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7 février 2010 7 07 /02 /février /2010 02:02

« Français ? »

Et en français avec le son teuton les deux pandores nous dévisageaient avec une certaine surprise se demandant ce qu’un couple pouvait bien fichtre en ce lieu à cette heure-là. Je me retenais de répondre « ça se voit tant que ça » mais me contentais de tendre nos deux passeports. Les deux poulets cinquantenaires maniaient notre langue avec une relative aisance souvenir sans doute d’un long séjour dans notre doulce France. Là encore j’évitais de le leur faire remarquer. Ils nous entraînaient vers la lumière pour mieux examiner nos passeports. Comme ils étaient en règle les pandores peu amènes se contentèrent de nous signifier de déguerpir de la zône et de gagner au plus vite notre lieu de résidence. Le plus gros, très bovin, ajoutait un « tenez-vous à carreau » qui en disait long sur ses sentiments à notre égard. Son coéquipier, lui, s’intéressait essentiellement à la plastique de Chloé pourtant ensachée dans des vêtements informes et je sentais dans ses yeux comme une folle envie de procéder à une fouille au corps. Nous revenions sur nos pas pour découvrir sur la gauche une ruelle qui se révéla être une impasse donnant sur un haut portail rouillé, entrouvert, sur lequel de blanches colombes de la paix façon Picasso encadraient un chat sans poils debout sur ses pattes arrière qui brandissait son pénis.

De la bâtisse, dont nous devinions l’existence par les points de lumière piquetant sa haute façade, provenait un vacarme sauvage où se mélangeaient des éclats de voix et de la musique sans doute crachée par une batterie de haut-parleurs. Notre irruption, dans ce qui avait du être la salle de pointage d’une usine désaffectée, ne troublait en rien les occupants qui se livraient, par grappes, à une forme de confrontation verbale et gestuelle débridée sur fond de chants révolutionnaires.  De l’un des groupes, une grande sauterelle, lovée dans un sari immaculé, se détachait pour s’approcher de nous à petits pas chassés. Ignorant Chloé elle tourbillonnait autour de moi en passant ses longs doigts dans mes cheveux tout en ondulant des hanches lascivement. Grossièrement je rompais le charme en la questionnant avec une brutalité que je regrettai sitôt « où est Sacha ? ». Très « Peace and Love » elle m’enveloppait de ses bras interminables en se plaquant à moi « essaie le Centre de la Paix, camarade... » me susurrait-elle à l’oreille avant de repartir, tel une elfe, vers l’un des essaims peuplé que de filles qui mélangeaient leurs corps en une houle furieuse. Même Chloé, qui en avait vu d’autres, contemplait le spectacle avec étonnement.

- C’est où le Centre de la paix...

Le grand type roux, vêtu d’une vareuse vert de gris et coiffé d’un béret à la Che Guevara, à qui je venais de poser la question, me regardait comme s’il découvrait une fiente de pigeon sur ses rangers impeccables. Dans un français tout aussi impeccable il me balançait.

-         Au dernier ducon !

-         Tu devrais tirer la chasse plus souvent trouduc t’as une haleine de chiottes...

Chloé me tirait par la manche.

-         Laisse tomber, tu ne vois pas que notre camarade est un fils de pute...

-         Toi t’as des cuisses de gazelle et j’ai une trique d’enfer. Monte au premier avec moi je t’offrirai ma semence révolutionnaire...

-         C’est ça mon grand. Va faire ta lessive à la main et lâche-moi la chatte !

-         Toi t’es italienne, une chatte sur un toit brûlant...

-         Viens Chloé notre camarade est un réviso en exil...

Le pire c’est que j’avais tapé juste. Alors que nous venions de le laisser en plan le grand roux se ruait sur nos pas en gueulant « comment tu sais ça ! » Sans même prendre la peine de me retourner je gueulais à mon tour « t’as la gueule de l’emploi. Communiste un jour, communiste toujours... » Au dévers de l’escalier je le vis totalement anéanti se balancer d’un pied sur l’autre. Nous vivions vraiment une époque formidable où, à chaque instant, le moindre pékin en rupture de ban pouvait passer de l’exaltation la plus échevelée à la déréliction la plus grande.

À chaque étage que nous découvrions le tableau changeait : au premier une pouponnière où flottait une odeur aigre de lait se mélangeant avec le parfum fade des fèces des moutards qui dormaient dans des panières pendant que leurs mères subissaient une séance d’éducation politique délivrée par une duègne revêche dont le sarrau, façon sac de jute, mettait en valeur son cul de poulain ; au second, régnait un calme post-coïtal baignant dans des odeurs d’encens et des fragrances de foutre tiède ; au troisième sous la houlette d’un Jésus de Nazareth, enveloppé dans un drap de lin, une grosse douzaine d’individus des deux sexes, même s’il me semblait difficile de distinguer qui était qui puisqu’ils étaient tous revêtus de sortes de chasuble taillée dans du carton d’emballage, déclamait du Brecht ; au quatrième c’était une fourmilière où des types hirsutes, couvert d’encre, s’acharnaient sur des presses manuelles pendant que d’autres tapaient comme des déments sur de vieilles machines à écrire ; enfin au dernier une échelle émergeant du plafond donnait accès à un grenier. J’y précédais Chloé.

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7 février 2010 7 07 /02 /février /2010 00:00

Stéphane Derenoncourt, qui n’a pas sa langue dans sa poche et qui n’est pas œnologue, dans son intervention à la Villa d’Este sur les nouvelles techniques dans la vigne et dans les chais, a tenu des propos acidulés, caustiques, pétillants (cocher la case en fonction de votre appartenance à une chapelle) sur « la sacralisation de la grappe ».

Que nous disait-il, tel que rapporté par Rosenfeld : «  On est ainsi arrivé à la période des tables de tri, où l'on abandonne les bennes et les gros conquêts, et on décide d'utiliser des cagettes. Stéphane Derenoncourt esquisse un sourire, et poursuit: les journalistes adorent les tables de tri, et donc, ensuite, on a mis une deuxième table de tri derrière l'érafloir. Ensuite, la table de tri est passé d'instrument de travail à signe extérieur de richesse: le nombre de mètre linéaire de table de tri devenait une mesure visible de votre réussite (mais après il faut les ranger, et donc construire des bâtiments, ce qui a heureusement permis d'arrêter cette mode...). 

On est ensuite passé à la table à vibration, qui était déjà utilisée dans l'agriculture classique: la seule différence était que c'était 40% plus cher pour le vin. Donc la table vibrante alimentait la table de tri qui alimentait l'érafloir, qui alimentait une nouvelle table de tri. Certains ont supprimé l'érafloir et l'ont fait faire à la main, après 40m de table de tri: on voit passer du raisin d'une qualité égale à du caviar au bout, mais on met quand même quelqu'un au bout de la chaine, pour faire le contrôle qualité, ce qui est d'une utilité contestable. »

D’accord me direz-vous mais qu’est-ce que nos belles grappes ont en commun avec les frites ? De s’envoyer en l’air tout simplement ? Pire encore de s’envoyer en l’air comme de vulgaires frites McCain...

Je m’explique.

McCain, à ne pas confondre avec McDo, c’est un groupe canadien (7 mds de $ canadiens de CA) inventeur de la frite surgelée, leader mondial, qui détient 40% du marché hexagonal tout en faisant des bras d’honneur aux marques de distributeurs en vendant ses « French Fries » deux fois plus cher que les produits génériques. En dehors des pousseurs de caddies McCain sert la restauration et les chaînes telles McDo, Quick, Burger King et Kentucky Fried Chicken. Bref vous allez me dire que vous en n’avez rien à cirer de mes histoires de grosses patates. Et pourtant vous avez tort.

Je m’explique.

« Sa plus grosse usine dans le monde se situe en France, dans le village de Matougues (Marne). « Au milieu de nulle part » dit Jean Bernou (directeur de la division Europe continentale). Une cathédrale entièrement automatisée dotée d’une chambre froide de 40 mètres de haut et qui ne produit pas moins de 30 tonnes de frites à l’heure ! Les pommes de terre y sautent en l’air d’un tapis à l’autre, une opération pendant laquelle des caméras exercent un tri optique, séparant les bons produits des autres »

Voilà c’est dit chers lecteurs, exit les petites mains en gants chirurgicaux, vive la table de tri optique ! Je ne suis pas agent de la maison Pellenc mais comme c’est eux qui font je vous fais un copier-coller  de sa « Selectiv’ Process Vision est un système de tri visionique (analyse de la couleur et de la forme) de la vendange qui sélectionne les baies en fonction des objectifs du vinificateur et de la qualité initiale de la récolte. C’est donc un tri sur mesure par intelligence artificielle. On peut, au choix, conserver uniquement les baies entières mûres ou nuancer le tri en acceptant des baies écrasées ou avec pédicelle. Qualitativement, le respect de la vendange est total, le tri, constant et l’élimination des déchets verts, intégrale. Deux milles baies sont triées par seconde soit un débit qui peut atteindre les 12 tonnes/heure. La régulation du débit se fait en temps réel, le fonctionnement 24h/24 et les réglages très simples complètent ce dispositif qui peut être géré par une seule personne. Côté design, la machine est compacte et adaptable sur remorque. En outre, le nettoyage est rapide (30 minutes).
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6 février 2010 6 06 /02 /février /2010 00:04

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De grâce chers lecteurs et lectrices surtout, ne criez pas à la provocation, ne jetez pas ce message dans les tréfonds de votre poubelle. C'est une recette très sérieuse dans la lignée de ma chronique Accords&désaccords : quel Vin va bien au teint de la tête de veau ? ICI-> sur le labeur méconnu du tripier et pour faire suite à celle sur le seul chemin qui mène au Conservatoire International du Bien Vivre ICI-> ) je vous propose d’exercer vos talents, pour ceux qui ne l’auraient déjà fait, sur une nouvelle épreuve.

 

La base de celle-ci est un livre « Beurk ! c’est bon » rassemblant « 46 recettes pour apprendre à cuisiner et à se délecter des produits beurks » de Julien Foulin  et Blandine Boyer publié aux éditions du Rouergue www.lerouergue.com car, comme l’indique, la quatrième de couverture « La cuisine, c’est comme le rapport à l’autre, il ne faut pas se fier à l’apparence. Ce n’est pas parce que le poulpe fait peur avec ses longs tentacules, qu’il n’est pas succulent en salade ou en ragoût. Ce n’est pas parce qu’un fromage sent très fort les pieds, qu’il n’a pas un bon goût en bouche. Ce n’est pas parce que la simple idée de manger des tripes d’un animal fait fuir, qu’il ne faut pas y goûter. La nature regorge de produits bizarres, laids, biscornus, rabougris, puants, bref dégoûtants et malgré tout savoureux. »

Cette seconde épreuve est du même tonneau que la première : l’accord de ces mets Beurks avec les vins de votre cru. Cultiver la différence, en notre monde si conformiste, si politiquement correct, est un luxe que les gens devraient savoir utiliser à bon escient pour sortir la tête hors du troupeau mais comme le disait ma mémé Marie ça les « asirent » - du verbe asirer = dégoûter – nos petits communicants frileux qui préfèrent s’en tenir aux chemins balisés. À noter pour mettre une touche postmoderne à mes propos que les fameux sushis qui font fureurs sont préparés avec du poisson cru : beurk !

 

1-     Salade de hampe et oreilles de cochon façon Thaïe « la hampe, encore un de ces produits moches comme tout dont la beauté intérieure parle aux initiés (dont je suis bien sûr). Avec son aspect naturellement un peu anémié, elle remporte haut la main le dernier prix au concours du beau steak. Quant aux oreilles, ce n’est guère mieux... »


2-    Spaghettis aux œufs de mulet « Le mulet n’est pas qu’un poisson qui racle les fonds des ports pollués. C’est un excellent poisson de mer, à la chair ferme et dont les œufs séchés, souvent qualifiés de « caviar de la Méditerranée (poutargue) possèdent un goût puissant et iodé. »


3-    Endives Gratinées au Trou du Cru « le Trou  du cru est un fromage élaboré en Côte-d’Or, qui ressemble à un petit époisses. Il dégage de fortes odeurs, pour ne pas dire qu’il pue ! Pendant trois semaines, ce fromage est affiné au marc de Bourgogne et il en découle des arômes d’alcool aux senteurs de paille ».


4-    Ragoût de poulpe au vin, pommes vapeur « on dit souvent qu’il faut battre le poulpe pour l’attendrir pour l’attendrir, mais ce n’est pas obligatoire. On peut le congeler au préalable pour les rendre moins coriace, ou les faire cuire très longtemps à feu doux. Les petits poulpes sont meilleurs. Les tout petits peuvent se manger entiers, grillés ou pochés et préparés en salade. »


5-    Soupe d’ortie à l’andouille croustillante « une soupe de trucs qui piquent avec des rondelles de crétin, c’est le pompon ! » Êtes-vous andouille de Vire ou de Guéméné ?


6-    Brochettes de couilles d’agneau et merguez à la sauce tomate il s’agit d’animelles d’agneau Yves Camdeborde déclare « il ne faut surtout pas dévoiler ce que l’on prépare comme plat, sinon personne n’en mangera. Mais une fois  bien assaisonné, c’est très bon. En revanch, il faut que les couilles soient très fraîches, c’est le secret. »


7-    Tatin de boudin aux poires « Le mélange de la douce poire et du viril boudin, c’est juste à tomber sous le charme du cuistot. »  

 

 À vos souris, chers amies lectrices et amis lecteurs ! Le jeu en vaut la chandelle : la mention sur votre carte de visite de « Conservateur du Bien Vivre » c’est quand même plus « Vérigoud » que « Conservateur de Limonade, E je ne sais plus combien... »  et question à 1 caramel à 2 sous : qui est cet homme recherché par toutes les polices du goût ?

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5 février 2010 5 05 /02 /février /2010 00:00

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Bien que nous soyons forts différents, avec Michel, hormis les goûts cités en titre, nous avons beaucoup de points communs. Vous les énumérer serait malvenu de ma part car, parmi eux, il se trouve des qualités que Michel possède à la puissance 100 et ainsi je vous donnerais le sentiment de me les auto-décerner. Cependant, même si certains me trouveront prétentieux, je pense que ce qui nous rapproche le plus Michel et moi c’est la curiosité intellectuelle. Être curieux de tout c’est être ouvert à tout, c’est chercher, s’étonner, s’enthousiasmer, aimer, choisir en permanence, s’engager, prendre des gamelles et des coups... c’est vivre. Michel est déjà venu sur mon espace de liberté pour répondre à mes 3 Questions (3 Questions à Michel Chapoutier le biodynamique ICI-> )  mais aujourd’hui je saute sur l’occasion que me donne la réception du livre de Jean-Charles Chapuzet sur Michel Chapoutier aux éditions Minerva pour céder la plume à l’auteur. Le portrait qu’il cisèle de Michel me va bien et me plaît car il a su trouver, la bonne distance, les bons angles et les mots justes.

 

concert live à Arras La nuit je mens
« On m'a vu dans le Vercors
Sauter à l'élastique
Voleurs d'amphores
Au fond des criques
J'ai fait la cour à des murènes
J'ai fait l'amour
J'ai fait le mort
T'étais pas née »
Alain Bashung  

« Au premier abord, cet homme semble fou. Et puis, après quelques heures d’échanges, de discussions, un verre ou dix, de par son attitude, sa passion, son énergie, il confirme : il est bien fou. Il est de cette espèce rare, ivre de tout, curieux de connaître, inlassablement. Il ne parle jamais pour ne rien dire. Du moment que l’échange est constructif, sa compagnie devient rapidement intime, amicale. Tilt. Altruiste jusqu’au bout des ongles, il est né pour surprendre. En somme, il fait partie de ces gens qu’il faut rencontrer une fois dans sa vie. Nom : Chapoutier. Prénoms : Michel, Georges, Marius. Nationalité : française. Couleur des yeux : bleue. Né le 7 avril 1964 dans le VIe arrondissement de la ville de Lyon. Signe particulier : étonnant.

Il faut apprendre jusqu’à plus soif. Un avertissement dans ces prolégomènes, cet homme tombe amoureux dix fois par jour. Les vins, les livres, les tableaux, la musique classique, la classique musique de la vigne, les montres, le mode qui l’entoure le font fantasmer. Il faut qu’il croque, et à ses risques et périls. Qu’importe ! Peut-être parce qu’il se considère comme un survivant et que le présent n’est pour lui que du bonus ?... Nous y reviendrons.

Sa démarche ne saurait le trahir. De petite taille, les pieds s’échappant à l’extérieur, la truffe légèrement en l’air, Michel Chapoutier a un côté Charlie Chaplin. Derrière ses fines lunettes, il regarde partout. Lorsqu’il marche, on a l’impression qu’il court. Il se marre à chaque seconde pour vaincre une certaine timidité. Il a toujours l’air étonné, né de la dernière pluie. C’est juste une manière d’être, d’exister. Passé ce dilettantisme de façade, au fond il travaille, il bosse sans relâche, ogre bâtisseur. En amoureux d’histoire, il sait plus qu’un autre combien sa postérité dépendra de son œuvre. Il s’y attache.

Autant de bouteilles qui portent son nom, de caisses gravées à son effigie, c’est dans le vin que Michel Chapoutier a décidé d’édifier son panthéon. Ce n’était pas forcément le sens de l’histoire. Mais il n’est pas du genre à se laisser porter. Qu’on s’en persuade, chez l’artiste Chapoutier, ce n’est pas l’histoire qui fait l’homme mais l’homme qui fait l’histoire. Il choisit.

Pourtant ce postulat philosophique, Michel Chapoutier a bousculé les mœurs. Il a fait sienne la biodynamie (agriculture soucieuse de l’écosystème) bien avant que ce soit à la mode. Cet « emporte-tout » a eu l’heureuse idée de faire ses étiquettes en braille. Tout le monde en parle encore...Sa révolution, nous le verrons, il l’exporte. De Tain à Banyuls, du Roussillon à l’Australie, Michel Chapoutier va signer ses vins comme les romains édifiaient un arc de triomphe, pour signaler qu’après leur passage rien ne serait plus jamais comme avant. « Le challenge m’intéresse davantage que le profit que je peux en tirer » prévient-il. Fac et spera (Fais et espère). Est la devise familiale. Et le trublion ajoute comme un clin d’œil, plagiant Marcel Scipion : « Le vin naît du ciel et de la terre... de l’amour qu’on lui porte. »

Après tout, les raisons de sa réussite sont certainement dans sa simplicité. Pragmatique, il cède : »La définition d’un bon vin : c’est lorsque tu as envie de te resservir un verre. » Quel Bourguignon ou quel Bordelais aurait dit ça ? En phase avec les plantes, avec la nature, il paraît déphasé par rapport aux caciques du monde du vin. Beaucoup avaient annoncé sa chute : les voisins, les jaloux, les traditionnalistes, les financiers... Il est toujours là et bien là.

On peut craindre d’écrire sur un homme du vin. Sorti de la vigne, des chais et de la cave, il n’y a souvent pas grand-chose à dire. Le milieu est convenu, rigide, souvent clos. Pas avec Chapoutier. Dans son bureau, derrière le caveau de la maison de Tain-L’Hermitage, les œuvres d’art et les vieux livres témoignent d’un certain relief. Antiquaire, collectionneur d’art, féru de musique ésotérique, de littérature régionaliste, fou de cuisine, Michel Chapoutier décode la vie en autodidacte. »Moi aussi, j’adore l’art premier er la tête de veau », lâche-t-il entre deux gorgées de champagne avant d’éclater de rire. Nous l’avons compris, on ne s’ennuie pas. Chapoutier est un phénomène, on touche là à un cas sérieux. »

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4 février 2010 4 04 /02 /février /2010 00:00

Tout a commencé par un dialogue intercontinental, message nocturne, réponse matinale. Certaines de mes chroniques ont parfois des effets collatéraux que je ne soupçonnais pas en les écrivant. Je touche des points sensibles. Alors répondre, remettre les choses au point, renouer le fil, raccorder les opinions sans concéder, c’est le devoir de l’amitié. Lecteur certes mais, aussi et surtout ami, cher Bernard, n’en doutez pas.

Et puis dimanche matin, dans la rubrique commentaires une trilogie de mots gentils, à propos d’un petit trophée, d’Hervé, Marie-Laurence et de Michel. Touché mais pas coulé, là encore ce qui comptait, bien plus qu’une quelconque gloriole, c’était de sentir passer le doux parfum de l’amitié. La seule médaille dont je suis fier c’est celle que mademoiselle Brye épinglait à mon sarrau gris au temps de l’école Sainte Marie. Maintenant seuls mes cheveux sont gris et je souris face à certains écrits de mes confrères de la Toile.

Depuis le temps que, chaque matin, je laboure et je sème sur ce petit espace de liberté, pour la cause du vin, sans souci mercantile ou recherche de notoriété – mon orgueil est bien trop développé pour y céder – jamais je ne me suis demandé, au fond, pourquoi je chroniquais. Être lu, bien sûr, mais aussi pour créer des liens avec vous, cultiver le difficile terroir de l’amitié. Y ai-je réussi ?

Avant de prendre le TGV pour Angers, une sarabande d’énormes flocons ouatés enveloppait le ciel de Paris et me donnait le sentiment d’être au centre d’une de ces petites boules du type souvenir du Sacré Cœur qu’il suffit d’agiter pour créer la magie d’un Noël avant l’heure. Cap sur Angers, la Loire et ses vins y tiennent Salon. Je m’y rends car je suis fidèle en amitié. Mon petit doigt me dit que Pierre sera là, et il est là, et je lui dois bien ça. L’homme a une pudeur bourrue mais si à fleur de peau. Notre amitié est celle de compagnons d’armes, franche, directe et sans chichi. Ceux qui manient l’ironie facile se moqueront. Qu’importe, pour moi l’amitié n’est pas un vain mot.

Nous sommes ensuite allés, faute d’une coupe de l’amitié après les trophées, avec les amis Daniel et Lincoln, déguster chez Baumard un excellent Crémant de Loire. Et puis, comme les journées ont toujours une fin, restait pour celle-ci à bien la terminer. J’aurais bien aimé aller rendre visite à mes amis Claire, Raphaël et David pour leur Contains Sulfites mais pas trop mais j’ai un autre devoir d’amitié à honorer. Daniel et Lincoln y seront mes dignes ambassadeurs. Merci à eux.

Par bonheur il n’existe pas une échelle de Richter de l’amitié mais en jouant avec les mots j’affirme qu’il est possible de lui attribuer des degrés en fonction de sa chaleur, de son intensité. Et ce soir, pour ce dîner, je me suis retrouvé dans la focale de l’amitié. Ça réchauffe le cœur je vous assure. Patrick et Jacques, le premier en son foyer, ses enfants, ses vieux parents, nous accueille avec attention et gentillesse ; le second tel qu’en lui-même, hors des chemins ordinaires, loin des coquetteries du marigot nous enchante. Nous avons du temps, nous prenons le temps, nous taillons aussi gentiment quelques costumes. Les mets sont attentionnés, c’est si rare. Divin bar et mystérieux sandre, sous mon palais comme un parfum du beurre blanc de maman. La chaleur humaine appelle le vin : celui d’Henri en fin de partie me sourit tellement que je le recueille sans aucune modération. Simplicité et amitié vont bien ensemble. Merci Patrick pour tout.

La nuit fut courte mais agréable. Gaillard (pas le guide, ne ris pas Jacques) je me sens prêt à affronter une journée où je vais arpenter les allées du Salon des Vins de Loire pour glaner des idées. Déguster aussi mais je ne suis pas un professionnel, rien qu’un petit chroniqueur qui n’aime rien tant que la biodiversité, y compris dans le domaine de l’amitié. Ma vie antérieure m’a pourvu d’une carapace : se garder à droite, se garder à gauche, rester sur sa réserve, marquer ses distances, c’était une question de survie. Dialoguer en permanence avec les gens d’en face, expliquer, s’expliquer, convaincre ou tenter de convaincre, expose, surexpose, vous fait étiqueter. Il n’empêche que sous les pavés il y a la plage : des liens d’amitié se créés, divers, différents, enrichissants. L’autre n’est pas soi, sa différence vous amène à réfléchir, à vous remettre en cause sans pour autant vendre son âme. Se cantonner à son petit cercle, sa petite chapelle, se congratuler, se taper sur le ventre, notre monde du vin en est adepte. Peu de gens sont infréquentables. S’y frotter. S’adresser à ceux qui ne pensent pas comme moi, nouer avec certains des liens d’amitié, me motive bien plus que le confort douillet des cénacles affichant une convivialité de façade. C’est dans l’adversité que l’on reconnaît, que l’on compte aussi, ses vrais amis, pas dans l’encens des célébrations entre soi.

PS. Tiens le TGV s'arrête à Sablé comme c'est étrange ne trouvez-vous pas ? 
La star du marketing viral est dans le TGV j'en suis tout bouleversifié mais elle ne m'a pas remarqué (normal c'est elle la star...)

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3 février 2010 3 03 /02 /février /2010 00:00

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« Homme de l’art » dans son acception ancienne selon le Robert l’art est défini comme « un ensemble de moyens, de procédés conscients qui tendent à une fin » et de citer Paul Valéry, Avant-propos de l’Encyclopédie française « On dit de la Médecine qu’elle est un Art ; on le dit aussi bien de la Vénerie, de l’Équitation, de la conduite de la vie ou d’un raisonnement. Il y a un art de respirer ; il y a même un art de se taire. »

Vu comme cela sans contestation possible l’œnologie est un art car c’est une activité supposant des connaissances et des pratiques spécifiques qui réclament un apprentissage. Donc tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes lorsque le « magasin culte » de la Rive Gauche, le temple de la consommation chic, la Grande Épicerie du Bon Marché, dans le cadre de ses Privilèges D’Initiés pour Février fait l’Éloge de la Culture. Le glissement sémantique est d’importance car l’évènement se rattache à la nouvelle marotte du temps : le tourisme culturel.

Aujourd’hui tout est culturel pour reprendre l’expression fétiche des soixante-huitards où tout était politique. Alors pourquoi les épiciers, si ça fait vendre, ne s’y colleraient pas eux-aussi me direz-vous ? Amener des gens à se cultiver est toujours une bonne chose et dans cette veine permettre à des consommateurs d’acquérir les rudiments de la culture du vin – pas celle des ceps bien sûr – participe à une forme d’élévation du niveau des connaissances. Donc je ne puis que donner un satisfecit aux communicants du BM d’organiser une visite guidée au château de Malmaison de l’exposition consacrée aux coulisses de la cave de l’Impératrice Joséphine. Le Vin et l’Histoire forment un couple parfait. Bravo donc de sortir les amateurs de leur  7ième arrondissement pour seulement 10 euros.

Là où l’opération prend l’allure d’un mélange des genres étrange c’est lorsqu’elle propose, peut-être influencée par son voisin « Le vin en tête » (chronique : Faut-il être maintenant être œnologue pour apprécier le vin ? ICI-> http://www.berthomeau.com/article-faut-il-etre-maintenant-etre-oenologue-pour-apprecier-le-vin--41993276.html ) : une « Initiation à l’œnologie » Je ne vais pas reprendre mon argumentaire développé dans la chronique citée mais vous proposer la lecture de la présentation de cette initiation. Ça vaut son pesant de Culture, avec un grand C comme connerie en barre... « La Grande Épicerie de Paris et son Chef de Cave, Hugues Forget, vous convient à une initiation à la dégustation à l’aveugle. La cave de la Grande Épicerie s’offre à vos palets (sic) pour une découverte œnologique unique. Dans le cadre feutré d’un salon privé du Bon Marché Rive Gauche, Hugues Forget aura le plaisir de vous présenter une sélection originale et surprenante afin de vous familiariser à l’art œnologique. »

J’ai respecté la charte graphique et l’orthographe mais je me dois d’ajouter un extrait du second paragraphe qui est lui aussi fort plaisant « Tarif : 30 euros par personne (valeur effective 60 euros) ... Le Bon Marché Rive Gauche se réserve le droit d’annuler l’évènement en cas de participation insuffisante. » En clair : la Grande Épicerie organise des dégustations à l’aveugle payantes, en soulignant finement que c’est ½ tarif, en se réservant le droit de vous renvoyer chez vous sans avoir pu bénéficier de ses prestations si elle n’amortit pas son opération. « Vérigoud ! » Dieu que c’est prétentieux ! Bravo les artistes c’est de l’art pour l’art ( l'art c'est aussi celui de se taire comme l'écrivait Valéry) mais que voulez-vous moi je ne suis qu’une tête de lard qui ramène toujours sa fraise, de veau bien sûr.

Bonjour chez vous !

Un vieil encarté du Bon Marché : Jacques Berthomeau carte N° 100 28120 1349 8807

PS. Jouer aux palets était un des loisirs dominical des hommes dans ma Vendée profonde. Les joueurs alternant séjour à la cave et jeu. Vive la culture paysanne et les révolutions de palais !

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2 février 2010 2 02 /02 /février /2010 00:00

Rassurez-vous je n’ai pas abusé dès le matin de produits prohibés par la Faculté. Je n’ai bu que mon jus d’orange et mon café et ce que j’écris ne relève pas d’une extrapolation hasardeuse.

Je m’explique.

Récemment les plus fervents partisans du « french paradox » exultaient. En effet, la presse venait d’annoncer qu’une équipe de l’INSERM venait d’en démontrer la réalité par le décryptage biochimique de sa cause. Ramaroson Andriantsitohaina (neurobiologiste à l’Université d’Angers) a identifié une sorte de « sous-type alpha » des récepteurs aux hormones androgènes qui réagit aux polyphénols du vin rouge en provoquant un relâchement bénéfique des vaisseaux sanguins en contrecarrant le « stress oxydant » par la biosynthèse du monoxyde d’azote. Soit, à la lecture de ce qui précède, pour moi, comme pour beaucoup d’entre vous, l’équivalent d’une phrase de Robbe-Grillet traduite en mandarin. Ceci dit l’important c’est que le mécanisme en jeu et sa cible moléculaire ont bien été identifiés. Affirmer que la consommation d’un peu de vin rouge est bonne pour la santé est une réalité scientifique établie puisque la démonstration du relâchement des vaisseaux résulte d’une double série d’expériences menées avec des extraits de polyphénols du vin rouge, à la fois sur des souris et sur des humains « volontaires sains ».

Donc tout va bien me direz-vous. Sauf que, la gente médicale s’empresse d’ajouter que la dose doit rester modeste car sinon les effets bénéfiques du vin rouge sont annihilés par ceux néfastes de l’alcool. De plus, il est possible de profiter des mêmes avantages en consommant certains fruits rouges, le raisin bien sûr, mais aussi le cassis, les myrtilles... Pour les groseilles les recherches se poursuivent nous dit-on. Nos chercheurs angevins, très en verve, ont aussi identifié parmi les innombrables polyphénols du vin, tout particulièrement ceux de la famille des anthocyanes, une molécule qu’ils estiment prometteuse : la delphinidine. La science avance qui s’en plaindrait ! Pas moi bien sûr... Cependant, chers lecteurs, qui dit molécule dit gélules, brevets, laboratoires pharmaceutiques donc une sorte d’effet aïkido.

Je m’explique.

L’aïkido se compose de techniques avec armes et à mains nues utilisant la force de l'adversaire, ou plutôt son agressivité et sa volonté de nuire. Ces techniques visent non pas à vaincre l'adversaire, mais à réduire sa tentative d'agression à néant. Ce que je crains c’est que nos blouses blanches, hypocritement prohibitionnistes, utilisent la belle image du  « french paradox » pour promouvoir leurs médocs à base de molécules de polyphénols en arguant qu’avec eux les braves gens obtiendront les mêmes résultats sans les effets néfastes du gros méchant vin rouge. Qui vivra verra mais, à trop médicaliser la consommation du vin, à mettre en avant des arguments santé, le risque est grand d’en faire le point d’appui à une contre-attaque de ses détracteurs. N’oublions pas que le vin est surtout bon pour la santé de l’âme et pour le réchauffement des cœurs. Qu’il fût accessoirement bon pour nos artères certes ne nuit pas mais trop de posologie nuit gravement au plaisir...

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1 février 2010 1 01 /02 /février /2010 00:00

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Mardi soir dernier je rentrais fort tard, fourbu et frigorifié, de la Gare Lyon en provenance de Montpellier Bio par le métro lorsqu’à l’arrêt de la station Corvisart mon regard fut attiré par une grande grappe affichée. Qu’est-ce donc me dis-je ? Comme c’était écrit je lis « Saint Mont Façonnés à la Main ». La rame repartait jusqu’à Glacière ma station d’arrivée et mes neurones glacés se réactivaient. Vous connaissez mon peu d’amour pour les campagnes d’affichage dans le métro alors pendant que je regagnais mon home je dressais mon plan de bataille pour le lendemain : retour sur Corvisart, photos, étude de l’affiche et le plus important voir si cette belle campagne permettait au parigot lambda rentrant du boulot de comprendre au cours de ses quelques secondes de vision de quoi il s’agissait : de vin ou d’une campagne pour la promotion du raisin, d’aller au-delà du slogan, de faire la relation entre Saint Mont et sa localisation géographique, de se dire en revoyant de nouveau l’affiche à quelques stations suivantes : « tiens j’en achèterais bien », puis ayant pris le temps ou ayant eu la chance de descendre dans une station où l’affiche est exposée de pouvoir y lire tout en bas juste au-dessus du logo des financeurs « à découvrir en magasin, sur les meilleures tables et chez votre caviste » se poser la question essentielle : « mais je vais les trouver précisément où ces fameux Saint Mont de vignerons ? » www.vins-saintmont.com

En effet, le vieux principe de la réclame c’est de déclencher un réflexe quasi-pavlovien du consommateur : marque/acte d’achat. À noter, n’en déplaise aux créatifs d’agence, que l’esthétique de l’affiche peut parfois être contre-productive en brouillant l’impact direct. L’important c’est d’abord d’être vu, donc d’attirer le regard, ensuite d’être compris. L’affiche de Saint Mont capte l’attention c’est incontestable mais l’embrouillamini des mains qui exhibent verres, sécateurs, grappes, bouchon, poignée de terre...etc, des grains de la grappe, des bouteilles... est certes lourdement démonstrative sur le « façonnés à la main » mais indescriptible vu d’un wagon de la rame. Pour le texte c’est du même tonneau : il faut être à quai pour le lire « Fruits de toute l’attention de nos vignerons, les Grands Vins de SAINT MONT sont façonnés à la main, jour après jour, révélant ainsi leur finesse et l’authenticité de leur nature. » Phrase trop longue, trop conceptuelle, qui décourage le lecteur. De plus, avez-vous observé les usagers du métro lorsqu’ils attendent la rame sur le quai ? Si oui vous aurez constaté qu’ils tournent dans leur grande majorité le dos aux affiches. Donc, l’efficacité du message tient dans sa brièveté et sa visibilité vue de la rame.
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Vous allez me dire que je pinaille mais toutes ces belles affiches dans le métro c’est du bel argent qui provient en des proportions que j’ignore : des vignerons eux-mêmes via leur CVO qui, me dit-on, a été multipliée par 4, de la région Midi-Pyrénées, de l’UE. En conséquence ce n’est pas pour faire joli mais pour à la fois faire progresser la notoriété de Saint Mont et faire vendre des belles bouteilles de cette appellation. L’important c’est le lien qui se créé pour mener le consommateur jusqu’au rayon. Comme j’ai beaucoup d’amitié pour les Gascons de Saint Mont, et tout particulièrement pour un digne porteur de black béret, je me suis enquis de ce qui se faisait pour tisser ce lien et par la même occasion pour le faire savoir. J’ai donc enquêté. Qui donc enquête à chaud dans les médias du vin ? Assurément pas grand monde, les petits séjours dans le terroir sont plus douillets que le macadam parisien. Et pourtant c’est là que tout ce joue. Le consommateur lambda, dont ces « beaux messieurs » se fichent comme de la guigne, c’est bien lui qui forme les gros bataillons qui font la consommation.

Qu’ai-je découvert ? Ça :

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Un essaim sympathique de « black béret gascon », avec même quelques femmes en son sein, assemblé sous la pancarte symbolique de la station BASTILLE s’apprêtant à fondre sur les magasins Nicolas de notre ville capitale. Mon cœur tressaille d’allégresse même si je n’ai pu accéder à cette info que parce que j’ai fait le boulot. Bravo ! La prochaine fois il faudra mieux mailler la chaîne. Le faire savoir. Buzzer sur le Net. Faire dans le cousu main puisque tout est fait à la main à Saint Mont. Je vous assure chers vignerons que ça ne coûte pas très cher d’avoir de l’imagination. J’aurais pu en rester là mais comme je suis un bon petit soldat du vin bravant la pluie j’ai endossé ma canadienne et je suis parti jusqu’au Nicolas du 137 boulevard Auguste Blanqui où le vigneron André Micas officiait. Fidèle au poste, il m’a accueilli avec beaucoup de gentillesse en compagnie du caviste, Matthieu Lechevalier, lui aussi fort avenant. Petite dégustation puis petite discussion à trois. Suggestion du caviste qui confie être friant de la présence d’un vigneron dans sa boutique : pouvoir signaler l’opération à l’avance avec une petite affiche pour que ses clients puissent être mieux prévenus. Là encore, la logistique fait la force des armées et si demain d’autres enseignes, telle Monop sont envahies par les black bérets de Saint Mont il faudra faire un petit effort d’organisation. Je suis reparti de chez Nicolas avec un magnum de Collection Plaimont 2005 sous le bras www.plaimont.com , acheté bien sûr, car d’abord ça peut toujours servir pour faire un petit cadeau et puis le sympa André Micas méritait bien de l’appellation Saint Mont. Allez haut les cœurs les Gascons ! Vous êtes sur le bon chemin, celui qui fait le lien avec ceux qui vous font vivre : vos consommateurs.

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31 janvier 2010 7 31 /01 /janvier /2010 02:01

L’aérogare de Tempelhof nous fascina par son avant-gardisme, en comparaison celle d’Orly semblait bien provinciale avec sa façade plate de HLM. Ici, sur plusieurs niveaux, le bâtiment principal semi-circulaire de 1230 mètres de long, réalisé sous le 3ième Reich, impressionnait par sa fonctionnalité et sa démesure. Alors que nous nous extasions dans l’immense hall, un gros bonhomme, caricature du Bavarois buveur de bière, nous abordait, avec un air de contentement, pour faire savoir à ces petits français impressionnés que ce bâtiment était le 3ième plus grand au monde par sa surface au sol après le Pentagone et le palais du génie des Carpates à Bucarest. Chloé me murmurait à l’oreille « et si je lui répondais : salaud de nazi, tu crois que je ferais mouche ? » Je la tirais brusquement par le bras laissant en plan sans autre forme de procès ce digne représentant du Schweinesystem.  « C’est un flic... » lui dis-je entre les dents. « Et comment tu sais cela mon grand ? » Je me contentais de sourire en haussant les épaules. Dans le métro qui nous emmenait vers le centre du quartier de Kreutzberg je confiais à Chloé ma crainte d’être la victime d’une manipulation. Elle fronçait les sourcils « Une manipulation ! Mais manipulé par qui ? Tu deviens parano... » Je soupirai « Peut-être bien mais nous sommes ici en zone américaine et c’est le champ de jeu de la CIA alors je pense qu’il nous faut vraiment nous tenir sur nos gardes sinon nous risquons de nous retrouver au milieu d’une partie de billard à trois bandes... » Mes propos alambiqués ne la convainquaient pas « Sois plus explicite mon grand ! » Alors j’allais droit au but « À la réflexion je ne comprends pas pourquoi Marcellin m’envoie ici si ce n’est pour que je serve de poisson pilote aux Yankees ... » Chloé s’esclaffait « Tu viens tout juste de t’en apercevoir. Je rêve ! C’est évident que tu n’es plus ici maître du jeu. Je croyais que tu l’avais compris : dans ce putain de Berlin ce qui compte pour les américains ce ne sont pas ces petits connards que nous allons rencontrer mais les communistes est-allemands de l’autre côté du mur. Marcellin t’envoie dans cette pétaudière pour savoir où se trouve la menace réelle, pour identifier quels sont les éléments qui sont entre les mains de Moscou. Quel jeu joue nos soi-disant alliés. La guerre froide c’est cela mon tout beau. Fini de jouer solo mon coco, ici c’est la cour des Grands. » Fataliste je concluais « alors nous allons leur en donner pour leur argent... »


En retrouvant l’air libre en plein quartier de Kreutzberg nous pûmes vérifier que la zone de chalandise de nos petits camarades étudiants ne respirait guère l’opulence renaissante de l’Allemagne de l’Ouest car elle se composait essentiellement d’usines bombardées, de gares désaffectées, d’HLM trop proches du mur pour séduire les promoteurs et elle était cernée de bidonvilles turcs empestant la fumée de charbon de bois et le suif de mouton rôti. Nous rôdaillâmes dans des cafés peuplés d’une faune fumant du shit sous des drapeaux du Viêt-Cong et des photos de Mao et d’Hô Chi Minh. L’évocation du nom de Sacha auprès des camarades ne nous attira que des sourires vagues ou même une forme d’hostilité sourde. Fatigués nous échouâmes dans une sorte de club en sous-sol où un guitariste en keffieh palestinien jouait vaguement du Joan Baez sous les regards indifférents de quelques corps indistincts vautrés sur des matelas jetés à même le sol. Certains se pelotaient sans enthousiasme pendant qu’une fille dans un coin allaitait un moutard roussâtre. Venant de je ne sais où un charmant Suédois efféminé nous tendait deux canettes de bière. Nous nous posâmes sous un drap tendu sur lequel une main malhabile avait peint des slogans contre la bombe à neutrons. Olof, le suédois, gérant de ce club communautaire, se roulait un joint tout en s’enquérant, dans un anglais hésitant, de notre situation. Notre réponse « Nous cherchons Sacha... » lui tirait un mince sourire, le premier de la journée, qui nous remontait le moral. Toujours dans son anglais guttural il nous confiait « Je crois qu’il loge dans un grand entrepôt avec ses camarades du « Centre de la Paix ». C’est une communauté. Ici presque tout le monde vit en communauté. Vous devez avoir faim. Je vais vous conduire dans un restaurant à kebabs ... » Nous tétions nos bières, demandions à régler ce qui nous valait un nouveau sourire las, et nous le suivions dans un lacis de ruelles sombres jusqu’à un appenti couvert de tôles. « C’est chez Mustapha, l’agneau y est délicieux vous verrez. » Pendant que nous nous restaurions, notre nouvel ami Olof, toujours aussi obligeant, nous dessinait sur une feuille de carnet le plan qui nous permettrait de nous rendre jusqu’à la tanière de Sacha. Le thé à la pomme avait plutôt un goût de serpillière mais, après notre journée d’errance, la perspective de nous poser en un lieu hospitalier nous le faisait apprécier bien mieux qu’un Earl Grey de chez Mariage. Je réglais l’addition avec mes dollars pour le plus grand plaisir de Mustapha le patron qui, pour nous remercier, nous enveloppait des halvas dans du papier journal. Avant de nous quitter Olaf murmurait quelques mots à l’oreille de Chloé qui opinait en souriant.


La nuit tombait. Le suivi du plan d’Olaf nous conduisait jusqu’à un canal dont les eaux noires reflétaient les auréoles jaunasses de gros projecteurs juchés sur des miradors qui s’alignaient, à intervalles réguliers, sur la berge d’en face. Soudain sur notre gauche, alors que nous nous engagions sur le chemin de halage plein de fondrières, surgissait une vedette de la police truffée de mitrailleuses. Son projecteur puissant nous enveloppait l’espace d’un court instant avant de continuer sa course sur les murs de briques des usines éventrées. Nous n’étions pas très rassurés. Chloé me tirait par la manche « Je crois qu’il nous faut prendre cette rue, là... » elle pointait le doigt vers une ruelle aux pavés disjoints. « Que te voulait Olaf ? » Ma question hors de propos lui tirait un rire nerveux. « Coucher avec moi mon grand... ça m’a l’air d’être le sport national ici...» Comme je n’étais pas convaincu par sa réponse je revenais à la charge. « Tu me racontes des bobards. Je suis sûr que c’est avec moi qu’il souhaitait copuler... » Chloé ricanait « puisque tu sais pourquoi me poses-tu la question alors ? » Ma réponse me restait en travers de la gorge car, face à nous, tel un décor de cinéma, sous le halo blafard de rares lampadaires se dressait une muraille de parpaings grisailleux couronnés d’un buisson de barbelés rouillés, haute d’au moins 6 mètres. Transis, bras ballants, nous restâmes plantés face à elle pendant une poignée de minutes sans même entendre les pas de deux flics dans notre dos. « Vous n’avez jamais vu le Mur ? »

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31 janvier 2010 7 31 /01 /janvier /2010 00:09


Lorsque j’ai écrit, puis mis en ligne ma chronique humoristique sur la pseudo-guerre du Pinot noir entre le comté de Feenwick et l’oncle Sam (voir Dans les années 50 les Américains perdaient la grande bataille du Pinot Noir contre d’irréductibles européens ICI->) il n’y avait de ma part ni malice, ni volonté d’aborder par la bande «l’affaire dites des faux Pinot Noir». J’ignorais alors que les 11 prévenus étaient convoqués pour le 16 décembre devant le tribunal correctionnel de Carcassonne pour «tromperie sur la qualité» et pour «faux et usage de faux». J’ai découvert l’information en lisant le Midi Libre mardi dernier en prenant mon petit-déjeuner avant de me rendre à Millésime Bio. C’est l’ami Jean Clavel qui, par un commentaire sur ma chronique humoristique, a greffé le débat sur l’affaire. C’est la vie de l’Internet et, après tout, c’est bien ainsi

Prévenus, pas des coupables, la correspondante du Midi Libre Séverine Troucat, sans doute instruite par les débordements médiatiques antérieurs (voir ma chronique T’es coupable ton nom est dans le journal : à propos du faux pinot du Langue d’oc ICI-> ) , le rappelle fort justement « Toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'a pas été condamnée par une juridiction de jugement. » De ma chronique je ne retire pas un seul mot. Je me cite.

«Écrire ce que j’écris ne préjuge en rien de la gravité des faits ni des responsabilités en cause.»

«Je plaide pour une administration sereine de la justice»

«La justice des hommes doit s'exercer loin des passions, de la foule versatile et surtout respecter ses propres règles en évitant de jeter en pâture des citoyens présumés innocents. C'est l'honneur et la grandeur des démocraties que de tenir bon face aux dérives d'une société avide de sensationnel confortée en cela par des médias violant le secret de l'instruction.»

Dans cette chronique je faisais référence à la « loi de Lynch ». William Lynch, juge de paix en Virginie, instaura des procès expéditifs menant à des exécutions sommaires. Pour ce faire il présidait la cour, recrutait les jurés et veillait à l’exécution. On n’est jamais si bien servi que par soi-même. La «loi de Lynch» se répandit dans les territoires de l’Ouest jusqu’à ce qu’à l’établissement et la consolidation de l’état de droit. Le lynchage, sous-produit de cette loi, désigne les exécutions sommaires par les foules excitées par des organisations de haine telles le Klux Klux Klan aux USA.

Nous sommes très loin de tout cela me direz-vous ? Les dérives du procès d’Outreau ne sont pas là pour me rassurer. Les « bonnes âmes », comme les mouches, ont changé d’âne sans se soucier d’avoir participé à leur manière à l’hallali.

C’est le commentaire d’une truite anonyme qui m’a poussé à écrire cette chronique car il illustre bien l’incapacité de certains à admettre jusqu’aux droits de la défense. Un avocat défend son client avec tout l'argumentaire qu'il juge utile à cet effet. Quand aux réquisitions du Procureur, au nom de l’État, elles sont fondées sur ce que requiert le code pénal en la matière et non sur l’émotion ou une vision morale. Nous ne sommes pas là dans le domaine du bien ou du mal. Alors écrire «ce que les avocats ont sorti en séance est un mépris total du consommateur, américain, européen et français. Les amendes proposées par le proc sont vraiment ridicules. Au regard de ce mépris. Au regard des sommes colossales qui ont été engrangées par ces entreprises avec cette fraude.» (J’ai corrigé les fautes d’orthographe) participe au climat malsain qui entoure l’exercice de la justice des hommes avant même que le jugement ne soit rendu.

Garder sa capacité d’indignation est une bonne chose mais il faut se garder des amalgames, des emballements, des réquisitoires sans preuve, des jugements sommaires, nous sommes tous faillibles, alors gardons-nous de nous draper dans des habits de Justice et de n’en brandir que le glaive en oubliant que sa balance n’est que celle des hommes qui la rendent, souvent bien imprécise et imparfaite, mais bien préférable à l’assouvissement des humeurs des foules anonymes si versatiles. Enfin, je signale à la truite anonyme que même si je suis un homme fidèle en amitié, je fais référence ici à Pierre et Alain, ma chronique d’aujourd’hui n’est motivée que par une conviction profonde : «l’état de droit » est le seul rempart à l’arbitraire et à la barbarie. Gardons-nous de le remettre en cause pour une simple affaire de «tromperie sur la qualité» et de «faux et usage de faux» où tous les grands dégustateurs n'ont pas été capables de détecter le goût d'un vrai Pinot Noir du Languedoc. y'en a-t-il un d'ailleurs ? Tromperie, certes, mais si dérisoire au regard de celles qui mettent en cause la santé des consommateurs. Bien évidemment, l'aspect économique ne m'a pas échappé et là les juges possèdent tous les éléments pour que la justice passe... en tenant compte comme l'a fait l'administration des douanes du contexte économique local...
 

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