes, sur la surface de la terre, autant de fils de soie qui lient ensemble les nations, et les ramènent à la paix par la nécessité du commerce ; voilà mon fils, ce que c’est qu’un honnête négociant. » 

Retour sur le 21ième  siècle en notre doulce France du Vin pour poser une petite question qui fâche : pourquoi diable notre grand pays au vignoble si divers et si varié n’a-t-il pas su générer un Grand Négoce Généraliste du Vin en mesure d’affronter la mondialisation en proposant une palette complète de tous nos vins ? Étonnant non ! D’un côté les Grands Vins,région par région, de l’autre la " piétaille ", encore une histoire de Négoce et de Marchand de Vin... Bien plus que des histoires de promotion collective ou d’Interprofessions en miettes n’y-a-t-il pas dans cette absence de locomotive une grande partie de la réponse à nos reculs actuels sur les grands marchés d’exportation ? Expliquez-moi Docteurs – au pluriel car y’en a tant que je m’embrouille dans leurs ordonnances – pour une fois étendez-vous sur le Divan et je vais prendre des notes sur l’état du patient...

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7 décembre 2009 1 07 /12 /décembre /2009 00:00

Il est de bon ton dans les milieux œnophiles de notre doulce France d’ironiser sur le Top 100 du Wine Spectator, considéré au mieux comme le summum du n’importe quoi : forme moderne du mélange des torchons et des serviettes, au pire comme l’un des instruments de la volonté de domination impérialiste sur le monde du vin des Yankees. Qu’il y ai dans cette vision une part de vérité c’est incontestable mais pour autant ceux qui ne prennent pas la peine d’ausculter ce classement du Wine Spectator ont tort car il est révélateur lorsqu’on l’examine année après année d’un étrange mélange de versatilité et de continuité, surtout cette année où le brutal désamour vis-à-vis des vins français couplé avec un rebond exceptionnel des vins italiens et un retour à l’isolationnisme traditionnel des américains en période de crise qui se traduit par un retour en force de leurs vins. Cependant, l’information principale de ce Top 100 est le dégonflement vertigineux du coût du panier (prix unitaire x les 100 vins). C’est plus que spectaculaire ça avoisine la pure dépression.
- Un matin de la semaine dernière je me suis éveillé en me disant : " Tiens je m'achèterais bien un Van Gogh ! " Et puis finalement j'ai acheté un footballeur.

En 2008 : 5191 $, en 2009 : 3980 $ soit un différentiel de 1211 $ soit 23,33% donc pratiquement 1/4 soit un chiffre se rapprochant de 2007 : 4049 $.

Les gros prix ont fondus au soleil :

-         en 2007 : 7 vins à 100 $ et plus dont 1 à plus de 200 $ soit 157 $ la bouteille en moyenne.

-         en 2008 : 11 vins à 100 $ et plus dont 2 à plus de 200 $ soit 110 $ la bouteille en moyenne.

-         en 2009 : 7 vins à 100 $ et plus et aucun à plus de 200 $ soit 130 $ la bouteille en moyenne.

Les plus de 200 $ étant français.

L’isolationnisme américain joue à plein en 2009 puisque 35 vins US entrent dans le Top 10 chiffre jamais atteint ces trois dernières années par aucun pays : en 2008 la France trustait 31 places. La déprime des prix s’exprime bien dans le prix moyen des bouteilles US classées dans le Top 10 : 36,50 $ et 17 sur 35 coûtent moins de 30 $. Pour la première fois un vin à moins de 10 $ entre dans le classement à la 66ième place : Barnard Griffin Riesling Columbia Valley 2008 8 $.

Le principal bénéficiaire du « déclin français » 24 vins en 2007, 31 en 2008 et 17 en 2009 est l’Italie qui passe de 13 vins en 2007 à 16 en 2008 et 19 en 2009. Le prix moyen de la bouteille italienne est de 44,30 $.

Le podium place un vin US en tête : Columbia Crest Cabernet Sauvignon Columbia Valley Reserve 2005 27 $, puis un vin Espagnol : Numanthia-Termes Toro Termes 2005 27 $ et enfin le Châteauneuf du Pape de service : Domaine du Vieux Télégraphe la Crau 2007 70 $. Un podium somme toute modeste, la bouteille moyenne à 41 $ bien dans le ton de la déprime de nos goûteurs étasuniens. À titre de comparaison en 2007 la bouteille moyenne du podium était à 71 $ et en 2008 à 54,6 $ et ce sont toujours les vins français qui font augmenter la moyenne.

Pour en revenir à notre beau pays, outre notre déclin numérique, nos vins en dehors de celui du podium sont relégués dans les ténèbres extérieures :

31ième Domaine St. Préfert Châteauneuf-du-Pape collection Charles Giraud 2007 75 $

40ième Château Haut-Bages-Libéral Pauillac 2006 39 $

42ième Clos des Papes Châteauneuf-du-Pape 2007 115 $

55ième Trimbach Riesling Alsace 2007 18 $

64ième Château Léoville Barton St Julien 2006 75 $

75ième M.Chapoutier Côtes du Roussillon-Villages Les Vignes de Bila-Haut 2008 14 $

76ième Clos La Coutaie Cahors 2007 14 $

84ième Château Malmaison Moulis 2006 18 $

85ième Domaine de Montvac Vacqueyras 2007 21 $

86ième Mas du Soleilla Coteaux du Languedoc La Clape Les Bartelles 2007 35$

89ième Perrin&fils Vinsobres les Cornuds 2007 22 $

94ième JF Gonon Pouilly-Fuissé Veilles Vignes 2007 30 $

95ième Louis Roederer Brut Champagne Premier NV 43 $

96ième Château Ducru-Beaucaillou St Julien 2006 145 $

98ième Bonneau du Martray Corton-Charlemagne 2006 150 $

100ième Les Vins de Vienne Vin de Pays des Collines Rhodaniennes Sotatum 2007 66 $

La vallée du Rhône reste l’enfant chérie du Wine Spectator : 3  Châteauneuf-du-Pape, 1 Vacqueyras, 1 Vinsobres et 1 Vin de Pays des Collines Rhodaniennes. Le grand Sud avec le Roussillon-Villages et le La Clape à un prix qui n’est pas de « piétaille » tirent bien leur épingle du jeu. Malgré les deux plus hauts prix la Bourgogne et Bordeaux sont les grands perdants du classement. À noter le très joli prix du Vin de Pays qui occupe une place très visible : la dernière. Les prix sont aussi pour la plupart des vins dans la tonalité de ce Top 100 post crise. Petite curiosité à la 50ième place : Tablas Creek Esprit de Beaucastel Paso Robles 2006 fruit de l’alliance des Perrin et de Robert Haas Vineyards. Brands

En résumé :

USA : 35 vins dont 23 dans les 50 premiers, 4 dans les 10 et 9 dans les 20

Italie : 19 vins dont 14 dans les 50 premiers, 4 dans les 10 et 8 dans les 20.

France : 17 vins dont 4 dans les 50 premiers, 1 dans les 10 et 1 dans les 20.

Australie : 8 vins dont 2 dans les 50 premiers.

Espagne : 6 vins dont 1 dans les 50 premiers et 1 dans les 10.

Nouvelle-Zélande : 3 vins dont 2 dans les 50 premiers

Autriche : 3 vins dont 1 dans les 50 premiers

Argentine : 2 vins dont 1 dans les 50 premiers.

Portugal : 2 vins dont un dans les 50 premiers

Hongrie : 1 vin dans les 50 premiers

Allemagne : 2 vins dans le Top 100

Chili : 1 vin dans le Top 100

Afrique du Sud : 1 vin dans le Top 100

Pour ceux d’entre vous qui souhaiteraient faire des comparaisons avec le Top 100 de 2007 et de 2008 vous pouvez consulter :

-          « Petites notations sur les notes du Top 100 de Wine Spectator's » http://www.berthomeau.com/article-14382998.html

-         « Cocorico ! Le Clos des Papes number one du Top 100 de Wine Spectator's » http://www.berthomeau.com/article-14371516.html

« Le Top de Wine Spectator's 2008 in Technicolor : la France tient son rang » http://www.berthomeau.com/article-25042080.html

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6 décembre 2009 7 06 /12 /décembre /2009 00:00

Au cours du dîner qui suivit le meeting las des mondanités j’entrepris mon cher Ministre sur la fin des Paysans, un thème auquel il n’était pas insensible mais qui défrisait les caciques du syndicalisme agricole. La 1ière chaîne de Télévision dans son émission Hexagone avait mis le feu aux poudres. En effet, la vision duale de l’agriculture exprimée dans le documentaire très réaliste, Adieu coquelicots, signé de François-Henri de Virieu chroniqueur au journal Le Monde cristallisait le malaise identitaire des gaullistes et des dirigeants paysans. Oser mettre en avant que l’avenir était ce GAEC de l’Isère avec son étable de 1000 vaches laitières, ses deux éleveurs, dont l’un d’eux était prof de maths constituait un crime de lèse-agriculture familiale. La France éternelle des champs se voyait ravaler par des technos comme René Groussard au rang d’un secteur comme les autres à moderniser à marche forcée. Ironiquement je soulignais, face au bel Albin médusé, et à un Préfet au bord de la défaillance, que le mémorandum Mansholt publié à la fin de 1968 et le Rapport Vedel affirmaient sans détour qu’une partie de la paysannerie était condamnée à terme et qu’elle devait se reconvertir. Pour Sicco Mansholt 80% des exploitations sont trop petites. La pilule est amère même pour les modernistes, tel Michel Debatisse car le diagnostic des « technocrates » met à nu les ambigüités de leur propre pensée. En effet, martelais-je, comment pourraient-ils concilier leur stratégie économique de modernisation qui jette sur le bord du chemin beaucoup de paysans et le mythe de l’unité paysanne chère à la FNSEA. Faisant étalage de mes lectures je citais une tribune de Maurice Papon  au Monde « Mansholt et Malthus » publiée le 8 avril 1969 use de sa rhétorique pour stigmatiser ce plan qui « est une erreur à l’échelle de l’histoire » car il risque « d’amplifier le risque de massification urbaine sur lequel la société urbaine sera sans doute obligée de revenir pour survivre ». Un visionnaire le Maurice !

 

Face à un tel déluge de mots, et surtout au silence quasi-religieux qui s’était installé autour de la table Chloé elle-même me contemplait avec un étonnement sidéré. « Pour une fois tu parlais vraiment avec tes tripes, sans calcul, tu vivais ton sujet comme si pour toi l’enjeu touchait à ce que tu as de plus profond... » me fit-elle remarquer lorsque nous nous retrouvâmes dans l’immense chambre que nous avait alloué le Préfet. Avachi sur une bergère je lui répondais qu’elle touchait juste, que moi le fils de paysan vendéen je ne pouvais rester indifférent à cette fameuse « Révolution Silencieuse » qui allait broyer beaucoup des miens. Du petit cartable qui m’accompagnait toujours je tirai une coupure des débats à l’Assemblée Nationale où Michel Cointat se livrait à un grand moment de démagogie qui devrait figurer dans une anthologie de la pensée agrarienne. Me levant et me juchant sur le velours cramoisi de la bergère je déclamais Chloé applaudissait.

 

Le lendemain matin, à la première heure, dans une fourgonnette Peugeot, que les services du Préfet avait dégotté je ne sais où, Chloé et moi prenions le chemin de la Grande Brière. Aussi étrange que cela puisse paraître, à la suite de ma péroraison agricole ma cote auprès de mon Ministre était montée de plusieurs crans. Face au Préfet totalement à l’Ouest et aux grands élus du département, tellement ravis d’être à la table d’un Ministre de cette envergure qu’ils gobaient mes paroles sans trop savoir de quel côté il allait devoir pencher, le bel Albin me couvrait de fleurs et me promettait un bel avenir en politique. À l’heure des cigares et du café ma requête pour qu’on mît à ma disposition un véhicule afin que ma douce et moi allions nous ressourcer dans les profondeurs de la Grande Brière avait reçu une immédiate acceptation du Préfet qui devait penser que sa célérité à me satisfaire lui vaudrait sans nul doute les faveurs de Paris. La Grande Brière avec ses canaux, ses plans d’eaux peu profonds, ses roselières, ses prairies inondables et ses buttes où se perchent de minuscules villages est un monde clos, un monde consanguin, autarcique. Les Briérons pendant des siècles bénéficièrent d’un statut unique en France : ils étaient propriétaires du marais par la grâce du duc François II de Bretagne. Chassant, pêchant, pratiquant l’élevage et tirant l’essentiel de leur subsistance du marais, les habitants de ce marais brûlant la tourbe extraite de leur sol manifestèrent toujours une franche hostilité à tout ce qui venait du dehors. Comme Chloé et moi ressentions un réel besoin de nous isoler pour mettre un peu d’ordre dans nos vies chaotiques dans l’hostilité profonde de la Brière nous étions sûrs que les autochtones nous ignoreraient.

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