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17 mai 2021 1 17 /05 /mai /2021 06:00

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Je raille, je déraille, j’en conviens, ce n’est pas nouveau mais, comme les 1.407 couvertures auxquelles vous avez échappé(es) de Charlie hebdo, le premier jet du titre de cette chronique, auquel vous avez échappé, frisait l’insulte, l’outrage à la statue du Commandeur des dégustateurs. Ma publication n’étant qu’en recto le titre en question est renvoyé en bas de page.

 

 

La nuit portant conseil, je me suis dit mon coco (ce qui m’a fait penser à Karl et son Manifeste) qui suis-je pour oser un tel titre ?

 

 

 

Rien qu’un buveur de vins nu qui puent… immodeste, bien sûr…

 

Tu peux être irrévérencieux mais l’irrévérence à des limites, même si le papy Michel, en son temps, ne s’est pas privé de gratifier les vignerons bio du doux nom de « bio-cons »

 

Le texte du Manifeste est de la plume d’un certain Louis-Victor Charvet, qui se dit « rédacteur en chef et directeur de l’expertise Bettane+Desseauve »

 

Mazette, ça en jette grave, une belle tartine sur la carte de visite de L.V.C.

 

Le susdit, pour que nous ne le confondions pas avec un dégustateur lambda, nous met au parfum à propos de son job chez B&D « l’une de mes principales missions est de veiller à ce que notre prescription demeure forte et incontournable. »

 

J’adore ce qui, de manière péremptoire, est déclaré incontournable car, n’en déplaise à L.V.C, rien dans ce domaine ne l’est, et c’est heureux.

 

L.V.C, en bon vassal de son suzerain B&D, nous explique qu’il est adoubé :

 

« C’est l’héritage que m’ont confié Michel Bettane et Thierry Desseauve, et avec eux, toute une entreprise dont la bonne santé repose peu ou prou sur la vitalité de cette mission. »

 

Je m’attendais donc à l’équivalent de l’opus de Karl&Frédéric qui a bousculé le monde.

 

Déception !

 

Le Manifeste pour une nouvelle expertise est une pépite molle, un joyau musical de joueur de pipeau pour gogos, un ripolinage poussif de l’exercice de notation, une version incolore, inodore, sans saveur, de l’expression « C’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe»

 

Pour être plus encore politiquement incorrect je cite Joseph Kessel dans Les Enfants de la chance (1934) « Je continue à voir les poules du coin, un peu vieilles, comme je les aime, quoi, je ne change pas : c’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe. »

 

Je peux me le permettre puisque la maison Bettane+Desseauve abrite le pire : un certain Nicolas de Rouyn dit Rin de Rin, officiellement le rédachef d’En Magnum qui avait omis de mettre au parfum le directeur de la publication, ce pauvre Thierry Desseauve, que lui connaissait bien Fleur Godart et que la publication de la grosse merde sexiste de Régis Franc était ciblée.

 

Dans le duo B&D, la star c'est Bettane mais le drame de Michel Bettane se nomme Robert Parker, le plus grand dégustateur de tous les temps, le critique le plus puissant de la planète… (Lire plus bas)

 

Comment cet inculte fils de paysan du Maryland, petit avocat, a-t-il pu réduire, ceux qui se croyaient les seigneurs de la place, à un rôle subalterne de demi-soldes qu’on continue, par charité, à inviter ? Dans le même sac leurs consœurs et confrères de la vieille R.V.F, qu’ils ont quitté, ainsi que les autres petits couteaux  qui se la pètent tel Yohann Castaing ?

 

Il a imposé son tempo, ses goûts, sa note sur 100 : ça en jette plus qu’une note sur 20 au parfum de notre mammouth de l’Éducation Nationale. En accordant la note mythique de 100/100 aux vins qu’il jugeait exceptionnels, le critique américain Robert Parker a bouleversé le destin de nombreux domaines. Il a sorti les G.C.C des petits jeux de la place de Bordeaux, innové, même si les gardiens du Temple ont frisé le nez, fait gagner beaucoup d’argent aux heureux élus comme aux nouveaux venus type Valandraud de Jean-Luc Thunevin passé du statut de vin de garage à Premier cru.

 

Rassurez-vous je ne suis ni un adorateur de Bob Parker ni d’ « oxygénez, oxygénez… » j’ai nommé Michel Rolland le diable en personne, et je ne suis pas en train d’écrire que notre Bettane fut un dégustateur de seconde zone, je ne fais que constater le degré d’influence sur les faiseurs de vin comme sur les consommateurs.

 

Qui attend aujourd’hui avec angoisse les notes de la dream-team Bettane&Desseauve ?

 

Sans grand risque de me tromper, pas grand monde, et pourtant le Parker a vendu sa boutique, l’espace est donc ouvert.

 

De tout ceci il résulte que le fameux Manifeste tombe à plat, il a même quelque chose de pathétique, comme l’acharnement des interprètes de l’orchestre du Titanic.

 

En appeler aux mannes de Raymond Baudouin fondateur de La Revue du vin me fait penser à la Symphonie funèbre et triomphale de Berlioz.

 

« Nous le savons, cet héritage, laissé par Raymond Baudouin, fondateur de La Revue du vin de France, est exigeant. Il implique des choix forts et nécessite une hiérarchie claire (mais jamais figée) entre les vins soumis à notre jugement. »

 

Sur mon lit d’hôpital en service de soins intensifs à Cochin, les soignants me demandaient de me situer sur l’échelle de 1 à 10 de la douleur. Ce n’était que mon ressenti. Noter les vins sur la base 100, même si on élargit l’écart entre les meilleures et les plus basses, est du même type.

 

« Nos notes pour le millésime 2020, que nous jugeons excellent, seront plus basses que celles attribuées par la plupart des experts admis et reconnus, qu’ils soient français, européens, chinois ou américains. »

 

J’adore, cette extension du domaine Bettanedesseauvien qui se contente et se cantonne à notre marché domestique peu consommateur de G.C.C. Comme le proclamait la pub « Vahiné, c’est gonflé ! »

 

L’ensemble du Manifeste ICI 

 

  Amazon.fr - Robert Parker : Les Sept Péchés capiteux - Simmat, Benoist,  Bercovici, Philippe - Livres

 

« Personne n'est capable de décortiquer un vin comme il le fait. Il peut déguster de 60 à 100 vins par jour, parfois davantage. Et le plus extraordinaire, c'est qu'il peut à la fin d'une telle journée, lors d'un dîner, identifier la quasi-totalité des vins qu'on lui présente à l'aveugle sans se tromper sur le domaine ni sur le millésime. Derrière le mythe Parker, il y a un palais et un odorat exceptionnels. »

 

« Robert Parker s'est imposé par son talent et sa capacité de travail, mais il a aussi bénéficié d'un contexte particulièrement favorable. Son talent s'est révélé avec le millésime 1982, qu'il a porté aux nues dès les premières dégustations et ce contre un bouclier d'avis autorisés. »

 

Le résultat c’est que tous ceux qui ont suivi ses conseils ont gagné beaucoup d'argent : «À la faveur du millésime 1982, une frénésie acheteuse sans précédent s'est emparée des Américains. Comprenant que les commentaires et surtout les notes de Parker forgeaient la demande aux USA, les Bordelais ont commencé à pratiquer une politique de rétention des vins visant à faire monter les cours. Par exemple, en 1985, la note parfaite attribuée au Mouton-Rothschild 1982 fait quadrupler le prix de la bouteille ! C'est à partir de ce moment-là que la place de Bordeaux est devenue la plus spéculative qui soit. Aujourd'hui, plus que jamais, le négoce et la filière attendent ses notes pour se positionner. Jamais personne n'a eu une telle influence sur le marché. »

 

Robert Parker s'impose au moment où beaucoup de choses basculent. « On constate dès le début des années 1980 une profonde métamorphose du monde du vin. Robert Parker accompagne et amplifie l'évolution commencée par l'œnologue Emile Peynaud vers des rouges fruités, mûrs, boisés, aux tannins souples. Mais la révolution n'est pas seulement d'ordre technique. Une mode se dessine. Le vin devient un facteur de promotion sociale. Il est de bon ton d'en boire, mais aussi d'en parler. Le vin prend encore une dimension financière à laquelle Robert Parker n'est pas étranger. Les bordeaux, qui demeurent la référence mondiale, lui ont permis d'asseoir sa notoriété. Mais ils lui doivent aussi d'avoir tenu leur rang dans la compétition mondiale. Il suffit qu'un cru soit évoqué par Robert Parker pour que son prix s'enflamme. Même s'il n'a pas voulu la spéculation qu'il alimente, il est aujourd'hui prisonnier de son système. »

 

La défense du consommateur le cheval de bataille de Robert Parker « il a surtout marqué les esprits en se posant comme un chevalier blanc, comme le plus intransigeant défenseur du consommateur. Il a fait de l'indépendance de la critique par rapport aux professionnels du monde du vin un principe absolu. ».

 

Mais, il faudrait être naïf en ignorant les réseaux bordelais de Parker « En évoquant ses relations avec l'œnologue Michel Rolland, les négociants Archibald Johnston, Jeffrey Davies, Bill Blatch et Dominique Renard, ses amitiés avec Jean-Bernard Delmas, l'ancien administrateur du grand cru Haut-Brion et la famille Moueix, je ne relate que des choses connues de tous. Loin de moi l'idée de qualifier ces liens. Je veux seulement démontrer qu'il y a un fossé entre son discours et ses pratiques. Comment expliquer qu'il qualifie d'« amis », voire d'« experts en amitié », certains éminents acteurs du monde du vin, tout en martelant par ailleurs qu'il n'a pas d'amis dans ce milieu et rappelant inlassablement l'impérieuse nécessité pour un critique de garder ses distances avec le négoce, sous peine de compromettre la fiabilité de ses avis ? »

 

Avec le Manifeste pour une nouvelle expertise Bettane&Desseauve mute en un nouveau variant Bêtasse&DeSauveQuiPeut du naufrage…

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16 mai 2021 7 16 /05 /mai /2021 08:00

 

Au cours de la traversée nous découvrîmes, blotti dans un rond de cordages, notre Achille un peu penaud. Comment s'était-il faufilé sur le bateau sans éveiller l'attention de l'équipage, lui seul le savait ? Très, le chien d'Alexandre le Bienheureux, il nous la jouait regard implorant et queue qui frétille. Marie ne cédait pas au chantage de notre astucieux bâtard, à l'arrivée elle le confiait à Antoine Turbé, le charcutier de Port-Joinville, qui rapatriait ses carcasses de cochons dans sa fourgonnette frigorifique. À Fromentine, Lucien Buton, le menuisier qui rafistolait nos meubles, nous attendait. C'est lui qui, à la demande expresse de Jean, faisait office de chauffeur. J'avais eu beau protester, Jean n'avait rien voulu savoir. Je compris pourquoi lorsque ce tordu, alors que je m'apprêtais à grimper sur le bateau, m'avait marmonné pipe éteinte au bec « Tu me diras au retour ce que tu penses de Buton. Ce n’est pas une lumière mais il est sérieux. Tu comprends, ça me ferait un bon associé ». J'avais balancé de lui répondre « Vieux salaud de gauchiste, quand tu veux, tu sais où sont tes intérêts... » mais je m'étais contenté d'un « Tu peux compter sur moi » très professionnel.

 

En traversant le bourg de St Julien-des-Landes un détail d'intendance s'installait dans ma petite tête : maman allait-elle nous proposer de faire chambre à part ? Au lieu de m'inquiéter, cette question, qui peut vous paraître saugrenue aujourd'hui, mais qui en août 1968, aux confins du bocage vendéen, sentait le péché, déclenchait chez moi un irrépressible fou rire. Entre deux hoquets, afin de ne pas vexer le brave Lucien Buton qui s'échinait à entretenir la conversation avec Marie sur des sujets aussi importants que le nombre de voitures d'estivants qui passaient devant chez lui depuis que son voisin avait ouvert un camping dans son pré ou le prix de l'essence qui avait augmenté à cause des événements, je dis à Marie « Je repense à l'histoire que tu m'as racontée hier au soir... » Et, c'était la plus belle expression de notre complicité, même si elle n'y comprenait goutte, à son tour elle partait dans son grand rire clair. Buton, bon prince, sans poser de questions, affichait le contentement du type qui a la chance de côtoyer des gens qui ne sont pas de son monde.

 

La maisonnée nous attendait en faisant comme si de rien n'était. Maman cousait. La mémé Marie égrenait son rosaire pendant que la tante Valentine lisait Le Pèlerin, sans lunettes. Papa, avec le cousin Neau et mon frère, s'affairaient autour de la moissonneuse-batteuse. Ma sœur n'était pas là, bien sûr, puisqu'elle s'était mariée en 65. Entre la voiture de Buton et la maison j'avais affranchi Marie de la raison de mon fou-rire. Très pince sans rire elle me répondait du tac au tac « Tu sais je n'avais pas l'intention de partager ton lit cette nuit. Je ne suis pas une Marie couches-toi là mon petit Louis en sucre… » Mon soupir et mon haussement d'épaules la faisaient s'accrocher à mon bras « Ne t'inquiètes pas nous ferons comme ta maman voudra... » Au premier coup d'oeil sur maman je sus que la partie était gagnée. Marie était digne de son fils chéri. Papa, l’œil coquin, fut le premier à l'embrasser. Dans son coin, la mémé Marie, devait en direct adresser, à la Vierge du même nom, un Je vous Salue Marie de satisfaction. Même la tante Valentine, d'ordinaire avare de compliments, dodelinait de la tête pour marquer son assentiment. 

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16 mai 2021 7 16 /05 /mai /2021 06:00

 

Le confinement m'a poussé à aller explorer les derniers vendeurs de DVD d'occasion de la place de Paris. J'y ai fait une petite razzia et j'ai déniché des pépites dont ce film : « Que Dios nos perdone »de Rodrigo Sorogoyen. 

 

Que Dios nos perdone [Blu-Ray]: Amazon.fr: Antonio de la Torre, Roberto  Álamo, Javier Pereira, Luis Zahera, Raúl Prieto, María Ballesteros, Rodrigo  Sorogoyen, Antonio de la Torre, Roberto Álamo: DVD & Blu-ray

 

Après le classique La 317e section, Arte proposera Que Dios nos perdone, un film espagnol très réussi sorti au cinéma durant l'été 2017. Notez qu'il est également disponible en replay sur le site de la chaîne. 

 

Couston de Télérama aime, normal  il est gore, Sotinel  du Monde exècre, ça ne m'étonne pas, un peu pincé du c...

Críticas de cine: 'Que Dios nos perdone', un asesino anda suelto por el  Madrid más castizo

Télérama

AbonnéCritique parJérémie Couston

 

Après avoir longtemps et volontairement dissimulé l’Histoire sous le formalisme, les films policiers n’hésitent plus à inscrire l’enquête criminelle dans le contexte politique et social du pays où elle se déroule. En situant son polar en 2011, dans un Madrid étouffé par la canicule et envahi par les fidèles de Benoît XVI et les manifestants du mouvement des Indignés, le cinéaste permet à sa fiction de se confronter au réel. Pendant que la jeunesse catholique communie dans l’allégresse et que la gauche espagnole se réinvente collectivement à la Puerta del Sol, deux policiers enquêtent sur une série de viols suivis de meurtres. L’opposition entre le sacré et le profane, entre la pureté et la corruption, vient contaminer les policiers eux-mêmes, en proie à des pulsions de violence qui les rapprochent de l’homme qu’ils traquent. Le flic bègue, d’un tempérament calme à côté de son collègue au sang chaud, devient ainsi, en présence de la femme de ménage qu’il convoite, un prédateur sexuel malgré lui. Dans cette ville grouillante de touristes et de militants qui cohabitent dans une relative indifférence, le tueur en série à la gueule d’ange vient rappeler que le mal peut s’immiscer partout. Après La Isla mínima (d’Alberto Rodríguez), qui mêlait déjà les codes du polar à la politique contemporaine, ce thriller vient confirmer l’excellente santé du cinéma de genre espagnol.

Que Dios nos perdone  : serial killer de série

L’interminable film noir madrilène de Rodrigo Sorogoyen exécute le programme habituel du genre.

Par 

Publié le 09 août 2017 à 07h18 - Mis à jour le 09 août 2017
Raul Prieto et Antonio de la Torre dans le film espagnol de Rodrigo Sorogoyen, « Que Dios nos perdone ».

L’avis du « Monde » – on peut éviter

Pour passer les Pyrénées aujourd’hui, il semble bien qu’un film espagnol doive emporter dans ses soutes une cargaison de cadavres (sauf s’il est piloté par Pedro Almodovar). Que Dios nos perdone ne fait pas exception à cette récente régulation européenne, qui propose une collection de corps de vieilles femmes, assassinées dans des conditions atroces. Cette série de meurtres suppose l’existence d’un meurtrier en série qui lui-même appelle l’apparition de policiers lancés à sa poursuite. Et comme nous vivons dans l’ère après J.-E. (James Ellroy), ces policiers seront tourmentés par des démons qui valent presque ceux qui poussent le serial killer à hâter la fin de ses victimes.

La formule a fait ses preuves et Rodrigo Sorogoyen l’applique consciencieusement, n’épargnant rien au spectateur des autopsies des victimes ni des détails de leurs tristes fins. Quand aux tribulations de la paire d’enquêteurs madrilènes – une brute épaisse et machiste (Roberto Alamo) et un bègue au bord de la schizophrénie (Antonio de la Torre) –, sa composition respecte la vulgate contemporaine du roman noir qui veut que les policiers portent et commettent tous les péchés du monde pour en préserver le commun des mortels.

Nauséabond et ennuyeux

Tout ceci a déjà été exécuté avec plus de brio, plus de sadisme, plus de voyeurisme, parfois par des cinéastes qui se souciaient d’autre chose que de secouer le spectateur. On dirait que cette fois, le réalisateur se soucie surtout de ne pas sortir des rangs de l’ultraviolence en remplissant un hypothétique contrat qui le lierait à un spectateur amateur du spectacle de la chair morte et de la déréliction des fonctionnaires de police. Ce qui donne un film à la fois nauséabond, ennuyeux et, à plus de deux heures, interminable. 

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15 mai 2021 6 15 /05 /mai /2021 08:00

Présentation de Marie au Temple — Wikipédia

Pour maman j'étais l'expression la plus aboutie de ce qu'une mère pouvait rêver. Ses amies lui disaient « Madeleine comme vous en avez de la chance, votre Louis a tout pour lui... » Ce statut d'enfant doué, à qui l'on donnait le bon dieu sans confession, j'en avais joué tout au long de ma prime jeunesse pour préserver mon petit jardin d'intérieur mais aujourd'hui, introduire entre maman et moi, une femme aimée, celle avec qui je voulais partager mes jours et mes nuits, n'était pas chose simple. Jusqu'à ce jour, même si mon goût pour le butinage devait lui causer quelques frayeurs, un accident était si vite arrivé en ces temps obscurs, ma chère maman s'accommodait fort bien de ne voir aucune fille s'installer dans mon cœur d'artichaut. Lors de ma dernière visite je m'étais bien gardé de préparer le terrain. Maman n'avait rien perçu, les mères aimantes sont aussi aveugles que les maris trompés, ou les épouses d'ailleurs. Pas un mot sur Marie, je m'en voulais de ce manque de courage et, chaque matin qui se levait, je me disais que j'allais lui écrire une belle lettre et, chaque soir, en me glissant au plus près du corps de Marie, la mauvaise conscience s'installait. Comment le lui dire ? Lui dire tout simplement.

 

Dans nos conversations, parlant de mon pays crotté, de mon enfance de sauvageon, de mes ballades dominicales dans les métairies, avec mon père, pour voir ses clients si peu pressés de lui régler son dû, je ne cessais de dire à Marie « Tu vas lui plaire, il va t'adorer... » ce qui me valait en retour de ma douce et tendre un beau sourire ponctué d'un regard rieur qui me titillait. Moi je traduisais « Et ta maman, elle, elle va me détester. Je suis une voleuse, la rivale absolue, celle par qui le cordon invisible se rompt... » Jamais elle n'allait au-delà, Marie attendait. À la veille du 15 août je revins de Port-Joinville avec deux allers-retours pour le continent. « Je vais te présenter à maman Marie... » Son regard se voilait d'un léger nuage et, pour faire diversion, elle voltait pour que sa jupette tournoie « Je vais tout faire pour lui plaire mon amour… » Achille, lui aussi, esquissait une gigue pataude. Jean, de derrière son journal ouvert, en bon célibataire inoxydable commentait « Vous allez monter la première marche qui va vous mener à la salle à manger des petits bourgeois... »

 

Une petite heure de traversée et pourtant nous quittions l'île d'Yeu tous les deux accoudés au bastingage comme de grands voyageurs rompant les amarres avec leur vie d'avant. Jean, égal à lui-même, la veille au soir, nous avait sorti le grand jeu. Tournée des grands ducs chez nos plus gros clients puis dîner chez Van Strappen un antiquaire, très blonde oxygénée, avec solitaire au petit doigt. Tout au Krug millésimé pour une conversation très langue de pute. Marie, halée pain d'épices, mangeait des boudoirs de Reims rose qu'elle trempait dans le champagne aux fines bulles. Barbaresco, le grand noir, homme à tout faire de Van Strappen, flambait des langoustes au Richard Hennessy en un rituel sauvage : sur un billot de bois d'un coup précis de hachoir de boucher il les tranchait en deux, vivantes, sans s'émouvoir de leurs violents et désespérés coups de queue ; puis les grillaient sur de la braise vive : les chairs exhalaient leur puissant parfum de roche iodée. La flambée, haute et incandescente, illuminait la terrasse et Jean, ludion, n'en finissait pas de lever sa coupe en marmonnant « Le problème avec la champagne c'est que ça pétille, les bulles mes amis sont des traîtresses, elles amusent la galerie, vous font des ronds de jambes, vous aguichent et pfutt, disparaissent... »

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15 mai 2021 6 15 /05 /mai /2021 06:00

Angela Raubal en compagnie d’Adolf Hitler, lors d’un week-end en Bavière, en 1929. Rue des Archives/©Suddeutsche Zeitung/Leemage

Avec pour modèle évident La Trilogie berlinoise de l’Écossais Philip Kerr, Fabiano Massimi, bibliothécaire italien, marie avec talent le roman policier et le roman historique.

 

Le roman s’ouvre à Munich, le 19 septembre  1931. En pleine OktoberFest, la fête de la bière, dans un immeuble du très chic quartier de Bogenhausen, le cadavre d’une jeune femme vient d’être découvert, un pistolet Walther PPK à ses côtés. À première vue, tout porte à croire qu’elle s’en serait servie pour se tirer une balle dans la poitrine. Et pour corroborer cette version des faits, la chambre à coucher dans laquelle son corps a été retrouvé était fermée à clé de l’intérieur. Il s’agit d’Angela Raubal, 23 ans. Les enquêteurs, sous pression de leur hiérarchie, concluent à un suicide. Pourtant, des témoins assurent que son visage était abîmé, qu'ils y ont vu des traces de coups. Et qu’elle venait de se disputer avec son oncle, un certain Adolf Hitler. Les deux, dit-on, entretenait même une relation secrète. Voilà la trame du premier roman de l'Italien Fabiano Massimi, L'ange de Munich.

 

L'Ange de Munich - broché - Fabiano Massimi - Achat Livre ou ebook | fnac

 

Avec un Hitler sur la sellette, c’est à se demander pourquoi à peu près personne n’a entendu parler de cette affaire avant que l’Italien Fabiano Massimi n’en tire le roman policier L’ange de Munich.

 

« Moi aussi je ne la connaissais pas, explique Fabiano Massimi. Jusqu’en juillet 2018, cet été-là, il lit Munich de Robert Harris, un roman historique qui se penche sur les jours qui ont précédé les accords de Munich et qui, à un moment, mentionne l’existence de Geli et de sa chambre, conservée comme un mausolée. Ce moment, a changé sa vie. Il a toujours voulu écrire, mais il y a déjà tellement de bons livres qu’il se disait : « Pourquoi en écrire un de plus ? ». Grâce à Geli il a trouvé une raison valable d’écrire. « J’ai voulu raconter son histoire pour qu’elle ne soit pas oubliée, pour que Geli ne soit plus complètement effacée de l’Histoire. »

 

Fabiano Massimi (Italie) : bibliographie - Polars Pourpres

 

Dans la « vraie vie », Fabiano Massimi est bibliothécaire. Ce qui veut dire qu’il est capable de trouver à peu près tout ce qu’il veut dans les livres. « En quelques mois, j’ai ainsi pu récolter énormément d’informations sur Geli, faire des liens et établir une chronologie, précise-t-il. À l’heure actuelle, j’ai probablement plus de livres sur Geli que n’importe qui au monde ! Ça a été très dur pour mon épouse, car durant tout ce temps, ce n’était que Geli ci, Geli ça. J’étais complètement obsédé par elle ! Geli était une femme fascinante, et elle le savait. D’ailleurs, de son vivant, beaucoup de gens l’enviaient. Mais à cause de l’amour ambigu que son oncle Adolf lui portait, elle vivait dans une cage dorée et avait compris que jamais il ne la laisserait partir avec un autre. »

 

Entre fiction et réalité

 

En gros, presque tout ce qu’on peut lire dans L’ange de Munich est vrai. « Si on se fie aux documents, beaucoup de choses bizarres se sont produites après la mort de Geli, poursuit Fabiano Massimi. Il n’y a pas eu d’autopsie, sa dépouille a été envoyée à Vienne sans motif valable, toutes les photos prises par les enquêteurs ont brûlé dans un incendie... C’est comme si on avait cherché à la faire disparaître une deuxième fois. »

 

Si l’ouvrage s’appuie sur des faits (en plus d’être sa nièce, Geli était sa maîtresse, et Hitler avait un penchant pour des pratiques plutôt perverses), on peine à démêler le vrai du faux du récit.

 

Où s’arrête la fiction ?

 

Où commence la vérité ?

 

En réalité, la vérité du qui et du pourquoi a toujours été camouflée. Fabiano Massimi propose donc sa version, comprend-on dans sa (trop courte) note finale, un post-scriptum justificatif qu’on aurait souhaité plus explicatif, pour conclure une si vertigineuse et accrocheuse lecture.

 

Il en résulte un polar palpitant qui, en plus de rendre enfin justice à Geli, nous en apprend beaucoup sur le futur Führer.

 

Pour tenter de faire la lumière sur cette affaire, le commissaire Siegfried Sauer et son adjoint Helmut Forster ont rapidement été mandatés. Tous deux de la police criminelle de Munich, ils ont réellement existé et réellement enquêté sur la mort de Geli. Grâce à Fabiano Massimi, on pourra ainsi les voir à l’œuvre... et voir aussi à quel point l’époque était aux mensonges et aux faux-semblants.

 

 

Pour ce palpitant thriller historique campé en pleine ascension du fascisme, Fabiano Massimi reconstitue minutieusement le puzzle à l’aide de morceaux glanés patiemment au cours de ses recherches et d’éléments hypothétiques.

 

Si l’époque dépeinte donne déjà froid dans le dos, Massimi introduit dans le récit d’incontournables personnages historiques qui y ajoutent une dimension anxiogène, parmi lesquels Hitler, avec son « regard aussi dur et translucide que du diamant », ainsi que Himmler et son « sourire plus faux qu’un billet de trois marks ».

 

Le romancier se plaît aussi à épaissir le mystère et le climat de paranoïa à l’aide de scènes oniriques, d’apparitions de sosie et de personnages aux contours flous, de secrets honteux que l’on menace de déterrer et de laconiques messages que l’on retrouve près de cadavres… Détentrice de la vérité, la défunte Angela hante le lecteur autant que les personnages.

 

Sources : ICI 

 

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14 mai 2021 5 14 /05 /mai /2021 08:00

Quand les Soviétiques sont arrivés à l'écrasement du Printemps de Prague,  1968 ⋆ Photos historiques rares - Et l'histoire derrière eux ...

Quand nous discutions, surtout lorsqu'elle se passionnait, Marie jouait en permanence avec le troisième bouton de ses corsages ; j'adorais ce geste léger, instinctif. Voulait-elle le défaire ou vérifiait-elle qu'il fût bien en place ? Balancement ou équilibre, je fixais le jeu de son pouce et de son index avec volupté. Parfois, dans le feu de la conversation, la barrière du troisième bouton tombait, les pans du corsage s'entrouvraient, découvrant la naissance de la gorge de ses seins.  Je la désirais alors, avec une force brutale que je refrénais. Souvent je me levais pour lui caresser la nuque. Sentir au bout de mes doigts le grain si fin de sa peau m'apaisait. Transfuser de sa chaleur adoucissait le tranchant de mon sexe de silex. Marie attrapait ma main. Je la laissais me guider. Elle me disait, «Louis, m'aimeras-tu quand je serai vieille et que mes seins seront plus que des outres pendantes, que mon visage sera celui d’une petite pomme ridée ? » En enveloppant dans le creux de mes mains ses seins je lui répondais « Nous ne serons jamais vieux ma belle car nous vieillirons ensemble... »

 

Maman m’avait élevé dans la  diabolisation de la chair, le plaisir érigé en péché et maintenant, après ce mois de mai de tous les excès, nous étions étiquetés comme les enfants de la libération sexuelle, et Dieu sait que nous allions traîner ce boulet dans les temps futurs, il nous restait encore des traces de notre éducation rigide. Nous n'abordions que rarement ce sujet, notre harmonie suffisait, le mot fidélité s'ancrait naturellement dans notre manière d'être. Pour ma part, libertin repenti, j'appréciais l'intensité de notre vie à deux. Marie comblait tous mes vides. Elle me protégeait de mes démons. Je n'imaginais rien d'autre que la vie avec elle. Sur cette miette d'île, je travaillais, elle peignait, nous lisions dans notre lit jusqu'à des heures avancées, je m'appuyais sur elle, Marie me déliait, Marie me bordait, Marie m'aimait, je l'admirais, elle me haussait, je l'adorais, avec Achille nous arpentions la côte sauvage en nous disant que nous aurions vite des enfants. 

 

A partir du 18 août, les 200 000 soldats et les 5000 chars du Pacte de Varsovie allaient étouffer les premiers bourgeons du printemps de Prague. L'opération Danube réprimait brutalement dans le sang le peuple de Prague qui n'avait que ses mains et son courage à opposer aux tankistes soviétiques, qui, sur les photos, semblaient tout étonnés de ne pas être accueillis par des jeunes filles aux bras chargés de fleurs. Ils sont jeunes eux aussi mais les préséniles du Kremlin n'ont que faire du sang neuf, ils préfèrent l'épandre dans les caniveaux de Prague. Marie et moi nous pleurions. Nous pleurions de rage en écoutant le silence assourdissant des dirigeants communistes français. Fort des voix populaires, ces couards, insensibles aux cris de liberté, ces merdes suffisantes, ces intellectuels émasculés, vont jouer la comédie de la protestation officielle. Ils deviendront le parti de Georges Marchais, tout un symbole du dévoiement d'hommes et de femmes confinés dans leur bunker de la place du Colonel Fabien. Ils sont morts, jamais plus ils ne pourront parler en notre nom.

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14 mai 2021 5 14 /05 /mai /2021 06:00

 

Sur Twitter, Vincent Pousson @VincentPousson

Le 25 avril,

Sulfate comme un malade l’interview de Me Morain par Ophélie Neiman dans le Monde :

Au moins, quand @lemonde  sert la soupe au baveux des khmers #woke du rouge, de nouveaux horizons s’ouvrent aux neurosciences.

« Le vin nature donne du plaisir! Au-delà de l’étiquette. Et si on n’aime pas, ce n’est pas grave. Quand on sert un grand vin, à l’inverse, on est déjà complètement conditionné. On goûte avec son cerveau. »

Eh, banane, en général, quand on ne goûte pas avec son cerveau, c’est qu’on le fait comme un pied !

Je vous offre gracieusement cette interview sans faire de commentaires ni sur le contenu, ni sur la mitraille de Pousson qui, entre nous soit dit, ne se prend pas pour de la petite bière de dégustateur, un côté Bettane du pauvre.

Ceci écrit je n’en pense pas moins, car « Le silence est un état d'esprit qui devrait faire plus de bruit. »

« Manier le silence est plus difficile que de manier la parole. »

Georges Clemenceau

Quoi de plus complet que le silence ?

Honoré de Balzac

« Le silence n'a jamais trahi personne. »

Rivarol

Comprenne qui pourra, voudra, seuls ceux qui me connaissent perceront peut-être le secret de ma petite Ford d’intérieur…

 

« Le jour où on aura à l’Elysée quelqu’un qui achète du vin nature, il y aura une vraie volonté politique de mettre le sujet sur la table de l’Europe »

Par Ophélie Neiman

ENTRETIEN : Pénaliste réputé, Éric Morain, 50 ans, a participé à la création du Syndicat de défense des vins naturels, qui garantit un vin issu de raisins bio vendangés à la main, et vinifié sans intrant ni technique d’œnologie corrective.

 

Eclectique, très actif sur Twitter, Éric Morain a notamment fait libérer Michel Cardon, l’un des plus vieux détenus de France, défendu l’une des accusatrices de Tariq Ramadan pour violences sexuelles et s’apprête à défendre le trésorier de la campagne de l’élection présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012 au procès Bygmalion.

 

Ce bon vivant et gourmand est surtout connu dans le milieu viticole pour défendre des vignerons adeptes du mouvement nature. Il anime d’ailleurs une chronique dans l’émission de France inter du dimanche « On va déguster » et, signe de reconnaissance, en janvier 2021, il a été nommé « personnalité de l’année » par le magazine La Revue du vin de France.

 

Comment est né votre amour pour les vins nature ?

 

C’était il y a plus de quinze ans, lors d’un festival Omnivore, spécialisé dans la gastronomie. Jusque-là, j’étais un buveur d’étiquettes et un consommateur de restaurants étoilés. A l’époque, le poids des guides était très fort, on avait peu accès aux nouveaux mouvements culinaires. Et là, j’ai découvert un tout autre univers gastronomique. Avec un public très jeune, des cuisiniers que je ne connaissais pas à part le Catalan Ferran Adrià. Je me souviens d’un déjeuner sur des ballots de paille avec des assiettes incroyables. Il n’y avait pas de snobisme dans mon intérêt.

 

Pour la première fois, je faisais un repas qui sortait des conventions. Et le soir, le vigneron Nicolas Reau, un gros nounours à casquette, s’est assis à côté de moi avec une quille de sa cuvée « Enfant terrible » qu’il m’a servie dans un verre en Pyrex. J’ai immédiatement trouvé ça formidable, avec un goût inconnu. Ça m’a bousculé. C’est comme ça que tout a commencé. Quelques années après, il a donné mon nom à Olivier Cousin, un vigneron qui avait des soucis avec l’appellation anjou. J’ai alors signé mon entrée dans le vin naturel par le volet juridique.

 

Que s’est-il passé ?

 

Olivier Cousin a débarqué au cabinet avec un magnum de vin et m’a expliqué sa situation. Je suis tombé des nues. Comment peut-on à ce point empoisonner la vie d’un vigneron qui ne cause de tort à personne et qui travaille bien ? On cherchait à l’éloigner de son appellation. Il était cité par le procureur de la République d’Angers pour avoir écrit « AOC, Anjou Olivier Cousin » alors que son vin ne relevait pas de l’AOC, appellation d’origine contrôlée, anjou. On lui a reproché ce jeu de mots. Par ailleurs, il avait imprimé le millésime sur le bouchon : hors AOC, on n’a pas le droit de le mentionner. Mais cette interdiction n’est liée qu’à l’étiquette.

 

Franchement, qui trompe qui ? S’il y a bien un élément important pour le consommateur en termes d’information, c’est de savoir si le vin a 20 ans ou 2 ans. Nous avons obtenu une dispense de peine, mais j’avais compris qu’il y avait là un problème plus profond.

 

En quoi le fait que des producteurs de vins nature comme Olivier Cousin ou Alexandre Bain [dont le domaine est basé sur l’aire d’appellation pouilly-fumé] ne puissent pas revendiquer leur AOC vous pose problème ?

 

Dans AOC, il faut se battre sur le O, origine. On est les rois du C, du contrôle. Mais si ce vin vient d’une aire déterminée, il doit bénéficier de son appellation. Peu importe le cépage, la hauteur de l’herbe dans les vignes, il a le droit de dire son origine. C’est terrible d’en être privé. On voit des vignerons stars, qui sont adorés, exclus de l’appellation dont leurs parcelles relèvent, parce que, par exemple, lors de dégustations par la commission organoleptique, les juges considèrent que le vin n’est pas typique. Ces derniers sont perdus car le goût ne ressemble pas à ce qu’ils connaissent. Mais en quoi est-ce un problème, tant que le raisin vient de là et que les clients et sommeliers s’arrachent leurs bouteilles ?

 

Mais quel préjudice subit un vigneron qui ne peut revendiquer une appellation d’origine contrôlée ?

 

Quand on est en dehors, on devient une sorte de pauvre avec des mots confisqués, interdits : vos raisins proviennent à 100 % d’Anjou ? Vous n’avez pas le droit de le dire. Vous habitez dans un château, vous avez un clos ? Vous n’avez pas le droit de l’afficher sur votre étiquette ! Ce système met en avant une certaine aristocratie du vin face à la plèbe, qui est en réalité pour beaucoup des baronnies de copains. On reproche aux vignerons que je défends de tromper le consommateur mais je rappelle que dans un « vin de France » (hors AOC), il peut y avoir jusqu’à 49 % de vin de l’Union européenne.

 

« Le vent de l’histoire, aujourd’hui, c’est une vigne plus propre et un chai débarrassé au plus possible de poudres de perlimpinpin. »

 

Alors à nouveau, qui trompe qui ? Beaucoup de vignerons ont quitté une appellation ou se sont installés hors appellation, cela doit interroger. Ça ne veut pas dire qu’il faut jeter l’AOC avec le moût du raisin, mais cette remise en cause se fait difficilement. Car chacune est gérée localement. Dans l’appellation pouilly-fumé, sur quarante domaines, deux seulement sont en bio, un troisième en conversion. Donc le poids d’une appellation comme celle-ci repose sur ceux qui ne sont pas en bio et qui ne veulent pas en entendre parler.

 

Pourtant, il est possible de se réformer. Par exemple patrimonio, en Corse, est la première appellation qui a inscrit dans son cahier des charges l’interdiction totale des pesticides il y a deux ans. Le vent de l’histoire, aujourd’hui, c’est une vigne plus propre et un chai débarrassé au plus possible de poudres de perlimpinpin. Le but doit être de tendre vers un mieux.

 

Vous êtes devenu l’avocat référent pour ce type de vignerons. Vous intervenez dans une centaine de conflits judiciaires. Pourquoi une telle nécessité ?

 

J’ai découvert que les organismes de défense et de gestion (ODG), les syndicats viticoles, l’INAO [Institut national de l’origine et de la qualité] se comportent en juges, en réalité plutôt en procureurs, mais sans donner à leurs interlocuteurs les règles fondamentales d’une procédure. Forts de leur puissance publique, ils imposent leur volonté. Les vignerons transigent beaucoup trop sur leurs droits.

 

« Ces vignerons dérangent. Certains continuent à acheter des pesticides mais à ne pas les mettre dans leurs vignes, car s’ils n’en achètent pas, ça se sait et ils sont mis au ban. »

 

Ils pensent que les autorités ont forcément raison. Je suis là pour leur dire qu’ils peuvent ne pas être d’accord, qu’un cabinet d’affaires international peut les défendre. Ce sont des gens entiers, dévoués à leur terre, qui font juste leur métier, il faut leur ficher la paix. Mon travail d’avocat a été de me plonger dans les cahiers des charges, qui sont des mille-feuilles de règles formant le droit qu’on applique aux vignerons.

 

Mais, dans la très grande majorité, ce type d’affaire démarre par de la dénonciation. Car ces vignerons dérangent. Ce sont souvent de grandes gueules, ils ont du succès et ça se voit, ils ont droit à leur portrait dans les journaux. Ils sont sur les tables de restaurants dont on parle. J’ai défendu des vignerons, et j’en connais d’autres, qui continuent à acheter des pesticides, à ne pas les mettre dans leurs vignes et à les revendre nuitamment en Allemagne. Car s’ils n’en achètent pas, ça se sait, et ils sont mis au ban. Parce que le vendeur ira dire aux voisins qu’il n’a pas vu Machin cette année. Et ça remonte aux oreilles des instances de l’appellation. C’est une réalité et ça n’est pas arrivé qu’une fois.

 

Vous avez participé, en juillet 2019, à la création du Syndicat de défense des vins nature’l. Pourquoi était-il nécessaire de se syndiquer ?

 

Il existait déjà plusieurs associations mais on voulait taper au plus haut niveau en trouvant une voie politique médiane, afin de contourner la réglementation européenne qui interdit d’accoler « nature » au mot « vin ». Et qui, en conséquence, ne permet pas de réglementer le vin nature. Nous sommes allés au ministère de l’agriculture, à l’INAO, et on a trouvé un compromis : « vin méthode nature ». C’est un label né en février 2020, officiellement validé par les services des fraudes, avec une charte en douze points. En résumé, elle garantit un vin issu de raisins bio vendangés à la main, et vinifié sans intrants ni technique d’œnologie corrective. Le label a été ralenti par la pandémie mais on rassemble plus d’une centaine de vignerons, 400 cuvées en tout. C’est un premier pas.

 

Les institutionnels, en fait, n’attendaient que cela. Ils savaient qu’il y avait un problème dans la notion floue de vin nature, mais ils ne savaient pas comment le gérer. Le fait qu’on soit arrivé en qualité de syndicat agricole offrait un début de solution. Ce n’est pas la panacée mais il y a un chemin possible. Des verrous se sont débloqués. On a parlé à des gens haut placés qui adoraient le vin nature.

 

Le jour où on aura à l’Elysée ou à Matignon quelqu’un qui achète du vin nature, il y aura une vraie volonté politique pour mettre le sujet sur la table de l’Europe. Il faut néanmoins mesurer le pas de géant que ce vin a accompli. En 2012, quand la réglementation sur le vin bio est sortie, les instances n’avaient pas la moindre idée de ce qu’était un vin nature.

 

Un autre de vos combats porte sur l’étiquetage avec la composition des vins. Avez-vous bon espoir que cela aboutisse ?

 

Ce n’est pas un espoir. Cela va arriver, d’ici à 2024 ou 2026, même si l’Union européenne a d’autres chats à fouetter en ce moment. Le moyen trouvé est un QR Code sur l’étiquette, cela me convient. Car actuellement on est privé de cette information.

 

« Il n’y a pas que du raisin dans la plupart des bouteilles de vin. Et les consommateurs ne le savent pas. »

 

Ce combat, en l’absence de lobby des vins naturels dans l’Union européenne, est porté par le lobby de lutte contre l’obésité, afin d’obtenir le degré de sucre. C’est quand même le seul produit alimentaire qui ne le mentionne pas.

 

On sait au milligramme près ce qu’il y a dans des croquettes pour chats mais là on ne sait rien, car le vin n’est pas considéré comme un produit alimentaire. C’est important car il n’y a pas que du raisin dans la plupart des bouteilles de vin. Et les consommateurs ne le savent pas. Encore une fois, qui trompe qui ?

 

Aujourd’hui, que buvez-vous ?

 

J’ai redécouvert les vins blancs. Je faisais partie de ceux qui n’en buvaient jamais, avec l’argument connu du mal de tête, et j’avais toujours cette espèce de goût métallique, agressif en bouche. Et là, j’ai découvert une palette aromatique sans commune mesure. Des rosés nature aussi, des vins corses, de Provence, de Loire… et puis je n’oublie pas les beaujolais, le champagne… c’est dur de choisir ! Là je bois un chenin merveilleux, signé Olivier Lejeune, du domaine Clos des Plantes, dont les vignes sont voisines de celles du grand vigneron Richard Leroy. J’ai goûté son premier millésime en 2018 et je l’ai rencontré au salon des Greniers Saint-Jean à Angers.

 

Qu’est-ce qui vous plaît tant, dans ce type de vins ?

 

Le vin nature donne du plaisir ! Au-delà de l’étiquette. Et si on n’aime pas, ce n’est pas grave. Quand on sert un grand vin, à l’inverse, on est déjà complètement conditionné. On goûte avec son cerveau. Attention, j’aime retrouver des vins plus classiques, qui vont me procurer une émotion affective, mais ce n’est pas la même chose. Pour faire découvrir le vin nature autour de moi, j’y vais par étapes. Le truc qui marche à tous les coups, c’est le tavel rosé d’Eric Pfifferling (Domaine l’Anglore), ça a même marché avec ma belle-mère. Tout le monde aime. Le problème, c’est qu’on ne peut pas en boire tous les jours, il n’y en a pas assez !

 

Faut-il parler de vins naturels ou de vins nature ?

 

Ce débat n’a aucune importance. C’est comme pâté croûte ou pâté en croûte, il faut dépasser cette futilité.

 

Ophélie Neiman

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13 mai 2021 4 13 /05 /mai /2021 08:00

Dangerous Liaisons | Michelle pfeiffer, Liebschaften, Schöne fotos

Avant l'irruption de Marie dans ma vie j'adorais me glisser dans la peau du libertin. Dans ces temps où le péché de chair pour les filles gardait un goût de fruit défendu, conduire hors du sentier balisé l'innocente victime, la séduire, l'amener dans ses filets, procurait des émotions fortes. Faire œuvre de séduction pour un libertin c'est suivre un plan déterminé, avoir un projet. Tout est dans l'avant, la traque, l'attente, la jouissance suprême de voir la caille innocente s'engager sur le chemin de l'abandon. Le libertinage est cérébral, on y manipule le cœur humain, on y est patient, calculateur. Se contrôler, ne pas céder à la passion, éviter l'écueil de l'amour forment l'armature froide du projet libertin. Dans ce jeu cruel, où la victime devient très vite consentante, l'important pour le libertin est de ne pas être conduit à son insu là où il n'a pas prévu d'être. Toute la jouissance vient de ce contrôle sur ses actes, ses sentiments, ses pensées et d'exercer sur l'autre un empire total. Comme dans un jeu d'échecs il faut toujours prévoir le coup d'après. Mais une fois l'acte accompli l'angoisse du vide vous saisit. On n'est plus qu'un animal à sang froid.

 

Comme dans les Liaisons Dangereuses j'avais levée, en mon pays, ma Mme de Tourvel. Femme mariée, aux yeux de biche effarouchés à peine masqués par sa voilette légère de pieuse se rendant à la messe du matin. Jeune, très jeune prisonnière de la couche d'un barbon ventru et moustachu, au portefeuille épais, pour moi ces messes matinales ne pouvaient être que le change donné à sa sèche et impérieuse belle-mère. Il me fallait donc me placer sur son chemin avec une régularité qui attiserait sa curiosité. Ce que je fis sans jamais lui adresser autre chose que des regards appuyés. Après avoir baissé les yeux puis sourit, je pressentis qu'une révolution s'opérait. Elle devait, avant son départ du domicile conjugal, ruser, se donner des frayeurs extrêmes. Restait pour elle à franchir une nouvelle étape : me donner le premier signe de sa soumission. Le printemps à cette vertu que les matins y sont souvent tendres. Ce matin-là, sa trajectoire ordinaire s'incurva et la belle, d'un pas vif, gagnait la place des tilleuls. Dans ma ligne de mire, elle posait le pied sur un banc de pierre dévoilant une jambe galbée d'un bas de soie. Imperméable à sa volupté j'exigeais d'elle plus encore. Ce qu'elle fit. Sous un imperméable mastic, perché sur des hauts talons, elle me présenta avec des yeux implorants son corps harnaché de dessous blanc. Nos amours dans les prés hauts de Bibrou furent catastrophiques, elle attendait, soumise, ma jouissance, alors que c'était la sienne dont je voulais.

 

Marie m'ôta ce carcan de froideur. Moi, le silencieux, le garçon qui tient tout sous contrôle, je me laissais aller à lui confier mes peurs et mes faiblesses. Cet abandon je le devais à l'absolue certitude, que le temps m'aurait démenti, que jamais Marie ne retournerait ces armes contre moi. Nous étions si différents, nos origines étaient aux antipodes, mais notre nous s'érigeait sans question, avec naturel. Elle me donnait la chance de m'aimer moi-même, de me départir de mes hautes murailles. Jamais nous ne faisions de projets. Nous vivions. À chaque moment, seuls ou ensemble, nous inventions notre vie. Tout ce que je te confie semble idyllique, une reconstruction du passé idéalisée, alors que nous eûmes des orages, des divergences mais ce ne furent que des scories dont nous avions besoin de nous débarrasser. J'abordais notre vie à deux avec dans ma besace de jeune homme rien de ce qui encombre les gens de mon âge : tous ces désirs refoulés qui le jour où la flamme décline resurgissent à la surface.   

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13 mai 2021 4 13 /05 /mai /2021 06:00

Le hameau de la reine | Château de Versailles

Audrey Bourolleau, je l’ai croisé lorsqu’elle officiait à Vin&Société, nous avons même déjeuné aux Climats, elle a dépoussiéré et dynamisé cette structure de lobbying. Puis en 2016, elle s’est mise En Marche aux côtés du sémillant Macron, le château conquit, Audrey Bourolleau se glissa dans la peau d’une éminence grise, devint la conseillère agricole du nouveau président. Cette fonction, au temps de Tonton, a propulsé, le sphinx Nallet, au 78 rue de Varenne, la nuit où ce cher Rocard, qui n’en ratait pas une pour déplaire à Mitterrand, démissionna. Avec le florentin de Jarnac, si tu voulais rester dans ses petits papiers il fallait chausser ses bottes pour aller dans le terroir profond conquérir une circonscription.

 

Nallet, ex-jaciste, plume de Debatisse à la FNSEA, penseur de la gauche paysanne à l’INRA du passage Tenaille, repaire de gauchistes guidés par Michel Gervais, ne présentait guère le profil du jeune loup du PS. En première intention il jeta son dévolu sur une circonscription de la Manche, Thérèse son épouse, qui adorait les biscuits*, était native de ce département. Les parachutés, dans la Manche comme ailleurs, les caciques n’aiment pas. Recalé, Pierre Joxe qui, étrangement pilotait au PS le projet agricole, propulsa Nallet dans l’Yonne, à Tonnerre. Par la grâce d’une proportionnelle mijotée par Tonton et Charasse, Henri fut élu. En 1988, Tonton repique au truc, Henri Nallet retrouve, Rocard 1er Ministre, le 78, moi aussi. En 1990, il profite de l’exfiltration du gouvernement de l’insuportable Arpaillange, pour gagner la place Vendôme, Garde des Sceaux.

 

« Si j’avais su, j’aurais pas venu » la phrase culte du petit Gibus, dans la Guerre des Boutons, s’applique à la suite de la carrière politique d’Henri Nallet. En avril 1991 éclate l'affaire Urba, relative au financement occulte du Parti socialiste français. Le juge d'instruction Thierry Jean-Pierre perquisitionne au siège d'Urba à Paris. Henri Nallet, Garde des Sceaux, mais aussi ancien trésorier de la campagne de François Mitterrand, dénonce l'action du juge comme « une équipée sauvage » et fait dessaisir le magistrat. Tonton, gentiment, profite de l’expulsion d’Edith Cresson pour exfiltrer Henri Nallet du gouvernement Bérégovoy.

 

Après cette date, Henri Nallet se consacre alors principalement à sa carrière politique locale. Il conserve ses mandats de maire de Tonnerre, où il a été élu en 1989, et de conseiller général de l’Yonne (canton de Tonnerre), qu’il détient depuis 1988. En décembre 1992, il est nommé conseiller d'État. Tonton est bon. Il est à nouveau élu à l’Assemblée nationale en 1997 jusqu’en 1999. La suite est connue.

 

Bref, au temps de Tonton, le conseiller agricole du Président pesait lourd, tel ne fut pas le cas d’Audrey Bourolleau au château. La politique agricole de Macron est d’une fadeur et d’un convenu remarquable, alignement total sur la FNSEA. La valse des Ministres fut aussi la marque de fabrique de ce presque terminé quinquennat, y’en a pas un pour racheter l’autre. Sans être désagréable, le bilan d’Audrey Bourolleau se rapproche de zéro. Les chefs du vin me contrediront car pour eux elle fut une digue efficace les protégeant des affreux défenseurs de la loi Evin. Je ne le conteste pas mais ça ne fait pas une politique novatrice.

 

Enfin, le temps est révolu où les éminences grises chaussaient les bottes des élus de terrain, aujourd’hui l’heure est de passer de la start-up Nation à la start-up tout court par la grâce du ruissellement des premiers de cordée.

 

À quarante ans, elle a décidé de changer de vie. Audrey Bourolleau, ancienne conseillère du président Emmanuel Macron, chausse des bottes d’agricultrice pour créer, avec le milliardaire Xavier Niel, un vaste campus près de Paris destiné à former les « entrepreneurs agricoles de demain ».

 

Une formation pour adultes

 

À la fin de 2019, elle annonce son projet de fonder une nouvelle école d’agriculture qui a pris depuis le nom de Hectar. L’achat du domaine a coûté 19 millions d’euros et les travaux cinq millions de plus. L’objectif affiché du projet Hectar est de « sensibiliser ou former deux mille personnes par an » aux métiers de la sphère agricole. Le programme phare de l’école sera tourné vers la formation d’adultes désireux de se reconvertir dans l’agriculture. D’une durée de six mois, « gratuite pour l’apprenant », elle sera dispensée par des agriculteurs et des formateurs professionnels.

 

« Nous sommes confrontés à un défi de génération très conséquent. En France, 160 000 fermes sont à reprendre d’ici à trois ans. Il faut former la prochaine génération », souligne Audrey Bourolleau. Pour les nouveaux entrants qui ne seront pas « dans un schéma de transmission familiale, la marche va être très haute ». « Il faut leur donner des modèles qui tournent économiquement, soient socialement justes et durables. Ce que nous voulons leur donner, c’est vraiment une posture de chef d’entreprise agricole », explique-t-elle.

 

Face aux défis climatiques, l’école entend mettre l’accent sur les techniques de préservation des sols agricoles. Hectar proposera aussi des formations sur le salariat agricole, en manque de bras.

 

Certains vont m’objecter qu’il est facile d’ironiser sur des porteurs de projets « innovants ». Tel n’est pas mon cas, qui vivra verra, l’exemple du Pôle universitaire Léonard-de-Vinci dit « Fac Pasqua » n’est guère probant. Ce qui m’interroge dans ces belles et bonnes intentions, c’est qu’au temps du château Audrey Bourolleau ne se soit pas colletée à dépoussiérer et redynamiser, comme le dirait les biodynamistes, l’enseignement agricole du Ministère de l’Agriculture bien encroûté.

 

ICIhttps://images.bfmtv.com/tutaCh9T-dTVm7sq_JY65mceDiM=/0x0:1280x720/images/Audrey-Bourolleau-Fondatrice-d-Hectar-l-ecole-agricole-gratuite-ce-sont-des-metiers-de-sens-qu-il-faut-rendre-remunerateurs-1021598.jpg

 ÉCOLE HECTAR

Audrey Bourolleau, de l’Élysée aux champs ICI

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12 mai 2021 3 12 /05 /mai /2021 08:00

 

Le matin nous allions à vélo, par le sentier côtier, jusqu'à l'anse des Soux. Au soleil levant l'eau, d'une extrême transparence, semblait de pur cristal. Marie l'intrépide s'y plongeait sans la moindre hésitation et, de son crawl fluide et silencieux, elle filait vers le large. Moi je m'adossais à la pente sableuse pour lire. De temps à autre je relevais les yeux pour repérer le point blanc du bonnet de bain de ma naïade favorite. La montée du soleil m'emplissait d'une douce chaleur mais je ne pouvais réchauffer la pointe d'angoisse qui ne disparaîtrait que lorsque Marie serait de nouveau à portée de ma brasse minable. L'océan, avec ses airs paisibles, me déplaisait. Je connaissais sa nature profonde, charmeuse et hypocrite comme celle de tous les puissants. À la fin juillet, en un accès de rage soudain, de ses entrailles obscures, il avait enfanté une tempête féroce. Avec Marie, blottis dans la faille d'une falaise, à l'abri du vent et des embruns, pendant des heures, nous nous étions grisés de ses outrances. Dans le grand lit de la Ferme des Trois Moulins, ce soir-là, pour conjurer ma peur, j'avais pris Marie avec une forme de rage désespérée. Après, blottie dans mes bras, elle m'avait dit « Tu m'as baisé mon salaud, c'était vachement bon... »

 

Écrire que notre nous aurait survécu aux pires tempêtes comme à la mer d'huile du quotidien me semble dérisoire. J'en ai la certitude mais j'aurais préféré qu'il se disloquât sous nos faiblesses ou, pire, avec l'irruption d'un autre, plutôt que de le voir trancher ainsi sans appel. Même si ça emmerde tout ceux qui pataugent dans le foutre et le cul, l'amour heureux existe. Ne venez pas me faire chier avec des railleries sur l'eau de rose ou le sucre Candy et toute autre vacherie. Même maintenant que je suis au régime sec ma faculté de vous faire une tête au carré, de vous bourrer le pif, de vous foutre ma main sur la gueule, reste intacte. Marie et moi, dans la grande loterie des rencontres, étions l'exception qui aurions confirmé la règle de notre génération championne du divorce. À cet instant, alors que je m'échine à ne pas décrire par le menu nos 52 jours passés à vivre simplement ensemble, je sais que nous serions, trente ans après, les mêmes. La vie nous aurait sans doute cabossés mais les autres envieraient notre amour intact. Présomptueux me direz-vous ? Sans doute mais, je me connais, toute l'énergie que j'ai déployé à m'avilir, je l'aurais, avec encore plus de force et de pugnacité, tourné vers Marie. Quant à elle, n'y touchez pas, son coeur n'avait pas de limite et son ventre eut été fécond.

 

Le Printemps de Prague semblait résister aux grosses pattes de l'Ours soviétique. Notre PC national, toujours à l'extrême pointe de la collusion avec la nomenklatura du Kremlin, soutenait du bout des lèvres, les initiatives du parti frère. Grand progrès par rapport à l'insurrection de Budapest de 1956, où la chape de silence, la même que celle qui avait étouffé les cris de László Rajk et de ses compagnons d'infortune, exécutés à la suite des procès préfabriqués, en 1949. Le « socialisme à visage humain » d'Alexander Dubcek indisposait nos staliniens officiellement reconvertis. Marie espérait, Jean lui doutait de la capacité d'un parti unique à se réformer de l'intérieur, et moi j'avais la certitude que les gardiens du bloc ne pouvaient le laisser se fissurer. Mes talents culinaires explosaient. Moi, que ma très chère maman n'avait jamais laissé effleurer une queue de casserole, je me révélais un maître-queue inventif. Marie me charriait gentiment « Tu es l'homme parfait mon amour, où est la faille de l'armure ? » Et Jean de répondre « C'est qu'il n'a pas d'armure belle enfant... » Il avait raison, pour elle, je l’avais quittée.   

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