Dans son commentaire sur ma chronique « Des marques, des marques de vin oui mais n’est pas le petit LU qui veut... » l’ami Reggio écrit « 80% d'accord avec le dernier paragraphe. Les 20% restant c'est le fait des industriels qui imitent / copient les artisans, pas forcément mal d'ailleurs, sans en avoir ni les coûts, ni les obligations. Ce qui, en partie, a provoqué la ruine de nos appellations, et pas que dans le vin. Bien sûr qu'il y a de la place sur le marché pour tout le monde, mais pas avec les mêmes codes. Pour les consommateurs, la distinction doit être évidente, rapide et sans ambiguïté » Afin d’alimenter le débat je suis allé puiser dans mon cellier 3 chroniques écrites * en novembre 2005 sur le pain et plus précisément sur PAUL la chaîne de boulangerie créée par Francis Holder. Je vous les livre sans aucune retouche.
« Pour les artisans, Francis Holder est l'ennemi non seulement parce que c'est un industriel, fournissant des GMS et des terminaux de cuisson, mais parce que c'est un artisan très doué qui opère comme personne d'autre sur une échelle industrielle et ultramoderne, brouillant ainsi la frontière séparant les deux catégories. Comme toute anomalie par transgression taxinomique, il est particulièrement craint et honni. Il étonne par son audace de businessman, mais également par l'excellence de ses produits qui sont omniprésents dans une large partie de l'hexagone.
Il est dommage de réduire, en code journalistique, ce parcours tout à fait exceptionnel - sans doute la plus belle histoire de réussite dans la boulangerie française avec celle de L.Poilâne - à un chiffre d'affaires, même si un milliard et demi de francs, peu ou prou, est fort impressionnant. C'est un vrai self-made man, itinéraire socialement plus valorisant aux Etats-Unis qu'en France (il est le petit-fils d'un immigré polono-ukrainien du côté paternel, et son ascension aurait pu démarrer dans le lower east side de New York, au début du XXe siècle, mais pas du côté du fournil) fils de pâtissier-boulanger, petit-fils et arrière-petit-fils de boulanger du côté maternel, Francis Holder, homme du Nord, grande pépinière de l'entreprise entreprenante en France, préside le groupe Holder, employant plus de 4000 personnes. Celui-ci regroupe l'enseigne Paul (67% du CA), joyau de l'affaire, avec 22 boutiques dans 43 départements en France en 2000 et plus d'une vingtaine à l'étranger; le Moulin Bleu, la division industrielle (24% du CA); la nouvelle chaîne en franchise Saint-Preux (2%); Ladurée (7%), élégants pâtisseries-salons de thé-restaurants, reprise habile d'une enseigne prestigieuse, un peu comme Paul d'ailleurs, « maison de qualité fondée en 1889 » ; et Panétude, un bureau engineering chargé de concevoir et d'entretenir les magasins... »
In " Le retour du bon pain " Steven L. Kaplan page 220 publié chez Perrin
Ce matin, comme convenu, je vous livre ce qui m'a intéressé dans la saga de Francis Holder. Pour ce faire je pioche dans le livre de Kaplan cité hier.
« Le plus gros défi était sans doute du côté artisanal... »
« Il constate que bien de ses collègues boulangers un peu partout, en optant pour le pain ultra-blanc et un travail accéléré, mal servis par des agriculteurs encore plus productivistes qu'eux et des meuniers pas encore conscients des risques de ce glissando moderniste, n'avaient plus l'exigence de la qualité... »
« Le génie de Holder a été de savoir résister au tout-marketing. Le succès durable, et contagieux, ne pouvait se fonder que sur l'excellence des produits...»
« Toute la filière semblait oublier le consommateur final... »
« D'abord, en amont, F.Holder a cherché à changer la relation entre les boulangers et les agriculteurs... »
« Anticipant les pratiques dites aujourd'hui d'agriculture raisonnée, sensible à la protection de l'environnement et aux impératifs de la traçabilité, il impose des règles et des contrôles concernant les engrais, les produits autorisés pour traiter les grains, le calendrier de la moisson etc.. »
« Il voulait amener ses meuniers à ne plus « cuire le blé », à ne plus le réchauffer. Meuniers-agriculteurs, même erreur : un productivisme aveugle...»
« Très tôt, par rapport aux autres artisans, F.Holder rejetait des additifs à sa farine, encore une décision osée, car l'absence de ces « aides » ou « améliorants » rendait le travail plus difficile, dans un milieu où l'on avait déjà du mal à recruter des ouvriers boulangers motivés et fiables.. »
« Ce Paul est à l'écoute de ses clients qui sont, eux, de plus en plus exigeants, il sait « sentir leurs goûts »
Mon petit détour chez nos amis les boulangers je le dois à une exposition à la Fondation Cartier « Pain Couture by Jean Paul Gaultier » c'était en septembre 2004. Organisé sous l'égide de la Chambre Syndicale de la Boulangerie c'était dans le domaine du tout est possible lorsqu'on se laisse aller à la créativité : entre chouquettes, pain et croissant, le célèbre kilt de JPG en pâte à pain et autres sculptures, ça sentait bon et ça donnait envie...
Alors, chers amis du vin, à quand notre exposition à la Fondation Cartier haut lieu de rayonnement culturel international ? Problème : où est la Chambre Syndicale des « faiseurs de vin » ? Chacun dans son terroir et les bastilles seront bien gardées... Bon j'ai lancé l'idée à vous de me dire ce que vous en pensez... Quand même ça aurait plus de gueule que de continuer à se présenter comme un secteur assiégé par les barbares de l'extérieur ou les pisses froid de l'intérieur...
Comme vous pouvez le constater je crois avoir un peu de suite dans les idées le seul problème c’est que j’ai 5 ans de plus. Voir www.paul.fr/
Les chroniques :
- la saga de Francis Holder
- les 42 pains de Paul
- la multiplication des pains