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18 février 2011 5 18 /02 /février /2011 00:09

À l’âge de bronze de mon Espace de Liberté, soit au tout début de 2007, alors que je cherchais ma voie et des sujets, je commis une chronique : « Supplique aux gascons... » link où j’apostrophais mes amis gascons à propos d’un Armagnac vanté sur un site marchand :

« Cette récolte 1994 est issue pour moitié du cépage baco particulièrement bon sur les sols sablonneux du Bas-Armagnac et du classique Ugni-blanc. Ce mariage des cépages les meilleurs nous donne un Armagnac certes encore fougueux par sa jeunesse mais déjà ample et persistant en bouche. Le bois du neuf de chez Berthomeau n'est pas encore fondu et donne ce côté noisette grillé qui n'est pas si éloigné d'un pur malt ou du rhum de qualité. »

 

« Éclairez-moi, qu'est-ce donc ce Berthomeau qui n'est pas encore fondu ? Jusqu'ici ce gus n'était connu que pour son goût de papier dont on fait les rapports, même si la pâte de celui-ci venait peut-être des forêts landaises. »Pouffe-3728.JPGBien évidemment je faisais l’âne pour avoir du foin car pour les tonneaux Berthomieu c’est beaucoup mieux que Berthomeau « L’heureuse alchimie du bois et du vin » www.tonnellerie-berthomieu.com Tonnellerie Berthomieu - Parc d’activités des Bertranges - rue des Merrains - 58400 LA CHARITE SUR LOIRE – France. Tout ça pour vous dire chers lecteurs que je vais entamer une série de chroniques qui vous entraineront tout au fond de la forêt française en chaussant les bottes du forestier « qui scrute le passé pour mieux préparer l’avenir » Nous le ferons en grande partie avec l’aide du livre* de Jean-Paul Lacroix, Ingénieur du Génie Rural des Eaux et des Forêts, IGREF dans le jargon du 78 rue de Varenne où, trop souvent, le dossier forestier est la cinquième roue du carrosse. (*Bois de Tonnellerie de la forêt à la vigne et au vin chez Gerfaut).

 

Pour ma part, au temps où j’occupais des bureaux à porte capitonnée avec huissier, fut instaurée l’appellation Ministère de l’Agriculture et de la forêt, les directeurs départementaux et régionaux de l’Agriculture se virent accoler le F. Du temps de Rocard la maison fut doté d’un Secrétaire d’Etat, René Souchon, qui s’occupait spécifiquement du dossier forestier avec pour Conseiller Technique, un charentais maritime Bons Bois – producteur de Cognac et de Pineau donc – Le grand Morin, Georges de son prénom, qui, hormis son érudition pharaonique, se trouvait être un des meilleurs connaisseurs de la forêt et de l’Industrie du bois. Comme en ce temps-là je tirais quelques volutes de fumée, le grand Morin, en bon paysan charentais qu’il était, venait me taxer pour sa consommation personnelle et en profitait, jamais avare de mots, pour me dégrossir sur le dossier bois et pâte à papier. Il faut dire qu’il y avait de gros dossiers du type la Chapelle d’Arblay. Bref, je pris alors conscience de l’importance de ce secteur mais, alors que le Grand Georges bichonnait son Cognac dans des tonneaux, jamais nous n’abordâmes le sujet. Et pourtant, avant d’être le corps du tonneau la douelle est merrain et celui est grume de bois de chêne, le chêne rouvre, le meilleur pour les merrains, et le chêne pédonculé plus prisé pour l’élevage du Cognac et de l’Armagnac.

 

Le chêne français donc, en provenance surtout des forêts domaniales, notamment celles du Centre, de la Bourgogne et de l’Est gérées par l’ONF aux noms qui sonnent tel des AOC aux oreilles de tous les spécialistes : Bertranges, Cîteaux, Darney, Tronçais, Jupilles, Bitche, Saint Palais... Combat titanesque du chêne français contre l’ogre américain mais, orgueil national sauf lorsqu’en 1999, le big tonnelier américain : Independant State Company (ISC) organisa un symposium à Saint Louis Missouri, et qu’un aréopage d’œnologues venus du monde entier, après une dégustation à l’aveugle, plaçait le chêne français en tête. Voilà donc resitué la démarche de mes futures chroniques : toujours au plus près du terroir, des hommes, des futaies, soit  une forme de promenade dans les plis de la France, loin du bruit, de la fureur, de l’agitation du paraître des évènements du vin.

 

À bientôt donc sur mes lignes...

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17 février 2011 4 17 /02 /février /2011 00:09

 

esEntre Jean Pinchon, hobereau normand catholique, issu de l’Agro, nommé par la volonté de Rocard Ministre de l’Agriculture Président de l’INAO, et Jean-Baptiste Doumeng le petit gars de Noé pourvu de son Certificat d’études primaires, membre du PC, ami de Gorbatchev, le « milliardaire rouge », il existait une connivence profonde et sincère dont je puis témoigner. Hommes d’influence, de réseaux, leurs bureaux mitoyens de l’avenue de la Grande Armée, le premier chez Louis Dreyfus, le second chez lui à Interagra, un bon coup de fourchette, un sens du théâtre plus poussé chez Doumeng, un goût immodéré du discours, du verbe, mais surtout un attachement viscéral à leurs origines : normandes à Épaignes avec son troupeau de Charollaises pour Pinchon, Noé pour Jean-Baptiste qui lorsqu’il était à Moscou pour affaires bravait « les interminables attentes téléphoniques pour s’enquérir près de Denise (son épouse) de l’état du ciel à Noé, lui donner des conseils pour les travaux des champs, ou le signal des vendanges ». Ces deux forces de la nature, vrais poids lourds, grands habitués des antichambres ministérielles, amis des puissants de ce monde, bien plus que les poids plumes actuels, qui font du terroir un argument de marketing politique, eux avaient de la glaise aux bottes, tiraient de ce lien viscéral une réelle aura sans pour autant en jouer pour disqualifier leurs interlocuteurs aux Richelieu bien lustrée...

dsc00382.jpg Jean Pinchon (à g.) le 6 juin 2007, remettant les insignes de Commandeur de la Légion d'Honneur à Marcel Bruel le protégé de JB Doumeng

 

Aux éditions de l’Harmattan le livre posthume « Mémoires d’un paysan » de Jean Pinchon avec une préface d’Edgar Pisani vient d’être publié : j’en parlerai dans une prochaine chronique. De même pour Jean Doumeng je retracerai le parcours de ce personnage aux multiples facettes qui pouvait déjeuner avec Althusser, répondre à des interviewes dans Lui ou bombarder d’œufs le conseil d’administration du Crédit Agricole de son département. Affaires à suivre absolument, mais pour l’heure place aux deux Jean. Comme l’aurait dit mon père comme un poisson rouge barbotant dans l’eau bénite...

 

« Au cours de ces années soixante, Jean Pinchon, qui gravitait dans la haute finance et les cabinets ministériels, retrouva, chez des amis communs, le Satan paysan des lendemains de la Libération. Naquit entre eux une sympathie spontanée, qui alla s’approfondissant jusqu’à l’affection. Et leurs conversations évoluaient volontiers sur fond mystique, croire et prier.

« Ta foi ignore le pardon, accusait Pinchon.

- Je me pardonne moi-même, répliquait Doumeng.

- Il vous manque, à vous communistes, de ne pas savoir tomber à genoux, de mépriser l’humilité.

- Parce qu’elle se confond souvent avec l’humiliation. »

L’un évoquait la mort de sa mère, l’autre le décès de son père, et rien ne les opposaient en générosité ni en loyauté. Ils communiaient sur le poids et le prix de la parole donnée. Il lui arrivait d’affabuler, convient Pinchon, mais ça le stabilisait, et l’intelligence faisait tout passer.

Les unissait, surtout, dans les miasmes du parisianisme le même atavisme paysan : « Un cul de vache nous fait bander... »

L’Europe se mettait alors irrésistiblement en place, avec l’application, par le général de Gaulle, de ce Marché Commun contre lequel Jean (Doumeng) n’avait cessé de batailler. Il réagissait d’abord, et comme toujours, en paysan. Il voyait, dans la CEE, la condamnation à brève échéance des petites exploitations familiales, impuissantes, avec une compétition impitoyable, à contenir la pression des grandes concentrations de production. Il pressentait aussi la domination industrielle de l’Allemagne, et son inéluctable réunification. En fait, il combattait moins l’Europe en soi, que la façon dont elle se mettait en place, avec des abandons de souveraineté qui le chagrinaient. Son hostilité découlait d’un concept fondamental, le devoir patriotique du paysan, charnellement et sentimentalement jaloux de sa terre. Il croyait ainsi en l’efficacité des vastes échanges coopératifs, plutôt qu’aux vertus d’un marché unique destiné, selon lui, à favoriser le grand capitalisme international. Il n’abdiqua jamais en ce domaine, dénonçant, jusqu’à son dernier souffle, « les absurdités d’une politique agricole commune qui conduisait au gel des terres. ». Et il s’insurgeait au spectacle « de paysans de cinquante ans, en pleine force, préférant une rente de deux mille francs par hectare pour n’y rien produire au risque de perdre de l’argent en travaillant. » Il s’agissait, à ses yeux, d’une désertion impardonnable, et il jugeait scandaleux de voir l’Europe, aux possibilités de production exceptionnelles, limiter ses rendements quand le quart de l’humanité crevait plus ou moins de faim. Il s’indignait d’entendre parler d’excédents au lieu de disponibilités exportables. À ceux qui l’accusaient alors de prêcher pour ses intérêts sur le marché agro-alimentaire international, il rétorquait, avec une superbe qui se justifiait : « Sachez que ce qui est bon pour Doumeng, l’est aussi pour la France. » L’actuel malaise du monde paysan qui s’interroge de plus en plus sur sa survie donne sa pleine valeur à ce donquichottisme rural visionnaire – trop souvent ridiculisé par les passions partisanes (...) »

 

1992 « Jean-Baptiste Doumeng » Le grand absent chez Milan par René Mauries

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16 février 2011 3 16 /02 /février /2011 08:03
  • Bonjour monsieur Berthomeau,

     

    Merci de mettre l’AOC Maury sous les feux de la rampe.

    Quel est le rôle d’un syndicat ? avec maintenant un statut d’ODG (organisme de défense et de gestion !!!), et un nouveau cahier des charges : c’est donner au consommateur la garantie, que sous la dénomination MAURY, il trouvera un vin correspondant aux exigences de qualités que ce sont fixées les producteurs.

    Une vinification dans l’aire stricte : non ! puisque des vinifications existantes en dehors de l’aire ont conduit à définir une aire de proximité immédiate (aire délimitée + 2 communes), qui n’a fait que reconnaître des antécédents.

    Alors pour répondre aux interrogations, il faudrait les étendre et jusqu’où ? quelles seraient les nouvelles limites, car je suppose qu’il y aurait des limites quand même !: Le département ?, la région ? le sud de la France ?

    Restons raisonnables, et parlons qualité, car il ne faudrait pas perdre de vue que si l’on dit ce que l’on fait et que l’on fait ce que l’on dit, le but ultime c’est de proposer au consommateur un Maury correspondant aux critères définis, avec une qualité irréprochable (j’ai bien dit but ultime)

    Est-ce que des raisins qui vont se « trimbaler sur 20,30 ou 40 klm sont susceptibles d’être transformés dans les meilleures conditions, et d’offrir toutes les qualités organoleptiques du Maury.

    Les plus grandes libertés ont besoin de règles, sinon il faut s’en remettre aux « bonnes intentions ».

    Les propos de René Renoux « dit ce que tu fais et fait ce que tu dis » il les a prononcés lorsque président de l’INAO, face à une dérive constatée depuis des décennies (grâce aux bonnes intentions), le sigle AOC n’était plus crédible, il entreprit de réformer le système … La réforme de l’agrément est arrivée avec son cortège de nouveautés et enfin le soin laissé à chaque AOC de décider l’aire de vinification.

    Les vignerons de Maury ne peuvent surtout pas être suspectés d’ostracisme, de 15 producteurs en caves particulières et 1 cave coopérative en 2001, il y a aujourd’hui 40 caves particulières et 3 caves coopératives, et qui plus est avec des « étrangers !! » (Belge, Suisse, Américain, Champenoise, Parisienne, Saintémilionais, Bordelais, etc …)

    La cave coopérative de Maury a ouvert ses portes en permettant à des vignerons indépendants de vinifier dans ses murs, avec leur cuve et leur matériel, à l’heure actuelle ils sont 6).

    Il n’y a pas « des historiques et des entrants », il n’y a que des vignerons amoureux du terroir et de ses saveurs comme disait « Colette »

    La question avait été posée en son temps au syndicat par le conseil municipal de Maury, devant l’intérêt que des investisseurs portaient sur le vignoble, la réponse avait été catégorique par un oui franc et massif et depuis, une bonne entente générale règne parmi l’ensemble des vignerons.

    Lorsque un vignoble suscite un intérêt dans une petite commune, et que le foncier existant n’offre pas toutes les perspectives d’installations, que faut-il faire, sinon préserver la qualité.

    Alors on peut toujours dire qu’il y a un mauvais à l’intérieur de l’aire et un excellent à l’extérieur !!

    Mais entre 2 maux il faut choisir le moindre, et le syndicat a choisi, et pour paraphraser Jean Gabin  dans l’excellent film « le président » : “ Il existe  des poissons volants, mais ce n’est pas la majorité du genre”.

    Aujourd’hui à Maury, une personne peut vinifier du Maury VDN et du Maury sec à partir de septembre 2011.

    Chaque année de nouveaux vignerons arrivent sur ce terroir de Maury, ils sont les bienvenus, toutes les possibilités leurs sont offertes, mais ils n’iront pas à Petaoutschnock vinifier.

     

    PS : les 100 ans de la cave étaient une fête réussie, réunissant les coopérateurs, les vignerons indépendants invités et les amis. Ça aurait été presque un anniversaire pour vous car la dernière fois que l’on s’est vu à Maury c’était il y a environ 10 ans (janvier 2001).

    Paul Armingaud vous réitère son invitation et pourquoi pas le 29 mai 2011 pour “les Amorioles”, la balade gourmande sur les schistes de Maury. C’est une double invitation car je m’y associe bien sur.

     

    Bien amicalement,

    Bernard Rouby

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16 février 2011 3 16 /02 /février /2011 00:09

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« L’acidité est mon pays gustatif. Avant de faire du vin je ne savais pas la reconnaître tant elle fait partie de moi. De là où je viens, les terres sont acides, les fruits sont toujours un peu acides – même les mûres quand elles sont mûres –, l’air est iodé. Le muscadet et le gros-plant sont les premiers vins que j’ai bus, le muscadet avec le brochet au beurre blanc et les civelles, le gros-plant avec les huîtres du Croisic. Ce sont des vins, et de tous les jours, et du dimanche. Ils rincent la bouche, se mettent juste ce qu’il faut en retrait quand on mange quelque chose qui leur va bien, comme la main gauche accompagne le chant de la main droite au piano. Ils ont le goût de la mer entrant dans l’estuaire, ne craignent ni les échalotes vinaigrées du beurre blanc ni le filet de citron sur les huîtres dans les salles à manger nappées de blanc, ou sur les tables des restaurants des bords de Loire. Ils se boivent au comptoir, le matin de la solitude, le dimanche au coude à coude, dans un brouhaha de voix graves et de souffles qui recouvrent les vitres des bistrots d’une pellicule de buée, car souvent dehors il pleut. Dans mon village, il y a eu, jusqu’à mes dix ans, à peu près, 22 cafés pour 2800 habitants où l’on buvait des petits blancs, du muscadet et du gros-plant. C’est simple, à peu près une maison sur deux faisait café (on dit chez nous café plutôt que bar ou bistrot, comme on dit crayon de bois pour crayon tout court, je ne sais pas pourquoi). Au moment des vendanges, on trouvait dans les rues de Nantes, à côté de dames vendant dans des caisses en polystyrène des sardines de la Turballe ou de Saint-Gilles, du bourru conditionné dans des bouteilles en plastique. Lui aussi était acide. Maintenant, je sais que l’acidité est mon pilote. »

Catherine Bernard vigneronne à Saint-Drézéry link vient de publier aux éditions du Rouergue www.lerouerge.com un livre « Dans les Vignes » Chroniques d’une reconversion.  L’extrait ci-dessus ne doit rien au hasard car Catherine Bernard est née juste au-dessus de ma Vendée crottée. Nous avons un patrimoine gustatif commun, l’acidité est aussi chez moi un marqueur : croquer des feuilles d’oseille dans le jardin du pépé Louis c’était l’extase ! De plus, étant né à la Mothe-Achard célèbre pour sa foire mensuelle aux bestiaux et ses marchés hebdomadaires : cochons, volailles, beurre&œufs mais pas fromages, les « cafés » pour les 1200 habitants avoisinaient la centaine. Au retour de la foire, après une station à la maison du Bourg-Pailler pour régler mon père ou licher un autre verre, c’était souvent le cheval qui ramenait les hommes à la maison. Bref, l’histoire de la nouvelle vie de Catherine Bernard qui, après sa formation au CFPPA pour préparer un BPA viticulture-œnologie, est maintenant dans les vignes et dans son chai, vaut la peine d’être lue.

 

Deux autres extraits :

 

« Il me semble que ma vie entière n’y suffira pas. Au mieux, au plus, je vendangerai quinze, vingt, trente fois, tandis que j’ai écrit des articles par centaines, peut-être par milliers, que les médecins rédigent des ordonnances par centaines de milliers, que les boulangers pétrissent des baguettes par millions. À y regarder de près, une vie de vigneron se résume à peu de vins. Ni l’avion, ni Internet, ni le téléphone ne peuvent raccourcir la distance qui sépare un millésime d’un autre. Le temps se défie du temps, fait des pieds de nez à l’obsolescence. »

 

« Le raisin ne peut pas se transformer en bon vin s’il est ramassé dans l’indifférence de l’autre. Le vin est ce breuvage particulier qui naît de la solitude de la terre, grandit dans un tête à tête, et s’épanouit partagé, produit de l’imaginaire, du symbolique et de la réalité, formant un tout inextricable. C’est aux vendanges, plus qu’à aucune étape du processus, que l’imaginaire percute la réalité. »

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15 février 2011 2 15 /02 /février /2011 00:09

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Cher Bernard Rouby,

 

En des temps difficiles, alors que je venais de débarquer à Perpignan dans la touffeur du mois août pour démêler les nœuds que la confrérie des VDN avaient su embrouiller avec une certaine facilité, médiateur donc, je vous ai reçu avec une petite poignée de vos amis. Vous étiez minoritaires, peu écoutés de la nomenklatura locale. En vous rappelant cela loin de moi de faire de vous mon obligé, comme vous le savez ce n’est pas le style de la maison.

 

Et puis, alors que je faisais un peu partie du paysage de votre beau département, une fin de journée je suis monté à Maury accompagné d’un natif du lieu : Jean-Pierre Borie, alors président de l’Interprofession des vins secs, pour sur l’invitation d’un groupe qui souhaitait se libérer du joug d’un petit potentat local faire le travail. C’était dans la grande salle communale, un vendredi soir je pense, il y avait beaucoup de monde. Je crois avoir ce soir-là mouillé le maillot. Paul Armengaud s’en souvient sans doute. Là encore je ne suis pas en train d’accumuler du crédit à l’endroit des vignerons de Maury.

 

Cependant, chers amis, si vous me permettez cette appellation, le mieux est souvent l’ennemi du bien : avec les meilleures intentions du monde il arrive parfois d’écraser des gens qui n’en peuvent mais. Bien évidemment, loin de moi l’intention de m’immiscer dans les affaires de l’ODG de Maury pour une histoire bien française consistant à se barricader dans son aire. Les erreurs du passé ne justifient pas forcément ce repli sans nuance sur soi-même. Ce n’est là que mon opinion mais j’en appelle au bon sens vigneron pour que l’esprit des origines des AOC retrouve de la vigueur et de la réalité. Vos pères n’auraient jamais édictés des règles aussi peu soucieuses de la vie en commun.

 

Vinifier dans l’aire ça apporte quelle garantie à nous les buveurs ? J’ose l’écrire : aucune ! Les raisins peuvent voyager dans tous les sens avec des allers-simples. Je n’écris pas que c’est le cas à Maury. L’important c’est l’esprit de ces affreux cahiers des charges et non leur lettre gravée dans le béton qui compte. J’en appelle vraiment à un sursaut salvateur pour éviter de vous enferrer dans des règles rigides qui recouvriront aussi des flux de vins qui seront commercialisés par d’autres que vous. Bref, ne me dites pas que vous ne pouvez pas faire autrement c’est ce que vos « opposants » vous rétorquaient en d’autres temps.

 

Bien sûr, Paul Armengaud pourrait m’en vouloir un peu de ne pas être descendu pour la fête de la cave de Maury. Je le lui concède mais ma petite entreprise individuelle consomme beaucoup de mon temps et je me dois de reposer de temps en temps ma carcasse. Mais, comme le disait je ne sais plus qui, je reviendrai, oui je reviendrai à Maury ! Et même que je suis prêt à y revenir pour, autour d’un casse-croute convivial, faire un remake du médiateur (merci de ne pas prononcer Médiator) J’en profiterai pour honorer une vieille promesse faites à Marie et Jean-Roger Calvet d’aller leur rendre visite (Marie était présente je crois le fameux soir de la destitution du « conducator »)

 

J’ai totalement conscience, cher Bernard Rouby, de m’occuper de ce qui ne me regarde pas mais si je le fais c’est qu’à Maury je crois compter quelques amis qui connaissent bien mon franc-parler et ils pourront, sans aucun problème, me renvoyer dans mes 22 mètres afin que je m’occupasse de mes fesses. Je suis ainsi fait et nul ne me changera : je reste persuadé qu’entre gens de bonne composition il est facile de trouver des solutions aux problèmes les plus difficiles.

 

Je m’en tiens-là, cher Bernard Rouby, en ajoutant que les kilomètres de nos pères ne sont plus ceux de nos enfants et que les lignes Maginot ou autres réduits imprenables ne sont plus de saison. À mon humble avis il suffit pour assurer le consommateur de l’authenticité, de l’origine, d’un vin, de s’en tenir à la règle originelle des AOC « écrire ce que l’on fait, et faire ce que l’on a écrit... » Le passé a largement démontré, malheureusement, que sous des écrits vertueux se nichaient des pratiques moins avouables. Cette remarque est d’ordre général à l’attention de notre beau pays qui n’aime rien temps que donner la leçon à la terre entière, et non à Maury spécifiquement.

 

Au plaisir de vous revoir tous à Maury, en attendant ce jour je vous assure, cher Bernard Rouby, de mon meilleur souvenir et de ma réelle amitié.

 

Jacques Berthomeau médiateur un jour médiateur toujours

 

PS. La photo de Bernard Rouby a été prise lors de la visite du Préfet chez mes amis les Piquemal que j'embrasse. Si je vais à Maury je passerai forcément à Espira-de-l'Agly les voir. Je connais le chemin.

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14 février 2011 1 14 /02 /février /2011 00:09

1-e2-80-a2Plaque-__.jpg« Vas voir Bizeul !» me conseilla ma « taupe rose » au sein du CIDVN. Ma mission de médiateur patinait dans les délices des vieilles rancœurs catalanes et je cherchais à étayer mes arguments pour que cette belle région sorte de son « tout vin doux ». Rendez-vous pris avec Hervé Bizeul, en fin de journée, au volant de la poubelle Peugeot mise à ma disposition par le Conseil Général, je montais à Vingrau. Dieu que cette région est belle ! Dans la pénombre de sa maison de village nous avons échangé longuement et moi, l’homme du verbe, j’engrangeai son expérience d’homme qui fait. Même si Hervé, face à mon pedigree d’ancien membre de cabinet ministériel en mission, gardait ses distances je crois qu’il apprécia le fait qu’un « commis de l’Etat » prenne la peine de venir traîner ses godasses chez un néo-vigneron. Bref comme je ne suis pas là pour raconter ma vie mais pour, non pas présenter Hervé Bizeul, mais pour vous dire, chers lecteurs, que nos joutes sur mon espace de liberté, vives parfois, sont le reflet de nos deux personnalités : nous sommes des jouteurs. Nous aimons le débat, la contreverse, le parler franc. Nous ne sommes guère complaisants. Nous sommes des bloggeurs de la préhistoire de la blogosphère et j’attendais, en vieux renard que je suis, la bonne occasion pour tendre à Hervé mes 3 Questions. Son dernier billet : « Mon souci : que le vigneron gagne de l’argent » link étant du meilleur tonneau je me suis rué sur mon clavier et, en moins de temps qu’un Ministre met à justifier l’injustifiable, l’affaire était dans le sac. Merci Hervé le roi des smiley. Dernier point : le hasard étant mon meilleur pourvoyeur de sujet demain je mettrai encore mes gros sabots dans les PO.  

Herv%c3%a9+Biz1ière Question :

En commentaire à une de mes chroniques sur les viticulteurs en difficultés tu as écrit « Et si parfois le vigneron à qui l’on demande à lui tout seul, cas unique dans l’économie mondiale, d’extraire le métal, de le raffiner, de dessiner la casserole, d’aller la vendre dans le monde entier, et en plus, d’aller dans l’épicerie convaincre, au bout d’un moment, se disait simplement c’est trop dur, c’est trop compliqué, et en plus, on ne construit rien au moindre relâchement je vais tout perdre ? » Le métier vigneron indépendant, l’artisan commerçant du vin, est-il si mal en point ? Ne souffre-t-il pas de son isolement, de l’absence de liens entre ceux qui font le même métier que toi ? Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées disait-on dans ma Vendée crottée !

 

Hervé Bizeul :

Lorsque je me retourne, le vendredi soir, sur une de mes semaines, je suis souvent stupéfait de tous les métiers que j’ai été amené à faire pendant cinq jours. La liste des compétences demandées est vraiment très longue, le nombre de choix stupéfiant. Disons que depuis quinze ans la liste s’est encore allongée et les compétences exigées pour piloter une petite exploitation viticole orientée vers l’excellence sont de plus en plus nombreuses et complexes, très loin du métier original de simple « vigneron».

Certains métiers nous sont imposés, d’autres sont la conséquence des choix de chacun au niveau « surfaces » et « marchés ». Si maitriser par exemple l’informatique est dicté par le sens de l’histoire, tenter de faire exister un grand vin et d’aller à la rencontre des connaisseurs du monde entier, ça, c’est un choix personnel. Mais pour une TPE dans le vin, n’est ce pas un peu le seul possible, en dehors des régions touristiques ou les clients de passage viennent à vous ? Je me pose souvent la question : aurais-je eu d’autres choix, surtout quand je vois mon planning des prochains mois : Suisse, Paris, quatre voyages aux USA, Vinexpo, Nîmes et au milieu de tout ça des centaines de tâches qui m’éloignent de la vigne, jusqu’au vendanges, où là, il est à mon sens impossible de déléguer.

De toute façon, est-il encore possible de rester « petit » et de tout faire sois même ? Sur un vignoble familial, dans une AOP prestigieuses, peut-être, et encore. Peut-être en déléguant sa commercialisation à d’autres, ce qui veut dire aussi perdre la majeure partie de la valeur ajoutée que l’on crée, dans la situation actuelle et sur des AOP comme la notre, où le cours du vrac est dérisoire.

L’évolution de la société conduit les vignerons à avoir une « taille critique » et donc à déléguer, à passer de travailleur indépendant à artisan voire à chef d’entreprise, s’ils veulent maitriser un peu leur métier et vivre décemment. Vivre décemment, ce n’est pas mener grand train, c’est avoir un peu de sérénité financière, pouvoir travailler proprement, dans les règles de l’art, résister à coup dur. Certains n’en auront pas les compétences, d’autres ne le veulent pas. Ce n’est pas leur choix de vie. Jeune sommelier, je me souviens avoir entendu en Bourgogne un vigneron dire qu’un vigneron serein avait une récolte sur pied, une récolte en cave, une récolte à vendre et une récolte à la banque. Je me rends compte de tout le bon sens de cette maxime. Combien d’années faut il travailler pour y arriver, lorsqu’on part de rien ? Alors, cette absence de sécurité, il faut savoir vivre avec, dormir sans angoisse, vivre au quotidien avec cette tension. Je crois que c’est la principale qualité à avoir si on veut faire ce métier. Une perception terrible de l’impermanence de notre métier, la force de vivre avec et d’être heureux de le faire.

Du coup, je réponds à la dernière partie de ta question : muni de toutes ces qualités, de ces forces, de ces compétences, les vignerons sont formatés pour être des solitaires, ont souvent d’étranges pudeurs à communiquer entre eux, à échanger. Pourtant, c’est très positif. J’essaie de monter des sortes de « groupes de paroles », entre vignerons autour de moi ou d’autres régions. En ce rendant compte qu’on a les mêmes problèmes, que certaines solutions sont applicables chez nous, on s’enrichit beaucoup. Mais les actions en commun sont difficiles, chacun est presque formaté à vivre ses difficultés, seul. Parce que pour travailler à la vigne, il faut non pas surmonter la solitude, mais l’aimer.

 

2ième Question : Dans ton dernier billet où tu t’adresses au Ministre de l’Agriculture à la suite de son déplacement dans le South of France où il affirme souhaiter que le vigneron gagne de l’argent et appelle de ses vœux une Interprofession unique tu écris

« Certains matins, je me demande si certains croient encore à un tel langage creux, à une telle langue de bois, à un discours qui ne prouve qu'une chose : que notre ministre de tutelle ne connait rien décidément rien à notre métier d'aujourd'hui, n'y comprend rien, ne connait ni ne voit aucun de nos problèmes ni aucune de nos solutions. Et que sa seule réponse, c'est une centralisation aveugle, loin, si loin, de nos terroirs minuscules et précieux. Loin, bien loin de notre quotidien. Bref, qu'il est mal conseillé, mal informé. Il veut "moins d'échelons". Mais il ne sait pas que le bureau du directeur du CIVR est ouvert, qu'il suffit d'y taper pour y être écouté. Qu'en sera-t-il demain ? J'ai peur de l'imaginer... »

Entre une armée mexicaine avec des coûts de structures pharaoniques et le kolkhoze n’y-a-t il pas imaginer autre chose qui soit plus en phase avec la taille des entreprises ? Par exemple une plate-forme unique de services communs avec au-dessous une grappe d’entités voulues et gérées en fonction des métiers ?

 

Hervé Bizeul

Je n’ai pas d’avis sur les « coûts ». Je ne m’en préoccupe jamais, en fait. Si cela est cher mais très efficace, je suis bien sûr pour. C’est le fameux « bon sens paysan », tu sais. En fait, c’est celui là qui manque à nos politiques. Une sorte de « vie ma vie » devrait être obligatoire pour les conseillers de ces gens là : une immersion, une semaine, avec un éleveur ou un vigneron, à ses côtés quand il travaille, quand il reçoit, quand il va chez son banquier ou qu’il doit remplir des formulaires ou sa traçabilité. Centraliser, pourquoi pas. Mais dire que cela va être plus performant et plus économique, ca me fait hurler. Ces gens-là ne savent rien de nos métiers. Comme bien des vignerons, j’exporte dans plus de 20 pays avec toute la complexité que cela représente. Imagine-t-on le boucher du coin exporter dans 20 pays ? Pendant ce temps, je lis que notre premier ministre nous dit que le déficit de la balance commerciale n’est pas une fatalité. Certes. Que fait-on pour m’aider ? On met en place quelques mesures, mais les textes d’application sont si restrictifs qu’on ne rentre pratiquement jamais dans le cadre des mesures, qui changent de plus tout le temps. Je suis en fait un grand pragmatique. Toute dépense, chez moi, doit avoir un résultat rapide, car je n’ai pas de capitaux. Alors, au lieu de voir des mesures compliquées, des « grands travaux » sabotés par des ambitions personnelles, j’aimerai une politique du quotidien, du bon sens. Quelques exemples ? Une augmentation des crédits d’impôt pour passer un Bio, au moment où on les diminue. Une véritable politique européenne au niveau des droits d’accises qui me permette d’envoyer du vin à des particuliers dans toute l’Europe, en payant automatiquement, maintenant que Gamma (le système de dématérialisation de la douane) est là. Je ne peux toujours pas. Un paiement de mes droits de circulation annualisé, forfaitaire si je le souhaite, et une liberté ensuite sur les capsules (une gestion démente). Une exonération de l’impôt sur les sociétés sur les premiers 50 000 euros de bénéfices, à condition qu’ils soient absorbés par une augmentation de capital, ce qui boosterait les capitaux propres des PME, chose vitale dans notre filière. Un vrai site internet, joyeux, pédagogique et ludique, qui expliquerait en vingt langues le vin français au monde. Des primes à la plantation mais avec levée des cautions à la quatrième feuille, pour éviter les abus, courant aujourd’hui.  Un crédit d’impôt sur mes dépenses export, plus souple, plafonné mais avec une véritable durée dans le temps, pour construire de vrais partenariats à l’export. Un site internet en .gouv.fr, dédié à mon métier, avec le récapitulatif de toutes mes obligations : rien n’est marqué nulle part, je passe un temps hallucinant à chercher ce que la Loi m’impose de faire et ai en permanence l’impression d’être dans l’illégalité. La mise en avant de nouveaux grands vins dans la vie politique, sans que cela ne coûte rien à l’état : les vignerons pourraient offrir les vins  (on en offre tant…), ces vins pourraient être mis en avant, dans une visite officielle, dans une réception officielle et le menu rendu public : ca n’est rien, mais, même si bien sûr on comprend la Loi Evin, je crois qu’on en a un peu tous marre d’être considéré comme des dealers. On parle plus facilement de sex toys que de vin. Drôle de monde. Je profite de l’occasion pour dire au Ministre que je suis prêt à faire un geste d’une caisse de petite Sibérie pour offrir au président Russe à sa prochaine visite . Emmener quelques vignerons en visite présidentielle, avec leurs quilles, ce ne serait pas idiot non plus, je pense, et très rentable pour la balance commerciale. En plus, dans l’avion, on donnerait des idées aux collaborateurs du ministre  Bon, voilà, des idées pour une « politique du quotidien », j’en ai plein mon tiroir et je ne suis pas le seul… Mais sur les grand bla-bla-bli, là, je suis plutôt critique.

 

3ième Question : Maintenant Hervé parlons peu – c’est à moi que je m’adresse – mais parlons vin. Le Clos des Fées, ses vignes, ses vins, ses projets... Dis-nous tout !

 

Hervé Bizeul

Le Clos des Fées a quinze ans, c’est un adolescent radieux. Il est aimé de ses clients, ses parents s’en occupent bien et le bichonne. Il souffre un peu des conditions climatiques, extrême ici depuis cinq ans, limite désertique, qui donnent des rendements vraiment très bas. Mais bon, à vouloir maintenir en vie des très très vieilles vignes. Mais de ces petits rendements, de ce patrimoine génétique diversifié naissent des vins d’émotions. Alors, on l’accepte et on est fier. Et on changerait d’endroit pour rien au monde.

Comme je l’ai dit plus haut, on a bien une récolte sur pied, deux en caves parce qu’on a choisi d’élever longtemps et une à la vente. Mais à la banque, on a plutôt une récolte de découvert . Et on se prend pour un grand cru au niveau de la culture. Mais bon, on cherche à faire en quinze ans ce que d’autres ont fait en trois générations, alors, c’est normal que ça tire un peu de temps en temps. Il faut l’accepter. Nos banquiers sont des partenaires essentiels, et depuis le début, ils jouent le jeu. Nous avons su créer une qualité, une image, réussis à faire accepter un prix de vente important, corrélé à une vrai valeur du vin. Pour y arriver, beaucoup de travail mais aussi et surtout beaucoup de chance et une bonne étoile, depuis le début. On l’a d’ailleurs mis sur l’étiquette

Le projet Walden bricole modestement, sans doute un peu en avance sur son temps, mais ça fonctionne. Les meilleures idées du monde, les plus nobles, se fracassent parfois sur des récifs improbables, d’une crise de l’immobilier US, en guerres des monnaies en passant sur le manque de capitaux propres. Mais on ne baisse pas les bras.

Sur notre tentative de sauvetage de la plus grande oliveraie de France (et sans doute la plus belle), le Mas de la Chique, là, nos banquiers ont dit stop, sans doute parce qu’ils nous aiment bien. La vigne et l’olive font bon ménage, le vin est bon et se vend bien, mais là encore, sans capitaux, dans cette industrie lourde qu’est la vigne, il est très complexe de se développer. La propriété est remis en état, nous sommes très fiers de l’avoir sauvé de la jardinerie et de l’arrachage et n’avons pas de regrets. Elle est à nouveau à la vente, rentable, l’acheteur choisira de travailler avec nous ou pas. On étudie aussi l’ouverture du capital à des investisseurs, sur un modèle « boursier » que nous a proposé un client, modèle développé en Suède et qui arrive en France (http://www.alternativa.fr/). Nos clients pourraient être intéressé, défiscaliser, garder un forme de liquidité à leur investissement, se balader sous « leurs » oliviers :-) Pourquoi pas. Nous serions alors encore novateurs. Est-ce que j’ai parlé, de la créativité, dans le métier du vigneron d’aujourd’hui ? Parce que c’est essentiel…

Une autre fois ?

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13 février 2011 7 13 /02 /février /2011 02:00

À la sortie de l’entrevue avec Deferre, pendant que Francesca et Marie-Charlotte prenaient le thé dans le jardin, l’ambassadeur m’entraînait dans son bureau. Il me fit l’honneur de sa cave à cigares en me conseillant un Gran Corona de chez Cohiba à la cape Colorado Maduro « croyez-moi c’est le meilleur équilibre entre le module et la longueur pour une cape bien maturée... » Je le laissais me le préparer ce qui me permit d’admirer sa science de la mise en température du cigare. Charles-Enguerrand de Tanguy du Coët ne tourna pas autour du pot, tout de go, en pompant avec précaution son module pour lui éviter la surchauffe, il me déclarait « cher ami, j’ai un service à vous demander... » Jouant de mon inexpérience je fis celui qui peinait à trouver la bonne cadence ce qui me permis de ne pas répondre immédiatement. Ce stratagème, qui n’échappait pas à la sagacité du diplomate, ne lui coupait nullement son effet, il embrayait sur Fidel Castro citant Carlos Fuentes, jusqu’ici sympathisant de la Révolution cubaine, qui pour décrire la retombée des ferveurs procubaines parlait d’un « passage sans transition de l’euphorie juvénile à la sclérose sénile ». Lente soviétisation du régime, sortie manquée du « Che », échec des guérillas extérieures, pré-faillite du secteur agricole rendant Cuba plus encore dépendant des aides de l’URSS. L’irruption de la realpolitik : en 1968 l’approbation de l’intervention des troupes du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie, l’absence de réaction face à la répression sanglante des mouvements étudiants mexicains du fait que ce pays n’avait pas rompu ses relations avec Cuba, douchait l’ardeur du soutien des intellectuels de gauche. Pire encore, en 1971, le poète Heberto Padilla pour son recueil de poèmes, qui avait pourtant obtenu le prix l’Unión de Escritores y Artistas de Cuba, devait dans un procès faire son autocritique dans le plus pur style stalinien. Même Sartre, Sontag et Garcia Marquez renâclaient.

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Charles-Enguerrand, toujours aussi mesuré dans l’activation de son cigare enchaînait sans se soucier de mes difficultés personnelles face à mon module chaud bouillant « Castro est venu ici prendre un bain de jouvence auprès de la population chilienne en multipliant les visites dans les usines, mines, universités… Et il y réussit très bien puisqu’aux quatre coins du pays il soulève une immense ferveur populaire. Le Quai s’inquiète et me demande une analyse fine de la situation. La crainte ou l’espoir d’un glissement vers une voie cubaine du « socialisme dans la liberté » d’Allende, qui exaspérerait plus encore Nixon et Kissinger, intéressait au plus haut point le Président Pompidou. Les têtes pensantes de la Piscine, toujours alarmistes, mettaient en avant, pour étayer leur thèse de « castrisation », la présence dans la Garde rapprochée du bon Docteur de Cubains, dont les terribles frères La Guardia et Arnaldo Ochoa. » Peu amateur de la tambouille du renseignement, notre ambassadeur ne partageait pas ce point de vue, pour lui Allende comme toujours louvoyait en vieux renard de la politique. Il citait un connaisseur Régis Debray qui, dans ses Entretiens avec Allende, le décrivait comme un « tacticien éprouvé, pragmatique, intuitif, aux louvoiements matois ». Le journaliste Jean Rous, dans Combat du 25 août, décrivait la méthode Allende comme « l’alternance d’un coup de marteau et d’un kilo de vaseline ». Marxiste et franc-maçon, fier de cette double étiquette, « Allende le rouge » assumait avec bonhommie son éclectisme idéologique et son double langage. Ses discours légalistes ne l’empêchaient pas de peupler l’appareil gouvernemental des extrémistes du MIR. L'ex-guérilléro Debray ne s’y trompait pas c’était « le sucré-salé, le dulce de leche après la bourriche d’huîtres et d’oursins. » Charles-Enguerrand me soutenait qu’Allende attisait le « foco », le foyer révolutionnaire comme arme contre le Parti Communiste. « Il n’empêche, ajoutait-il en souriant, qu’Allende affrontait la quadrature du cercle et que ça ne durerait pas : l’Armée, toute légaliste qu’elle fut, ferait le ménage pour faire cesser la gangrène marxiste. »

 

« Ce séjour prolongé n’arrange vraiment pas les choses... » soupirait-il en maintenant avec aisance le cylindre de cendres à l’extrémité de son cigare.  Fidel Castro devait prononcer un discours le 18 novembre 1971 devant les étudiants de Concepción, « pourriez-vous y aller puis me rédiger une note de synthèse que je transmettrai au Quai ? » Bien évidemment, le rendre plus encore débiteur à mon endroit m’allait bien. J’acceptais en y mettant une seule condition : que Francesca ne m’accompagne pas car les sbires de son époux trufferaient l’amphithéâtre et ils pourraient la repérer. Charles-Enguerrand en convint et m’assura que sa chère Marie-Amélie saurait occuper ma belle amie. Le chauffeur de l’ambassadeur, le jour dit, me conduisait sur les lieux du meeting. Cela faisait déjà huit jours que Fidel était présent au Chili. La salle était chaude. Ce qui me frappa surtout fut la question d’un étudiant affilié au syndicat de la jeunesse nationale universitaire lié au Parti National, farouchement opposé à l’Unité Populaire : « Pourquoi n’avez-vous pas fait d’élection comme au Chili ?» Sous-entendu, c’est ce qui nous attend. Fidel, égal à lui-même, et à ses précédentes déclarations, se dédouanait en invoquant la pression populaire « C’est lors d’un meeting monstre que nous nous sommes rendus compte à quel point le peuple s’était radicalisé ». D’où sa célèbre question « des élections ? Pour quoi faire ? » Pour lui les élections était désormais inutiles« une révolution exprimant la volonté du peuple est une élection chaque jour ! Le peuple a-t-il le temps de faire des élections ? Non ! La révolution n’a pas de temps à perdre dans de telles folies » Castro ne partira du Chili que le 2 décembre le lendemain de la « manifestation des casseroles », appuyée par les provocateurs d’un groupuscule d’extrême droite, Patrie et Liberté, qui se heurtèrent aux forces de l’ordre. Même s’il ne l’avait pas provoqué, le long séjour de Castro avait exacerbé les oppositions, creusé plus encore le fossé entre les légalistes et les partisans de la radicalisation du régime. D’ailleurs, quelques jours plus tard, le ministre de l’Intérieur, José Toha tombait victime d’une motion de censure au Parlement qui le 24 décembre votait une réforme constitutionnelle obligeant le gouvernement à faire approuver par une loi chaque nouvelle nationalisation... Ça commençait vraiment à sentir le roussi. Je n’eus aucun mal à convaincre l’Ambassadeur d’exfiltrer Francesca vers la France.

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13 février 2011 7 13 /02 /février /2011 00:09

  

J’ai découvert en avril 1997 Louise Attaque en écoutant FIP dans mon auto. Choc ! Achat de leur premier album qui se vendra à 2,5 millions d'exemplaires, « un record pour un groupe français connu ou inconnu. Cet album constitue la cinquième meilleure vente d'albums de tous les temps en France et la meilleure vente dans l'histoire du rock français. »

 

Je suis allé à leur premier concert à la Cigale : chaud bouillant !

 

Gaétan Roussel est l’âme et le chanteur de Louise Attaque.

Le nom, « Louise Attaque », fait référence à Louise Michel, anarchiste du XIXe siècle, et aux Violent Femmes, groupe de rock américain. Le leader de Violent Femmes, Gordon Gano, est leur producteur.

 

En 2001, en panne d’inspiration le groupe éclate : Gaëtan Roussel et Arnaud Samuel, le chanteur et le violoniste des Louise Attaque, fondent Tarmac. En 2007, Louise Attaque se reforme pour un troisième album mais en 2008 Gaëtan Roussel participe à l'écriture des chansons et à la production du dernier album d'Alain Bashung, Bleu pétrole, récompensé en 2009 aux victoires de la musique. Il compose la musique de deux films de Benoit Delépine et Gustave Kervern : Louise-Michel et Mammuth. Gaëtan Roussel a écrit aussi pour Rachid Taha et Vanessa Paradis.

 

En 2009, il entame une carrière solo et sort Ginger, dont le premier single Help myself (Nous ne faisons que passer) tourne en boucle sur la bande FM.

 

Gaétan Roussel pour moi une valeur sûre du rock français.

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12 février 2011 6 12 /02 /février /2011 09:00

« Je viens d’adopter un vieux...


Pensionné, je vivais seul, sans enfant ni parent. J’ai des amis, bien sûr, que je vois à l’occasion. Cela me suffit. Taciturne ? Pas du tout. Faut entendre les anciens collègues : »Toujours le premier à organiser les fêtes au bureau, une vraie dynamo. » Ou encore : « Un cœur grand comme ça ! » Bref, le candidat tout désigné pour le parrainage.


Je ne ressens pas le besoin de posséder un bateau ou une maison à la campagne. Quant à faire le tour du monde... Je partage l’opinion de cet auteur de génie qui a écrit : « Le voyage, ce petit vertige pour couillons. »


Un bonheur paisible, ici, chez moi, avec celui que j’aimerai comme mon enfant, sans avoir à l’éduquer. La voilà, ma retraite !


Il s’appelle Léo, il a quatre-vingt-dix-neuf ans. Je l’ai connu au centre d’hébergement où je visitais ma tante, les dimanches gros. Léo attendait. Il avait bon caractère. Je le sais pour l’avoir mis à l’épreuve plus d’une fois : je lui chipais ses Whippet... Il ne disait rien. Je les lui rendais et aussitôt, il m’en offrait un. »

 

L’auteur de ces premières lignes d’un tout petit opus « Mon vieux et moi » publié chez autrement 9 € est un natif d’Athabaska qui vit depuis 1960 au Québec. Un petit bijou de simplicité, d’amour et de tranquille vérité à lire absolument !


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« Les vieux oublient, s’étouffent, font répéter, voient trouble, tombent, n’en veulent plus, en veulent encore, ne dorment plus la nuit, dorment trop le jour, font des miettes, oublient de prendre leurs médicaments, nous engueulent tant qu’on serait tenté de les engueuler à notre tour, pètent sans le savoir, répondent quand on n’a rien demandé, demandent sans attendre de réponse, échappent puis répandent, ont mal, rient de moins en moins, gênent le passage, s’emmerdent, souhaitent mourir et n’y parviennent pas… »

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12 février 2011 6 12 /02 /février /2011 00:09

Le titre de ma chronique de ce matin se veut le pendant de celui du film de Cédric Klapisch « Le péril jeune » sorti sur les écrans en 1995 qui lui-même tire son titre d'une remarque d'une personne du troisième âge entrant dans une boulangerie : « C'est plein de jeunes ici, c'est le péril jeune » par référence au « péril jaune ».

 

« Les personnes âgées ont existé depuis l’aube de l’humanité. Elles étaient rares et faisaient figure d’exceptions. Fait sans précédent, le nombre des personnes âgées est sous nos yeux en train de submerger le nombre des jeunes. Les problèmes politiques, économiques, moraux engendrés par ce nouvel état de la société ne possèdent aucune référence dans l’histoire. Leur acuité est réelle, leur dimension mondiale. La Chine, par exemple, va opérer en 25 ans une mutation des générations qui s’est étalé&e sur 114 ans en France. » constate Jean-Pierre Ollivier dans son livre « Demain, les vieux ! » aux éditions du CNRS.

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Il pose la question « à quel âge devient-on vieux ou vieille ? »

Il y répond clairement « en 2010 (...) certainement pas à l’âge actuel de la retraite, mais après 75 ans, quand les infirmités, même mineures, commencent à faire sentir leur présence dans le corps et l’esprit, que nous aurions volontiers conçus éternels... »

 

65, 75, 85, 95 ans : des âges dans l’âge ?

 

« Rien de plus « injuste » que la vitesse de survenue et que la gravité du vieillissement. À niveau de risque égal, rien de plus imprévisible chez un individu donné. On ne peut aborder ce sujet qu’en décrivant ce qui survient dans de grands groupes de personnes, ce qu’on appelle en statistique une « population » Il est évident aujourd’hui que beaucoup de personnes restent en forme physiquement et mentalement jusqu’au-delà de 75 ans. La dépendance progresse ensuite soit de façon soudaine, comme par exemple l’AVC, soit par accumulation de handicaps, baisse de la vue, difficulté à marcher... Se souvenir que le vieillissement est bien moindre, à âge égal, que deux générations en arrière »

 

Il y a donc des « niveaux » dans les misères de l’âge :

- «  Ce qui gâche la vie » (sceau de la vieillesse) sans maladie et ne devrait pas faire appel à des médicaments. Il s’agit d’une perte de qualité mais pas de fonctionnement : mémoire, vue/ouïe, sommeil, anxiété « sans objet », sphincters, sexe...

- La dépendance, c’est-à-dire dépendance physique (l’impossibilité d’effectuer certains actes) et dépendance domestique (l’incapacité de vivre sans aide domestique)

- Les enjeux majeurs de santé publique sont représentés par trois maladies chroniques : cardio-vasculaires, cancéreuses et neuro-végétatives. La fréquence et la gravité des maladies cardio-vasculaires et l’hypertension artérielle (à l’origine des risques cérébraux) augmentent avec les années. Les trois principaux cancers chez les sujets âgés sont le cancer du sein chez la femme ; le cancer de la prostate chez l’homme ; le cancer du colon chez les deux. »

 

Arrive bien sûr la grande question : « Chacun peut-il freiner son vieillissement ? ». Peut-on retarder l’échéance ? Encore quelques années monsieur le bourreau ! Aidez-moi à bloquer ma pendule biologique ! Donnez-moi l’élixir d’éternelle jeunesse !

 

« L’espérance, qui gonfle heureusement le cœur de chacun, explique que les recettes de longévité soient écoutées avec intérêt. Mais ces recettes, ce sont aussi souvent d’invraisemblables opinions exploitées par des personnes qui ne possèdent au mieux qu’une connaissance parcellaire de la biologie.

La vérité de l’Être côtoie la mort, ce qui n’empêche en rien de vivre heureux, et d’être habité par la joie. Ce qui est utile, c’est de ne pas se leurrer sur les recettes dénuées de preuve, pour se concentrer sur les bonnes pratiques, à la portée de tout le monde. Souvenons-nous aussi que ce n’est pas à 65 ans qu’il est urgent de changer de mode de vie, mais bien avant, la vieillesse réussie étant un investissement de toute la durée de la vie d’adulte.

Pas de centenaires fumeurs ni obèses : voilà une vérité de base. En revanche, les promesses de régénération appliquées depuis des siècles ne relèvent que de l’intérêt bien compris des promoteurs : fontaines de jouvence, crèmes « anti-âge », docteur Faust et autres, transfusions de sang d’agneau, injections de cellules embryonnaires, d’extraits testiculaires, yaourt bulgare et gelée d’abeille, ginseng, etc... »

 

Et la place du vin dans tout ça ?

 

Bien évidemment je n’ai pas de réponse au singulier comme au pluriel à cette question. De plus, ayant toujours été très réservé sur une approche, dite santé, du vin, qui n’est qu’une défense en réponse aux ayatollahs d’en face, ma chronique d’aujourd’hui n’a pas pour objet d’aborder ce versant. En revanche, cultiver la convivialité et le bien-vivre me semble du plus grand intérêt pour que le vin s’insère dans les bonnes pratiques. Mon propos est plus froidement économique : ayant dans les années 75, lors de mon arrivée à L’office des vins de table, pressenti le grand basculement des Vins de Consommation Courante dans les oubliettes de l’histoire ce qui bien sûr à amené un grand reflux de la consommation par tête : la disparition des gros buveurs n’étant pas compensée par la consommation des occasionnels.  Le « péril vieux » en France étant lié au fait que la classe abondante des baby-boomers, dont je suis, file tranquillement dans la décennie actuelle vers le cap fatidique des 75 ans et, comme c’est elle qui soutient la consommation du vin, il me semble qu’il serait de première importance d’élaborer quelques scénarii sur ce sujet afin de ne pas se retrouver face à une situation du même type.

 

« Allo, je voudrais l’INRA et FranceAgrimer ? »

- le numéro que vous avez demandé n’est plus attribué veuillez consulter l’annuaire... »

 

Affaire à suivre... Une chronique sur le même thème suit « Je viens d’adopter un vieux »

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