Vin & Cie, en bonne compagnie et en toute liberté ...
Extension du domaine du vin ...
Chaque jour, avec votre petit déjeuner, sur cet espace de liberté, une plume libre s'essaie à la pertinence et à l'impertinence pour créer ou recréer des liens entre ceux qui pensent que c'est autour de la Table où l'on partage le pain, le vin et le reste pour " un peu de douceur, de convivialité, de plaisir partagé, dans ce monde de brutes ... "
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Bonne journée à tous, ceux qui ne font que passer comme ceux qui me lisent depuis l'origine de ce blog.
Au temps où je bossais à la SVF, au siège sis sur le merveilleux port de pêche de Gennevilliers, la Villageoise était embouteillée à l’usine de Châteauneuf-les-Martigues, le sourcing étant très majoritairement du rosé acheté par Franck Passy en Provence. Suite à la catastrophe du méthanol dans les vins italiensnul mélange de jus de différents pays de la communauté. Mon seul souci était la logistique puisque la consommation de ce nectar populaire grand format : 1 L 5 plastifié se situait en Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais et Bretagne, j’affrétais d’énormes semi-remorques 26 palettes.
J’avoue humblement que je n’ai jamais trempé mes lèvres dans un verre de ce nectar mais je puis vous assurer que ce n’était pas une horreur et que les consommateurs n’étaient pas des clochards. Il faut cesser de diaboliser le vin de table de cette époque, même si notre concurrent Castel, avec sa marque Castelvin, était réputé pour vendre de la bistrouille. La Villageoise était alors la 3e marque française de vin.
Bref, 30 ans sont passés, la SVF s’est fait bouffé par le père Pierre Castel :
30 septembre 2005
SVF
« Toujours pour alléger nos coûts, je me tournai vers notre premier concurrent, Pierre Castel, numéro deux des vins de table en France, pour lui proposer de partager avec nous les fonctions de back-office en créant une filiale commune qui serait chargée du stockage, de l'assemblage, de l'embouteillage et des livraisons(...) Mon idée lui plut. Un groupe de travail réunissant les directeurs des deux sociétés fut constitué. En vain ! Chacune de nos équipes s'agrippait à son pré-carré. Après avoir usé deux présidents, nous décidâmes finalement de vendre la SVF (...)
Le groupe Castel, avec cette acquisition, s’est doucement converti en direction d’une politique de marques, à l’instar du Vieux Papes, en créant Baron de Lestac pour ses bordeaux et La Roche Mazet pour ses vins Sud de France.
Bref, la vidéo qui suit, sur le mode humoristique, est intéressante, à plus d’un titre, pour mesurer l’impact d’un marketing intelligent pour transformer une marque vieillissante, un peu ringarde, avec un packaging peu écologique, en une marque adaptée à une certaine forme de consommation.
Le Beaujolais Nouveau est arrivé ! Evénement qu’il faut bien évidemment arroser en organisant une soirée de dégustation au goulot. Ivresse garantie pour les petites bourses et l’occasion pour moi de rendre hommage à une piquette qui depuis des années suscite ma curiosité : La Villageoise.
A première vue
Supermarché, rayon vin : c’est en penchant la tête bien bas que vous apercevrez une rangée de bouteilles en plastique translucide, exhibant un liquide rouge, blanc ou rose et dont l’étiquette champêtre marquera à jamais votre esprit : une femme (cette villageoise) qui porte un panier de raisins, rentre cheveux au vent des champs de vignes, par une belle journée d’été. L’esquisse a la poésie des vignobles du Languedoc, région dans laquelle ce délicieux suc est d’ailleurs mis en bouteille. Son estampille n’a pas d’égal : la pastille rouge autocollant sur la capsule vous assurera son appellation VDQN (Vin De Qualité Négligeable) de la même façon qu’une pastille verte atteste un AOC (Appellation d’Origine Contrôlée). En se penchant sur l’étiquette, on découvre qu’il s’agit non seulement d’un vin, mais en plus, qu’il vient de France. Quant à la description on aura droit à : « La Villageoise, un vin léger, fruité et gouleyant, d’une robe rubis, franche et brillante ».
On se laisse tenter ? On a le choix entre deux formats : la bouteille d’1,5 L ou le pack de six bouteilles de 25 cl à emporter partout avec soi.
Mise en bouche
A la première lampée, on retrouve effectivement une saveur de vin. Identifier les cépages serait mission impossible… On note en revanche une sorte d’aigreur au fond de la bouche et surtout, une rébellion certaine du système digestif… sauf que ce tord-boyau ne contient que 11% d’alcool. On suppose que sa fabrication est le résultat d’un mélange de divers vins français (comme l’indique la bouteille) mais les informations sur le procédé de vinification restent pour le moins mystérieuses. Le packaging plastique joue aussi en défaveur de ce breuvage, étant donné que la capsule n’est pas hermétique comme peut l’être le bouchon en liège. En outre, il a été prouvé que le plastique était ce qu’il y avait de plus mauvais pour la conservation d’un vin rouge. Il s’oxyderait plus vite.
Ce qui fut dit fut fait. Marie était ainsi, un gros grain de folie dans un petit coeur simple. Nous débarquâmes donc, en fin de matinée chez le grand homme. C'est lui qui nous ouvrit, blouse bise ample, saroual bleu et sandales de moine. Chaleur et effusions, l'homme portait beau, un peu cabotin, la même coquetterie dans l'œil que ma Marie – c'est l'inverse bien sûr – et surtout, une voix chaude, charmeuse et envoutante. Sous la verrière de son atelier, sous un soleil au zénith, nous fîmes le tour de ses toiles récentes. Il s'était tu. J'estimai le moment venu d'avouer mon inculture crasse. Sa main se posa sur mon épaule, protectrice « Avec Marie vous faites la paire mon garçon. Chirurgienne ! Un métier de mains habiles fait par des imbéciles prétentieux. Qui puis-je ? C'est de famille. Rien que des clones en blouses blanches ! Pour eux je suis le raté. Un millionnaire par la grâce des galeristes américains, l'horreur pour ces Vichyssois refoulés ! Ha, le Maréchal il allait les protéger tous ces bons juifs, bien français... Des pleutres, de la volaille rallié sur le tard au grand coq à képi. Et ils sont allés le rechercher pour défendre l'Algérie française. Bernés ! Mais on leur sert de l'indépendance nationale alors ils baissent leur froc. Ils se croyaient bien au chaud et vous déboulez, tels des enragés. Panique dans le Triangle d'or, tous des futurs émigrés... » Le tout ponctué d'un grand rire tonitruant et de rasades de Bourbon. L'homme pouvait se permettre de railler le héros du 18 juin, résistant de la première heure, à dix-huit ans, un héros ordinaire, compagnon de route des communistes un temps malgré le pacte germano-soviétique et les vilenies de Staline en Espagne, il rompra avec eux bien avant Budapest. Marie m'avait tout raconté sur le chemin de Paris.
Pendant que je pataugeais avec Marie dans le bonheur, le 25 mai, rue de Grenelle Pompidou veut reprendre la main, être de nouveau le maître du jeu. Il joue son va-tout. L'important pour lui c'est de lâcher du lest sur les salaires pour neutraliser la CGT de Séguy. Le falot Huvelin, patron d'un CNPF aux ordres suivra en geignant. Les progressistes de la CFDT, bardés de dossiers, assistent à un marchandage de foirail. Comme un maquignon sur le marché de St Flour, baissant les paupières sous ses broussailleux sourcils, tirant sur sa cigarette, roublard, tendu vers l'immédiat, le Premier Ministre ferraille, main sur le coeur en appelle à la raison, pour lâcher en quelques heures sur tout ce qui avait été vainement demandé depuis des mois, le SMIG et l'ensemble des salaires. Le lundi, chez Renault, à Billancourt, Frachon et Séguy, se feront huer. Chez Citroën, Berliet, à Rodhiaceta, à Sud-Aviation et dans d'autres entreprises, même hostilité, même insatisfaction. Le « cinéma » des responsables de l'appareil cégétistes à Billancourt n'a pas d'autre but que de blanchir les négociateurs, de mettre en scène le désaveu de la base.
La semaine qui s'ouvrait devait être décisive. Pompidou sur la pente savonneuse, la célèbre « voix » jusque-là infaillible semble douter après le bide de sa proposition de référendum, Mendès le chouchou de l'intelligentsia, qui le considère comme l'homme providentiel, consulte, mais comme d'habitude attend qu'on vienne le chercher. Le 28 mai sous les ors de l'hôtel Continental Mitterrand, avec sa FGDS, se pose en recours. Tous les camps s'intoxiquent. Le vrai s'entremêle au faux. On parle de mouvement de troupes au large de Paris. La frange barbouzarde des gaullistes mobilise. On affirme que les membres du SAC ont déballé dans leur repaire de la rue de Solférino des armes toutes neuves. Le Ministère de l'Intérieur révèle la découverte de dépôts d'armes dans la région lyonnaise, à Nantes, dans la région parisienne, ce qui ajoute du piment à une situation déjà quasi-insurrectionnelle. Ce qui est vrai, c'est que depuis plusieurs jours certains membres de la majorité ne couchent plus chez eux. Avec Marie nous décidons de nous joindre au cortège qui se rend à Charléty.
Dans la foule : Mendès-France. Le PC et la CGT ont refusé leur soutien. Dès la mise en place du cortège, au carrefour des Gobelins, il est évident pour les organisateurs que la manifestation rencontre un vrai succès populaire. Des drapeaux rouges et noirs flottent au-dessus de la foule. Le service d'ordre de l'UNEF nous encadre. A Charléty, nous nous installons dans les gradins. « Séguy démission ». André Barjonet, en rupture de ban avec la centrale lance « La révolution est possible » Geismar annonce qu'il va donner sa démission du SNESUP pour se consacrer à ses tâches politiques. Pierre Mendès-France n'a pas pris la parole. Aux accents de l'Internationale nous quittons calmement le stade. La manif est un succès mais elle nous laisse sur notre faim. Le mouvement est frappé d'impuissance et ce n'est pas la prestation de Mitterrand le lendemain qui va nous ouvrir des perspectives. A sa conférence de presse, l'un des nôtres, lui a demandé s'il trouvait « exaltante la perspective de remplacer une équipe qui n'a plus d'autorité depuis dix jours, par une équipe qui n'a plus d'autorité depuis dix ans... » Le député de la Nièvre, pincé, répliquera « je me réserve de vous montrer que vous avez peut-être parlé bien tôt et avec quelque injustice... » La suite allait prouver que le vieux matou avait vendu la peau de l'ours avant de l'avoir tué.
Mai 68
Le 26 mai vu par Célia Houdart : on va à Charléty
Mai 68 raconté par des écrivainsdossier
«Tu vois le moment où le peuple va chercher Ivan ? Il y a ce plan où Ivan regarde le peuple de loin. Pour moi c’était ça, le peuple en marche, étudiants et ouvriers confondus.» Célia Houdart s’entretient avec son père, Dominique Houdart, marionnettiste et à l’époque jeune adhérent du PSU, qui était au stade Charléty le 27 mai 1968.
parCélia Houdart
publié le 25 mai 2018
«Je l'ai trouvée hier à la Foire de Paris sur un stand tenu par un vieux Chinois», me dit mon père en me montrant sa veste rouge à col Mao. C'est un jour férié du mois de mai, nous sommes assis, mon père et moi, à une petite table ronde à la terrasse du Café des phares, place de la Bastille. Nous nous y retrouvons régulièrement, comme ça, pour se voir, pour parler. Mon père a souvent évoqué le mois de Mai 68 tel qu'il l'a vécu, comme jeune metteur en scène de théâtre et membre du non moins jeune PSU. J'avais le souvenir qu'il était au stade Charléty le 27 mai. Je l'ai donc interrogé. «Je suis venu avec les copains du PSU. Pas tellement les gens de la profession, qui étaient plutôt à l'Odéon. J'y étais moi aussi au début. Il faut imaginer, Madeleine Renaud nous suppliant : "Mes enfants, ne touchez pas aux costumes !" On a aussi occupé le théâtre Chaptal. A vrai dire, j'avais compris qu'il n'y avait pas grand-chose à espérer de la profession politiquement. Je préférais être sur le terrain. Je venais de monter une pièce de Luc de Goustine. Il l'avait écrite à chaud. Cela s'appelait 10 mai 1968. On l'a tournée dans les comités d'action un peu partout avec des étudiants, car les professionnels du théâtre étaient en grève, il n'était pas question que des comédiens jouent. Comme je faisais partie d'un comité d'action dans le IIIe arrondissement de Paris, qui se réunissait souvent à l'école des Arts appliqués, j'ai embarqué les étudiants dans l'aventure. Et puis, je venais de faire la rencontre du Bread and Puppet de Peter Schumann, dont toute la troupe habitait rue Saint-Jacques, dans l'appartement de la fille de Brecht. On s'était vus chez Gabriel Garran, au théâtre d'Aubervilliers, où j'étais en stage. J'avais découvert leurs spectacles au festival de Nancy. Comme je baragouinais l'anglais et que, surtout, j'avais une camionnette, je les ai trimballés dans les usines en grève pour qu'ils puissent jouer Fire, un spectacle avec masques et marionnettes géantes, qui dénonçait les atrocités de la guerre du Vietnam. Un théâtre visuel, gestuel, chanté, avec très peu de mots. J'étais leur accompagnateur, chauffeur, assistant. Napo, le technicien de Garran, avait trouvé une combine, par le PC, je crois, pour me fournir de l'essence, parce qu'il fallait qu'on roule ! Le soir en douce, je me souviens, il me filait des bidons, on remplissait le réservoir de ma camionnette. Cette aventure a été très marquante pour moi, décisive même. L'équipe du Bread and Puppet m'a offert à la fin une oriflamme que j'ai gardée pieusement. Je l'ai encore dans mon bureau.»
Quand avais-tu adhéré au PSU ? «En 1968. Je ne sais plus exactement la date. Les manifs, les réunions. C'était une période d'une densité. Tu sais, parfois, tout se brouille. J'ai l'impression d'avoir vécu tout cela en même temps. Pour revenir au 27 mai, le rendez-vous était en fin de journée après le protocole d'accord dit de Grenelle, que rejetaient les ouvriers des grandes entreprises. On est partis des Gobelins.Il y avait un mot d'ordre : "On va à Charlety", et beaucoup de monde. Tu as vu le film Ivan le terrible d'Eisenstein ?» Oui. «Tu vois le moment où le peuple va chercher Ivan ? Il y a ce plan où Ivan regarde le peuple de loin. Pour moi c'était ça, le peuple en marche, étudiants et ouvriers confondus, qui allait porter quelqu'un au pouvoir pour l'arracher aux mains du gaullisme dont on ne voulait plus. On a traversé ce quartier aux abords de la Porte de Gentilly. La rue de l'Amiral- Mouchez, le boulevard Kellermann. C'était un peu mort, assez bourgeois. Les gens devaient avoir la trouille. Rien à voir évidemment avec le Quartier latin. Je crois en fait que les habitants ne se rendaient pas bien compte de ce qui se passait.»
Les images de l'INA montrent les groupes courant en brandissant des banderoles. Comme les parades des équipes avant un meeting sportif. «Oui exactement, j'ai le souvenir d'une sorte de cavalcade. De courses dans le stade. C'était très joyeux. Après on s'est assis sur la pelouse au centre. On crevait de chaud. On avait soif. Mais on avait l'habitude. On avait passé tout le mois de mai dehors à marcher dans Paris. C'était extrêmement joyeux. On blaguait. C'était la fête. Il faisait très beau. Un temps un peu comme aujourd'hui. La réussite de Mai 68 c'était aussi le beau temps. On dormait très peu.Maisc'était tellement exaltant.»
Tu étais là pour quoi ? «Pour Mendès. J'avais beaucoup d'admiration pour lui et pour Rocard. Au début, je ne l'ai pas vu, mais on m'a dit qu'il était en tête de cortège. J'étais venu avec l'espoir non seulement qu'il prenne la parole mais qu'il se déclare candidat pour prendre la tête d'un nouveau gouvernement. On a écouté le discours de Sauvageot : "Ce n'est qu'un début, continuons le combat." De Geismar. Puis celui de Rocard. Ensuite on a vu qu'on tendait le micro à Mendès France. Et là rien. Il est resté muet.» Il n'a pas voulu tout mélanger, c'est ça ? C'était un meeting syndical. «Oui, mais étant donné le contexte et la vacance du pouvoir gaulliste, on rêvait d'un putsch de la gauche, avec Mendès France en tête. Il y avait une possibilité de prise de pouvoir qu'il a écartée. On savait bien que tout cela avait un côté coup d'Etat qui n'était pas du tout son style, il était trop démocrate et légaliste pour cela. Mais on espérait quand même. Et cela a été une grande déception. C'est François Mitterrand qui a profité de tout cela, juste après, en proposant la formation d'un gouvernement provisoire de gestion.»
Et le ralliement de l'ORTF qui venait de se mettre en grève, cela a été une étape importante ? «Je me rappelle surtout cette affiche sortie des ateliers se sérigraphie des Beaux-Arts, où l'on voyait le sigle de l'ORTF avec des anneaux comme ceux des Jeux olympiques en fils barbelés. A vrai dire, on écoutait surtout Europe 1. Ta grand-mère suivait en pleurant les émeutes en direct sur Europe 1.»
Et la police ? Les CRS ? Vous étiez très surveillés ? «Nonpas tellement. Ils étaient sur le côté. C'était la police à l'ancienne, sans équipement particulier. Je ne les revois même plus dans l'enceinte du stade. Et pourtant, c'était un peu le grand soir pour nous. On était exaspérés par Pompidou et de Gaulle. D'ailleurs, inspiré sans doute par l'exemple du Bread and Puppet, j'avais fait fabriquer une grande marionnette par les étudiants des Beaux-Arts. Un personnage hybride, une sorte de monstre fabriqué à partir de cageots, qui s'appelait "le Pompigaullidou". Je l'avais emmené aux manifestations. Il était l'objet de quolibets, d'insultes très violentes. Cela a été une révélation pour moi. J'ai compris à cette occasion la force symbolique de l'objet, de la marionnette. C'était ça aussi Mai 68, une expérience de théâtre de rue. Une ferveur nous gagnait tous. Une créativité. Il y avait beaucoup d'invention formelle, plastique. On était dans la plus grande utopie, mais on y croyait fortement. A la fin de Mai 68 à Paris, quand j'ai senti que c'était la fin, que c'était perdu, je suis parti à Prague.»
Est-ce que tu dialogues souvent encore avec le jeune homme que tu étais à l'époque ? Es-tu encore en contact avec lui ? Est-ce que tu le consultes pour agir aujourd'hui ? «Je ne prends pas conseil auprès de lui, mais j'essaie de rester dans la même ligne. J'ai vraiment découvert ma ligne à ce moment-là. Je me suis forgé politiquement et artistiquement, surtout avec l'utilisation de l'objet-signe. Et j'essaie de ne pas déroger.»
Née en 1970, Célia Houdart est philosophe, romancière, metteure en scène et auteure de textes pour des pièces sonores, e la danseet de l'opéra
Dernier ouvrage paru :Tout un monde lointain, POL, 2017.
Lundi, le 28 mai vu par Luc Lang.
26 et 27 mai : De grenelle à Mendès
La France entière est suspendue aux négociations de Grenelle. Elles sont tout sauf faciles. Outre des augmentations de salaire, la CGT demande l’abrogation des ordonnances de 1967 et l’échelle mobile des salaires. Pompidou ne peut pas tout lâcher, sauf à perdre son autorité. Toute la journée, on discute discrètement. Pompidou concède à la CFDT la section syndicale d’entreprise, au grand dam du patronat. Il voit ensuite Séguy et Frachon. Il leur parle avec un réalisme brutal, selon les mémoires de Séguy. De Gaulle et moi, dit-il en substance, menons une politique étrangère indépendante d’ouverture à l’Est. Mitterrand et Mendès sont atlantistes. Si nous tombons, les Américains gagnent. Les syndicalistes se récrient en protestant de leur indépendance vis-à-vis du PCF et de Moscou. Mais Pompidou espère que le message passera…
A la reprise, la CGT réitère ses demandes. «Est-ce un préalable ?», demande Pompidou. «Non, discutons…» La CFDT complique les choses en dissertant sur la crise du capitalisme et l'état de la société. «Quels cons !», lâche Séguy. A 20 h 15, la discussion est bloquée. On va dîner. A cette heure, Séguy pense qu'il faut maintenir la pression et conclure dans un ou deux jours. Il le dit à Aimé Halbeher, chef du syndicat chez Renault. «Pas d'accord avant mardi», glisse-t-il à un journaliste. A deux heures, on apprend que l'Unef et la CFDT ont convoqué un meeting pour le lundi soir à Charléty. Mendès y sera. L'opération Mendès France, montée par le PSU, prend corps. Est-ce le déclic ? Peut-être. A 3 h 30, Krasucki fait un large geste et lance : «Bon, il faut en finir.» Chirac et Séguy se parlent encore en tête-à-tête. Il veut bien payer les jours de grève à 50%, rendez-vous dans six mois pour l'échelle mobile, débat au Parlement sur les ordonnances. Séguy acquiesce. On met en place deux commissions. Section syndicale, 7% sur les salaires, puis 3% en octobre, retraite améliorée, baisse du ticket modérateur sur la Sécu, etc. L'accord est fait mais pas signé : il faut consulter la base. A la sortie, vers 6 heures, Pompidou demande à Séguy :
«-Pensez-vous que le travail va reprendre rapidement ?
- Les travailleurs risquent de trouver ces résultats insuffisants.
- Cela dépend de la manière dont vous les présenterez.
- Je ferai un compte rendu objectif.»
Séguy monte en voiture pour se rendre à Billancourt. Il va vers une sévère déconvenue. Arrivé chez Renault, il trouve des syndicalistes persuadés qu'il faut maintenir la pression. Il trouve surtout des ouvriers qui veulent poursuivre la grève. «On n'a pas fait tout ça pour 10%.» C'est la phrase de l'heure. Séguy énumère les acquis et les refus. A chaque refus, les ouvriers huent et sifflent. On vote. L'accord est refusé. Dans la matinée, Citroën, Sud-Aviation, Rhodiacéta décident de continuer le mouvement.
Alors commence le grand vertige. Si la CGT, malgré les concessions obtenues n'a pas faitreprendre le travail, c'est que tout devient possible. Cette fois le spectre de la révolution, ou à tout le moins du changement de régime, se matérialise dans l'esprit des Français. Mitterrand voit les dirigeants communistes, on discute d'une solution pour l'après-gaullisme, sans conclure. Mitterrand annonce qu'il parlera le lendemain. Pendant ce temps, l'opération concurrente, montée par l'Unef, le PSU et la CFDT, autour de Mendès France, prend un tour plus précis. Le soir, une foule fiévreuse se réunit au stade Charléty, les discours enflammés se succèdent. «La situation est révolutionnaire ! Tout est possible !» Arrive Mendès, conduit par Kiejman et Rocard. Va-t-il parler ? Mendès veut bien prendre la tête d'un gouvernement de toute la gauche. Mais il refuse de s'avancer trop et se méfie surtout du maximalisme des étudiants. «C'est une réunion syndicale», dit-il. Il s'abstient de prendre la parole. Mais pour l'opinion, le message reste clair : le régime tombe, la gauche va lui succéder, avec Mendès à sa tête.
L'oreille collée au transistor, dans ma jeunesse, le dimanche soir, dans mon lit, j'écoutais le Masque et la Plume animé par Michel Polac puis François-Régis Bastide. Les joutes entre Jean-Louis Bory de l'Obs et Georges Charensol de France-Soir, me fascinaient.
L'intello et le populo, l'art de la critique, avec juste ce qu'il faut de mauvaise foi, de mise en boîte et de légèreté, tout ce qu'il faut pour durer 50 ans ICI
Ou sera-ce la dernière séance ?
Il y a comme ça des chansons qui rencontrent leur époque. Au fil des ans, elles en deviennent ainsi l'image synonyme, sensible et nostalgique. En 1977, Eddy Mitchell écrit La dernière séance, l'histoire en quatre couplets des petits cinémas de quartier qui ferment les uns après les autres, mortellement pris en sandwich entre la télévision d'un côté et les multiplexes de l'autre.
En plus d'être une chanson, La Dernière séance a également été le titre d'une émission de télévision animée sur FR3 par le chanteur lui-même. Une fois par mois, de 1982 à 1998, Schmoll nous entraînait dans un de ces cinémas, le Trianon de Romainville (avec la façade du Palace de Beaumont-sur-Oise) et nous faisait vivre une de ces séances composées de deux films américains, une série B et une série A des années 50 et 60, des publicités de l'époque et des "actualités".
Détail familial, mes enfants sont producteurs de cinéma : Mille & Une production et ils habitent à Beaumont-sur-Oise
Ou encore Pax préfèrerait-il Henry Chapier
On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre. Ça, c'est un truc que le Taulier n'a pas oublié.
En plein marché, à Collioure, me préparant à déguster ma douzaine dominicale de « belles moyennes » de Leucate, vibration soudaine de mon smerdphone. Ecailler arrête un peu le bras.. j’m’en va voir de quoi il retourne.
Un message : « Bonjour heureux sudiste. Proposition matinale honnête. Vous tenez une chronique cinéma sur mon blog à votre rythme. Bonne journée. »
Quoi c’est y donc qu’ça ?
Le Taulier ?
Il fait un appel au peuple ?
Le malin singe sait fort bien à qui il s’adresse. En caressant un graphomane impénitent dans le sens de la plume il sait que c’est gagné d’avance.
Voilà pour le bulletin de naissance d’une série soumise aux aléas de la Tramontane « Le mercredi c’est Ciné Papy »
Pour cette première chronique évoquons « Clair de femmes » (1979) tiré d’un livre de Romain Gary.
Pourquoi Romain Gary ?
Consul Général de France à Los Angeles, il a fréquenté le tout Los Angeles partant le tout Hollywood pendant la mise en disponibilité que lui accorda le Quai d’Orsay.
Mais ce n’est pas pour cela. Pas non plus parce qu’il épousa Jean Seberg sa cadette de 25 ans, mignonne starlette qui enflamma les fans de la nouvelle vague la voyant débouler sur les Champs au coté d’un Jean Paul Belmondo déjà plus goguenard que jamais dans A bout de souffle de Jean Luc Godard.
Peut être, parce que c’est quelqu’un qui m’impressionne et m’intrigue par son mystère .Je l’aime aussi pour son désespoir profond que dissimulaient toutes ses mystifications.
Pour cette première chronique évoquons « Clair de femmes » de Costa-Gavras prosaïquement peut être parce que la Revue de Deux Mondes en a fait l’objet de son dossier du mois.
D’accord pour Gary, mais pourquoi « Clair de femme » ? En effet l’œuvre de Gary a été portée à l’écran de nombreuses fois. Il y a des films plus flamboyants que celui-là.
C’est le moment de dessiner le cadre de ce que seront ces chroniques. Elles traiteront de films que j’ai aimés. Je dirai pourquoi je les ai aimés et les aimes toujours et que chaque rediffusion m’est un plaisir renouvelé. Ce sont donc des critiques impressionnistes qui seront livrées. Attention, les films seront évoqués avec mon regard de l’époque et non les critères en vogue aujourd’hui avec lesquels, on le devine à l’avance, je ne partage pas grand chose.
Je ne parlerai pas non plus des castings ni de « la troisième assistante maquilleuse de la deuxième équipe ». Wikipédia est là pour satisfaire les plus curieux amateurs d’exhaustivité. Je n’en parlerai que si l’un ou l’autre acteur est concerné par mon souvenir du film évoqué.
« Clair de femme » est un film de Costa Gavras avec Yves Montant et Romy Schneider. Si avec une telle affiche on ne décroche pas la timbale c’est qu’il y a un hic.
Le livre dont est tiré le film est, nous dit sa biographe Myriam Anissimov « Un roman tragique et ténébreux. Une histoire d’amour fraternel et sans espoir entre un homme presque veuf et une femme qui venait de perdre un enfant » Presque veuf car, pendant qu’il déambule, désemparé, dans les rues, les seules lueurs d’espoir qui lui parviennent sont celles blafardes des réverbères, sa femme agonise. Elle l’a supplié de partir. Elle ne veut pas qu’il la voie mourir. Elle veut qu’il continue à vivre et garde d’elle un souvenir intact de ce que furent leurs jours heureux. Elle l’envoie vers un nouvel amour qui rendra le leur éternel. Il croise une peine aussi grande que la sienne : une mère qui vient de perdre un enfant et dont le mari est handicapé. Je trouve Romy Schneider assez mal à l’aise dans ce film et donc peu crédible. Je dois avouer que j’ai un problème avec Romy Schneider dont, l’aura et la légende qui l’entoure fait que je ne voit plus qu’elle à l’écran ce qui est un peu gênant. Il vont tenter de conjurer la mort le temps d’une nuit mais en vain.
J'avais lu le livre avant d’avoir vu le film. Le livre sacrifie aux formules définitives qui font mouche.Pour le reste, il est écrit comme souvent chez Gary, à l’estomac. La critique littéraire bien pensante en est déroutée et même dégoutée. Cela n’empêche nullement Gary d’avoir un réel et immense succès. Aucune comparaison à voir avec les succès frelatés de nos Marc Lévy et/ou Guillaume Musso dont les tirages n’impressionnent que leurs banquiers.
Le film est à l’avenant du texte. Je dirais de guingois. On voit des images qui se contentent d’illustrer les dialogues. Les formules définitives entre les deux acteurs sont échangées comme un match à Roland Garros. Mais en nocturnes car les couleurs de la nuit ne quittent pratiquement pas l’écran. Du moins c’est ma mémoire qui me laisse ce souvenir. On n’est pas loin du documentaire avec des images défilant en banc titre avec des commentaires en voix off.
Romain Gary savait que sa vie et ses récits n’étaient pas à l’eau de rose.Le message qu’il a laissé pour expliquer son suicide deux ans après l’étrange mort de sa femme est clair et net : « Aucun rapport avec Jean Seberg. Les fervents du cœur brisé sont priés de s’adresser ailleurs. » C’est peut être là que se situe le hic qui expliquerait pourquoi ce film n’a pas rencontré son public même s’il existe quelques inconditionnels grâce aux formules choc qui savent nous toucher. En effet, il y a là de quoi chagriner les amateurs d’histoires d’amour fussent elles tristes.
Pourtant Gary se rend compte qu’il charge la barque avec cette situation limite. Elle lui permet surtout d’enfiler des formules en virtuose. Il introduit donc des scènes où le burlesque le dispute au dérisoire : des scènes de music-hall de chiens savant.
Ce n’est quand même pas le livre le plus fameux de Romain Gary et Costa Gavras s’est illustré par de plus grands films. Pourtant si ce film m’a fait autant d’impression c’est que j’étais moi même entre deux histoires d’amour. Les formules à l’emporte pièces des dialogues me faisaient rêver à tout ce qu’on pouvait dire à une femme qui telle celle de Verlaine « n'est, chaque fois, ni tout à fait la même ,ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend. »
La niaiserie n’a pas d’âge.
Pax
Prochainement «Mes funérailles à Berlin »
P.S Avant de remettre mon papier au Chroniqueur en chef, j’ai eu, in extremis, la curiosité de vérifier si le blog n’en avait pas déjà parlé. Bingo le 16 août 2020 avec, comme à l’ordinaire, un commentaire de mézigue .
Pour mémoire : « Claire de Femme, j’avais adoré le livre de Romain Gary . Et oui, cette midinette de mouche du coche aime les histoires d’amour surtout racontées par un être aussi blessé et tourmenté que Gary. Mais alors, le film ! Au secours ! Personne n’y croit, ni les acteurs (pardon, les très grands acteurs que dis je, les Monstres Sacrés qui s’y collent), ni le metteur en scène. Un éclairagiste peut-être ou une maquilleuse ?
Et bien voilà encore un commentaire qui casse la baraque. Ben oui, c’est comme ça.
J’ai déjà dit que je ne connaissais rien à la musique du magazine Rolling Stone et évoquée quelques fois par notre Taulier mélomane éclectique mais tout n’est pas à jeter dans ce monde là. Il me plait de faire mienne cette phrase de Kurt Cobain “Ils se moquent de moi parce que je suis différent, je me moque d’eux parce qu’ils sont tous pareils »
Na ! » ( Ouah les chevilles putaing ! Le mec il se cite lui même cong !)
De fringant jeune mâle énamouré je passai à chiffe molle éberluée pointant grossièrement du doigt ce nom célèbre - en ce temps reculé on n'utilisait pas le qualificatif people - en balbutiant « C'est lui... » Ma Marie acidulée se gondolait gentiment « Mais oui, mon Louis, c'est lui... C'est un monument qu'il te faudra affronter par la face nord dimanche. Pour la minute contente-toi de maman. Elle, c'est tout simple. Tu l'écoutes, elle adore ça... » Je bardai ce qui me restait d'énergie pour carillonner. Madame mère nous ouvrit dans un froufroutement vaporeux. Elle tenait du cygne et de l'échassier. Marie lui claquait une bise sur le front avant de me présenter d'un « C'est Louis…» Madame mère m'invitait, sourire narquois accroché à des lèvres discrètement peintes, regard mi-ironique, mi-étonné sous de longs cils, à m'asseoir sur un canapé blanc, long comme un chemin de halage. Je m'y sentais perdu. Marie s'était éclipsée. « Vous n'avez pas les cheveux longs... » me disait le flamand rose en se posant sur l'accoudoir d'un fauteuil en vis à vis. En un ultime effort je me tins droit, plantai mon regard dans ses yeux tilleul afin de ne pas m'attarder sur ses jambes croisées qui saillaient entre les pans du déshabillé.
Flore conquise – la mère de Marie se prénommait Flore – il ne me restait plus qu'à affronter le grand homme. La paralysie générale, faute de transports en commun et d'essence pour les autos, me rassurait. Je pensais que le projet de Marie s'enliserait dans les sables de la grève générale. C'était sans compter sur sa tendre pugnacité. Sitôt congé pris de la vaporeuse et envahissante Flore, dans l'ascenseur la mâtine me susurrait, très bonbon anglais, « pour monter à Paris tu pourrais emprunter la 2 CV de ta copine Pervenche ? »
- C'est ça petit coeur et pour l'essence je fore illico le Cour des 50 otages...
- Pas besoin mon Louis, tu demandes des bons au Comité de grève...
- Et je dis quoi aux mecs du Comité ? Que c'est pour aller faire une virée à Paris pour demander la main de ma douce Marie à son père. Pas très porteur en ce moment les bonnes manières bourgeoises très chère...
- Tu leur dis que c'est pour une ambulance...
- D'où tu la sors ton ambulance fantôme ?
- Des Urgences mon amour, avec tous les tampons que tu veux. Je crois qu'ils adorent les tampons tes camarades du Comité...
- Tu ferais ça !
- Bien sûr mon Louis, ce n'est pas trahir la cause du peuple. Tout juste un petit mensonge de rien du tout...
- Ma présentation à ton cher père ne peut pas attendre ?
- Non !
- Et pourquoi non ?
- Parce que c'est drôle...
- Pouce Marie ! Fais-moi un dessin, je me paume dans ta logique de fille.
- Pourtant c'est simple joli coeur. Imagine-nous sur les routes désertes, filant vers Paris, capote ouverte, cheveux au vent. Non, toi seulement. Moi, je mettrai un foulard noué derrière le cou. Très Jan Seberg. Aux carrefours nous passerons sous les regards étonnés des pandores. Bonjour, bonjour les hirondelles... Nous serons les rois du monde. Nous mangerons des sandwiches en buvant un petit rosé glacé. Nous entrerons dans Paris par la porte d'Orléans. J'y tiens. Puis nous descendrons les Champs-Elysées en seconde. Je prendrai des photos. Oui, pendant que j'y pense, il faudra que j'achète des berlingots pour papa. Il adore ça. Surtout ceux à l'anis. La Concorde, trois petits tours, et on débarque avenue de Breteuil chez le père. Rien que du pur bonheur !
- Dis comme ça ma douce je capitule. Reddition sans condition...
Claire Naudin-Ferrand je l’ai découverte, le 24 juin 2008 après-midi, à la tribune de l’AG du BIVB, où elle prenait la parole en tant que présidente du SAQ au cours du débat « Agrément, typicité et marchés » judicieusement organisé par PH Gagey en présence d’Yves Bénard, le président du CN Vins et Eaux-de-vie de l'INAO.
Les propos de Christelle Mercier de l'INAOsur la définition de la typicité venaient de me plonger dans un état d’attrition profond. Ébranlé donc, partagé entre l’effroi et la colère face à ce gloubiboulga de pseudoscience – j’ai subi lorsque j’étais président du Calvados le dénommé Jean Salette, père de la typicité directeur de recherches émérite de l’INRA et membre de l’Académie d’Agriculture de France qui se targue d’être le spécialiste des relations entre les terroirs et les produits et qui joue les consultants dans le domaine des produits de terroirs et des appellations d’origine. Dieu nous garde des consultants de cet acabit – je regrettais le temps où mes fonctions me permettaient de donner le signal de la fin de la récréation. Je m’attendais donc à un gentil discours de présidente. Elle le fit et puis, avec conviction et finesse, ce furent : « des paroles simples d’une vigneronne sur la typicité »
13 ans déjà, nous sommes devenus ami et, comme Claire publie sur Face de Bouc :
Claire Naudin le 24 avril
Une photo de bouteilles pour parler du gel ??? Eh oui... Parce que depuis le gel de 2016, je préfère parler de : stratégie globale d'intégration des risques climatiques dans une exploitation.
Moi, ni une ni deux, toujours intéressé par celles et ceux qui réfléchissent, se remettent en question, je lui demandé si elle pourrait trouver du temps pour développer, ce qu’elle a gentiment fait le 1er Mai, au lieu d’aller cueillir du muguet, pas au bois de Chaville vu que nous sommes confinés.
MERCI Claire
STRATÉGIE D'INTÉGRATION DES RISQUES CLIMATIQUES
DANS UNE EXPLOITATION VITICOLE
02,05,2021
En 2003nous avons pensé qu'un millésime exceptionnel se présentait, qui rappelait beaucoup 1969 en précocité, et en concentration des raisins.
Le millésime 2003 posait 2 questions : la précocité et le (petit) volume de récolte.
Accidents ou prémices ?
Depuis, les millésimes précoces se sont répétés, au point de ne plus nous surprendre : 2007, 2015, 2017, 2018, 2020…Ainsi le millésime 2003 était-il très probablement le début d'une nouvelle ère pour la viticulture.
Combinés à un fort déficit hydrique, et/ou à une forte évaporation, ces millésimes précoces peuvent conduire à des pertes de récolte importantes. Ce stress hydrique est un nouveau facteur de perte de récolte, qui vient s’ajouter au gel et à la grêle.
Depuis une dizaine d'années, la grêle change de morphologie et prend des proportions alarmantes. En effet, au lieu de toucher classiquement un secteur géographique de quelques kilomètres carrés, elle touche aujourd'hui des dizaines de kilomètres carrés. Là aussi, la donne a changé…
En 2016, c'est un épisode de gelée noire qui est venu nous surprendre. Le phénomène est connu : une période douce déclenchant le gonflement prématuré des bourgeons, voire même le début de pousse des rameaux, puis une descente d'air polaire froid et sec, qui ravage tout sur son passage, potentiellement combinée à une gelée blanche classique (air froid et humide dans les points bas). La gelée blanche va toucher les points bas et la gelée noire touchera les meilleures expositions. Rien n'y échappe ou presque…
En 2016 nous avons été pris au dépourvu, par l'intensité et l'ampleur géographique du phénomène. De ce fait, chacun a pensé qu'il était très exceptionnel.
Néanmoins dans le doute, nombre de domaine ont réagi :
- à court terme en brûlant de la paille (2017, 2018, 2019), jusqu'à ce que l'on démontre que cette méthode était à peu près inefficace.
- ensuite en investissant dans des équipements de protection contre le gel, en particulier les bougies, les tours à hélices, l'aspersion ou encore les câbles chauffants.
Nous serions en Australie, en Californie ou au Chili, il nous faudrait aussi intégrer le risque Feu. Réjouissons-nous d'y échapper. Cela-dit, malheureusement, les périodes de canicule combinées à de gros déficits hydriques, peuvent nous laisser craindre de subir ces phénomènes à l’avenir et sur des secteurs plus importants que ce que nous connaissons de façon très épisodique.
En 2021, l'épisode de gel des 7-9 avril vient montrer 2 choses :
- l’occurrence de phénomènes de grande ampleur augmente et nous ne pouvons plus parier sur leur absence.
- les outils de protection ont un coût élevé pour une efficacité parfois limitée, sans parler des désagréments engendrés pour la population (fumées, nuisances sonores, pollution...).
Alors le moment est sans doute venu de redire qu'une exploitation viticole doit, au XXIème siècle, intégrer les risques climatiques dans son modèle économique, et mettre en place une stratégie ou un ensemble de moyens pour y répondre, au-delà des stricts moyens techniques de lutte.
La première étape est de ne plus faire l'autruche mais d'accepter l'idée du risque.
En 2015, année précoce et sèche, de demi-récolte donc, qui suivait 3 années parfois très impactées par la grêle, j'entendais nombre de collègues me dire : “l'année prochaine, il faut qu'on produise beaucoup". Lorsque je répondais : "mais que feras-tu si ce n'est pas le cas", mes collègues restaient sans voix. Et, bien qu'improbable pour eux, étant donné le terrible enchaînement qui avait précédé, le gel de 2016 est survenu, affaiblissant encore les entreprises.
Accepter l'idée du risque climatique c'est se préparer au pire, par tous les moyens.
C’est donc construire, étape après étape, une véritable stratégie d’intégration aux risques climatiques dans toute leur diversité.
Suite à 2016 je suis donc arrivée, comme de nombreux collègues, aux conclusions suivantes :
1- les assurances climatiques ne sont pas LA solution :
- les accidents climatiques sont d'une telle ampleur qu'on peut difficilement envisager de mutualiser le risque.
- le calcul de l'indemnisation sur la moyenne écrêtée des 5 dernière récoltes, pénalise les entreprises (nombreuses) qui ont aussi subi grêle et/ou sécheresse.
- la temporalité des indemnisations est désastreuse en terme de fiscalité (les indemnités devraient arriver en n+1 voire n+2, c'est à dire au creux de trésorerie, et non pas l’année n)
- la prime d'assurance ne comble pas votre manque de vin et la perte de clientèle qui s'ensuit.
L’assurance grêle reste à part, a priori et à mon sens, comme un outil pertinent, en fonction de l’avancement des autres éléments de notre stratégie de gestion des risques climatiques.
2- les moyens de lutte doivent être améliorés et cela ne se fera pas tout seul :
- les bâches sont utilisées dans de nombreux endroits dans le monde, pour lutter contre la grêle, la neige, l’échaudage ou encore le gel (et les oiseaux). Certes elles ne sont pas autorisées dans le cadre de l’AOP, mais c’est sans doute au cadre de s’adapter, non l’inverse. Nous sommes un certain nombre à penser que des systèmes de bâches facilement et rapidement déployables, possiblement complétés par des systèmes de chauffage (lutte contre le gel), permettraient de gagner en efficacité, donc en coût (meilleur bilan énergétique), tout en ne nuisant pas à la population (gênée par le bruit des hélices ou autres hélicoptères, sans parler de la pollution des bougies).
En outre, les bâches protègent de l’humidité (cf la neige tombée le 7 avril vers 23H, mais fondue vers 2H le 8 avril…) qui est souvent LE facteur qui génère les dégâts de gel, ou en tous cas les accentue.
- de nombreux domaines pratiquent une taille tardive, voire même un plumage tardif (une taille hivernale est effectuée, laissant sur le pied uniquement les branches destinées à contenir le courson et la baguette (pour une taille guyot). Dans ce cas on utilise le mécanisme physiologique de l’acrotonie, qui veut que la vigne envoie sa sève prioritairement vers les bourgeons les plus hauts (rappelons que la vigne est une liane qui s’élève dans la canopée à la recherche de lumière), ou du moins les plus éloignés de son cep, et ces bourgeons fabriquent une hormone, l’auxine, qui inhibe la pousse des bourgeons de la base de cette baguette. Il semble qu’il faille en moyenne 8 à 10 yeux par rameau pour qu’il y ait acrotonie. En vigne basse cela signifie qu’il ne faut pas pratiquer le pré-taillage mécanique.
Cette méthode est peu répandue car elle n’est pas facile à mettre en œuvre :
- elle change l’organisation du travail, en repoussant le plumage et l’attachage des baguettes d’un bon mois, voire de 2. D’après les travaux d’Alain Deloire à Supagro, un plumage effectué à 50 % pointe verte + 15 jours est idéal car n’engendre pas de retard significatif de la maturité et ne génère une perte de récolte que de 10 % environ.
Cela signifie que le domaine viticole devra disposer d’une main d’œuvre complémentaire, une année précoce, puisque ce travail se télescopera avec l’ébourgeonnage, voire même les 1ers relevages.
- elle doit être intégrée dans le modèle économique puisqu’elle diminue la récolte, et on peut craindre que, répétée, elle affaiblit durablement les pieds. En effet, au moment de cette taille tardive, certains rameaux sont au stade 3 feuilles étalées et plus (notamment sur les entre-coeurs), et ont donc pompé une partie des réserves des pieds.
Des études complémentaires seraient à mener pour évaluer ce risque d’affaiblissement et envisager des moyens nutritionnels pour le compenser.
- La destruction des bourgeons par le gel étant lié à la présence d’eau dans les cellules (qui, en gelant, fait exploser les cellules végétales), on peut imaginer diminuer ce risque en jouant sur la concentration en sucre de la sève. On touche ici à la question de la mise en réserve des pieds de vigne et il est clair que des pistes sont à explorer dans cette voie là.
- Le risque gel étant lié à la précocité de la pousse, elle-même liée notamment à une élévation précoce de température, en février voire mars, suite au réchauffement climatique, il nous faut sans doute explorer également toutes les voies qui permettraient de limiter cette précocité de pousse. Une phase de gel (noir ou blanc) sur des bourgeons au stade A, n’est plus un problème. Pour cela, outre la taille tardive, pensons aux variétés tardives. Et puisque la température du sol est un paramètre essentiel du démarrage de la végétation, peut-être pouvons-nous également imaginer retarder le réchauffement du sol (en retardant les façons culturales ? En utilisant des bâches?). Tout ce qui peut contribuer, ne serait-ce qu’un peu, à retarder le cycle végétatif, constitue une piste à explorer.
Cette liste n’est pas exhaustive.
Elle me permet en tout cas d’affirmer que des moyens restant à trouver, par la filière, pour explorer et trouver de nouvelles solutions de lutte, qui soient efficaces, mais aussi écologiques et économiques donc durables, et acceptables par nos concitoyens.
3- Notre stratégie doit contenir un volet comptable.
Suite à l’enchaînement 2012-2015 (3xgrêle + 1x sécheresse) j’ai pensé que je devais équilibrer mes comptes avec 60 % de récolte. Mon comptable m’a trouvée pessimiste. Puis en 2016 j’ai pensé qu’il était raisonnable d’équilibrer sur une base de 50 % voire moins, si possible. Et il me trouvait finalement assez réaliste…
Dans le cadre de cette réflexion, on peut s’interroger sur la stabilité des exploitations qui basent leur production sur un objectif de rendements élevé (proche du rendement maximum). Je suis issue de ce modèle, très dominant dans les années 90. Pourtant il présente une limite évidente : le rendement maximal n’est pas garanti, il n’est jamais une certitude. On ne peut que faire moins que prévu. Le rendement n’est donc pas moyennable d’une année à l’autre. Et demander plus de rendement de façon à assurer sa stabilité ne constituerait qu’une fuite en avant nuisible à la qualité des vins. Donc on est très fragile.
Dans un modèle où l’on viserait, pour l’équilibre comptable, en moyenne 80 % d’une récolte pleine, on a plus de chance d’atteindre souvent l’objectif, et si l’on est en dessous, ponctuellement, on peut espérer avoir l’occasion de compenser en montant exceptionnellement à 100 %. Et les années à 100 % viennent alimenter notre stock stratégique. Si l’on vise 60 %, la marge de manœuvre est encore plus grande… C’est un virage à prendre doucement, car bien sûr, les prix de vente doivent suivre, cela peut donc engendrer un changement de clientèle.
4- Notre stratégie doit intégrer un volet commercial :
« Mon père m’a toujours dit : garde du vin en stock !».
« Une année en fûts, une année en bouteille et une année à la banque ».
N’avons-nous pas tous entendu cela ?
Pourtant l’enchaînement de belles années (entre 1990 et 2003) nous l’a fait oublier, d’autant que nos comptables nous reprochaient systématiquement ce stock, car fiscalement lourd.
Je vois 2 autres limites à cette précaution pourtant évidente :
- il faut avoir dans sa gamme au moins un vin capable de vieillir si possible en se bonifiant. Cela paraît évident en Bourgogne mais est-ce si simple ? Quid d’un domaine qui produit essentiellement des vins blancs ou des appellations régionales ? Pour aller dans cette direction, il faut solutionner la problématique des oxydations prématurées. Or depuis 20 ans, nous n’avons pas été capables de résoudre ce problème. Il est temps de s’y atteler…
- il faut être capable de bien valoriser un vin vieux. Cela paraît évident mais ne l’est pas du tout. Il m’a fallu 20 ans pour asseoir ma réputation et ne pas déclencher de la suspicion lorsque je propose un vin ancien à ma carte. Cet élément de stratégie doit donc être construit sur le long terme. En résumé, il ne faut pas confondre : stock valorisable et invendus. Ce sont 2 choses très différentes…
Si l’on est en mesure de valoriser son stock, ou du moins une partie, on peut imaginer comme objectif de :
1- voir quelle quantité de récolte on est capable de produire en moyenne sur 5 ans.
2- brider les ventes des millésimes généreux pour constituer ce stock stratégique, en bloquant ce qui dépasse de ce chiffre d’affaires moyen. Cela permettra de lisser son chiffre d’affaires et d’éviter des décalages de fiscalité.
3- augmenter encore ce stock en ayant quelques clients très fiables, décalés d’1 voire 2 millésimes. Ils deviennent finalement notre assurance climatique.
5- Notre stratégie doit intégrer un volet financier :
S’il paraît évident de conserver un taux d’endettement limité, il est beaucoup plus difficile, année après année, de résister aux sirènes des marchands de matériel et des banquiers. Hiérarchiser ses investissements n’est pas forcément un exercice facile, surtout dans un contexte en perpétuelle évolution, avec des adaptations aux nouvelles normes à opérer impérativement et rapidement, des exigences techniques (liées au réchauffement climatique) et environnementales (suppression du glyphosate, ZNT, etc.) à satisfaire… Sans parler du financement de notre éventuel stockage (argent immobilisé + construction de bâtiments).
On en revient donc au fait qu’il faut accepter l’idée que les risques climatiques engendrent une quasi impossibilité de stabiliser notre niveau de production, même avec des moyens techniques optimisés. Donc il faut être capable coûte que coûte de faire avec cette variabilité de notre récolte.
6- Il faut peut-être aussi envisager une source externe de revenus : cela peut passer pour certains par une diversification de l’activité (enseignement et consulting, tourisme, autres productions animales ou végétales, etc.).
Chacun doit faire avec ses compétences et ses talents.
Mais pour rester dans le monde du vin, cela peut passer par une activité de négoce.
En 2016 j’ai opté pour cette solution. Le domaine avait perdu 70 % de sa récolte. Aussitôt après le gel, je me suis imaginée dans ma cuverie avec toutes ces cuves vides. Je n’ai pas supporté cette vision. Je suis donc partie en quête de solutions pour « remplir quelques cuves ». J’ai trouvé du raisin et j’ai été très surprise de la rapidité de l’administration. Le négoce s’est monté en 4 jours. J’ai eu le plaisir de découvrir que cet outil me permet aussi de rendre service à des collègues, heureux de me vendre leur raisin à un bon prix. Aujourd’hui l’outil est en place, prêt à servir. Il est conçu pour être très souple et adaptable.
Cette liste d’éléments de stratégie n’est pas exhaustive. Elle se construit avec le temps et en fonction de mon imagination et des personnes que je rencontre. Je crois que chaque entreprise peut entrer dans une telle démarche. C’est passionnant et efficace. Encore faut-il accepter d’y passer du temps et être bien entouré.
Gérer une exploitation viticole en 2021, c’est piloter un paquebot entouré d’icebergs :
- un paquebot, parce que l’inertie d’une plante pérenne comme la vigne est importante, et aussi parce que les enjeux financiers sont souvent effrayants.
- des icebergs, parce que ce que nous voyons des problèmes n’en est que la partie émergée. Objectivement nous sommes très ignorants sur de nombreux aspects. Il nous faut donc être à la fois imaginatifs et prudents.
Marie aimait l'océan. Dans son maillot de bain une pièce blanc nacré c'était une sirène. Elle glissait vers le large pour n'être plus qu'un petit point à l'horizon. Moi le terrien balourd je l'attendais sur le sable pour l'envelopper dans un grand drap de bain. La frictionner. La réchauffer. Lui dire que ne nous ne nous quitterions jamais. Elle répondait oui. La serrer fort pour entendre son cœur cogner contre ma poitrine. Ce premier jour d'elle, pendant tout le temps où elle n'était encore qu'elle, j'en garde bien plus qu'un souvenir, je le vis chaque jour. Marie, son prénom, son scooter vert et son grand frère arrogant, voilà en tout et pour tout ce que je savais d'elle et l'affaire était pliée. J'allais passer ma vie avec cette grande fille droite et simple. Nous étions allés manger des berniques et des sardines grillées dans un petit restaurant aux volets bleus. Le serveur avait allumé des bougies. Elles grésillaient. Marie était aussi fraîche et belle que Françoise Hardy. J'adorais Françoise Hardy. Je le dis à Marie. Elle rit : « Et moi tu m'adores comment ?
- Comme le beurre de sardines...
- J'ai peur...
- Quand j'étais petit j'aurais vendu mon âme au diable pour une bouchée de pain qui avait saucé le beurre de sardines...
- Suis fichue Louis. Tu vas me croquer...
- J'hésite...
- Menteur !
- Es-tu baptisée ?
- Non !
- Alors je peux car ce ne sera pas un péché...
- Je suis juive !
- Moi je suis goy et je t'aime !
- Que tu dis.
- Je ne l'ai jamais dit.
- Menteur !
- Et toi ?
- Je ne veux que toi !
- Puisque je t'aime plus que le beurre de sardines, je vends mon âme au diable des goys pour le prix d'une petite juive qui ne veut que moi. Tope là !
Nos mots, nos rires, nos silences, le Muscadet, les deux babas au rhum couverts de Chantilly, le mitan du grand lit, des draps frais et parfumés, un rideau de gaze qui se gonfle sous la brise, nos caresses, nos premiers émerveillements, le cœur de la nuit, le lisse de ses cuisses, son souffle sur mon cou, nos enlacements, nos maladresses, le rose de l'aurore, la découverte de nos corps, notre désir, le café chaud dans de grands bols... Le 24 mai 1968 était le jour d'elle, le seul jour, l'unique.Le lendemain de notre premier jour, sous la douche, Marie me savonnait le dos. Je fermais les yeux sous le jet dru, je l'entendais me dire « dimanche nous irons voir mon père... » J'ouvrais les yeux avant de lui répondre un « oui bien sûr » comme si ça allait de soi. J'ajoutais d'ailleurs un « ça va de soi » qui la faisait rire. Là, sans réfléchir, je lui balançai très pince sans rire dégoulinant « et ta mère dans tout ça, elle compte pour du beurre... », ma Marie m'aspergea en se moquant de moi « ne t'inquiète pas de maman mon canard. Elle, tu vas la voir dans une petite heure. C'est pour ça que je te récure. Maman est une obsédée de la propreté... »
La situation matrimoniale des parents de Marie était simple et originale. Toujours mari et femme, ils vivaient séparés : elle à Nantes, officiellement seule, en fait occupant la position de maîtresse du plus riche notaire de la ville : Me C… ; lui à Paris, seul avec quelques éphèbes par-ci par-là. Entre Nantes et Paris leurs cinq enfants allaient et venaient. Marie m'exposa tout ça, au bas de l'immeuble de sa mère, en attachant l'antivol de son scooter.D'un air entendu, tout en lui caressant les cheveux, je ponctuais chacune de ses phrases par de légers « hum, hum... » qui traduisaient bien mon état d'absolue lévitation ce qui, en traduction libre signifiait « cause toujours ma belle. Tu pourrais m'annoncer que tu es la fille adultérine de Pompidou ou la bâtarde de Couve de Murville que ça ne me ferait ni chaud ni froid. Sur mon petit nuage je m'en tamponnerais la coquillette... » Nous prîmes l'ascenseur. Marie était resplendissante. Je le lui dis. Elle fit le groom. M'ouvrit la porte grillagée et d'un geste ample m'indiqua la porte sur le palier. La plaque de cuivre, au-dessus de la sonnette, me sauta aux yeux. Je découvris le patronyme familial. Le choc fut rude.
Ils se sont pourtant aimé Patrick et Vincent et puis patatras…
Le grand Brel chantait…
Nous étions deux amis et Fanette m'aimait/La plage était déserte et dormait sous juillet/Si elles s'en souviennent les vagues vous diront/Combien pour la Fanette j'ai chanté de chansons (…)/Nous étions deux amis et Fanette l'aimait/La place est déserte et pleure sous juillet/Et le soir quelquefois/Quand les vagues s'arrêtent/J'entends comme une voix/J'entends... c'est la Fanette...
6 août 2014
Il manque quelqu’un sur la photo de famille de la coopé d’Embres&Castelmaure ICI
16 mai 2014
Touche pas à ma coopé ! Vincent Pousson rompt avec Embres&Castelmaure ICI
La coopérative emblématique d’Embres&Castelmaure, tant encensée,couverte de fleurs, pépite des Corbières par Vincent Pousson tombait sous sa plume acerbe dans la géhenne des kolkhozes chers aux Audois, ultime contrefort du socialisme.
Patrick Hoÿm de Marien, tel Staline, voyait sa statue jetée à bas par Pousson…
Sous Staline. Un jour, un politicien pouvait jouir de la bienveillance du pouvoir, mais être proclamé ennemi du peuple et exécuté le lendemain. Ainsi, durant cette période, des personnes, dont voici différents exemples, s’évaporaient littéralement de l’histoire.
C’est le sort réservé à ce pauvre Pousson qui a pourtant tellement œuvré pour la gloire d’Embres&Castelmaure.
Dans la vidéo ci-dessous qui, je lui concède, fait dans le plus pur style propagande soviétique, nulle mention de cet immense érecteur d’étiquettes qui pourtant honni les buveurs d’étiquettes…
L’homme est un seigneur, de cette aristocratie qui force le respect car elle tire sa supériorité, non de privilèges, mais de son action. Dans la galaxie post-soviétique des présidents de la coopération audoise, avec son allure à la de Staël, P.H.M jette comme un trait de blanc de kaolin sur leur grisaille. L’homme cultive aussi une forme d’insolence, policée dans ses mots mais luxuriante, provocante, dans ses choix de tagueur pop’art. Osez, osez Joséphine chantait Bashung, dans le scepticisme du Languedoc, dans ce bout du monde des Corbières, Patrick de Hoÿm de Marien et son équipe, au lieu de s’abouser, se sont affanés, « du courage, du courage... » comme le chante la Grande Sophie avec ce qu’il faut de patience, d’intelligence des choses et des gens, de ténacité pour nous offrir des couleurs pleines de bonheur.
Le 24 mai 68, pendant que les tracteurs tournaient autour de la fontaine de cette place encore Royale, Louis était de ceux qui, installés dans la verrière de la terrasse du café le Continental, prêchaient la bonne parole à un auditoire rétif mais attentif. Le Conti QG des jeunes gens de la bonne bourgeoisie nantaise, majoritairement des étudiants en médecine, le CHU n’était qu’à quelques encablures de la place.En ces temps agités les carabins, du moins ceux qui réfléchissaient, pas encore obnubilés par la hauteur de leur chiffre d'affaires ou le niveau de leur standing social, très « on fait médecine comme on s'engage dans une grande aventure », un vrai combat, presque un apostolat, ne supportaient plus l'omnipotence des mandarins et la sclérose d'une bonne part de leur enseignement. Eux, comme les malades, devaient subir sans moufter les diktats et les caprices de grands patrons absentéistes pas toujours compétents. De plus ils marnaient comme des forçats pour des prunes.La contestation, échevelée et festive, des lettreux, cadrait assez bien avec leur goût très prononcé pour une langue crue et la main aux fesses des infirmières. Ils charriaient gentiment leur sabir de plomb et leur obsession maladive à se référer à des modèles illusoires, mais les chevelus, leur rendaient la monnaie de leur pièce en raillant l'illusion de l'apolitisme et la césure qu'ils maintenaient entre l'hôpital et la cité. Avant les événements ils se croisaient dans les tonus - bals chics et chauds - aux salons Mauduit, concurrents pour les filles, acolytes au bar. Depuis que tout pétait, que mandarins et politiques se planquaient, ça discutait ferme.
Le patron du Conti, gagné par la grâce, faisait servir à volonté des demis de bière. Louis n'avait rien dans le ventre depuis son café du matin, ses yeux se brouillaient, il se sentait à la limite de l'évanouissement, lorsqu’une belle main se posa sur son bras et qu’une voix douce lui disait « tu dois avoir faim... » et que l'autre main lui tendait un sandwich « C'est un sandwich au saucisson sec comme tu aimes... ». Comment le savait-elle ? Il le lui demanda. Elle rit, un rire clair. Ahuri, Louis la contempla, elle était étonnante, non, bien plus, rayonnante, une légère coquetterie dans l'œil, des cheveux longs et soyeux qui s'épandaient sur ses épaules nues et, tout autour d'elle, comme un halo de sérénité. Elle n'était pas belle. Elle était plus que belle, incomparable. En la remerciant, Louis se disait que, sa robe boutonnée du haut jusqu'en bas, d'ordinaire, il aurait eu envie de lui ôter. Là, Louis pointa son regard sur le bout de ses pieds et rencontra le bout des siens. Elle portait des ballerines noires. Louis adorait. À loisir il la contemplait. Elle avait l'air d'une jeune fille sage mêlant romantisme et pieds sur terre. Lui si disert, restait sans voix.Elle se penchait pour lui murmurer à l'oreille, en pouffant, «Tu crois que nous allons bâtir un monde meilleur ? » Louis s'extasiait sur ce nous, il le réduisait déjà à eux deux. Leur proximité, le troublait, il refrénait son envie d'effleurer ses lèvres, la peau ambrée de son cou. Louis imaginait une trace de sel, d'embruns, il la sentait naïade. Tel un naufragé, abandonnant le souci du bonheur de l'humanité opprimée, Louis lui posa une étrange question : « Aimes-tu la mer ? »
À la question de Louis elle répondit, en empoignant son cabas de fille, un oui extatique, en ajoutant « C'est mon univers... » Louis racontait la scène à Ambrose : « Nous nous levions. Naturellement elle passait son bras sous le mien. Les cercles s'ouvraient. Nous les fendions tout sourire. Certains, des à elle, des à moi, nous lançaient des petits signes de la main. Aucun ne s'étonnait. C'était cela aussi le charme de mai, ce doux parfum de folle liberté, cœur et corps, hors et haut. J'étais fier. Elle traçait un chemin droit. Nous laissâmes le fracas de la nouvelle place du Peuple derrière nous. Sur le cours des 50 otages nous croisions un groupe de blouses blanches remontées, bravaches comme s'ils allaient au front. Dans le lot, un grand type tweed anglais, nœud papillon et Weston, gesticulait plus que les autres, l'œil mauvais, un rictus accroché aux lèvres. À leur hauteur, il vociférait « Alors Marie on se mélange à la populace... » Elle, son prénom surgissait dans mon univers, c’était Marie. Ses doigts se faisaient fermes sur mon bras. Nous passions outre. Elle, devenue enfin Marie par le fiel de ce grand type hautain, d'une voix douce, me disait comme à regret, « Ne t’inquiètes pas, ce n'est qu'un de mes frères... Il est plus bête que méchant... »
Tout en elle me plaisait. Elle m'emballait. Je la suivais. Elle me montrait un vieux Vespa vert d'eau. Je la suivrais tout autour de la terre, au bout du monde, là où elle voudrait. Pour l'heure, sans casque, nous filions vers Pornic. Filer, façon de parler, l'engin ronronnait comme un vieux chat mais ça nous laissait le loisir d'apprécier le paysage et de papoter. Tout un symbole, elle conduisait et moi, avec délicatesse j'enserrais sa taille, je l'écoutais. Quel bonheur de se taire. Marie parlait. De moi surtout, j'avais le sentiment d'être dans sa vie depuis toujours. Spectatrice de nos palabres interminables elle avait su pénétrer dans les brèches de mon petit jardin d'intérieur. Moi, le si soucieux de préserver l'intégrité de celui-ci, je ne prenais pas cet intérêt pour une intrusion. Marie la douce me disait tout ce que je voulais ne pas entendre de moi et je l'entendais.
En Mai 68, la révolte des tracteurs à Nantes
Mai 68 à travers la France (2/3). Une improbable jonction étudiants-ouvriers-paysans s’opère le vendredi 24 mai, à Nantes, lorsque les tracteurs envahissent la place Royale.
Pour ne pas manquer la ferme des Batard, à la sortie de Pont-Saint-Martin, au sud de Nantes, il faut s’arrêter avant la grande boucle que forme la D65, à La Moricière. La révolution des paysans de Loire-Atlantique a commencé là, dans leur cour, en mai 1968. Pas seulement, car des rassemblements identiques avaient lieu au même moment dans la région. Mais ce vendredi 24 mai, tous les tracteurs du canton se sont retrouvés autour de René Batard, avant de rouler vers la ville, à moins de 20 km.
Les fils de René, Jérôme et Olivier, n’ont pas encore 10 ans. Ils ont aidé à remplir de fumier le F-237 D Mc Cormick-International, équipé d’une fourche hydraulique et d’un épandeur. Le coûteux tracteur (il s’en vend encore sur Internet, de 1962) a été acheté à tempérament, au Crédit agricole, cela va sans dire : 40 000 francs, une dette sur sept ans. Dans le fumier, les gamins ont glissé des cailloux.« Quand l’épandeur se mettait à tourner à toute blinde, ils n’aimaient pas trop cela, les CRS »,note Jérôme, l’aîné.
Une grande pancarte a été confectionnée et arrimée au tracteur comme une oriflamme :« Place au peuple », le mot d’ordre du jour. René a vissé sa casquette sur sa tête, ajusté ses lunettes sombres, deux accessoires qui ne le quittent jamais – au point que, pour passer incognito, il lui suffisait de les enlever. L’agriculteur de Pont-Saint-Martin a été l’un des premiers à souscrire à la modernité à marche forcée de ces années 1960. Quand il a acheté une clôture électrique, on l’a accusé de tous les maux, comme une sorcière de village.
Ce fameux vendredi, René Batard veut accomplir un acte symbolique, auquel il réfléchit sur son tracteur, clope au bec, en passant devant le château des ducs de Bretagne. Il a l’intention de répandre son fumier sur la place Royale de Nantes et d’accrocher sa pancarte sur la fontaine qui y trône. A son sommet, une déesse de marbre représente la ville, personnifiée par Amphitrite, munie du trident de son époux Neptune. Un sceptre aux airs de fourche. Le paysan y rebaptisera le lieu, place du Peuple. Au XIXe siècle, elle s’appelait bien place de l’Egalité.
Il faut grimper par-dessus les statues de bronze allégoriques, escalader les trois bassins de granit et même s’empailler avec des étudiants chevelus qui veulent suspendre de leurs propres mains le message révolutionnaire. Des zazous ! Des hippies !«Poussez-vous de là, les branlochons »,a tonné René, fichu caractère.
Répression disproportionnée
Mais tout le monde ne pense pas comme René Batard, parmi les paysans. Certains rêvent de la jonction étudiants-ouvriers-paysans, qui, d’une certaine façon, s’est produite, à Nantes. En témoigne le livre de Yannick Guin,La Commune de Nantes,publié en 1969, dont l’éditeur, François Maspero, a soufflé le titre. Chez les étudiants nantais, la contestation a pris des allures d’émeute. Dans cette université ouverte en 1962, peuplée d’étudiants aux revenus modestes, le retrait d’une bourse de logement et l’absence de réponse de l’administration ont provoqué une réaction en chaîne. Les contestataires ont envahi le rectorat, fumé les cigarettes du recteur, bu son whisky, uriné sur la moquette, actions certes répréhensibles, mais la violence de la répression paraît disproportionnée, commente le réalisateur Jacques Willemont dans son documentaire,L’Autre Mai, Nantes mai 68.
La solidarité des paysans avec les ouvriers s’impose plus encore qu’avec les étudiants pour des raisons historiques.
La solidarité des paysans avec les ouvriers s’impose plus encore qu’avec les étudiants pour des raisons historiques. L’un de ses artisans s’appelle Bernard Lambert. Le charismatique syndicaliste se trouve au pied de la fontaine, où les discours du jour sont prononcés, en compagnie de son complice de toujours, Médard Lebot. Lambert, membre du Parti socialiste unifié (PSU) depuis deux ans et responsable de sa commission agricole, commencera après les événements de mai la rédaction d’une « bombe », publiée en 1970 au Seuil,Les Paysans dans la lutte des classes.Ce manifeste dénonce le capitalisme industriel et financier dans l’agriculture et la prolétarisation des paysans. Traduit en plusieurs langues, il se vend à 100 000 exemplaires et fait du leader paysan un des intellectuels du mouvement.
Lambert, Lebot, Batard et la quasi-totalité des quelque 4 000 manifestants appartiennent soit à la FDSEA, Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles, branche de la puissante FNSEA en Loire-Atlantique, soit au CDJA, la déclinaison « jeunes » du syndicat. C’est le cas des frères Blineau, Pierre à gauche et Joseph à droite, perchés sur la statue, qui tiennent une banderole au slogan radical,«Non au régime capitaliste, oui à la révolution complète de la société ».Joseph est mort l’an dernier et Pierre a pris un mauvais coup en aidant ses petits-enfants à séparer un veau de sa mère. Mais Paul, leur frère, malgré ses 83 ans, est l’une des figures de la résistance dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Il y va tous les jours, qu’il pleuve ou qu’il vente. Au bas de la fontaine, une bannière plus sage proclame :«Avec tous les travailleurs, les agriculteurs exigent le plein-emploi, la parité des revenus et du niveau de vie ».
« L’Ouest veut vivre »
Comment ces slogans ont-ils pu fleurir au sein de la FNSEA, un syndicat réputé de droite, parfois soupçonné de flirter avec l’extrême droite, auquel on a même reproché des relents pétainistes ? Il est dirigé par les céréaliers d’Ile-de-France et les betteraviers du Nord, grands chasseurs de subventions qui mènent la guerre des prix à Bruxelles, la main dans celle des géants de l’industrie agroalimentaire. C’est du moins ainsi que le voient les paysans de Loire-Atlantique, dont les intérêts ne sont guère représentés dans ce système.
«Ils avaient du fric et rien à faire de nous »,résume Marie-Paule Lambert, 83 ans, qui a milité aux côtés de son mari, puis sans lui, après sa disparition accidentelle, en 1984.«Les paysans s’endettaient jusqu’au cou, ils prenaient tous les risques et la production ne correspondait pas à leurs frais »,rappelle cette femme engagée, toujours très active et rédactrice de nombreuses études sur la place des agricultrices ou sur la question scolaire. Elle apparaît sur quelques photos, rare femme présente au même rang que les hommes, dans cette manifestation.
Les signes du divorce annoncé entre la FNSEA et une partie des agriculteurs de l’Ouest, qui ont commencé à se fédérer en dehors de la maison mère au milieu des années 1960, ne datent donc pas de ce 24 mai. Mais ce fossé grandissant explique la coexistence de slogans inspirés du marxisme avec des revendications plus classiques ou franchement corporatistes. Au demeurant, c’est la FNSEA qui a appelé à cette mobilisation pour faire monter la pression avant des négociations serrées à Bruxelles sur les prix agricoles, à la fin du mois. Les paysans de l’Ouest y ont répondu d’une façon spectaculaire qui ne doit pas faire illusion.
Ce n’est pas l’avis de l’influent syndicat qui leur importe. Dans cette région très catholique, où les familles nombreuses sont encore la règle, il n’est pas rare qu’un enfant ou deux reprennent la ferme, tandis que les autres partent à l’usine, plus rarement à l’université. Non seulement le monde paysan et le monde ouvrier cohabitent pour raisons familiales, mais leurs organisations se parlent depuis longtemps. En 1967, à Guidel, dans le Morbihan, les syndicats d’agriculteurs et d’ouvriers ont signé une plate-forme commune de revendications sous l’appellation« L’Ouest veut vivre ».« Cela nous semblait logique, cette unité paysans-ouvriers, et primordial »,note Jean Bréheret, 77 ans, alors membre du CDJA de Loire-Atlantique, un des seuls de sa génération à ne pas venir de la Jeunesse agricole catholique (JAC).
« Ouvriers d’usine et des champs »
Ils ont défilé maintes fois sous des pancartes communes avec les ouvriers, comme à Issé (Loire-Atlantique), en 1963 :« Ouvriers d’usine et des champs, unis pour la défense de leurs intérêts ».En octobre 1967, à Redon (Ille-et-Vilaine), Bernard Lambert fustige, devant 15 000 paysans, ces céréaliers qui parlent au nom de tous à la Commission européenne.« Résultat ? Lait : 0 % de hausse pendant deux ans ; porc : 0 % pendant un an ; bœuf : 1,2 % ; aviculture, rien »,souligne l’éleveur, à la tête d’un grand poulailler industriel. En revanche, une augmentation espérée de 7 % pour le blé et la betterave, 10 % pour l’orge et 15 % pour le maïs, rapportent Laurent Jalabert et Christophe Patillon dansMouvements paysans(Presses universitaires de Rennes [PUR], 2013).
Le CDJA, lui, affiche sur son calicot une pétition de principe :« L’organisation du marché, oui, le libéralisme destructeur, non ! »Ce défilé de Redon, organisé à la suite d’une chute brutale des cours du porc et du poulet, se termine par un affrontement violent avec les forces de l’ordre. Ses organisateurs ont cependant gardé assez d’espoir, ou d’humour potache, pour défier leur ministre de l’agriculture :« Edgar tu es Faure, mais les Bretons vaincront ».Au cours de cette même année, plusieurs rencontres ont lieu entre la FDSEA et le CDJA, d’une part, et les syndicats d’ouvriers, d’autre part. Elles aboutissent à une sorte de programme commun, qui doit être défendu lors de manifestations dans seize villes de l’Ouest, le 8 mai 1968. Quelle prescience…
C’est peut-être cela qui les a le plus exaltés, ces paysans de l’Ouest. Cet échange entre humains, hors du sempiternel carcan des prix imposés.
Il souffle aussi un vent d’utopie à Nantes, en ce mois de mai.«Le plus important est moins visible »,souligne à juste titre René Bourrigaud, qui a écrit sa thèse sur les paysans de Loire-Atlantique et a beaucoup publié sur ce sujet. Un « comité central de grève » a été mis en place, dans lequel les agriculteurs jouent un rôle essentiel. Ce « marché solidaire », seize points de ravitaillement dans les quartiers démunis, au prix coûtant et parfois gratuit, les échanges de bons procédés avec les ouvriers en grève qui bloquent l’accès à l’essence vont permettre que« se tissent ou se renforcent des liens entre militants ruraux et militants des quartiers populaires qui se poursuivront au cours de la décennie suivante ».
C’est peut-être cela qui les a le plus exaltés, ces paysans de l’Ouest. Cet échange entre humains, hors du sempiternel carcan des prix imposés, cette utilité sociale si profondément ressentie.« Mon cœur n’est pas une marchandise »,prévenaitLe Paysan parvenu, un héros de Marivaux. Ce paysan-là, ce pourrait être Joseph Potiron, 35 ans en 1968. Il n’aime pas beaucoup les journalistes, mais il était d’accord pour qu’on vienne le voir à La Chapelle-sur-Erdre,«parce qu’il vaut mieux que l’histoire des lapins soit racontée par les lapins, et non par les chasseurs ».C’est lui que l’on voit, premier tracteur sur la droite, sur cette photo découverte dans le livre de Christian BougeardLes Années 68 en Bretagne(PUR, 2017). La pancarte avec la caricature de Pompidou, surmontée d’un cochon mort, il jure qu’il n’y est pour rien, surtout pour le cochon. Il ne connaît même pas le porteur de pancarte.
Echanges de bons procédés
A l’école, il n’avait entendu que des insultes,«bouseux », « plouc »,alors que dans les familles on était paysan depuis au moins quatre générations. Heureusement, dit-il, il y a eu la JAC, véritable agence matrimoniale et formidable école de formation, et cinq ans de cours par correspondance, tous les soirs le nez dans les livres, dit-il.«1968 m’a permis de faire un bond énorme. C’est ça que je voulais, que j’attendais, mais je ne le savais pas. »Cette ouverture au monde, ce frottement à d’autres catégories sociales, l’a bouleversé. Joseph Potiron garde un souvenir très vif de cette invitation de l’université à venir lire sa motion, les applaudissements, les bravos, lui qui n’avait«jamais mis les pieds dans une fac ».Il n’y a guère que les ouvriers de l’usine des Batignolles qui les ont traités, ses copains et lui, de« petits patrons »,parce qu’ils étaient propriétaires de leur outil de production. Alors qu’ils arrivaient avec des bouteilles de vin…
« 1968 m’a permis de faire un bond énorme. C’est ça que je voulais, que j’attendais, mais je ne le savais pas. » Joseph Potiron, agriculteur du pays nantais
Devant la traction du syndicat (dans les campagnes, c’était une belle voiture et il y en avait encore beaucoup), un homme semble se tenir à son panneau, chargé de reproches :«Ah Mansholt, tu nous dis que le lait est trop cher, mais tu profites des pays tiers qui produisent ta chère margarine ».En 1968, la margarine, voilà l’ennemi ! Il s’en vend de plus en plus, au détriment du beurre, dans des supermarchés de plus en plus grands, à un prix qui défie toute concurrence. Qui permet tout de même à l’industrie agroalimentaire de s’engraisser. Cette invention suscitée par Napoléon III pour nourrir les nécessiteux, « le beurre des pauvres », a pris son essor lorsque les matières végétales ont remplacé des matières animales de mauvaise qualité (de la graisse de bœuf). Cette émulsion d’huile et d’eau gonfle les marchés de l’arachide, principalement dans le « tiers-monde », mais laisse exsangues les producteurs de lait dont on fait le beurre.
Et qui est cet homme oublié que les paysans apostrophent ? Sicco Mansholt, un Néerlandais, commissaire européen chargé de l’agriculture de 1958 à 1972, considéré comme le père de la politique agricole commune (PAC), connaissait bien les paysans de Loire-Atlantique. Ces derniers n’hésitaient pas à aller le voir à Bruxelles et il avait accepté de se rendre à Nantes à leur invitation. Georges Pompidou, Raymond Barre et Georges Marchais ont jugé qu’il tournait mal, un jour de février 1972. L’ancien commissaire avait publié une lettre ouverte dans laquelle il proposait, à la suite du Club de Rome, une politique écologique de décroissance et un revenu minimum pour tous.
Regards narquois des voisins
Le retour à Pont-Saint-Martin n’a pas été très drôle pour René Batard. D’abord, il y a eu la visite de« tonton l’abbé ». Joseph Batard, le curé de la famille, une gueule à la Fernandel et une voix de tonnerre, a délaissé quelques heures ses paroissiens de Frossay pour venir s’asseoir dans le coin de la cheminée. Le neveu a passé un sale quart d’heure :«Alors, qu’est-ce que t’as été foutre du fumier sur la place Royale ? ! C’est la honte de la famille ! »Les six enfants avaient beau aller à la messe tous les dimanches,« avec des gants blancs »,rigole Jérôme, cela n’effaçait pas le fumier. Et s’il n’y avait que tonton l’abbé ! Les regards narquois des voisins, les nez tordus, les remarques acides, quinze jours après :« Hé, René, si t’as du fumier à mettre, mon jardin il est moins loin ! ».Haha.
Ensuite, il y a eu l’épisode de l’école. Pendant ces jours de révolution de Mai 68, dans la très catholique Bretagne, des réunions ont eu lieu à Pont-Saint-Martin, comme dans d’autres communes, pour réunir l’école publique et l’école privée. Les directeurs des deux établissements étaient présents, les recteurs assis à la tribune et tout le monde était partant.«Et puis,raconte Cécile, la veuve de René, de sa voix douce,Arsène Figureau s’est levé. C’était une vieille famille de Pont-Saint-Martin. Il a dit : “On s’est assez battus pour avoir nos écoles chrétiennes, c’est pas maintenant qu’on va abandonner” et il a retourné la salle. »Fin de l’histoire.
C’est dommage, parce que le curé de cette époque-là, le père Bureau, était un homme d’Eglise très progressiste. Ces dimanches de mai, il faisait toujours un sermon qui plaisait bien à la famille Batard : il disait qu’il était content que le peuple se réveille. Alors, se rappelle Cécile avec un petit rire,« la châtelaine faisait du bruit avec sa chaise, elle la raclait sur le sol, et ça toussait, et ça toussait ! ».Il a été muté au Croisic.«C’était vraiment un brave type, très proche des gens. On allait le voir au Croisic »,conclut Cécile avec un sourire.
René, cela ne l’a pas découragé de poursuivre le militantisme tous azimuts. Il faut croire que ce parcours-là, la JAC, les cours du soir, le syndicat, comme toute cette petite élite paysanne des années 1950-1960, cela trace profond le sillon : il s’est naturellement dirigé vers les Paysans travailleurs, cofondés par Bernard Lambert puis s’est fixé sur la Confédération paysanne, l’héritière de ces années de lutte.«La première année où on est partis en vacances, à Conques-en-Rouergue, il nous a plantés là et il a filé sur le plateau du Larzac »,raconte Jérôme. René Batard est mort en 1993, après avoir souffert pendant huit ans de la maladie d’Alzheimer.
Olivier est devenu un super-spécialiste des vaches. Un as des paillettes (cela a à voir avec la reproduction), un assidu des concours avec les descendantes des bêtes de René et Cécile. Les six premières, c’était la dot de la jeune mariée. Elles étaient arrivées par le train dans un wagon à bestiaux et ils étaient allés les chercher tous les deux à la gare de Nantes. En 1968, ils en avaient quinze. Olivier en a 80, des amours de vaches qui paissent sur les terres familiales. Le fils de René Batarda entendu dire que l’extension de l’ancien aéroport attisait les convoitises.«Ils veulent me prendre 15 hectares. Je me suis battu toute ma vie pour avoir des terres regroupées. Et je resterai en bagarre pour protéger ma ferme. »En digne fils de son père.
Le confinement a du bon, ainsi en revisionnant deux grands films Luchino Visconti, Les Damnés 1969et surtout son rôle dans Mort à Venise en 1971, que je me suis dit vieille branche, Dirk Bogarde vaut bien une chronique dominicale.
Le Britannique est né le 28 mars 1921. Acteur fétiche de Joseph Losey ou de Luchino Visconti, porté au pinacle par la critique, il regrettait pourtant de ne pas être mieux connu du public.
Dirk Bogarde était un acteur rare, au jeu délicat. Né en 1921, il commence à se faire remarquer au cinéma au début des années 50. Il tournera une soixantaine de films au cours de sa carrière et sera dirigé par les plus grands, Cukor, Vidor, Fassbinder ou Visconti…
Jusqu'aux années 60, il tient des rôles de jeunes premiers dans des films d'aventures, historiques ou des drames romantiques, avec de séduisantes partenaires féminines. Il rencontre le succès, notamment Outre-Manche et aux USA. Mais la quarantaine venue, le comédien opère un tournant drastique dans sa carrière lorsqu'il accepte le rôle, périlleux pour l'époque, d'un avocat victime d'un chantage homosexuel dans La Victime de Basil Dearden (1961). Ce rôle complexe va attirer l'attention de Joseph Losey, qui lui confie alors le rôle du valet sadique et ambigu de The Servant en 1963. Il tournera quatre films avec lui entre 1963 et 1967.
« Je suis très respecté mais je ne suis pas au box-office »
Le comédien britannique incarnera désormais des personnages torturés et ambigus qui vont lui offrir la reconnaissance de la critique, mais lui fermeront celles du box-office. Il le regrettait toujours amèrement dans cette interview du 20 juin 1976, dans Les Rendez-vous du dimanche de Michel Drucker. L'acteur y déplore d'avoir perdu de sa notoriété vers la quarantaine, après avoir cessé de jouer les jeunes premiers et de ne pas être parvenu à conserver la reconnaissance du public.
Des personnages complexes
Dans les années 70, l'acteur au charme cinématographique vénéneux connait ce qu'on pourrait qualifier de "sombres" heures de gloire, à l'image des rôles que lui confient désormais les réalisateurs. Des rôles saturniens, bien loin des compositions solaires de ses débuts. Des personnages ambigus qu'il préfère qualifier de "complexes" dans cette interview de 1984 pour le JT de Marseille.
Dirk Bogarde peut tout de même se targuer d'avoir joué avec les plus grands cinéastes George Cukor, Richard Attenborough, Rainer Werner Fassbinder ou Liliana Cavani. En 1974, elle lui offre le rôle d'un ancien nazi dans le film Portier de nuit qui décrit une liaison sadomasochiste entre une ancienne victime de camp (Charlotte Rampling) et son bourreau SS. (Interview audio dans le journal de France Inter le 25 mars 1974)
L'égérie de Visconti
De la fin des années 60 à la fin des années 70, l'acteur collabore avec le réalisateur italien Luchino Visconti dans Les Damnés en 1969 mais surtout pour son rôle dans Mort à Venise en 1971. Un rôle pour lequel il obtient la Palme d'or du meilleur acteur au festival de Cannes cette même année.
« Je n'ai pas tourné depuis treize ans, aidez-moi »
Les rôles vont se raréfier et à partir de 1978, l'acteur ne va plus tourner. C'est Bertrand Tavernier qui le sortira de sa traversée du désert en 1990 dans le film Daddy Nostalgie. Ce sera son dernier film.
A Cannes, Dirk Bogarde décrivait alors son jeu pour ce rôle, sans sexualité et sans sentiments : « Je déteste le sentimental. C'est très américain. »
Le 8 mai 1999, Dirk Bogarde s'éteignait à l’âge de 78 ans, à la suite d'un cancer dont il se savait atteint depuis plusieurs années.
À l'exception de quelques-uns, dont Hunted (Rapt) de Charles Crichton (1951) et Victim (Victime) de Basil Dearden (1961), les films auxquels Dirk Bogarde a participé entre 1947 et 1962 sont, au pire, mauvais, au mieux, médiocres. Contraint à interpréter des jeunes premiers romantiques, des délinquants fugitifs ou des officiers de Sa Gracieuse Majesté dans des productions routinières, il a pourtant atteint un degré de popularité exceptionnel dans l'histoire du cinéma britannique. Certes, sa beauté, son charme, son magnétisme même y ont contribué. Pareil engouement ne se serait cependant pas exprimé sur une telle durée s'il n'y avait eu quelque chose de plus consistant. Intelligent, cultivé, raffiné et professant une haute opinion de son métier, le comédien s'employait en effet à donner quelque épaisseur aux personnages conventionnels qu'il était chargé d'interpréter, en les dotant parfois d'une touche énigmatique ou sardonique. Dans les années 1960, il s'imposa enfin comme un des plus grands acteurs de cinéma britanniques.
Peu de comédiens sont parvenus à un si haut degré d'intensité dramatique avec une telle économie de moyens : discret, quasi effacé, Dirk Bogarde se montre constamment « à l'écoute » de ses partenaires et ne joue qu'en inter-réaction avec eux. D'une subtilité rare, il sait doter ses personnages d'une complexité et d'une ambiguïté inouïes, en s'attachant à en révéler, par un simple geste ou une expression fugitive, les fissures ou les zones d'ombre.
Commencée sur les bancs de l’école, l’histoire de Louis et d’Ambrose, tout long de la seconde moitié du XXe siècle, est celle d’un compagnonnage peu commun, une complicité rare de deux bébés Cadum, dans la cohorte des « 12 millions de beaux bébés » que de Gaulle, en 1945, appelait de ses vœux. Génération palimpseste, née dans un monde en train de disparaître, un coup de jeune effaçant les classes creuses, le temps de l’enfant rare dont Jean Giraudoux s’inquiétait en 1939 « Le Français devient rare ». Robert Debré et Alfred Sauvy publient Des Français pour la France et proclament : « L’enfant, cet éternel oublié, doit être l’ami public n°1. »Au cœur des 30 Glorieuses, chères à Jean Fourastié, « la vieille terre des Gaulois se transforme rapidement en une puissante nation industrialisée. », écrivait Newsweek dans son numéro du 10 février 1964, leur prime enfance fut placée sous le signe de temps difficiles, le cri d’alarme en 1954 de l’abbé Pierre, le lait de Mendès distribué dans les écoles, témoignaient du mal-logement et des carences alimentaires dans les milieux populaires. Ils n’ont pas, contrairement à une idée reçue, baignés, tout au long de leur vie dans un doux bain amniotique. Ce sont leurs grands-frères qui connaîtront la guerre sans nom, celle des djebels, des douars brûlés, des camps de regroupement, de la bataille d’Alger, eux seront, avec la jeunesse du monde entier, les enfants engagés contre la guerre du Vietnam, le napalm, ceux de Woodstock. Ils seront un peu yé-yé, Salut les Copains, Beatles ou Stones, pat’d’eph, cols pelle à tarte, Clark, cheveux longs et idées courtes, Mai 68, la chienlit, les slogans assassins, la grève générale, sous les pavés la plage, nous sommes tous des juifs allemands, la douche froide du raz-de-marée gaulliste de juin, viendrait le temps du madré Pompidou, où les enragés s’apercevraient que leur « révolution » avait ouvert grandes les portes de la société de consommation, de tout, des biens, du sexe. Tous dans le même sac que les profiteurs virant leur cuti, Serge July en tête, pour certains finiront chez Mitterrand, d’autres chez Rothschild, d’autres chez Macron, Cohn-Bendit et Goupil, beaucoup, tel Sauvageot, dans l’oubli. Tel fut le destin d’une génération, celle des boomers, placée d’emblée sur des échasses.
Louis, visage d’ange, boucles brunes, grande asperge, de ceux à qui on donne le bon Dieu sans confession, enfant de chœur, sa devise « sur mon lisse tout lisse », réussissait tout sans y toucher, toujours premier, un capitaine, au sens sportif, un passeur clairvoyant, la vista, sans cesse amoureux, au sommet ce fut Chantal, un corps de reine, harmonieux, un grain de peau fin et soyeux, une poitrine haute et ferme qui tendait ses pulls angora, des jambes au galbe parfait, une taille de guêpe et un cul à damner l'enfant de chœur qu’il était. Tout, elle possédait tout, pure perfection, la quintessence de la beauté plastique. Mais Chantal c'était aussi un visage laid, une laideur minérale, glacée, osseuse, rien que de la disgrâce à peine atténuée par un regard ardent et un sourire moqueur. Chantal c'était une grande, une femme déjà, qui le fascinait. Il la voulait. Elle le fuyait. Il lui parlait. Elle se taisait. Il la bombardait de lettres enflammées. Les lisait-elle ? Il devenait fou, fou d'elle, et sa tête incandescente échafaudait mille stratégies pour forcer la porte de l'emmurée. Un soir, du fond de son lit, alors que les rats carapataient sur le tillage en une infernale sarabande, en désespoir de cause, pour se rassurer, il en vint à décliner un postulat, le postulat de la laideur.Pour lui « le capital d'amour d'une femme laide était proportionnel à l'intensité de sa laideur » Avec Chantal il découvrait le grand amour, l'amour pur, celui que l'on porte, tel un diamant fiché au cœur, pour l'éternité, jusqu'à son dernier souffle. Louis carburait à l'exaltation. Il allait forcer sa nature. Ouvrir les vannes de son ébullition intérieure. La prendre d'assaut sans sommation. Ce qu’il fit un dimanche, dans la pénombre de la salle du patronage, au premier acte d'un drame familial, il lui prit la main et la tira vers le dehors. Elle le suivit n'opposant aucune résistance.
Sous les tilleuls de la place de l'église il la déshabilla, pièce par pièce. À nu, son corps, sous la pâle lumière de la pleine lune, loin de le précipiter dans le désordre des sens, le plongea dans un recueillement profond. Ce fut une forme étrange d'adoration, un plaisir esthétique intense. Louis prit un léger recul pour la contempler. L'admirer. Ses mains, telles celles d'un ébloui, se tendaient, l'effleuraient à tâtons, l'explorait avec lenteur. Chaque parcelle d'elle l'infusait d’un puissant flux d'ondes qui le jetaient, par secousses violentes, dans état proche de l'apnée, au bord de la rupture mais, en dépit d'un sexe de silex, il se vivait si minable qu’il n'osait l'investir. Bandant ses dernières forces, Louis allait au-devant de son désir. Chantal acceptait ses mains avec volupté. Ouverte, elle lui offrit une jouissance d'apocalypse qui le propulsa vers des sommets inviolés.
Mais, et ce fut le premier petit caillou, la première blessure, l’été touchait à sa fin. Louis retrouva Chantal sur la place des Tilleuls. Ils s’assirent sur l’un des bancs de ciment, Chantal lui prit la main. « Toi tu n'es pas comme les autres. Je ne suis pas sûr que tu sois aussi gentil que tu en aie l'air mais je m'en fous. Toi tu ne me prends pas pour un trou à bites. C'est bon tu sais... » Chantal se tordait les mains. « Ce que je vais te dire va te déplaire mais, je t'en supplie, ne dis rien. Laisses-moi aller au bout. C'est si dur... » Chantal murmurait « Tu es trop bien pour moi… » « Ne te fâche pas ! Ce n'est pas de ta belle gueule dont je parle, c'est de toi. Je ne peux que te décevoir. Je ne veux pas te décevoir... » « Je te propose un marché. Tu prends ou tu laisses mais, quelle que soit ta réponse, nous ne nous reverrons plus... » Chantal était allée au bout de son propos « Voilà, si tu le veux bien, je t'emmène dans mon lit. Là où tous ces boucs qui me sautent disent me faire l'amour. Allons y faire l'amour... » Elle se tut en le fixant droit dans les yeux, « Tu veux ? ». Lâchement il répondit oui. Son marché Louis l'avait accepté sans protester. Chantal partait le lendemain travailler à Paris. Ils ne s’étaient plus jamais revus.
Votre Taulier ne rechigne jamais, même pendant les mois d’été, à explorer les plis et les replis de la libido du buveur. Mais, comme il est aussi un fieffé ramier, il ne crache pas sur le recyclage de chroniques anciennes. Pour sa défense, celle que je...
Puisque certains n'ont pas compris mes conneries de la saison 1 ICI link j'en remet une louchée. C’est donc l’histoire d’un mec qui passait sa vie avec les bandits manchots dans les casinos. Il jouait à tout. Il pariait sur tout. Il grattait. Il se faisait...
Fenêtre sur cour, L’amour Est un crime parfait, Des mots noirs De désespoir Jetés sur un petit carnet. Mère au foyer sans foyer À nue Toute nue. Sur sa peau lisse tout glisse. Ses grains de beauté Fixés sur mes clichés volés. Sente blanche de ses hanches...
1- J'adore les mecs, le cul vissé sur le siège de leur scooter, qui m'invectivent parce que sur mon vélo je ne démarre pas assez vite aux feux tricolores... Bienheureux les beaufs ! 2- J'adore les nanas, les fesses posées sur le cuir des sièges de leur...
Sur la Toile faut s’attendre à tout lorsqu’on est comme moi un VB, vieux blogueur, un VC, vieux con, un VD, vieux débile qui crache sa bile comme dirait l’immense Mimi, mais un qui a aussi le bras très long, un influenceur de Première League, un gars...
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