La connerie permet des variations plus amples, plus variées que la bêtise, la sottise, l’idiotie, l’imbécillité ou la stupidité elle offre une plus large palette : c’est un foutu con, un sale con, un mauvais con, un petit con, un grand con, un pauvre con, un misérable ou un lamentable con ... Que sais-je encore même si dans le langage usuel dire ou faire des conneries, des bêtises, des âneries, des idioties ou des sottises semble équivalent.
La connerie me semble bien trop large, bien trop extensible, si vulgaire quelle tombe souvent dans la facilité.
La bêtise, elle, relève de l’abus de langage : les bêtes ne sont pas bêtes, elles ne sont que des bêtes qui ignorent la méchanceté. Les âneries n’existent pas, elles ne sont que l’expression du mépris des humains pour nos amis les ânes.
L’idiotie a une forte connotation psychiatrique qui rend son maniement délicat dans nos sociétés où les précautions de langage sont de mise : les aveugles sont devenus des non-voyants et les sourds des mals-entendant.
La sottise, comme l’imbécilité, ou la stupidité me paraissent mieux approcher une certaine précision, une plus grande pertinence, depuis la nuit des temps : « Innombrable est le peuple des sots... » Ecclésiaste, I, 15 et « C’est en effet, une famille innombrable, celle des imbéciles... » Simonide cité par Platon, Protagoras, 346c. « Immense est la foule des imbéciles. » Saint Augustin Contre les Académiciens, I, 1-2.
Dans un petit opus « La... sottise ? (vingt-huit siècles qu’on en parle) » chez Albin Michel 9€ le professeur Lucien Jerphagnon, historien de la philosophie, disciple de Vladimir Jankélévitch, proche de Paul Veyne, professeur de Michel Onfray durant ses études de philosophie dont Jean d'Ormesson dit que c’est « un savant qui sait unir un style rapide et séduisant à l'érudition la plus rigoureuse », lui trouvant « une simplicité familière, souvent mêlée de drôlerie, avec une précision sans faille» mène l’enquête. Il se pose des questions tout en reconnaissant ses limites « Ne souffle pas plus haut que tu n’as l’esprit » :
- Les sots sont-ils si nombreux ?
- Au fait, qu’est-ce au juste qu’un sot ?
- Mais alors, que penser, que faire ?
Exercice périlleux car « consacrer un livre à la sottise expose de toute évidence l’auteur à quelques sarcasmes universitaires » fait remarquer notre professeur émérite qui ne manque pas d’humour en rappelant le mot de Talleyrand à propos du mépris de Fouché disait vouer à la nature humaine : « C’est qu’il se sera beaucoup observé... »
Avant de procéder aux quelques citations d’usage je profite de l’occasion pour dédier ce livre à notre sot d’eau préféré : j’ai nommé Hervé Chabalier qui nous a pourri la vie pendant des mois en occupant, grâce à la complicité de la gente médiatique, les écrans en nous vendant la complainte d’un « condamné à la sobriété pour le restant de ses jours » (1)
Machiavel
« Mais il faut savoir qu’il y a parmi les princes comme parmi les autres hommes trois sortes de cerveaux. Les uns imaginent par eux-mêmes ; les seconds, peu propres à inventer, saisissent avec sagacité ce qui leur est montré par d’autres, et les troisièmes ne conçoivent rien, ni par eux-mêmes ni par les raisonnements d’autrui. Les premiers sont des génies supérieurs ; les seconds d’excellents esprits ; les troisièmes sont comme s’ils n’existaient point. »
Le Prince, XXII
Balzac
« Ce gentilhomme était un de ces petits esprits, doucement établi entre l’inoffensive nullité qui comprend encore et la fière stupidité qui ne veut ni rien accepter, ni rien rendre.
Les Illusions perdues
François Mauriac
« En démocratie, un homme supérieur devrait s’astreindre à donner l’illusion qu’il ne dépasse pas le niveau. Ais il est plus facile aux médiocres d’avoir l’air profond qu’aux grands esprits de faire la bête. »
Bloc-notes 24 mai 1955
« Le pouvoir en France, qu’il soit monarchique ou populaire, a toujours eu le goût des médiocres. L’intelligence y fut toujours redoutée. »
Bloc-notes, septembre 1955
Jacqueline de Romilly, Alexandre Grandazzi
« Oui, je me rappelle une très bonne étudiante que j’avais à la Sorbonne et qui me déclara, tout de go, peu après Mai 68 : « Oh ! non, la culture je n’en veux plus, car je pense à ceux qui ne l’ont pas ! »
Une certaine idée de la Grèce, Entretiens
Synésios de Cyrène
« Le monstre multiforme qu’est l’opinion... »
Dion, XIV, 3
Baudelaire
« Les dictateurs sont les domestiques du peuple, - rien de plus -, un foutu rôle d’ailleurs, - et la gloire est le résultat de l’adaptation d’un esprit avec la sottise nationale. »
Mon cœur mis à nu
Alain
« Les sottises elles-mêmes forment une part de l’opinion, qui est considérable »
Propos
Pline le Jeune
« Une longue préface pour excuser ou recommander des idioties est le comble de la bêtise. »
Lettres, IV, 14
Molière
« Trissotin :
J’ai cru jusques ici que c’était l’ignorance
Qui faisait les grands sots, et non pas la science.
Clitandre :
Vous avez cru fort mal, et je vous suis garant
Qu’un sot savant est plus sot qu’un sot ignorant. »
Le Femmes Savantes, IV,3
Boileau
« Un sot trouve toujours un plus sot qui l’admire. »
L’art Poétique, I
Écrit apocryphe chrétien
« Il n’y a rien de plus grave que de croire qu’on sait ce qu’on ignore, et de défendre pour vrai ce qui est faux. »
Siracide
« Qu’y a-t-il de plus lourd que le plomb ? Une seule réponse : l’imbécile.»
XXII, 14
Démétrios le Cynique, cité par Sénèque
« Qu’ils parlent ou qu’ils pètent, cela se vaut. »
Des bienfaits, VII, 11
Flaubert
« Rien n’est humiliant comme de voir les sots réussir dans les entreprises où l’on échoue. »
L’Éducation sentimentale
Pierre Dac
« À quoi servirait l’intelligence si l’imbécillité n’existait pas ? »
Arrière-pensées
Pour compléter votre culture sur la Sottise lisez « La... sottise ? (vingt-huit siècles qu’on en parle) » chez Albin Michel 9€ Lucien Jerphagnon
http://www.franceculture.com/emission-l-essai-du-jour-la-sottise-vingt-huit-siecles-de-betise-par-lucien-jerphagnon-albin-michel-
(1) « Le sot d’eau » de Patrick Besson dans le Point
« Tout le monde critique Hervé Chabalier. Mais moi je le comprends. Je comprends les gens que tout le monde critique, car moi aussi tout le monde me critique. L’une des meilleures choses sur terre est le vin et Hervé n’a plus le droit d’en boire. Ce serait supportable pour lui si personne n’en buvait. Mais ce n’est pas le cas. Du coup, la vie d’Hervé est un enfer. Pour lui, une seule solution : nous empêcher de consommer du vin, afin que le fondateur de l’agence Capa et auteur de « le dernier pour la route, chronique d’un divorce avec l’alcool » (Laffont) ne nous voie plus en train de nous régaler alors que lui même se prive. Il a donc entrepris de mettre les Français à l’eau, comme lui. Dans ce but, il a rédigé un rapport qu’il a remis le jeudi 24 novembre au ministre de la Santé, Xavier Bertrand. C’est une invitation pressante à la prohibition. Chabalier raisonne en alcoolique car, comme il le dit lui-même, un ancien alcoolique n’est pas un non-alcoolique, c’est un alcoolique qui ne boit plus. Provisoirement. Pour Hervé, tout verre de vin est mauvais car il le mènerait à la bouteille, puis à la caisse, puis à la cave, puis au cercueil. Il ne lui viendrait pas à l’esprit que nous n’avons pas ce problème là avec l’alcool. Que lorsque nous buvons une slivovica le matin, nous sommes au thé le soir. Que le vin arrose nos meilleures déjeuners de copains mais que l’eau ruisselle sur nos adorable dîners familiaux. Qu’un scotch chasse notre mélancolie mais que c’est le jus de pomme qui nous désaltère. Qu’une première bière est amusante mais qu’une seconde est rasoir. L’abstinence à laquelle par exaspération, Hervé veut nous réduire est indispensable à sa survie, mais pas à la notre. S’il a eu la faiblesse de se laisser ligoter par l’alcool au point d’être aujourd’hui condamné à la sobriété pour le restant de ses jours, il n’y a aucune raison pour que nous, qui avons su conserver notre liberté face à la boisson, nous devions matin, midi et soir baigner notre bouche heureuse, notre langue délicate et notre palais sensible dans l’eau et uniquement dans l’eau.
Il a du pain sur la planche, Hervé. Mais les anciens alcooliques ont de l’énergie à revendre. Exemple : George Bush. C’est pour quand, alors, le bombardement de la Syrie ? Ce n’est pas qu’on s’ennuie, mais George était sur les chapeaux de roue et là, il y a comme un ralentissement dans ses expéditions guerrières. Une sorte de manque d’agressivité. Je me demande s’il ne se saurait pas remis à boire. A la place de Barbara, j’inspecterais avec attention le bureau ovale, au cas où le président des Etats-Unis y planquerait des bouteilles. Passons, Première tâche de Chabalier : caviarder sévèrement l’Evangile. Parce qu’à Cana Jésus, il ne multiplie pas les bouteilles de Badoit. Et le soir de son arrestation, qu’est-ce qu’il sert à ses disciples ? Pas du Fanta, que je sache. Buvez-en tous, car ceci est de la menthe à l’eau. C’est bon, la menthe à l’eau , mais ça n’a pas jamais eu la couleur du sang. Du sang du Christ.
Les gens qui boivent de l’eau vivent plus vieux que les gens qui boivent du vin, mais moi je ne veux pas vivre vieux dans un pays où les anciens alcooliques exigent que tout le monde boive de l’eau. Il y a un génie dans le vin et il est mauvais, comme tous les génies. Dans l’eau, il n’y a rien de mauvais, car il n’y a rien. »