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17 décembre 2010 5 17 /12 /décembre /2010 08:00

 produit Hubert de Claminger

Je descendis à Glacière glacé. Tout au long de la ligne 6, en venant de Nation, Carrefour affichait sa différence avec son champagne Hubert de Claminger à 9,60€. Récidiviste en diable le champion – souvenir, souvenir... – des gamelles vertigineuses dans le CAC40. Déjà l’an dernier à la même époque le Monde notait que les hypermarchés proposaient des bouteilles à moins de 10 euros comme produits d’appel. « Carrefour affiche aussi dans le métro des publicités pour écouler un stock de 450 000 champagnes Hubert de Claminger à 8,90€ » 70 centimes d’euros en un an les têtes d’œufs tiennent le dessous du panier.

 

Attention, le champagne Hubert de Claminger n’est pas le dernier de la classe puisque Bernard Burtschy dans ses choix lui attribuait 2 étoiles, soit bon, mais il était affiché à 11,90€ et dans un test à l’aveugle de Libération Champagne en 2009 il était considéré par un jury comme « pas mal, sans être pour autant un grand champagne. » Alors vous allez me dire que Carrefour est le grand bienfaiteur du consommateur puisqu’il lui apporte pour les fêtes un champagne de bon rapport qualité/prix. Vu de la coupe le raisonnement se tient mais n’est-ce pas là voir pas plus loin que le bout de son nez ? Où se trouve la valeur dans ce bradage ? Nulle part, tout le monde y perd, y compris le consommateur.

 

Je m’explique sur ce dernier point qui va sûrement me valoir du Dr Charlier une ordonnance carabinée. Mais étant un grand défenseur des bulles roturières je peux me permettre de défier ce rude jouteur. En effet, le champagne est la quintessence du produit statutaire, les acheteurs comme les consommateurs achètent et consomment d’abord l’étiquette, pour se valoriser aux yeux de ceux qui les entourent. Alors, imaginer 3 secondes l’effet produit sur la compagnie, votre beau-père par exemple qui se pique d’être un connaisseur, alors qu’il ne fait pas la différence entre un Pinot Noir et un Pineau des Charentes, lorsqu’au dessert sur la bûche glacée vous servez un Hubert de Claminger. C’est l’abomination de la désolation car votre belle-mère, jamais en reste d’une vacherie, placera une réflexion du genre « chéri rappelle-toi c’est celui qu’on a vu dans le métro en rentrant de Bobino... » Patatras, vous vous êtes fait une réputation effroyable même si les bulles à moins de 10 euros valaient peut-être celles avec plus de zéros.

 

La morale de cette histoire, si tant est que l’on puisse en ces domaines manier la morale, c’est qu’en toute chose il faut raison garder et qu’entre « la folie des grandeurs » des années folles de la « Premiumisation » à tout va et la bérézina des prix de déstockage qui casse l’image du champagne la ligne de crête ne serait-elle pas que le positionnement des prix corresponde à une réalité et non aux pitreries des petits marquis du marketing.

 

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17 décembre 2010 5 17 /12 /décembre /2010 00:09

 

Baudouin

 

Au lendemain de la publication de ce fichu rapport, que l’on s’ingénia par la suite à affubler de mon nom, alors que l’establishment du vin me trouvait quelque peu impertinent avec mon « Sous les grandes ombrelles que sont nos appellations d’origine contrôlée, surtout sous celles qui jouissent de la plus grande notoriété, s’abritent des vins moyens voire indignes de l’appellation » un « groupuscule » baptisé « Vignerons dans nos appellations » estimait lui que je mettais le doigt là où ça faisait mal. Intrigué par un tel soutien je reçus ses animateurs dans mon petit bureau du 232 rue de Rivoli puis je convainquis, non sans difficultés, René Renou de les recevoir un samedi matin à Angers... Bref, le début d’une belle aventure humaine, avec ce qu’il faut de débats, de convictions partagées, de divergences tactiques aussi, mais surtout de liens d’amitiés qui ne se sont jamais distendus.

 

Le chemin parcouru par ceux qui allaient fonder l’association Sève est pavé de toutes les ornières propres à toutes les démarches minoritaires de vignerons à forte personnalité. Le sens du collectif n’est pas leur tasse de thé. Et pourtant, l'une des chevilles ouvrières de ce groupe Patrick Baudouin mon vigneron amoureux... de son coin de Loire... où il est né... de ses cieux, de ses pierres, de ses coteaux, de ses petits chênes... de ses vignes... en avait à revendre. Trop peut-être et je me souviens d’un article de Véronique Maurus dans le journal le Monde du 21 mars 2005  sur les francs-tireurs de la Vigne où notre René Renou, qualifié de puissant président de l’INAO par la journaliste, soupirait « Patrick, c’est le José Bové de la viticulture. Sur le fond, il a raison mais il n’est pas reconnu par son milieu, pas considéré comme un vigneron à part entière »  


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Se voir qualifier de « porte-parole d’une nouvelle génération de viticulteurs plus soucieux d’éthique que leurs aînés, en rupture avec les pratiques et le conservatisme des syndicats traditionnels », lui le voisin de Pierre Aguilas, n’était pas le meilleur sésame pour être accueilli dans les débats feutrés de l’INAO. Depuis ce portrait, qui a plus de 5 ans, beaucoup d’eau est passé sous les Ponts-de-Cé, René a eu la mauvaise idée de nous quitter, et ce cher Patrick, sans se renier, sans amodier ses convictions profondes, a su petit à petit se débarrasser des scories de son histoire personnelle, apprendre à plus aller vers l’essentiel. Sans faire de jeu de mots à la con y’a pas de mal avoir du fonds quand on est un vigneron de Chaudefonds-sur-Layon. Plus sérieusement, en laissant son côté le poil à gratter qui irrite certains mais moi me va bien, Patrick Baudouin c’est un vrai vigneron qui fait de bons vins que j’ai récemment dégusté et qui mouille le maillot pour les faire apprécier et les vendre.

 

Ce que j’aime bien chez Patrick Baudouin, et je ne vois pas pourquoi je me priverais de l’écrire, c’est qu’il ne mouille pas seulement le maillot rien que pour lui, pour sa crèmerie, il est toujours partant pour donner un coup de mains à ceux de ses collègues en butte avec les tracasseries des adorateurs de l’air de famille des vins d’une même AOC par exemple. Contrairement à certains ou certaines que je croise dans beaucoup de manifestations parisiennes, quand il va au charbon avec l’association Sève c’est pour le collectif pas pour vendre un bouquin sur les vins de ceci ou de cela, un guide des vins de truc ou de machin, et pas pour défendre exclusivement un membre agréé de sa chapelle, de son clan. Je sais que ça énerve les adeptes des camps retranchés où il faut montrer patte blanche avant d’entrer, où il est fortement recommandé de ne pas fréquenter X ou Y, de n’écrire que pour chanter les louanges des vins estampillés purs et durs.

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Patrick écrivait sur son blog en août 2009 « Tout professionnel et amateur de vins devrait avoir lu ROGER DION, ce grand géographe français, auteur du livre de référence « Histoire de la vigne et du vin en France, des origines au XIXème siècle » et de « Paysages de la vigne » (Payot). Mais Roger Dion est dérangeant. Il remet en cause de fait les situations de rente. Pour Roger Dion, aucun grand terroir n’existe de droit divin et pour l’éternité, ce sont des conditions historiques, géographiques, commerciales, qui les ont révélés, qui peuvent les remettre en cause, comme cela est arrivé à certains ; et il ouvre des possibles pour des terroirs considérés aujourd’hui comme mineurs, ou même non reconnus à ce jour : pas de grand terroir sans grand travail. » Il a participé, fin janvier 2009, à l’Institut de Géographie, à un colloque en hommage à Roger Dion organisé par le Professeur Jean Robert Pitte où il a fait une ma communication : « Roger Dion, de Joseph Capus à René Renou » qui est une contribution à la réflexion pour la définition européenne du lien au terroir, qui devrait à l’avenir caractériser les AOP, et les différencier des IGP... Les actes de ce colloque sont publiés aux éditions du CNRS sous le titre « Le bon vin entre terroir, savoir-faire et savoir-boire : Actualité de la pensée de Roger Dion ».

 

Mais revenons, non pas à l’essentiel, qui est sans contestation la pensée de Roger Dion, mais aux vins de notre ludion de Chaudefonds-sur-Layon que j’ai dégusté un samedi soir chez un caviste du côté du boulevard Beaumarchais. Tout d’abord notre Patrick il met ses idées et ses convictions en musique en distinguant clairement ses vins de fruits, des vins de copains qui se laissent boire et ses vins de terroirs qui « peuvent vous parler de leur lieu de naissance dans votre verre » www.patrick-baudouin-layon.com

 

Pour les vins de fruits j’ai dégusté l’Anjou blanc 2009  100% Chenin et l’Anjou rouge 2009 80% Grolleau et 20% Cabernet Franc. Très top pour se licher des verres avec ce qui va avec au petit déjeuner. 

 

Pour les vins de terroir j’ai dégusté :

  

- Le Cornillard 2007 Anjou Blanc 100% Chenin vignes de 50 à 80 ans sur un coteaux pierreux de Chaudefonds-sur-Layon, plein sud, schistes très anciens. Vin de belle droiture, sec, très belle expression du Chenin avec ce qu'il faut de puissance sans pour autour vous bousculer

 

- Effusion 2005 Anjou Blanc 100% Chenin de 20 ans assemblage de 2 parcelles distantes de 5Km, en coteaux, Ardenay et St Aubin, vif, structuré, un vin d'initiation à l'expression du terroir et absolu compagnon du bar au beurre blanc nantais de L'Abélia à Nantes, le restaurant de l'autre Berthomeau, Vincent  http://www.restaurantlabelia.com/

 

- Les Bruandières 2004 Coteaux du Layon cette cuvée est récoltée sur ce coteau plein sud surplombant le Layon et est issue de la dernière trie, en novembre. Elle associe baies dorées en légère surmaturité et baies botrytisées confites. Du beau Baudouin, du vin d'amour qui dure toujours... 

 

Un reportage sympathique sur Patrick http://www.francechef.tv/vigneron-patrick_baudouin.html  

 

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16 décembre 2010 4 16 /12 /décembre /2010 00:02

La connerie permet des variations plus amples, plus variées que la bêtise, la sottise, l’idiotie, l’imbécillité ou la stupidité elle offre une plus large palette : c’est un foutu con, un sale con, un mauvais con, un petit con, un grand con, un pauvre con, un misérable ou un lamentable con ... Que sais-je encore même si dans le langage usuel dire ou faire des conneries, des bêtises, des âneries, des idioties ou des sottises semble équivalent.

 

La connerie me semble bien trop large, bien trop extensible, si vulgaire quelle tombe souvent dans la facilité.

 

La bêtise, elle, relève de l’abus de langage : les bêtes ne sont pas bêtes, elles ne sont que des bêtes qui ignorent la méchanceté. Les âneries n’existent pas, elles ne sont que l’expression du mépris des humains pour nos amis les ânes.

 

L’idiotie a une forte connotation psychiatrique qui rend son maniement délicat dans nos sociétés où les précautions de langage sont de mise : les aveugles sont devenus des non-voyants et les sourds des mals-entendant.

 

La sottise, comme l’imbécilité, ou la stupidité me paraissent mieux approcher une certaine précision, une plus grande pertinence, depuis la nuit des temps : « Innombrable est le peuple des sots... » Ecclésiaste, I, 15 et « C’est en effet, une famille  innombrable, celle des imbéciles... » Simonide cité par Platon, Protagoras, 346c. « Immense est la foule des imbéciles. » Saint Augustin Contre les Académiciens, I, 1-2.    images jerphagnon

Dans un petit opus « La... sottise ? (vingt-huit siècles qu’on en parle) » chez Albin Michel 9€ le professeur Lucien Jerphagnon, historien de la philosophie, disciple de Vladimir Jankélévitch, proche de Paul Veyne, professeur de Michel Onfray durant ses études de philosophie dont Jean d'Ormesson dit que c’est « un savant qui sait unir un style rapide et séduisant à l'érudition la plus rigoureuse », lui trouvant « une simplicité familière, souvent mêlée de drôlerie, avec une précision sans faille» mène l’enquête. Il se pose des questions tout en reconnaissant ses limites « Ne souffle pas plus haut que tu n’as l’esprit » :

 

- Les sots sont-ils si nombreux ?

 

- Au fait, qu’est-ce au juste qu’un sot ?

 

- Mais alors, que penser, que faire ?

 

Exercice périlleux  car « consacrer un livre à la sottise expose de toute évidence l’auteur à quelques sarcasmes universitaires » fait remarquer notre professeur émérite qui ne manque pas d’humour en rappelant le mot de Talleyrand à propos du mépris de Fouché disait vouer à la nature humaine : « C’est qu’il se sera beaucoup observé... »

 

Avant de procéder aux quelques citations d’usage je profite de l’occasion pour dédier ce livre à notre sot d’eau préféré : j’ai nommé Hervé Chabalier qui nous a pourri la vie pendant des mois en occupant, grâce à la complicité de la gente médiatique, les écrans en nous vendant la complainte d’un « condamné à la sobriété pour le restant de ses jours » (1)

 

Machiavel

 

« Mais il faut savoir qu’il y a parmi les princes comme parmi les autres hommes trois sortes de cerveaux. Les uns imaginent par eux-mêmes ; les seconds, peu propres à inventer, saisissent avec sagacité ce qui leur est montré par d’autres, et les troisièmes ne conçoivent rien, ni par eux-mêmes ni par les raisonnements d’autrui. Les premiers sont des génies supérieurs ; les seconds d’excellents esprits ; les troisièmes sont comme s’ils n’existaient point. »

 

Le Prince, XXII

 

Balzac

 

« Ce gentilhomme était un de ces petits esprits, doucement établi entre l’inoffensive nullité qui comprend encore et la fière stupidité qui ne veut ni rien accepter, ni rien rendre.

 

Les Illusions perdues

 

François Mauriac

 

 « En démocratie, un homme supérieur devrait s’astreindre à donner l’illusion qu’il ne dépasse pas le niveau. Ais il est plus facile aux médiocres d’avoir l’air profond qu’aux grands esprits de faire la bête. »

 

Bloc-notes 24 mai 1955

 

  « Le pouvoir en France, qu’il soit monarchique ou populaire, a toujours eu le goût des médiocres. L’intelligence y fut toujours redoutée. »

 

Bloc-notes, septembre 1955

 

Jacqueline de Romilly, Alexandre Grandazzi

 

« Oui, je me rappelle une très bonne étudiante que j’avais à la Sorbonne et qui me déclara, tout de go, peu après Mai 68 : « Oh ! non, la culture je n’en veux plus, car je pense à ceux qui ne l’ont pas ! »

 

Une certaine idée de la Grèce, Entretiens

 

Synésios de Cyrène

 

« Le monstre multiforme qu’est l’opinion... »

 

Dion, XIV, 3

 

Baudelaire

 

« Les dictateurs sont les domestiques du peuple, - rien de plus -, un foutu rôle d’ailleurs, - et la gloire est le résultat de l’adaptation d’un esprit avec la sottise nationale. »

 

Mon cœur mis à nu

 

Alain

 

« Les sottises elles-mêmes forment une part de l’opinion, qui est considérable »

 

Propos

 

Pline le Jeune

 

« Une longue préface pour excuser ou recommander des idioties est le comble de la bêtise. »

 

Lettres, IV, 14

 

Molière

 

« Trissotin :

 

J’ai cru jusques ici que c’était l’ignorance

 

Qui faisait les grands sots, et non pas la science.

 

Clitandre :

 

Vous avez cru fort mal, et je vous suis garant

 

Qu’un sot savant est plus sot qu’un sot ignorant. »

 

Le Femmes Savantes, IV,3

 

Boileau

 

« Un sot trouve toujours un plus sot qui l’admire. »

 

L’art Poétique, I

 

Écrit apocryphe chrétien

 

« Il n’y a rien de plus grave que de croire qu’on sait ce qu’on ignore, et de défendre pour vrai ce qui est faux. »

 

Siracide

 

« Qu’y a-t-il de plus lourd que le plomb ? Une seule réponse : l’imbécile.»

 

XXII, 14

 

Démétrios le Cynique, cité par Sénèque

 

« Qu’ils parlent ou qu’ils pètent, cela se vaut. »

 

Des bienfaits, VII, 11

 

Flaubert

 

« Rien n’est humiliant comme de voir les sots réussir dans les entreprises où l’on échoue. »

 

L’Éducation sentimentale

 

Pierre Dac

 

« À quoi servirait l’intelligence si l’imbécillité n’existait pas ? »

 

Arrière-pensées

 

Pour compléter votre culture sur la Sottise lisez « La... sottise ? (vingt-huit siècles qu’on en parle) » chez Albin Michel 9€ Lucien Jerphagnon

 

  http://www.franceculture.com/emission-l-essai-du-jour-la-sottise-vingt-huit-siecles-de-betise-par-lucien-jerphagnon-albin-michel-

 

(1) « Le sot d’eau » de Patrick Besson dans le Point

 

« Tout le monde critique Hervé Chabalier. Mais moi je le comprends. Je comprends les gens que tout le monde critique, car moi aussi tout le monde me critique. L’une des meilleures choses sur terre est le vin et Hervé n’a plus le droit d’en boire. Ce serait supportable pour lui si personne n’en buvait. Mais ce n’est pas le cas. Du coup, la vie d’Hervé est un enfer. Pour lui, une seule solution : nous empêcher de consommer du vin, afin que le fondateur de l’agence Capa et auteur de « le dernier pour la route, chronique d’un divorce avec l’alcool » (Laffont) ne nous voie plus en train de nous régaler alors que lui même se prive. Il a donc entrepris de mettre les Français à l’eau, comme lui. Dans ce but, il a rédigé un rapport qu’il a remis le jeudi 24 novembre au ministre de la Santé, Xavier Bertrand. C’est une invitation pressante à la prohibition. Chabalier raisonne en alcoolique car, comme il le dit lui-même, un ancien alcoolique n’est pas un non-alcoolique, c’est un alcoolique qui ne boit plus. Provisoirement. Pour Hervé, tout verre de vin est mauvais car il le mènerait à la bouteille, puis à la caisse, puis à la cave, puis au cercueil. Il ne lui viendrait pas à l’esprit que nous n’avons pas ce problème là avec l’alcool. Que lorsque nous buvons une slivovica le matin, nous sommes au thé le soir. Que le vin arrose nos meilleures déjeuners de copains mais que l’eau ruisselle sur nos adorable dîners familiaux. Qu’un scotch chasse notre mélancolie mais que c’est le jus de pomme qui nous désaltère. Qu’une première bière est amusante mais qu’une seconde est rasoir. L’abstinence à laquelle par exaspération, Hervé veut nous réduire est indispensable à sa survie, mais pas à la notre. S’il a eu la faiblesse de se laisser ligoter par l’alcool au point d’être aujourd’hui condamné à la sobriété pour le restant de ses jours, il n’y a aucune raison pour que nous, qui avons su conserver notre liberté face à la boisson, nous devions matin, midi et soir baigner notre bouche heureuse, notre langue délicate et notre palais sensible dans l’eau et uniquement dans l’eau.

 

Il a du pain sur la planche, Hervé. Mais les anciens alcooliques ont de l’énergie à revendre. Exemple : George Bush. C’est pour quand, alors, le bombardement de la Syrie ? Ce n’est pas qu’on s’ennuie, mais George était sur les chapeaux de roue et là, il y a comme un ralentissement dans ses expéditions guerrières. Une sorte de manque d’agressivité. Je me demande s’il ne se saurait pas remis à boire. A la place de Barbara, j’inspecterais avec attention le bureau ovale, au cas où le président des Etats-Unis y planquerait des bouteilles. Passons, Première tâche de Chabalier : caviarder sévèrement l’Evangile. Parce qu’à Cana Jésus, il ne multiplie pas les bouteilles de Badoit. Et le soir de son arrestation, qu’est-ce qu’il sert à ses disciples ? Pas du Fanta, que je sache. Buvez-en tous, car ceci est de la menthe à l’eau. C’est bon, la menthe à l’eau , mais ça n’a pas jamais eu la couleur du sang. Du sang du Christ.

 

Les gens qui boivent de l’eau vivent plus vieux que les gens qui boivent du vin, mais moi je ne veux pas vivre vieux dans un pays où les anciens alcooliques exigent que tout le monde boive de l’eau. Il y a un génie dans le vin et il est mauvais, comme tous les génies. Dans l’eau, il n’y a rien de mauvais, car il n’y a rien. » 

 

 

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15 décembre 2010 3 15 /12 /décembre /2010 00:09

Gamin ou gamine la première bulle goûtée, avec les yeux comme disaient nos mères pour tout ce qui était interdit, était celle d’une bande-dessinée : il y eut Boule&Bill, Sylvain&Sylvette, Fripounet&Marisette, Tintin&Milou, Buck Danny, Kit Carson, Michel Vaillant, Bibi Fricotin... et puis, l’âge aidant, les accros de la bulle se sont trouvés d’autres héros, d’autres auteurs (peu de femmes dans la BD mais une grande dessinatrice Annie Goetzinger qui, avec Pierre Christin, nous a donné une superbe BD La demoiselle de la Légion d’honneur) : Hugo Pratt, Tardi, Enki Bilal, Guido Crepax pour les canaillous avec sa Manara, Floch&Rivière, Régis Franc, Pétillon, Manu Larcenet... Bien évidemment, je ne puis terminer cette rapide évocation des bulles de papier sans évoquer la bulle kitch, celle des romans-photos de Nous Deux, pleine de sirop d’amour et de princes charmants en 404 décapotable épousant des soubrettes... et où le comble de l’érotisme se nichait dans la transparence d’une nuisette...

 

De la bulle de papier aux nôtres, effervescentes, il n’y a qu’un pas que bien évidemment je franchis allègrement en vous proposant tout au long de ce mois de décembre une série de chroniques finement intitulée : des bulles dans une Bulle où des tâteurs de bulles de haute volée vous feront part de leurs coups de cœurs. Comme je ne suis qu’un petit bricoleur de la Toile mes montages sont d’une rare indigence graphique mais, comme me le disait ma mémé Marie pour m’encourager, c’est l’intention qui compte.

 

Le premier à s’y coller c’est l’ami Jacques Dupont qui, comme chaque année, vient de sortir dans le Point son spécial Champagne n°1994 www.lepoint.fr . D’ordinaire je pratiquais la stratégie du Coucou, profitant sans vergogne de la rude besogne de Jacques dit Merveilleux du Vignoble. Cette année, en dehors de ses « amours » champenoises, rien que pour ma petite boutique sur la Toile il vous révèle un énorme coup de cœur.

 

Allez Jacques, à toi de buller le premier !

 

La bulle de Jacques est calligraphiée en plus gros caractères sous sa photo pour ceux qui n'y verrait goutte

 

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Il y a une bulle que je trouve exceptionnelle, c'est « Vive la Joie » de la cave de Bailly-Lapierre.

Je suis très admiratif du travail engagé depuis plusieurs années par le directeur José Martinez dans cette cave coop qui récupérait en somme tout ce que les vignerons ne voulaient pas et qui est devenue le fleuron du crémant de qualité en France. Approvisionnements sélectionnés de façon impitoyable, travail sur les dosages qu'aucune, je dis bien aucune grande maison de champagne n'a fait. Des années d'essais pour chaque cuvée. C'est de l'orfèvrerie en cave coopérative avec l'aide de James Darsonville, le discret oenologue que l'on retrouve chez quelques uns de nos vignerons favoris en Champagne. Ils viennent de lancer cette nouvelle cuvée après, comme d'habitude, mure réflexion.

Dans leurs caves immenses, anciennes carrières où (juste à coté) les allemands avaient installé une usine de fabrication d'avions de guerre (pour vous dire la taille de ces grottes) ils conservent des crémants depuis la création de la coopé en 72. La belle évolution de ces vins leur a donné l'idée d'élaborer avec des vins un peu anciens, élevés en cuves, mûrs, une cuvée de blanc et une de rosé à base de pinot et de chardonnay. Les deux sont excellentes mais j'ai eu un vrai coup de coeur pour le rosé, d'une élégance incomparable. Rien à voir avec les rosés cocotant la framboise de yaourt ou la fraise tagada. Un vin, en subtilité, étiré (tendu pour te faire plaisir), tout en finesse. www.bailly-lapierre.fr 

 

www.francis-boulard.com et  Champagne Emmanuel BROCHET 7 impasse Brochet

51500 VILLERS AUX NOEUDS tél : 03 26 06 99 68 fax : 03 26 06 99 68 http://www.lepoint.fr/vin/champagne-emmanuel-brochet-02-12-2010-1269968_46.php 

 

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14 décembre 2010 2 14 /12 /décembre /2010 00:09

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Attention un train peut en cacher un autre : bovins et vins même combat ! Les deux sont la cible du grand vent d’infantilisation du citoyen qui sévit dans nos sociétés repues où la communication a valeur d’information car elle se substitue à elle en des messages formatés, réducteurs et massificateurs : nos écrans débordent de messages dit de santé publique qui jouent essentiellement sur l’émotion, la crainte, la peur de, la non-prise en charge personnelle de ses choix de vie. L’heure est aux gourous, aux coaches, aux docteurs, délivreurs de conseils en kit valables en tout lieu, en toute circonstance, pour tout et rien : je vous signale qu’il existe des coaches en rangement d’appartement pour les bordéliques.

 

Mais revenons à nos moutons, je veux dire à nos braves vaches qui pètent dégageant ainsi un max de méthane (CH4) qui troue vachement notre bonne couche d’ozone : selon l’étude Livestock’s Long Shadow de la FAO de novembre 2006 18% des émissions totales de gaz à effet de serre (* pour Monsieur Mioche précisons en effet qu'ici les pets sont des pets de bouche, pas de nonne, en effet la vache rumine et Monsieur Mioche fulmine sans flatuler). Comme l’écrit JP Géné dans son livre c’est Apocalypse Cow ! Et de citer à l’appui de l’approche affective chère à notre société médiatique deux exemples qui en disent plus long qu’un long discours « Sir Paul McCartney lance un appel pour un jour sans viande par semaine (meatless day), Corinne Lepage, Yves Cochet, Alain Bougrain-Dubourg, Jean-Marie Pelt, font « la grève de viande » à Copenhague et Le Monde du 23 décembre 2009 s’interroge en une : « Manger moins de viande pour sauver la planète ? » Fermez le ban, les prohibitionnistes ont encore frappés.

 

Les mêmes, jamais en reste d’outrances médiatiques, verseront des larmes de crocodiles sur l’exode de nos petits paysans, par ailleurs éleveurs de vaches qui broutent en nos verts campagnes, broyés par la mondialisation. Je laisse volontairement de côté l’approche bêtifiante des ligues en tout genre qui entretient la confusion entre la destruction d’espèces menacées et l’abattage d’animaux de boucherie. Pour avoir vécu tout au long de ma jeunesse au contact des animaux de la ferme et de la basse-cour j’ai du mal à supporter la sensiblerie, l’anthropomorphisme de ces urbains qui voient la nature comme un vaste parc naturel. Le respect du aux animaux ne se niche pas dans le boycott ou la conviction que les tuer est un crime. Si vous avez deux sous d’estime pour ma plume je vous recommande d’aller lire une vieille chronique du 3 janvier 2008 « Être Bête » http://www.berthomeau.com/article-15185700.html  et vous comprendrez mieux mon exaspération.

 

En effet, plus con que le raisonnement simpliste de ces messieurs-dames qui tournent leur confortable fauteuil dans le sens de la plus grande pente : réduire sa consommation de viande ou mieux devenir végétarien deviendrait un acte citoyen pour sauver notre planète. L’équation ne se pose pas ainsi en effet si le milliard 500 de ruminants arpentant notre planète produit 60 millions de tonnes de viande par an, il pisse aussi 600 millions de tonnes de lait. Dans notre jargon de technos : l’essentiel de la viande bovine consommée dans notre beau pays et sur le reste de la planète provient de l’abattage de vaches de réforme, c’est-à-dire de braves vaches laitières qui après avoir donné leur lait vont faire entre-autre le steak haché qu’aiment tant vos enfants avec des pâtes. Peut-être faut-il aussi supprimer le lait et les produits laitiers de notre ration alimentaire : adieu fromages au lait cru... Sans doute faut-il demander à l’Inde, qui abrite le plus grand troupeau bovin du monde : 190 millions de têtes, de faire la Saint Barthélémy de la vache sacrée ! En résumé : plus de viande, plus de fromages, et bien sûr plus de ce vin qui lui ne sert à rien du tout. Vaste programme qui permettra l’expansion de la pharmacopée réparatrice du troupeau des tristes errant sur une planète ravagée par les excès des autres, bien sûr.

 

« Ça va saigner ! » La viande rouge revient dans les assiettes. Sans complexe ni culpabilité nutritionnelle, mais avec goût et recherche de la qualité. Suivez le guide ! C’est de l’Elodie Lepage, grande flaireuse de tendance, dans le Nouvel Obs. Qu’écrit-elle ?

 

« Effet de mode ? Plaisir coupable ? Toujours est-il que les carnivores sortent du bois en cette rentrée : la viande rouge reprend des couleurs. La tendance vient de New-York, nouvelle capitale de la bouffe. À Brooklyn, une petite bande de « néo-butchers » branchés multiplie les ouvertures de boucheries et s’initie comme elle peut à l’art de la découpe. Une révolution au pays du burger ! Ici des chefs de renom (Alain Ducasse, Yannick Alleno, William Ledeuil...) se réapproprient enfin cette denrée. Et les gastronomes s’échangent sous le manteau les meilleures adresses artisanales. Émergent ainsi des « princes de la viande rouge » comme Hugo Desnoyer, boucher star du 16 arrondissement de Paris *, ou Yves-Marie Le Bourdonnec, boucher à Asnières (92). « La demande augmente nettement, confirme cet artisan. Le bœuf était mal vu depuis la crise de la vache folle mais c’est fini ! À condition que la qualité soit irréprochable : les gens veulent du « très bon » Même ressenti chez Jean-Paul Gardil, boucher sur l’île Saint Louis depuis trente ans : »L’effet est palpable depuis six mois environ, s’enthousiasme-t-il. J’ai beaucoup de jeunes clients qui découvrent la viande rouge et ils en redemandent ! » Qui l’eut cru ? »

 

Cette chronique, avec tous les poncifs chers aux chroniqueurs qui ne posent leurs escarpins que chez les bouchers stars (à propos madame Lepage Hugo Desnoyer exerce son art du côté de chez moi 45 rue Boulard dans le 14ième et non dans le 16ième), adorent tout ce qui vient du 21ième arrondissement de Paris du côté de l’Upper East Side (le quartier des bas de soie), tous les néos de la terre qui font du miel sur le toit de leur immeuble, de la découpe de bidoche dans la cour et embouteillent leur vin dans le cellier de leur loft sous une installation à 300 000 $ d’un maître de l’art conceptuel. Bref, ce n’est pas avec ça que nous allons tirer de la mouise nos éleveurs du Bassin allaitant. Cependant, comme je suis un garçon, comme dirait Mylène Framer, qui voit aussi dans la bouteille des asticoteuses de tendance le côté à moitié plein, je me réjouis de ce retour en grâce de l’entrecôte, du paleron ou de la hampe.

 

Pour terminer cette chronique je vous propose un passage du livre « Être Bête » en guise de réflexion

 

« Ce n’est pas le pouvoir qui règle les rapports, mais la responsabilité. Et ce n’est plus une organisation interne, rythmée par les combats, mais un agencement tourné vers l’extérieur : cette organisation inclut l’éleveur.

L’animal est au centre de ce type d’organisation, c’est la meneuse. Elle remplit plusieurs rôles. Elle prend en charge de conduire le groupe et décide des déplacements. Les éleveurs disent d’elle qu’elle assure le calme et qu’elle peut tempérer l’inquiétude de ses congénères quand il y a lieu. La meneuse a généralement la confiance du groupe ; elle émerge du troupeau de manière consensuelle, notamment à cause de ses qualités particulières. Elle a de l’expérience, c’est souvent une vache plus âgée. Souvent gourmande, toujours curieuse et avide d’explorer, c’est une vache « prête à faire des expériences », une vache « qui prend des risques ». C’est surtout une vache qui est indépendante et qui a du tempérament.

Elle est capable d’entraîner le troupeau à sa suite ; le plus souvent, si la meneuse ne bouge pas, le groupe refusera de se déplacer. »

 

Comme vous le voyiez je préfère de loin m’entendre dire que je suis vache que de suivre les meneurs du troupeau ceux dont on peut affirmer sans risque de démenti « Qu’ils parlent ou qu’ils pètent, cela se vaut. » Enfin, pour tous ceux qui pensent que je coule une paisible retraite que j’occuperais en chroniquant comme un dément je signale qu’en ce moment je travaille avec des collègues sur le dossier viande bovine... Ceci explique cela...

 

Sur la photo il s'agit de vaches de la race nantaise. C'est un très beau livre publié par www.castor-et-pollux.com et dernier détail : saviez-vous que la boucherie traditionnelle ne représente plus que 25% de la distribution de viande de boeuf ? Le boucher ne résiste que dans les grandes villes...

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13 décembre 2010 1 13 /12 /décembre /2010 00:09

Si vous souhaitez mettre un pet d’animation dans un petit mâchon de « francs buveurs » risquez-vous à mettre le sujet des vins naturels sur le tapis. Ça peut facilement tourner au vinaigre, si je puis m’exprimer ainsi sans être taxé de prendre parti pour l’un des camps, et finir comme dans le célèbre dessin du dîner de famille de Caran d’Ache, « ils en ont parlé » (détail historique Caran d’Ache était antidreyfusard car notoirement antisémite). L’animation, certains diront même la provocation, étant ma vocation première, et comme cette maison n’est pas une maison close – la maison close est très tendance en ce moment grâce je crois à un truc chic et choc sur Canal + et les gros bouquins rouges sur le sujet ornent les rayons de Noël – je ne résiste pas au plaisir de le faire. Simplement la maison à en sainte horreur les horions, elle déteste les pugilats avec coup bas, elle ne tolère pas – normal vu la référence précédente – les procès d’intention.

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Ici donc Espace de liberté, et j’ouvre en conséquence ce matin ma porte à deux auteurs : Laetitia Laure et Hervé Guillaume qui m’ont fait parvenir un charmant petit opus cartonné titré : Balade œnologique Vignerons « nature » de la Loire. C’est beau comme un bonbon emmailloté dans un papier. Et puis c’est un petit éditeur Le lou du lac. Et puis ils ont pris soin de mettre des guillemets à « nature ». Et puis la Loire c’est au-dessus de chez moi, ça parle à mes souvenirs : l’île de Behuard, le stade Marcel Saupin et la biscuiterie LU, Maurice Genevoix... mai 68... le quai de la Fosse. Et puis dedans il y a plein de vignerons que j’aime. Bref, j’ouvre grande la porte ! J’offre l’hospitalité.

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Qu’est-ce qu’un vin naturel ?   

 

« Il est bien difficile de trouver une définition académique au « vin naturel ». On le dit « naturel » par opposition au vin technologique, industriel, conventionnel, « formaté ». Ce qualificatif est-il le bon ? Le nombre de détracteurs qu’il rassemble est tel que cela n’est pas si sûr.

Mais on ne peut pas pour autant parler de vin « bio », la réglementation ne le permet pas – une notion était en débat à la Commission Européenne, mais le projet a été abandonné en juin 2010, en particulier en raison d’un désaccord sur les doses de soufre ajouté. Seul le raisin peut être bio ; le vin est un produit issu de raisins de l’agriculture biologique. De fait, pour identifier une catégorie de vin, le mot qui s’est imposé depuis quelques années est le qualificatif « naturel », de plus en plus souvent, vin « nature ».

Il y a néanmoins un leitmotiv qui rassemble les faiseurs du vin naturel : le moins d’intervention possible. Une conduite de la vigne au plus proche de la nature, culture en biologie ou en biodynamie, zéro pesticide, zéro désherbant. Pas d’utilisation de molécules issues de la chimie de synthèse.

Autrement dit, pas d’intrant non plus à la vinification, parce que le raisin est vendangé mûr et sain. Ni acidification, ni chaptalisation, pas de levure de synthèse mais des levures indigènes, très peu de soufre, parfois pas du tout. La vigne, puis le vin, sont simplement « guidés », accompagnés.

Il n’existe pas de cahier des charges précis. Les hommes qui élaborent du vin naturel souscrivent à un cahier des charges intellectuel, qui n’est ni encadré, ni reconnu officiellement.

Pour ces vignerons, la vigne est l’expression de la nature, la vendange (le raisin) exprime le sol, le terroir ; cela justifie l’application des méthodes les plus douces : l’agriculture biologique pour les uns, la biodynamie pour les autres.

De la même manière qu’il ne faut pas confondre vin « naturel » et in « bio », et même si la tendance est forte à réduire l’apport de soufre en vinification, il ne faut pas réduire le vin naturel à l’absence (ou presque) de soufre ajouté. »

 

Voilà la réponse à la question, suivent, jusqu’à la page 43, les travaux de la vigne, les traitements, la vendange et la vinification. Le restant visite des vignerons dont le naturel est incomparable – moi je suis incorrigible – en remontant la Loire à partir de Sancerre, Pouilly puis l’Orléanais, Cheverny, la Touraine, en passant par Montlouis, Vouvray puis par les Coteaux-du-Loir et Jasnières en traversant la Sologne et la vallée du Cher, en musardant du côté de Chinon, Bourgueil, Saumur, en descendant en Anjou pour allez ensuite près de chez moi en Muscadet et dans les Fiefs Vendéens.

 

Vais-je ajouter mon grain de sel ? La réponse est non. Non au nom d’un quelconque poncepilatisme, qui n’est pas vraiment dans ma nature, mais parce que, contrairement à ce que j’ai écrit en exergue de ma chronique je ne souhaite nullement faire de la provocation, mettre de l’huile sur le feu, mais bien au contraire pacifier la question, dépasser les controverses stériles pour que chacun puisse vivre sa vie sans se croire obliger de montrer ses voisins du doigt ou inversement se retrouver dans la position d’un paria. Ce n’est pas du consensus que j’appelle de mes vœux mais tout bêtement la recherche d’un socle commun permettant de faire progresser le plus grand nombre vers une viticulture de précision, respectueuse de la pérennité de son terroir et de la construction d’une viticulture durable. Faire des choix ne signifie pas pour autant estimer qu’il n’y a qu’une seule et unique voie à choisir, sinon nous retournons immédiatement au pugilat et là je me dis je n’aurais pas du en parler...

 

Ceci dit vous il ne vous pas interdit d'en parler sur mes lignes...

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12 décembre 2010 7 12 /12 /décembre /2010 02:09

Hors de la présence de la belle Eva j’eus droit à un barbier puis à un bain parfumé puis à un costume en flanelle grise bien coupé et à une chemise bleu ciel étendus sur le dessus du lit d’une chambre immense comme un hall de gare. Dès que je fus pomponné et habillé, les Richelieu trop neuves me serraient un peu les pieds, un maître d’hôtel poussant une table roulante entrait. Il installait ce qui avait toute la tête d’un souper aux chandelles. Que cachait encore ce grand jeu ? Allais-je encore devoir payer de ma personne ? Connaissant les mœurs prédatrices d’Eva je pressentais le pire tout en subodorant une manœuvre plus subtile. Mes interrogations ne restèrent pas très longtemps sans réponse car Eva me rejoignait ayant troqué son tailleur Saint-Laurent pour un ensemble pantalon Saint-Laurent. Le maître d’hôtel nous servait du champagne Grand Siècle dans des flutes. « À notre collaboration ! » le ton était donné, j’étais pris dans les rets de la tigresse. Nous nous assîmes face à face et nos genoux se frôlaient, elle ne cillait pas. Bien au contraire affichant un sourire plein de dents elle m’annonçait qu’à son grand regret les autorités chiliennes avaient extradée Chloé vers l’Italie au motif d’activités contraire aux intérêts supérieurs du Chili. Elle ajoutait, tout en pianotant de ses ongles carminés sur l’assiette de porcelaine, que c’était un coup fourré de ces bourrins de militaires, les siens comme les chiliens, qui voulaient ainsi faire pression sur moi pour que je décanille au plus vite. Sans me laisser démonter je lui faisais remarquer que toute cette histoire ne tenait pas de debout, qu’elle me menait en bateau et que bien évidemment je n’étais pas dupe. Loin de se récrier Eva déclarait me comprendre. Je l’en remerciais avec froideur tout en ajoutant que cette compréhension n’emportait aucunement mon adhésion et que j’exigeais des explications.

 

« Vous devez mourir de faim... et ce champagne doit vous tourner la tête... » me répondait-elle en posant sa belle main sur la mienne « reprenez des forces, nous allons en avoir besoin monsieur le ravageur des cœurs de femmes délaissées... » Sans rien lui en laisser paraître je sentais bien qu’elle surjouait, qu’en dépit de son effet d’annonce nous n’allions pas nous envoyer en l’air, l’heure était au donnant-donnant. Au plus fort d’un affrontement les femmes américaines, du moins les grandes bourgeoises de côte Est, contrairement aux femmes de l’élite française, plus portées à singer leurs homologues masculins, ne se départissent jamais de leur côté prédatrice femelle. À tout moment, même les plus violents, elles semblent toujours en capacité de venir vous dégrafer votre futal pour vous tailler une pipe. La fellation est quasiment consubstantielle à la wasp américaine : prendre sans rien donner, amener le mâle à la soumission sans risque majeur, l’efficacité américaine. La belle Eva, sûre d’elle, appliquait à la lettre la stratégie élaborée par sa hiérarchie, tout en gardant son arme fatale en réserve dans le cas où le sujet traité se déroberait. J’anticipais donc, entrant dans son jeu comme un gentil agneau qui vient de naître. Ma stratégie se résumait, dès qu’Eva s’adressait à moi, à la contemplation de sa gorge pulpeuse qui s’offrait à mon regard par l’entrebâillement de la veste de son tailleur Saint-Laurent. Elle ne portait rien dessous sauf un de ces soutiens-gorge pigeonnant qui projetait ses seins opulents dans la pointe du V surplombant le premier bouton. Sous l’effet de sa respiration, de sa gestuelle, une forte tension s’exerçait sur ce pauvre bouton prisonnier d’une boutonnière assez lâche. Dès que je reprenais la parole mon regard se détachait de ce point de fixation laissant à Eva le temps de libérer le fameux bouton. C’est ce qu’elle fit, avec grâce et doigté, à la suite d’un rapide tamponnement de ses lèvres avec sa serviette.

 

Comme chez Saint-Laurent la veste du tailleur pantalon n’est dotée que de deux boutons l’échancrure devint baie et la poitrine d’Eva s’offrait à moi dans toute sa splendeur arrogante. En d’autres circonstances j’aurais poussé mon avantage mais là réprimant ma forte envie de passer à l’action, j’entreprenais Eva sur un terrain très professionnel « Hormis mes talents d’étalon-latin qu’attendez-vous de moi très chère ? » Sous l’effet de ma contre-attaque elle ne bronchait pas, se contentant d’un petit geste rapide pour se défaire du dernier bouton et poser ses deux coudes sur la table. « Ce que j’attends de toi, sale petit mec qui porte sa bite en bandoulière, c’est que tu m’obéisses au doigt et à l’œil... » Sa voix rauque adoptait une scansion rapide, vulgaire « tu vas être mon caniche, mon toutou qui me léchera les doigts de pied avant d’aller foutre sa truffe dans les poubelles... » elle se redressait bombant le torse « un chien c’est fidèle à sa maîtresse, je ne tolèrerai plus le moindre écart à la ligne que je vais te donner... » Je la coupais sèchement « Vous êtes lamentable Eva. Votre petit numéro me déçoit. Tout ça pour en arriver là. Franchement une poule de luxe ferait bien mieux que vous. Réajustez-vous sinon je demande aux autorités de ce pays de me remettre à l’ombre. Que vous le vouliez ou non, c’est moi le boss. Je ne suis qu’une petite merde de français mais vous avez besoin de moi. Ni vos menaces, ni votre cul, ni vos lobards, ne me soumettront. Vous baiser ne m’intéresses pas Eva. Je n’en ai rien à foutre car je n’en ai rien à foutre de tout. Je ferai tout ce que vous voudrez mais à une seule condition Eva : plus de sexe entre-nous... » Belle joueuse, sans se réajuster, elle levait sa flute de champagne « à notre collaboration ! » Je venais de gagner la premier set mais la partie restait ouverte.   

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12 décembre 2010 7 12 /12 /décembre /2010 00:09
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Le slow est à la danse ce qu’est la musique militaire à la musique : un vecteur d’assaut. Alors que le tango c’est la charge de la brigade légère, tout en élégance et en mouvement chaloupé, le slow lui s’apparente à la lourde progression des Panzers lors de la percée des Ardennes. Dans la classique drague de bal du samedi soir l’irruption du slow, s’accompagnant d’un tamisé de lumière, voyait la ruée des mauvais danseurs sur les filles qui faisaient tapisserie. Qu’importait le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse... Sauf qu’un jour, l’un de nous, la lumière revenue à un bon niveau d’intensité, s’aperçut que sa belle était fort moustachue.

Dans la panoplie des slows à forte capacité d’emballage « Sag Warum » de Camillo Felgen occupait une place toute particulière. Unique, c’était le slow rauque, dans une langue, l’allemand, peut usitée dans nos contrées depuis le départ un peu forcé de France des uniformes vert de gris. Et pourtant, ce « Pourquoi ? » que nous ne comprenions pas nous donnait des frissons et le désespoir de l’homme abandonné par la femme qu’il aimait portait notre libido très au-dessus du point de fusion. Ce n’était que la reprise d’un  « Oh why ? » bien mièvre des Teddy Bears mais 50 ans après « Sag Varum » garde toujours son énorme pouvoir d’attraction sur les corps des couples d’occasion... Un détail : Camillo Felgen était luxembourgeois, il présentait une émission en langue allemande sur Radio Luxembourg.

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11 décembre 2010 6 11 /12 /décembre /2010 00:09

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Dans une très récente chronique « Entre Champagne et Bourgogne » mon éminent collègue, Hervé Lalau, à la suite de mes chroniques champenoises en appelait à l’Histoire « Jacques, sais-tu que le village d'Aÿ a été la première capitale de la viticulture en Champagne, bien avant Reims et Epernay. Je parle du 16ème siècle. Selon une étymologie discutée, Epernay, qui n'était à l'époque qu'un petit bourg, voudrait dire « au-delà d'Aÿ ». Ce qui est sûr, c'est que Gosset, la plus vieille maison de la Champagne, a été fondé à Aÿ en 1584; elle y vinifiait des rouges tranquilles. La bulle viendra bien après » la suite sur http://www.les5duvin.com/article-anecdotes-champenoises-62451751.html

 

Cruel camouflet pour tous ceux qui affirment que la Toile ne recueille que des inepties de gamins ignares, d’adolescents boutonneux ou de seniors désœuvrés. Nous piochons, nous exhumons pour vous de belles histoires de l’Histoire de notre terroir. « Le vin d’Aï, précisait Le Paulmier, en 1588, est de déliée et subtile matière, plaisant à boire, de facile digestion et de prompte distribution, qui fait que les roys et princes en font souvent leur breuvage ordinaire. » Ghislain de Montgolfier aime à le dire « autrefois, notre bon vin servait à faire du rouge et seulement un peu de mousse. Le champagne a pour origine un vin fin de pinot noir, vinifié en rouge et c’est ce vin-là qui concurrençait les bourgognes auprès des Cours royales. »

 

« La Côte aux enfants » un nom qui sonne un peu comme l’Ile du même nom de notre enfance émerveillée par la télé. Pour certains cette colline abrupte est ainsi dénommée parce qu’autrefois les gamins d’Aÿ allaient y faire provision de sarments le jeudi. Pour d’autres, c’était la Côte aux enfers quand les femmes devaient remonter dans des paniers la terre emportée par les intempéries. Au début du XIXe siècle, Jacques Bollinger reconstituera et réunifiera ce vignoble de 3 ha qui, avant le phylloxéra, appartenait à une cinquantaine de propriétaires.

 

Alors, retour aux sources du vin rouge d’Aÿ, un vin de mémoire produit sur cette « parcelle sacrée » de 70 ares, lorsque dans les années soixante on a découvert « dans les caves de la vieille maison d’Aÿ, un recoin oublié (parce qu’on l’avait dissimulé à la convoitise des occupants allemands) entièrement consacré au rouge, ce fut comme un retour aux sources. Il y avait, dans cette caverne d’Ali-Baba, du 1893, dont Ghislain de Montgolfier dit qu’il peut encore « donner du bonheur ». Bien sûr, ce vin c’est du cousu-main. Du soin extrême de la vigne au chai, chute de grappe six semaines avant la vendange, tri manuel en gants beurre frais (j’exagère toujours), vinification avec une macération qui dure entre 10 et 12 jours, élevage pendant 2 ans dans des fûts de 3 à 5 ans. Vin d’exception. Lorsque le pinot noir de La Côte aux enfants n’est pas jugé digne de produire ce vin de souverain il n’y a pas de vin. Je goûte avec délectation ce petit côté marquis de Lur Saluces, grand seigneur pour grand vin.  COTE_AUX_ENFANTS_99.jpg

4000 bouteilles par an, une rareté qui confine« La Côte aux enfants », ce fleuron des « Coteaux Champenois », à une rareté élitiste de bon aloi. Je ne résiste donc pas au plaisir de reproduire ce texte intitulé « Éloge des vieilles vignes françaises » qui me semble très représentatif de l’esprit de la maison Bollinger. « Derrière les fenêtres de la maison qui domine Aÿ, les vieilles vignes françaises enlacent leur étrange feuillage en désordre. Le regard sur ces vignes porte aussi un autre regard sur le temps. Le temps de la Champagne avant les ravages du phylloxéra. Vignes plantées en foule, non greffées, pour lesquelles s’applique encore la méthode du provignage. Le rendement, faible, est sans commune mesure avec une vigne classique. [...] Pour Bollinger, ces vignes témoignent de la tradition viticole du XIXe siècle. Parce que le devoir de mémoire est la meilleure façon de rendre l’histoire vivante. »

 

Dans certaines de mes chroniques un peu dures j’ai coutume d’écrire que la France est un vieux pays chargé d’Histoire, pour le regretter parfois lorsque nos pesanteurs nous entravent, nous rendent quasi-immobiles, mais qui aime bien châtie bien, c’est que je l’aime ce fichu beau pays, il y fait bon vivre parce que certains de nous continuent de défendre le bien vivre à la française. Je m’étais permis d’écrire dans la charte de l’Amicale du Bien Vivre : « Le bien-vivre n’est ni un luxe réservé à une élite, ni le privilège d’une société opulente, mais un élément essentiel de notre mode de vie à la française. Convivialité, accueil, hospitalité, échange, plaisirs simples partagés, trame de liens amicaux, voisinage, ciment de la vie en société, le vin est, et reste, comme l’écrivait l’ethnologue Claude Lévi-Strauss en 1974, une boisson à consommer ensemble. Dans les temps difficiles que nous traversons, notre combat pour le bien-vivre n’est pas une provocation mais, bien au contraire, une juste cause pour la préservation d’une façon de vivre que le monde entier nous envie. »

 

Dans l’univers du bien-vivre, tel que définit ici poser, sur sa table pour un grand jour, un jour de fête ou un jour de mémoire, une bouteille de « La Côte aux enfants » 1999 de la maison Bollinger www.champagne-bollinger.com redonne au mot luxe toutes ses lettres de noblesse. Nulle ostentation, mais simplement une parcelle de raffinement dans notre monde formaté, comme l’envie de s’offrir une parcelle de rêve, un petit morceau de ces vieilles vignes françaises, une échappée belle dans l’esprit d’une maison où « l’on sentirait presqu’encore l’odeur de la cire ou le craquement des pas à l’étage » où « le soleil jouerait délicatement sur le vert céladon des murs de la salle à manger » où « sur la table est posé un bouquet de roses fraîchement cueillies du jardin... »

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10 décembre 2010 5 10 /12 /décembre /2010 00:09

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« La géographie n’est pas précisément une sciences de livres ; elle réclame le concours de l’observation personnelle. Il n’y aura jamais de bon maître que celui qui mêle un intérêt d’observation personnelle aux choses qu’il doit décrire. La nature, dans son inépuisable variété, met à la portée de chacun les objets d’observation, et l’on peut garantir à ceux qui s’y livrent moins de peine encore que de plaisir. » écrivait Vidal de La Blache dans son introduction à son cours de Géographie sur La France.

 

Il poursuivait « Campagne ou Champagne [...] là aussi désigne une nappe uniforme de plaine [...] nous n’avons qu’à regarder autour de nous pour recueillir des exemples de divisions naturelles. Ces noms, en effet, ne sont pas des termes administratifs ou scolaires, ils sont d’usage quotidien, le paysan même les connaît et les emploie [...] Ce sont des pays plutôt que des régions. Mais ils n’en ont pas moins une grande valeur pour le géographe. L’expression pays a cela de caractéristique qu’elle s’applique aux habitants presque autant qu’au sol. [...] Voilà donc, saisi sur le vif, cet enchaînement des rapports parlant du sol et aboutissant jusqu’à l’homme. »

 

Cette dernière phrase résume bien mon credo : saisir sur le vif les rapports entre les hommes et leur sol qui, sous le travail de leurs mains, la force de leur intelligence pratique, leur écoute, leur observation, se décline en terroir. Souvent, eu égard à mon insoutenable légèreté, vous devez me prendre pour un papillon qui papillonne alors que je suis aussi une petite fourmi qui sait amasser des provisions pour les temps difficiles. Mais, pour rester dans le règne animal, allier les ailes et le labeur, en réalité je butine. Je me gave du suc des autres pour tenter d’en faire votre miel. Démonstration ce matin : alors que je dégustais au salon Brittle le Rosé de Riceys d’Olivier Horiot, mon œil vif remarquait le livre du photographe Michel Jolyot Les Riceys en Champagne un terroir d’exception http://www.jolyot.com et, de fil en aiguille, ce matin par la grâce et la gentillesse de Jean-Paul Kauffmann, fidèle lecteur, je puis vous offrir la préface qu’il a écrit pour ce beau livre. Bonne lecture ! Merci beaucoup JP K.

 

« Apercevant pour la première fois les Riceys il y a une quinzaine d’années, je n’en croyais pas mes yeux. De vieilles maisons vigneronnes bien tenues, ornées de ferronneries, d’admirables façades ne laissant rien deviner du dedans, un vignoble intensément travaillé, un air de superbe et de secret. Comment un tel village à la beauté intacte pouvait-il encore exister en France ? Un village ou plus exactement trois villages en un seul. Je faisais connaissance avec la redoutable complexité ricetonne, presque aussi difficile à concevoir que le mystère de la Sainte Trinité. Trois bourgs distincts et consubstantiels formant une entité unique et indissoluble. Trois appellations d’origine contrôlée aussi (Champagne, Rosé des Riceys, Coteaux Champenois), aucune autre commune champenoise ne peut se prévaloir d’une telle originalité. La complexité qui partout ailleurs est l’indice d’un échec ou d’un désagrément est historiquement aux Riceys un avantage et même un privilège, en tout cas un défi. La singularité de ce lieu et de ce vignoble qui l’incarne tient dans cette complexité fièrement acceptée. Une difficulté - mais non un embarras - qu’on lui envie secrètement.

 

Les Riceys aiment jouer sur les deux tableaux. C’est la nature profonde de ce village. La place a appartenu tantôt à la Bourgogne, tantôt à la Champagne. Et, pour rendre les choses encore plus simples, souvent aux deux à la fois. L’histoire des Riceys abonde en anecdotes (1) où dans la même construction l’on est bourguignon du côté sud, champenois au nord. Il y a dans la mentalité de cette terre une espièglerie, une gaieté libre et truculente, presque rabelaisienne, qui a beau se dissimuler sous un certain quant-à-soi mais n’en est pas moins heureuse et conviviale comme il sied à un pays où l’on cultive la vigne.

 

Cette ambivalence lui a permis de durer et de fonder une identité extrêmement originale, cumulant les deux appartenances sans qu’il n’y ait jamais opposition. Cet aspect multidimensionnel, qu’a su si bien saisir le photographe Michel Jolyot,  n’est pas le signe d’une entrave mais au contraire d’une supériorité. Le village compact - presque urbain - les maisons dépourvues de dépendances, les caves, la pierre, le paysage de combes, le calcaire kimméridgien sont bourguignons mais l’âme est résolument champenoise. C’est le négoce marnais qui s’est tourné vers l’Aube au début du 19è siècle pour acheter des raisins et non l’inverse. Cette légitimité champenoise n’a cessé d’être soulignée par le voisin quitte à ce qu’il en bafoue le bien-fondé quand cela ne faisait plus ses affaires. Contre cet ostracisme, les vignerons ricetons sont entrés en guerre en 1911 et ont fini par l’emporter.

 

Le fond est champenois, la forme pour une large part bourguignonne. On ne saurait les séparer, comme l’âme et le corps. Les vignerons des Riceys se plaisent à souligner malicieusement qu’ils appartiennent à la plus importante commune viticole de la Champagne « bien avant Vertus », insistent-ils. Au demeurant, il existe bien des pays en France nommés champagne, qui est le contraire du bocage (champagne berrichonne, champeigne tourangelle, champagne charentaise) et la champagne auboise ne craint pas de revendiquer sa différence au sein de la grande champagne viticole.

 

Bien qu’il représente une part très faible de la production, le rosé de Riceys résume parfaitement cette double appartenance. Il est proche d’un vin rouge tout en se gardant de l’être vraiment. Le secret de ce vin qui ne ressemble à nul autre repose sur cette ambiguïté. Il joue deux rôles à la fois mais n’en endosse aucun car sa nature profonde tient dans cette conjonction. Un tel caractère pourrait brouiller les cartes et entretenir une image floue, un juste milieu, un état intermédiaire, une moyenne sans caractère. C’est tout le contraire. Ce vin si rare ne saurait être confondu avec les autres rosés, synonymes parfois de facilité et même de vulgarité. Le rosé des Riceys est le plus sophistiqué des vins. Outre qu’il requiert des raisins parfaits, il exige du vinificateur une perspicacité et une exactitude peu communes. À travers le pinot noir, le plus difficile des cépages, ce rosé doit rassembler deux qualités antinomiques : la puissance et la légèreté. Ce n’est pas un hasard si le vignoble des Riceys a bâti sa réputation sur ce pinot si périlleux à travailler. C’est un cépage qui ne supporte pas la médiocrité. Pour en venir à bout, il faut le talent du terroir et le savoir-faire des hommes. Les Riceys peut s’enorgueillir de posséder les deux tant il est vrai que le pinot noir s’avère une quête, une sorte de Graal difficile à atteindre. Sur les pentes vallonnées aux expositions magnifiques, tout est fait pour parvenir à une belle maturité. Alors ce cépage donne ici toute sa mesure : enjoué, vif, charmeur, velouté avec une générosité et une densité qui confèrent à ce rosé un style inimitable.

 

Je n’aurais garde d’oublier le champagne qui constitue l’essentiel de la production des Riceys. S’il est vrai que l’Aube n’a plus rien à prouver dans ce domaine et a perdu tout complexe d’infériorité vis-à-vis du voisin marnais volontiers hégémonique, les vignerons ricetons savent qu’à chaque millésime on remet son titre en jeu. Signe des temps : la vendange aux Riceys voit affluer un nombre croissant de représentants des maisons les plus réputées d’Épernay ou de Reims. À présent, ils ne se cachent plus. Une évidence s’impose : les raisins de ce village sont de plus en plus recherchés. Le négoce marnais ne fait plus reproche au pinot noir aubois de « terroiter ». Au contraire, cette typicité dont les vignerons ont toujours tiré fierté est tenue à présent pour un avantage.

 

Les Riceys, condensé de la France viticole, miroir d’un monde rural qui change sans pour autant perdre son âme campagnarde. Les pays de vignoble savent encore perpétuer les mythes et les rites. Ce coin de l’hexagone donne un bon aperçu de la complexité du vivant fait d’interdépendances, d’éléments contradictoires et de paradoxes. Souplesse et robustesse de ce pays. On en revient toujours à la complexité, maître mot du vocabulaire œnologique. Un vin simple n’est pas un vin qu’on a envie de déguster, encore moins de commenter. La complexité qui définit un vin de qualité dépend du cépage, du terroir et de l’homme.

 

Dans sa triple appartenance, sa situation géographique originale, son terroir hors-série, les Riceys récapitule à sa façon tout ce qui nous fait aimer le vin et ses hommes qui l’élaborent.

 

 

Jean-Paul Kauffmann*

 

 

  • Ancien rédacteur en chef de l’Amateur de Bordeaux, auteur de Voyage en Champagne

(1990), de La Morale d’Yquem (1999) et du Bordeaux retrouvé (1989)

(1) Les Riceys, son vignoble, son histoire par Gilles François. (Diplôme universitaire Vin et Culture 2001), 87 pages.

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