Soit Gary Vaynerchuk un fils d’émigrés soviétiques, « un gamin du New Jersey, un gars de la côte Est des Etats-Unis avec une grande gueule, qui ne sait pas être discret, qui frise l'odieux », qui ose poser des questions aussi subtiles que « Quel vin prenez-vous avec vos céréales ? », qui dirige l'un des dix premiers réseaux de distribution indépendants de vin aux Etats-Unis, qui énerve les puristes mais qui, au travers de son émission vidéo quotidienne, « tente de mettre le vin à la portée de tout le monde, de le démystifier, de le rendre moins intimidant. Le plus important pour moi n'est pas de faire le pitre mais de faire comprendre que le vin ce n'est pas seulement le Bordeaux et le Cabernet. Ma démarche va bien au-delà de la volonté de m'amuser en parlant du vin. Il y a un effort délibéré de ma part de sensibiliser le palais du public américain. »
Et moi, modeste chroniqueur freenchie du vin. Qu’avons-nous en commun ?
À priori rien, face à sa gouaille new-yorkaise j’ai vraiment l’air, en dépit de mes efforts pour jouer dans la cour de l’humour, d’avoir avalé mon pébroc. Certes y’a chez lui du Michaël Young mais comme il le souligne « je suis dans le business du vin depuis l'âge de 15 ans, je sais aussi que je maîtrise mon sujet. Et que lorsque je parle d'un Chinon ou d'un Bourgueil, je sais de quoi je parle. » Gary est donc tout sauf un bouffon. Certes il en fait des tonnes mais il renouvelle le vocabulaire de la dégustation « des arbres brûlent dans votre nez quand vous reniflez ce vin ! » tout en s’essuyant la bouche d’un revers de manche. Bien sûr, les belles âmes vont me reprocher de céder à la vulgarité, de verser dans une forme de démagogie populacière. Je suis prêt à en convenir mais il y a un mais, un gros mais.
En effet, Gary Vaynerchuk et moi partageons la même ambition, même si nous n’empruntons pas les mêmes sentiers : « L’extension du domaine du Vin » Que déclare-t-il en effet ? « Grâce à l'utilisation des réseaux sociaux - j'ai 850 000 fans sur Twitter ! - et aux émissions de télévision grand public, j'ai accédé à la "culture pop" aux Etats-Unis. J'atteins ainsi des gens qui n'avaient jusque-là jamais été exposés au vin. Et j'en suis fier. Je suis fier aussi du fait qu'il n'y ait pas beaucoup d'autres acteurs aux Etats-Unis qui ont créé autant de nouveaux amateurs de vin. Je dis bien créer car le secteur du vin a tendance à recycler les mêmes individus. On voit toujours les mêmes spécialistes, dans les mêmes forums, qui parlent toujours aux même gens. J'ai réussi à toucher les 20-30 ans et à amener au vin des gens qui ne le connaissait pas. »
Que voulez-vous moi ça me plaît bien plus que les jérémiades de ceux qui psalmodient « nous ne pouvons rien faire à cause de la loi Evin », que les recettes éculées de ceux qui nous servent et resservent les mêmes baratins. Tant que nous n’aurons pas compris, comme le note très justement Gary que nous recyclons toujours les mêmes individus, ce que j’appelle moi en bon fils de paysan la surpâture, nous continuerons de nous réconforter dans nos petites chapelles ou nos grandes cathédrales, de nous plaindre que le monde entier nous en veut, que nous sommes des incompris, de camper sur notre haute conception du vin.
Ecoutons encore notre déconoclaste à propos des vins français aux USA « Quand les gens pensent aux vins français, ils pensent aux grands crus comme Lafite, Latour ou les Châteauneuf-du-Pape. Toutefois, ils représentent une infime minorité des vins produits en France. En revanche, quand je pense à la France, je pense plutôt aux Languedoc, aux Madiran, au Cahors et à Gaillac. Pour moi, un Morgon ou un Moulin-à-Vent sont parmi les meilleurs rapports qualité prix au monde. Pour environ 120 dollars, on peut se procurer un grand cru du Beaujolais, c'est incroyable ! Même parmi les Bordeaux, il y a tellement de petits châteaux dont le prix ne dépasse pas 20 dollars la bouteille. A mon avis, les vins français sont très mal promus aux Etats-Unis car ils sont perçus comme étant chers. Qui sait que l'on peut acheter un Côte du Rhône 2007 pour dix dollars ? C'est prodigieux pour un aussi bon cru. »
Attention, lisez-moi bien, je ne pratique pas le sport national français : la division en laissant à penser que le style Gary Vaynerchuk doit devenir la norme. Bien sûr que non, c’est un plus, une autre voie, un autre style : quand saurons additionner nos forces, admettre la puissance de la différence assumée ? Ma réponse est sans appel : lorsque ceux qui se disent en charge de la promotion du vin français : interprofessions ou grands opérateurs auront l’audace de soutenir en pur mécénat des initiatives innovantes sur le Net. Des trucs qui décoiffent, qui sortent des sentiers battus, autre chose que des messieurs propres sur eux qui ont l’air d’avoir des balais dans le cul ! Suis-je vulgaire ? À mon sens bien moins que le sommelier Enrico Bernardo qui déclare du haut de sa suffisance que 80% des vins français ne valent pas mieux que le caniveau et que beaucoup de vignerons feraient mieux de cultiver des carottes... »
Je suis remonté et candidat déclaré pour produire un truc du genre « la minute de Monsieur Cyclopède » revisitée par les Gary Vaynerchuk français sur le Net. Merci aux décideurs de ne pas trop se bousculer pour me répondre...