L’agence Sowine dans une étude menée avec SSI montre que le consommateur français de vin a soif… d’informations ! Quelle belle accroche pour ce « produit à part » qu’est le vin pour 75% des français qui l’estiment différent des autres produits alcoolisés. Autre révélation qui devrait ébranler nos grands prêtres de la critique du vin : 63% d’entre eux se disent néophytes ou débutant en la matière. Il serait temps d’élargir votre cercle d’initiés mes chers camarades ! D’autant plus que cette étude vous flanque un sale coup dans votre calebasse : 78% des sondés estiment qu’il est nécessaire de s’informer avant d’acheter du vin et que pour eux Internet devance les guides d’achat ou la presse écrite magazine comme source d’information privilégiée pour préparer un achat de vin.
J’entends déjà pleuvoir comme à Gravelotte les critiques acerbes sur l’autopromotion des petits marrants du web qui, via une étude aux petits oignons faites par des gens du web pour le web, leur remontent leurs belles bretelles. Pas si sûr : allez donc consulter les résultats de l’étude sur le site de Sowine www.sowine.com Pour ma part ce qui m’intéresse c’est l’opinion des utilisateurs d’Internet qui, pour le vin, « En plus des sites web des producteurs, les blogs et forums s’imposent comme des sources d’informations auxquelles les consommateurs accordent une confiance prépondérante. 45% de ces lecteurs et utilisateurs fréquentent spécifiquement les blogs et forums traitant de vin et de gastronomie : 87% ont une confiance marquée dans l’information qu’ils y trouvent. » Selon Sowine : sur le Net nous avons du crédit, donc j’en conclue derechef que j’en ai ! Est-ce si sûr ? Début de réponse ci-dessous.
Faire crédit à quelqu’un, dans son sens courant, non monétaire ou bancaire, c’est lui accorder sa confiance, se fier à ses opinions, à ses avis, à ses conseils, c’est pouvoir compter sur lui pour guider ses choix, fonder des décisions car cette personne jouit d’un certain crédit, d’une certaine influence. Dans les sociétés traditionnelles et même dans les modernes jusqu’à l’irruption des médias de masse, la crédibilité se forgeait sur la base du savoir, empirique ou livresque, par l’accumulation de l’expérience, par l’acquis d’une forme de sagesse, de hauteur de vue et une concordance intime entre le dire et le faire. De grandes voix, de belles plumes, non pas des gourous mais des femmes et des hommes en qui tout un chacun pouvait placer sa confiance.
L’irruption de la société de consommation de masse, de son bras armé la publicité drainant une manne constituant l’essentiel des ressources des grands médias, a insidieusement et puissamment affadi leur crédit. La puissance des grands lobbies, l’adoption d’un langage de plus en plus politiquement correct, la révérence face aux dits grands de ce monde, la confusion entre l’animateur draineur d’audience et le journaliste, la starification des présentateurs, ont petit à petit jeté le discrédit sur les médias de masse traditionnels.
D'ailleurs les principaux intéressés, des journalistes stars, s'en émeuvent. Ainsi « huit journalistes en colère» (Franz-Olivier Giesbert, Arlette Chabot, David Pujadas, Philippe Val, Jean-Pierre Elkabbach, Edwy Plenel, Eric Fottorino, Axel Ganz) filmés sur fond noir, à grands renforts d’images saccadées et de gros plans intimistes, dans un style qui évoque à la fois un film d’espionnage ringard et un clip publicitaire shooté par Karl Lagerfeld » dans un Théma sur Arte « Main basse sur l’info » s'en ouvraient publiquement. En fait, l’émission se résumait en un petit plaidoyer pro-domo entre potes produit, réalisé, animé par un pote : Daniel Leconte (société de production Doc en Stock). Vraiment pas de quoi élever le niveau de confiance du public.
Je ne suis pas un adepte du verbiage du Monde Diplomatique qui verse trop souvent dans le sectarisme crypto-coco ou alter ou gauche de la gauche, pour soi-disant combattre le conformisme mais la description que fait de cette émission Mona Chollet a au moins le mérite d’être jubilatoire « Comme pour mieux inciter à la révérence, Pujadas est présenté comme «une star de l’info»; Arlette Chabot est «à la tête d’un bataillon de deux cents journalistes»; Franz-Olivier Giesbert est «une des grandes figures du journalisme français». Dans les plans de coupe, tous sont montrés en contexte, parés des attributs qui – faute de mieux ? – fondent leur autorité : menant une interview, le casque de radio sur la tête ; marchant d’un pas décidé dans les couloirs de rédactions affairées et cossues ; penchés à plusieurs, d’un air concentré, sur un écran d’ordinateur, en plein processus de production d’une information fiable et impartiale ; ou encore, dans le cas de Philippe Val – car le ridicule ne tue pas –, en pleine conversation téléphonique, le combiné collé à l’oreille. Lorsqu’ils parlent face caméra, ils comptent : «Quatre, trois, deux, un…», avant d’entamer leur discours («Allez, on y va», lance gaillardement Arlette Chabot). Ils regardent le téléspectateur droit dans les yeux, tels des magnétiseurs hypnotisant leur patient. »
Pour autant l’Internet, ses blogs, ses feuilles d’info alternatives, son instantanéité, sa réactivité, ses images volées, ses outrances, ses approximations, ses dérapages, constituerait-il la seule alternative pour redonner du crédit à l’information ou au conseil ?
La réponse est clairement non même si dans le foisonnement actuel de réels espaces de liberté se créent redonnant de l’oxygène à ce fameux 4ième pouvoir. Je mets dans le même sac les patrons de presse qui qualifient le Net de poubelle et ceux qui font de celui-ci l’alpha et l’oméga d’une démocratie de proximité. Comme le dit la parabole de la paille et de la poutre balayons d’abord chacun devant notre porte avant de délivrer des sentences définitives. «Dis-moi la main qui te nourrit et je te dirai qui tu es...» Les médias traditionnels comme l’Internet ne peuvent s’exonérer de leur rapport à l’argent, au pouvoir, qui fonde leur modèle économique. Nul ne vit de l’air du temps pas même les fameuses ONG ni bien sûr les chroniqueurs sur le Net. Pour espérer retrouver du crédit pour certains ou le renforcer ou le sauvegarder pour les autres, la seule position qui vaille est celle de l’affichage clair de ce lien économique vital. Ainsi les lecteurs, auditeurs, téléspectateurs pourront faire crédit à qui ils jugeront bon. Cessons de nous voiler la face, de nous draper dans des postures de vierges effarouchées, de nous prendre pour des Savonarole aux petits pieds, d’invoquer les mannes d’Albert Londres, de faire accroire que nous sommes des Tintin reporter, jouons simplement cartes sur table, préservons nous des invectives, des chapelles communautaires, aiguisons nos neurones avec humour, cultivons la pertinence et l’impertinence dans le respect des opinions, et surtout tablons sur l’intelligence de nos lecteurs.
Nous sommes bien loin du vin me direz-vous ? Détrompez-vous chers lecteurs, dans nos sociétés si égotiques, où le sens collectif est devenu un gros mot, le vin ce produit d’absolue inutilité vitale, au sens physiologique, est le symbole même du partage, du savoir-vivre, du bien vivre en société, donc d’une utilité sociale incontestable. Alors de grâce ne le confinons pas dans le petit ghetto des spécialistes, ouvrons nos portes et nos fenêtres, laissons entrer l’air du large, offrons-nous de nouvelles aventures sur ce bel espace de liberté de la Toile ouvert à tous, y compris aux opprimés et aux sans-voix, préservons-le des dérives et des confiscations.
À chacun son métier : faire du commerce est plus que légitime c’est vital pour nos amis qui font le vin mais de grâce, chers tous, puissants ou misérables, n’exigez pas de nous que le parfum entêtant de l’encens mais laissez à notre plume la liberté de blâmer sans laquelle il n’y a pas d’éloge flatteur.
Pour conclure sur un sourire : j’admets parfaitement qu’un pékin ou une pékine qui pointerait son beau museau sur mon blog pour faire ses emplettes de vin risquerait fort d’être déçu du voyage...
Mais, orgueilleux comme je suis, je me dis que tout de même je sers à quelque chose et pour vous le prouver je vous retranscris le message que je viens de recevoir « Bonsoir, Nous possédons une bouteille de Mouton Rothschild Baron de Miollis de 1918 et un Chateau Petit Village Pomerol 1934 à quel prix pouvons les vendre et à qui ? Merci d'avance TEL:06 23 20 56 36. »
Répondez donc pour moi à Monsieur Daniel Rivera ! Merci par avance.