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22 mai 2021 6 22 /05 /mai /2021 06:00

 

Qui se souvient du boulanger du 207 rue de Tolbiac ?

 

Moi, qui allais lui acheter sa fameuse Sachertorte.

 

La boulangerie a disparue, c’est aujourd’hui une agence du Crédit Agricole.

 

Le boulanger, un grand gaillard lunaire au regard cerclé de grosses lunettes d’écaille, en blouse blanche de pharmacien, savates, semblait porter tout l’ennui du monde. Il faisait du bon pain à l’ancienne et, une sachertote à damner un Saint.

 

Derrière le comptoir, la boulangère, une sainte femme souriante, prenait le temps, attentionnée, d’une voix douce, tête légèrement inclinée, elle était toujours soucieuse de la santé du client, de leurs maux et malheurs, dame de charité à l’association la Mie de Pain toute proche.

 

Et puis, y’avait aussi, leur fils, balourd, sans ressort, celui qui refusa de prendre la succession de ses parents, trop fatiguant le métier. Et sa mère, pour une fois peu charitable, attribua ce refus à sa bru.

 

Qui se souvient de Klemens Wenzel von Metternich ?

 

Fürst Metternich: Wir müssen den Reaktionär als guten Menschen sehen - WELT

 

Le 26 juin 1813, Clément de Metternich, ministre des Affaires étrangères de l’empire d’Autriche, passe neuf heures en tête-à-tête avec Napoléon, qui se trouve alors dans un château à côté de Dresde. Après sa défaite en Russie, le Français fait face à l’alliance du tsar et du roi de Prusse, tous deux biens décidés à le perdre - c’est le « commencement de la fin ».

 

L’envoyé de Vienne vient marchander la position de l’Autriche, qui prétend ne pas savoir encore dans quel camp elle se rangera. La rencontre est importante, savoureuse aussi, puisqu’elle confronte deux hommes que tout oppose, le chef de guerre et le diplomate, le fougueux « petit caporal » qui se prétend l’héritier des idéaux de la Révolution et l’aristocrate madré, pur produit de l’aristocratie d’Ancien Régime.

 

Napoléon - Metternich : le commencement de la fin

Histoire Réalisateur Mathieu Schwartz , Christian Twente

Télérama

Critique par Gilles Heuré

 

De nombreux duos étaient possibles : Bonaparte avec Barras, Talleyrand, Fouché ou Pie VII, protagonistes célèbres. Mais les auteurs de ce docu-fiction réussi ont choisi la difficulté : Napoléon avec Klemens Wenzel von Metternich, ministre des Affaires étrangères de l’Autriche. La rencontre eut lieu pendant neuf heures, le 26 juin 1813 à Dresde. La fortune de l’empereur a décliné : la campagne de Russie de 1812 a tourné à la débâcle et considérablement affaibli la Grande Armée, la guerre en Espagne vire au désastre et des sentiments nationaux commencent à se dessiner, notamment chez les Allemands pénalisés par le blocus continental imposé par Bonaparte. Celui-ci a bien réussi à lever une nouvelle armée de quatre cent mille soldats composée de jeunes conscrits inexpérimentés, surnommés les « Marie-Louise », mais son invincibilité, malgré la peur qu’il inspire toujours, semble écornée. L’enjeu de ce tête-à-tête est important : il s’agit de savoir si l’Autriche va ou non rejoindre la coalition, qui regroupe le Royaume-Uni, la Prusse ou encore la Suède, décidée à en découdre une bonne fois pour toutes avec celui que ses membres nomment « l’ogre assoiffé de sang ». Tout oppose les deux hommes. Napoléon (David Sighicelli) est droit dans ses bottes, combatif et déterminé à ne pas se contenter d’une trêve : « Mon empire est détruit si je cesse d’être redoutable. » Metternich (Pierre Kiwitt), lui, aristocrate tout en diplomatie feinte, joue une dernière carte en demandant, en vain, à l’empereur des concessions territoriales. Mais sa décision est prise et Bonaparte en est convaincu : l’Autriche va rejoindre la coalition. Une journée historique qui annonce la fin et que les historiens interrogés commentent avec clarté.

 

Au sommaire

 

Le 26 juin 1813, Clément de Metternich, ministre autrichien des Affaires étrangères, vient rencontrer Napoléon Ier à son quartier général de Dresde, capitale du royaume de Saxe. L'hiver précédent, pour la première fois, la Grande Armée a été vaincue et décimée lors de la désastreuse campagne de Russie. Depuis, même s'il domine toujours l'Europe, les signaux d'alerte se multiplient dans l'immense Empire français : alors qu'au sud l'Espagne a été perdue, au nord la Prusse s'est ralliée à la Russie pour lui faire la guerre, avec le soutien financier de la couronne britannique, son ennemie de toujours. Même si, en mai, il a remporté contre ses adversaires deux batailles successives, l'empereur est inquiet.

La “Sachertorte”, gâteau princier

Publié le 08/05/2021 - 06:10

La Sachertorte, un gâteau traditionnel viennois au chocolat, avec une ou deux couches de confiture d’abricot. ILLUSTRATION / CAROLE LYON / COURRIER INTERNATIONAL

La Sachertorte, un gâteau traditionnel viennois au chocolat, avec une ou deux couches de confiture d’abricot. ILLUSTRATION / CAROLE LYON / COURRIER INTERNATIONAL

 

Cet article est issu du Réveil Courrier. Chaque matin à 6h, notre sélection des meilleurs articles de la presse étrangère.

OUVRIR DANS LE RÉVEIL COURRIER

La Sachertorte, ou tarte Sacher, porte le nom de son créateur, Franz Sacher. Ce gâteau au chocolat et à la confiture d’abricots a traversé près de deux siècles et régale encore Viennois et touristes attablés dans les cafés de la capitale autrichienne. Une recette en infographie proposée par 1843, le magazine de The Economist, pour un nouvel épisode de notre rendez-vous hebdomadaire Le Courrier des recettes.

 

 

À Vienne, les cafés sont des endroits “dédiés à la consommation de temps et de café, mais seul le café vous est facturé”. C’est ainsi que l’Unesco décrit ces célèbres institutions. Du temps et de l’espace, voilà peut-être de quoi combler un philosophe viennois mais, pour la plupart d’entre nous, une part de gâteau reste la meilleure alliée de notre boisson caféinée. Et, en la matière, difficile d’imaginer mieux que la Sachertorte.

 

La légende raconte que ce gâteau a été créé en 1832 lorsque le prince de Metternich, chancelier impérial d’Autriche, demanda la confection d’un dessert pour un dîner officiel. La charge incomba à Franz Sacher, jeune apprenti juif âgé de 16 ans. Il proposa un gâteau au chocolat – ingrédient nettement moins commun à l’époque qu’aujourd’hui – et ainsi naquit la Sachertorte.

 

C’est son fils, Eduard, qui en fit un trésor national : un gâteau au chocolat moelleux, entrecoupé de confiture d’abricots, enveloppé d’un glaçage lisse et surmonté d’une généreuse cuillerée de crème fouettée. C’est à la boulangerie Demel qu’il perfectionna la recette avant de fonder l’hôtel Sacher en 1876. Ses liens avec ces deux établissements aboutirent à une bataille juridique – “la guerre de sept ans” – pour déterminer lequel pouvait prétendre utiliser l’adjectif “original” dans sa description. Les différences étaient ténues, les discussions enflammées. La Sachertorte de Demel ne comportait qu’une seule couche de confiture d’abricots, sous le glaçage ; celle de l’hôtel en contenait une seconde, au milieu du gâteau. Finalement, ce fut l’hôtel qui l’emporta : ses gâteaux sont à présent authentifiés par un sceau en chocolat – et un prix élevé.

 

Pour un gâteau source d’amères batailles, la Sachertorte est étonnamment austère. Si elle est réalisée par des mains novices, le résultat peut être sec – et l’ajout de crème fouettée relever autant de la nécessité que de la gourmandise. Son charme réside toutefois dans sa simplicité et la modération de ses saveurs.

 

Les recettes pullulent, bien qu’il n’en existe aucune officielle. Celle du Sacher Cookbook se rapproche probablement de l’originale. Commencez par faire fondre du chocolat au bain-marie. Fouettez le beurre et le sucre avant d’y ajouter les jaunes d’œuf. Choisissez si vous êtes plutôt vanille ou expresso, les deux mettant parfaitement en valeur le goût du chocolat sans l’éclipser. Remuez le chocolat fondu et ajoutez-le à la farine tamisée. Battez les blancs en une neige ferme. Ajoutez du sucre selon votre goût. Versez d’abord une cuillerée de blancs au chocolat avant d’y incorporer le tout. Mettez au four. La confiture d’abricots devrait être filtrée pour être étalée en couches fines et uniformes.

 

Pour cette recette, le glaçage est un mélange de chocolat, de sucre et d’eau. Certains proposent une version plus riche avec du beurre ou de la crème pour former une ganache. Tracez le nom de Sacher à la surface et servez avec de la crème fouettée.

La recette de la Sachertorte (ou tarte Sacher) en infographie, publiée par le magazine 1843 de The Economist et traduite par Courrier international.  Jake Read pour The Economist - 1843 / Catherine Doutey pour Courrier international

La recette de la Sachertorte (ou tarte Sacher) en infographie, publiée par le magazine 1843 de The Economist et traduite par Courrier international.  Jake Read pour The Economist - 1843 / Catherine Doutey pour Courrier international

Josie Delap

Sachertorte — Wikipédia

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21 mai 2021 5 21 /05 /mai /2021 08:00

L7 - Rame Sprague entrant en Station

Notre arrivée gare Montparnasse me reconnectait violemment avec Paris, cette pute fardée, soupe au lait, délurée et populacière, dangereuse, que la grande écrémeuse immobilière, tournant à plein régime, vidait de son petit peuple et des nouveaux venus. Cap au nord, toujours plus loin dans les champs de betteraves, empilés. Montparnasse où nous échouions ne serait plus bientôt le bassin déversoir des crottés de l'Ouest, filles et garçons, émigrés de l'intérieur, bonniches et manœuvres, rien que des bras. Les cafés du bord des gares, même au petit matin, puent la sueur des voyageurs en transit. Ils sont crasseux de trop servir. Les garçons douteux. Les sandwiches mous. La bière tiède et les cafés amers. Dans le nôtre, les croissants rassis et le lait aigre, allaient bien aux ongles noirs et aux cheveux gras du serveur et les effluves froides et graillonneuses de croque-monsieur rehaussaient le charme gaulois du patron : bedaine sur ceinture et moustache balai de chiottes. Depuis l'instant où j'avais posé le pied sur le quai je distillais un coaltar léger. Tout ce gris, ce sale, cette laideur incrustée, loin de m'agresser, m'enrobaient d'un cocon protecteur. Ma bogue se refermait et j'appréciais. Dans ce décor, seule mon Ambrose échappait au désastre. Indifférent à mon mutisme il me couvait. S'imposait comme le seul ancrage à ma molle dérive. Je me ressentais fœtus, ça m'allait bien.

 

Quand nous nous sommes enfournés dans la bouche du métro, la glue poisseuse des mal-éveillés giclant de toute part nous a dégluti, absorbé, digéré. Des fourmis aveugles, programmées, progressaient en files denses, se croisaient sans se voir. Portés par elles, dissous puis coagulés, étrons parmi les étrons, nous prenions place dans le troupeau. Ce grouillement souterrain, malodorant, informe, chaîne de résignés, de regards vides, bizarrement me rassurait. La quête têtue et empressée du bétail à se fondre, à n'être qu'anonyme, correspondait bien à mes aspirations du moment. Je collais aux basques d’Ambrose, armoire à glaces, il progressait, tel une barge de débarquement, au droit, fendant la foule. Notre absence de mots, mon silence obstiné pour être honnête, lui laissait l'entière initiative. Ambrose s'en fichait, me portait, ne laissait rien au hasard. Au débouché d'un couloir en coude nous nous retrouvions compressés tout contre les battants d'un portillon métallique. Dans mon dos le cheptel renâclait. Je m'arc-boutais.

 

Le portillon s’ouvrit, nous nous essaimèrent sur le quai. Brève attente, la face plate de la rame Sprague débouchait du tunnel et, comme nous étions en tête de ligne elle venait s'immobiliser dans un crissement aigu de freins à notre hauteur. La rame dégueulait ses encagés sous les regards impatients de ceux qui allaient les remplacer. Le chef de train, un long voûté, dominait la masse, et sa tronche renfrognée sous sa casquette ridicule ressemblait à un bouchon ballotté par la houle. Ambrose me tirait par la manche, s'encoignait près de la porte. Tout près de nous, les corps cherchaient des espaces, des mains agrippaient les hampes centrales, sans un mot, têtes baissées, les moutons trouvaient leur place dans la bétaillère. Le signal sonore couinait. Les loquets des portes claquaient. La rame s'ébranlait. Mon allergie pour le métro naissait.

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21 mai 2021 5 21 /05 /mai /2021 06:00

Jean-Claude Ribaut – 25 ans de critique gastronomique au journal Le Monde

Y’a pas photo, c’était mieux avant, le temps où les chroniqueurs gastronomiques, loin des influenceurs-influenceuses Instagramé(e)s, n’étaient pas à la remorque des attaché(e)s de presse des stars de la bouffe étoilée, tel notre Jean-Claude Ribaut officiant au Monde avec la complicité graphique de Desclozeaux.

 

C’est Fleur Godart, la chouchoute des petites roues de Bettane&Desseauve, le  Thierry Desseauve, celui qui, comme elles, tient la maison en équilibre, qui me l’a fait connaître au tout début de mon aventure de blogueur lors d’un déjeuner de presse.

 

Jean-Claude, affute toujours sa plume, il me le dit « d'un confinement, l'autre... J'ai eu le temps, ces derniers mois, d'exhumer pour le 77ème anniversaire du Débarquement une évocation de la gastronomie sous l'Occupation.

 

C’est chez Atabula de F.P.R, la Geneviève Tabouit de la grande bouffe étoilée, pas vraiment ma came mais, comme le disait finement notre Chirac, ses vapeurs sur Ducasse ou autres buzz « cela m’en touche une sans faire bouger l’autre ». À chacun son job, je suis à l’aise puisque je ne monnaye pas mes écrits.

 

S’il y a une manip qui me gonfle chez Atabula, et d’autres, c’est l’inactivation du clic droit qui interdit toute copie. Je préfère de loin ceux qui te filent le premier paragraphe puis te demande de raquer pour lire la suite. C’est mesquin.

 

Bref, le lien ICI permet de lire l’excellente chronique du Jean-Claude. Allez-y de bon cœur ça augmentera les statistiques de F.P.R, car tel est le but. Bravo l’artiste !

 

 

Quant à la Tête de veau «en tortue» de Jean-Claude, à consommer avec un des vins nu de la Fleur, un Nestarec acheté chez l'adorable Claire à ICI-MÊME  comme Charles, j’attends.

 

 

Bonne lecture…

 

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20 mai 2021 4 20 /05 /mai /2021 08:00

1969 - Vie et mort de la gare Montparnasse - Paris Unplugged

À mon retour à Nantes, avec l'argent de Jean, mon dû, une poignée de billets fripés – si je l'avais écouté il m'aurait donné tout le liquide du coffre – je louais une chambre, pour une semaine, dans un hôtel miteux du quai de la Fosse. La patronne, déjà intriguée par ma dégaine de mal rasé et mon étrange balluchon, me regardait d'un drôle d'air quand j'insistai pour payer d'avance en petites coupures. Pour l'amadouer je lui souriais. Ma tronche de chien battu devait la rassurer. Elle me tendait une fiche de police que je remplissais. Son parfum de pacotille, mêlé au suif de sa peau, épandait des remugles fades. Elle me donnait une grosse clé pendue à une étoile de bronze « la 18 est au premier gauche... » L'escalier recouvert d'un tapis élimé grimpait sec. Les immeubles du quai, étroits et de guingois, empilaient des pièces hautes de plafond. Ma chambre, qui donnait sur une cour intérieure, n'échappait pas à la règle. Je tirais les doubles rideaux jaune pisseux. La lumière les traversait sans peine tant ils étaient élimés. Je m'allongeais tout habillé sur le lit recouvert d'un dessus de lit d'un blanc douteux. Le plâtre du plafond, bouffé par le salpêtre, partait par larges plaques en lambeaux. Je pleurais. Je pleurais doucement, en silence, les yeux rivés sur un petit tableau aux couleurs défraîchies.

 

Ambrose est venu me rejoindre, nous avons décidé de monter à Paris le dimanche soir, un train, bourré de bidasses remontant vers l'est, empestait la chaussette sale, le tabac froid et la pisse rance. Les départs, dans mes rêves d'enfant, revêtaient des allures princières, bagages en cuir patiné convoyés par des porteurs en blouses, uniformes impeccables des hommes de la Compagnie des Wagons-Lits, voyageurs empressés, grappes de ceux qui resteraient à quai, à mon bras une femme mariée que je venais d'enlever aux rets de son sinistre époux, visage caché sous une voilette, des nappes bleutées de vapeur enveloppaient la locomotive, le compartiment du sleeping en partance pour l'Orient, avec ses parures en loupe d'orme, allait abriter mes amours clandestins. Ce soir, dans l'inconfort de ce train de nuit ordinaire, à vingt ans, je prenais pleine conscience que je m'enfonçais dans une vie ordinaire où le tous les jours ne m'apporterait qu'ennui, tristesse et chagrin. Ma belle vie, mon bel avenir, tout ce bel édifice que j'abandonnais sans regret, ma famille, mon pays, mes amis, Marie, je les enfouissais tel un magot désormais inutile. Mémé Marie disait de moi que j'étais un garçon délicat. Pour elle c'était un compliment. Moi je savais bien que c'était mon tendon d'Achille. Il me fallait forcer ma nature, me rendre insensible au regard des autres, n'être qu'un gris parmi la cohorte des gris.

 

Montparnasse, le terminus, la vieille gare de l'Ouest, sentait le sapin. Elle vivait ses derniers jours car bientôt les promoteurs et les bétonneurs allaient l'araser, l'enfouir, damer son empreinte pour couler le socle du plus haut phallus pompidolien, la Tour, bite d'amarrage plantée loin des effluves de l'Atlantique, totem des ambitions pharaoniques des nouveaux friqués, doigt d'honneur pointé au flux de bagnoles craché par la future pénétrante Vercingétorix. Tout devenait possible, les vannes s'ouvraient, le fric dégoulinait, on jetait un tablier de bitume sur les quais de la Rive droite, on charcutait le futur Chinatown, on excavait le ventre de Paris, on décidait d'édifier Beaubourg, les derniers feux des années dites Glorieuses rougeoyaient. Qui aujourd'hui se souvient de Christian de la Malène, de la Garantie Foncière, du Patrimoine Foncier, de Gabriel Aranda, de Robert Boulin, des petits et gros aigrefins, des prête-noms, des stipendiés, des corrupteurs et des corrompus, des fortunes météoriques, de cette cohorte de personnages troubles dont on aurait cru qu'ils sortaient d'un film de Claude Sautet ?

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20 mai 2021 4 20 /05 /mai /2021 06:00

 

Le 16 mars 2020, nous apprenions qu’un vilain virus allait nous confiner pendant quelque temps ; 55 jours exactement. L’ensemble de la population française allait donc devoir apprendre l’art du confinement dans des espaces fort étroits. William Heath Robinson connaissait l’art d’occuper l’espace, et avait visiblement déjà réfléchi à la question. Son œuvre magnifique et superbement ignorée en France venait de tomber dans le domaine public ; l’occasion était trop belle de réparer un oubli incompréhensible avec l’adaptation de How to Live in a Flat, un ouvrage paru en 1936 sur un texte de K.R.G. Browne. C’est un classique en Angleterre, et un beau prétexte pour réunir un petit cercle d’amateurs de l’artiste pour une adaptation originale, à l’ère de la Covid-19. Jean-Luc Coudray, Isabelle Merlet, Philippe Poirier et David Rault ont relevé le défi, et l’ouvrage que vous tenez entre les mains est le résultat de cette fantaisie autour de l’univers unique, au trait incroyablement moderne, de William Heath Robinson.

Michel Lagarde

 

Heath Robinson Museum - Musée - visitlondon.com

William Heath Robinson par Julien Prost

lundi 29 décembre 2014

 

William Heath Robinson est une figure méconnue de l’illustration et de la bande dessinée. Son nom n’est aujourd’hui connu dans les pays anglo-saxons que comme une boutade, une référence à l’absurdité mécanique et à la bidulité ludique...

 

Et pourtant son apport est immense.

 

Issu d’une famille d’artistes bien sous tous rapports, le jeune William a du mal à s’insérer dans le moule de la tradition. Il commence à illustrer des textes classiques : Les Contes d’Andersen, Les mille et une nuits, les contes de Shakespeare et même Gargantua et Pantagruel. Le trousseau fondamental de tout aspirant artiste en somme. Ses dessins sont bons, il a réussi à développer son style, sa patte graphique, mais il lui manque quelque chose... Et c’est l’édition pour la jeunesse qui lui donne un second souffle. L’illustration qu’il fait d’un livre comme The Adventure of Uncle Lubin pose les fondements de son imaginaire : des dessins fouillés, représentant des inventions, des machines d’une ridicule et absurde complexité. On se perd avec délectation dans les moindres détails du graphisme, en essayant de démêler les fils et le fonctionnement de ces étranges pataquès.

 

Il met son humour et sa dérision au service de l’effort de guerre durant la Première Guerre Mondiale, en fournissant de nombreux dessins satiriques, inventant de nouvelles armes secrètes, choisissant de ridiculiser l’ennemi prussien plutôt que de le déshumaniser. C’est durant le conflit que pour la première fois son nom est ainsi détourné pour désigner une machine extrêmement, et inutilement, complexe : en anglais un Heath Robinson est donc une expression difficilement traduisible, mais qui signifie à la fois « usine à gaz » et « bidule ». La gloire par le petit bout de la lorgnette.

La suite ICI 

Absurdity and wonder: Heath Robinson at home | The Economist

13.10.2016 À 11

Le nom de Heath Robinson a été utilisé pour décrire des engins de fortune absurdement complexes depuis le début du XXe siècle, mais l'homme derrière le nom est en grande partie inconnu. WIRED enquête ICI 

 

 

Le William Heath Robinson Trust collecte des fonds depuis des années pour tenter de préserver son héritage dans un nouveau musée du nord-ouest de Londres, et grâce à 1,3 million de livres sterling de financement de loterie qui est maintenant devenu possible, rapporte la BBC . En mars 2015, le Trust a sécurisé les peintures et les dessins après avoir reçu des subventions du National Heritage Memorial Fund (NHMF) et du Art Fund, garantissant que les œuvres resteraient ensemble au Royaume-Uni - et maintenant dans leur nouvelle maison à Pinner, à Londres.

Heath Robinson: a museum fit for the cobbled-together contraption king |  Architecture | The GuardianWilliam Heath Robinson | Illustration, Méditation transcendantale, Miguel  angelAbsurdity and wonder: Heath Robinson at home | The EconomistWilliam Heath Robinson - An Ideal Home No. IV - Top Floor Chicken Farm  (1933)[813*1093] | Affiche imprimée, Illustrations, Illustration

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19 mai 2021 3 19 /05 /mai /2021 08:00

 

Je lâchai prise, coupai tous les ponts, mais sans fuir. Sonné, KO debout, je me laissai glisser, comme ça, sans réagir, doucement, les yeux grands ouverts. Ce fut une glissade un peu raide mais toujours contrôlée, bien maîtrisée. Je savais ce que je voulais, mourir, mais à petit feu. Mon but : aller au bout de mon chemin, sans contrarier la nature, en me contentant de survivre, de perdurer. Simple spectateur de ma vie. Emmuré dans le chagrin, mes yeux restaient secs. Pleurer c'était prendre le risque de fendre ma carapace, de m'exposer à la compassion. Pour tenir je devais faire bonne figure. Alors, j'allais et venais, affrontant l'intendance qui suit la mort avec le courage ordinaire de ceux qui assument les accidents de la vie. Mon masque de douleur muette, souriante même, me permettait de cacher, qu'à l'intérieur je n'étais plus que cendres. La mort rassemble. Autour de la grande table chez Jean, le soir, nous parlions. Nous parlions même d'elle. J'acceptais même de parler d'elle. Nous buvions aussi. Le vin délie les langues et allège le coeur. À aucun moment nous n’étions tristes. Marie, couchée dans le grand lit de Jean, nous imposait son silence éternel.

 

On prit mon emmurement serein pour du courage. Aux yeux des autres, mes proches, mes amis, ceux de Marie, ses parents, j'étais admirable. Non, j'étais déjà mort. Seul Jean pressentait mon délitement intérieur. Il bougonnait, tournait en rond, maudissait le ciel et me pistait comme un vieux chien fidèle. Les mots des autres filaient sur moi sans y laisser de traces, alors que les miens, précis, menaient leur dernier combat. On me laissait faire. Avec Jean, nous décidions de porter nous-mêmes Marie en terre au cimetière de Port-Joinville. Qu'elle restât sur notre île, sans fleurs ni couronnes, relevait pour nous de la pure évidence. Ça ne se discutait pas. Le maire obtempérait, et c'est dans notre C4, au petit matin, avec Achille coincé entre nous deux, que nous sommes allés jusqu'au trou béant. De la terre remuée et ce ciel pur, cette boîte en chêne vernis à poignées argentées, un moment j'aurais voulu qu'on chantât le Dies Irae. Des mains serrées, quelques pelletées, des baisers, des étreintes, des sanglots étouffés, encore des mots échangés et nous sommes allé au café. Là, j'aurais bien voulu pleurer.

 

Sur la dalle de ciment, avec Jean, nous avions fixé une petite plaque émaillée - c'est un de nos amis, potier, qui nous l'avait confectionné - où j'avais écrit Marie fleur de mai. Quand ils étaient tous repartis, au bateau du soir, même le regard implorant de maman n'avait pu ébranler ma détermination. Ma survie en dépendait. Je voulais vivre dans ma plaie ouverte. Jamais elle ne devait cicatriser. Ne croyez pas que c'était pour me complaire dans le malheur. Je n'étais pas malheureux. Je n'étais plus rien. Reprendre le cours d'une vraie vie sans Marie était au-dessus de mes forces. Me restait à vivre une vie de merde, y patauger, m'y souiller, m'y perdre pour que l'oubli, ce grand laminoir impitoyable, ne puisse jamais m'atteindre et m'essorer de ma vie d'avec Marie. Avant de partir je suis allé sur la lande cueillir une brassée de fleurs. Jean m'attendait devant le portail du cimetière avec un grand vase rouge. Nous avons offert à Marie ce bouquet puis nous sommes descendus nous bourrer la gueule au port. Les marins piquaient le nez dans leurs verres. C'était l'un des leurs qui avait écrasé Marie.

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19 mai 2021 3 19 /05 /mai /2021 06:00

Albert Finney

 

Aujourd’hui c’est « Les Leçons de la vie » (1993)

 

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« Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez vous » fait on dire à Eluard.

 

C’est ce qu’il faut retenir à propos du pourquoi de ce film. 

 

Je lis, au générique de la présentation des programmes : Albert Finney. Chic, ma soirée est faite. 

 

Il suffit du nom d’un acteur présent sur ma liste d’acteurs préférés pour, sans plus, emporter mon adhésion. Un peu comme suivre, ipso facto, les informations du Taulier pour me rendre à Assignan au château Castigno ou à Chatillon-en-Diois voir la gueule que pourrait  bien avoir, et ce village, et Pierre Jancou. 

 

C’est comme ça, on ne se refait pas. Les élans du cœur ou rien.

 

Dans un premier temps je fus déçu. C’était bien Albert Finney mais je l’avais confondu avec Alan Bates, autre acteur fétiche que j’aime depuis le méconnu «  Le roi de cœur » d’Edouard Molinaro bide retentissant sur toute la ligne en 1966. Nous y reviendrons.

 

Je les confonds toujours comme je confonds toujours et encore ma droite et ma gauche etc.

 

Bien évidemment ils  ne se valent pas .Mais c’est toujours un plaisir de suivre un film dans lequel l’un ou l’autre joue.

Une fois mes idées remises en place, Le film.

 

Quelle est l’histoire ?

 

Andrew Crocker-Harris enseigne les lettres classiques depuis 18 ans à l'Abbey College, établissement d’enseignement très chic. Au fil du temps il s'est rendu très impopulaire aux yeux de ses élèves et de ses collègues. Dur et autoritaire, il était surnommé «Hitler des cinquièmes». 

 

Son départ, provoqué par une mise à la retraite anticipée, ne désole pas grand monde. Seule Laura, sa femme, n'est pas satisfaite de ce changement qui l'éloigne de Frank Hunter, son amant, un professeur de sciences, car son mariage tourne au désastre.

 

Alors qu'il doit quitter le collège, Taplow, l'un des élèves de Crocker-Harris, sera le seul à lui rendre hommage une dernière fois . Il lui offre une traduction de l'«Agamemnon» d'Eschyle qu’il a trouvé chez un bouquiniste et qu’il a acheté avec son argent de poche. 

 

Alors qu’il reçoit ce cadeau, il interroge Taplow qui se montre à la hauteur et prouve que cet élève a été plus proche de son enseignement qu’on aurait pu le croire. Ce geste va bouleverser le vieux professeur acariâtre qui continue à lire Eschyle devant Taplow. Subjugué, celui-ci  écoute le vieux maître qui montre enfin une véritable passion pour son sujet et lui donne un aperçu du professeur qu'il aurait pu être.

 

Tout accable les derniers jours de Crocker-Harris dans l’établissement. La prise de conscience des tromperies de sa femme. Le mépris dans lequel elle le tient, affiché en public. Le refus du directeur de le faire bénéficier des avantages usuels en matière de retraite. La demande qui lui est faite de bousculer, en sa défaveur, les préséances, la encore usuelles lors de la grande fête de la fin de l’année scolaire.

 

Sans que cela ne constitue une fin heureuse, il va trouver le courage de triompher de tout ce qui s'acharne contre lui.

 

Réalisation

 

Elle est de Mike Figgis un réalisateur britannique qui a su donner beaucoup de charme à ce film qui se déroule en lieu clos. Et cela, malgré l’agitation de la fête de fin d’année scolaire qui réunit parents, élèves, professeurs, anciens et tout en soulignant l’hypocrisie des relations sociales et la férocité feutrée comme seule les Anglais savent la distiller entre eux. 

 

Les fleurets sont mouchetés mais n’en blessent pas moins pour autant.

 

Bref il se dégage, grâce à l’élégance de la mise en scène, une sombre mélancolie à laquelle on s’abandonne sans déplaisir.

 

De Mike Figgis je connaissais et appréciais son premier film « Un lundi trouble » (Stormy Monday) tourné en décor naturel à Newcastle qui, rien que pour cela, mériterait le détour. Newcastle sert aussi de décor naturel au film La Loi du milieu  (1971) avec tient tient…Michael Caine. Nous reviendrons sur ces deux films.

 

Albert Finney

 

Lors de sa formation, il a Alan Bates et Peter O'Toole comme condisciples. 

 

Sa filmographie est impressionnante. Quelque 45 films. C’est un acteur exigeant et sollicité de toute part et par les plus grands metteurs en scène. Il entend rester libre avant tout car le théâtre reste une activité importante dans sa vie. 

 

En 1961 l'acteur hors normes refuse le rôle de Lawrence d'Arabie et un cachet de 100 000 dollars pour diriger une troupe théâtrale à Glasgow pour un salaire modique de vingt dollars par semaine. 

 

En 1962, il tourne « Tom Jones », comédie picaresque  ou il virevolte dans le rôle de ce personnage de mauvais garçon sympathique. Cette performance le sacre star et lui vaut sa première nomination à l'Oscar.

 

Il refuse le star système . « Dans le Crime de l’Orient Express »sa composition toute personnelle d’Hercule Poirot, a enthousiasmé public et critique ( un peu moins votre serviteur) Cependant, il refuse de reprendre le rôle pour « Meurtre sur le Nil » qui écherra à Peter Ustinov.

 

Un petit mot pour Michael Gambon qui interprète le rôle du Docteur Frobisher directeur de l'Abbey College . Il se sépare avec une joie non dissimulée de ce professeur encombrant, d’une autre époque et qui fait tache sur l’image de modernité qu’un établissement de son standing doit présenter. 

 

Avec sa désinvolture à l’égard de Crocker-Harris, il joue à la perfection de sa morgue, mais aussi de sa feinte compréhension des parents d’élèves n’accordant de l’intérêt qu’aux plus riches ou au plus haut dans l’échelle sociale .Tout le chic de l' Old England »

 

Pax

 

Prochainement « La Rose et la flèche »

 

Le légendaire Albert Finney s'est éteint à 82 ans ICI

Paris Match ||Mis à jour le 

 
Albert Finney au côté de Julia Roberts dans «Erin Brockovitch, seule contre tous».
Albert Finney au côté de Julia Roberts dans «Erin Brockovitch, seule contre tous».Universal Pictures / Columbia Pi / Collection ChristopheL/AFP
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18 mai 2021 2 18 /05 /mai /2021 08:00

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Les affaires de Jean prenaient de l'ampleur, les clients affluaient, achetaient, si nous n'y prenions garde nous allions manquer de marchandise. Notre originalité, la patte de mon patron farfelu, tenait à ce que, à la Ferme des 3 Moulins, voisinaient des meubles et des objets de brocanteur, à des prix raisonnables, et des pièces rares dignes des meilleurs antiquaires. Ma bonne gestion des finances nous avait permis de financer de belles acquisitions à des prix de marchands. La revente, coup sur coup, d'un compotier en vieux Rouen et d'une adorable petite commode signée d'André Charles Boulle - une merveille bien achetée à une vieille originale et très bien vendue à un industriel du Nord - nous donnait capacité à aller draguer sur le continent des confrères moins bien lotis que nous. Le stock de fin de saison est l'ennemi du brocanteur. Il lui faut de la fraîche pour se livrer à son plaisir favori : acheter. Jean pouvait partir en chasse. Sans conteste, avec son allure de Pierrot lunaire, ses fringues pourries et ses sandales en plastoche, il était l'un des meilleurs de la place, surtout auprès des vieilles dames grosses pourvoyeuses de notre biseness. Il les embobinait, en grommelant des tirades incompréhensibles tout en grignotant des gâteaux secs et en sirotant des petits verres de vin doux. Le seul problème était de le laisser battre la campagne avec autant de liquide en poche. Marie, fine mouche, trouvait la solution : Button. « Il vous servira de chauffeur et de banquier... » et d'ajouter « C'est plus prudent » sans préciser s'il elle faisait allusion à sa conduite automobile approximative ou à son côté panier percé.

 

Avec Marie nous évoquions, pour la rentrée, notre installation. Mon pécule gagné sur l'île, plus la petite rente que lui versait son père, nous permettraient de louer soit un studio, soit un petit deux pièces dans la partie populaire de Nantes. Pour vivre ensuite, les petits boulots ne manquaient pas. Nous aviserions. La perspective d'entamer notre vie commune, rien que tous les deux, nous rendaient plus amoureux encore. Marie me rendait simple. Je ne fabriquais plus de nœuds. Depuis notre première jour, à aucun moment, nous nous étions livré au ballet traditionnel du je me présente sous mon meilleur jour et je me garde bien de remarquer, les grandes et les petites choses, qui m'agacent chez l'autre. Pour ce qui me concerne, ça tenait de l'exploit. Avant elle c'était mon mode fonctionnement exclusif. Quant à Marie, comment le dire sans paraître prétentieux, elle me dispensait, à doses quasi égales, ce qu'il me fallait, et d'admiration, et de franchise. Avec son petit air pince sans rire, et sans jamais me faire la morale, elle mettait le doigt sur mes si nombreuses contradictions. Elle me rendait léger. Nous aimions être ensemble. Nous aimions nous retrouver. Je ne lui cachais pas son soleil et elle me donnait sa lumière.

 

Ce lundi-là, le père de Marie, ce cher maître, annonçait par téléphone son arrivée sur l'île pour le lendemain. Branle-bas de combat pour Marie, il lui fallait mettre la villa en ordre de marche. Bien sûr, il ne venait pas seul, une cour de beaux jeunes gens l'accompagnait. Pendant toute la journée Marie vaqua. Le soir venu, j'allai la chercher pour que nous dînions à la Ferme des 3 Moulins. La pauvre était fourbue. Pour lui redonner des forces je lui fis des spaghettis à la carbonara. Marie tombait de sommeil. Comme elle devait rentrer à la villa je lui proposais de la raccompagner. « Non, non me répondait-elle, je prends le solex, ça m'oxygénera et toi tu dois attendre le coup de fil de Jean... » En effet, celui-ci, qui était toujours sur le continent m'appelait tous les soirs au téléphone aux alentours de minuit. Je bougonnai que Jean pouvait attendre. Marie me faisait les grands bras « Je suis une grande fille mon amour, les loups garous ne vont pas me manger en chemin. Tu sais bien que si tu n'es pas au bout du fil quand il appellera, grand zig va paniquer... » De mauvaise grâce je cédai. Avant qu'elle n'enfourche le mini-solex je la serrai fort. La nuit était claire. Le lit grand et froid. Comme ce cher maître refusait d'installer le téléphone dans la villa, je ne pouvais même pas appeler Marie. Le sommeil me précipitait dans une nuit agitée. On tambourinait à la porte d'entrée. J'étais en nage. Dans l'encadrement, sous la lumière jaune du lumignon, le capitaine de gendarmerie Thouzeau, en se tordant les mains me disait d'une voix enrouée «  Il vaut mieux que je vous le dise tout de suite monsieur, elle est morte. C'est encore un de ces fichus poivrots... »

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18 mai 2021 2 18 /05 /mai /2021 06:00

La classe de Georges Archipoff vers 1960

Georges Archipoff dans sa classe en 1957-1958 à l'école de Clerval

Jean-Yves Bizot ce fut le 25 novembre 2008

 

3 Questions à Jean-Yves Bizot vigneron à Vosne-Romanée ICI 

 

 

Vigneron, mais pas que… Jean-Yves Bizot, l'ésotérique de Vosne-Romanée ICI

 

Bourgogne | TOP 25 des vins les plus chers aux enchères du 1er semestre 2019 ICI 

 

Notons aussi la présence du domaine Bizot (Echezeaux grand cru 2002 : 1 034€, +14%) qui, lui, vinifie ses vins de façon naturelle.

 

Echézeaux Grand Cru Domaine Bizot 2002 | Barnebys

 

Domaine Bizot €4183 Échézeaux Grand Cru 2018 ICI

 

Lorsque Jean-Yves s’interroge – j’ai un faible pour les « je m’interroge ? » prononcés à la manière de l’ex-cardinal, archevêque de Paris, Mgr Marty avec l’accent rouergat – ça me rassure, je me dis mon coco tu as pointé hier le doigt dans la bonne direction.  

 

Donc, un titre sage, ça vous reposera de mes excès d’hier, mais, comme le dit un vieux proverbe du pays de Caux : « Méfie-té de … », sous la sagesse se niche de la pertinence, parfois même de l’impertinence, et ça met le doigt là où ça fait mal.

 

 

Jean-Yves Bizot

 

Le texte débute mal. Rien n’empêchait que ce ne soit pas le cas, mais on achoppe sur deux points, Déjà la question est trop réductrice.

 

Pourquoi la limiter au vin ? 

 

Et puis, traduction d’une forme de présomption : une note n’est pas donnée, elle est attribuée. Pour qu’il y ait don, il faut quelqu’un pour le recevoir. UN vin ne reçoit rien ici. 

 

Ou alors, la note comme distinction ? Allez savoir...

 

La question donc : à quoi sert une note ? 

 

Avant de savoir à quoi elle sert, on peut déjà se demander ce qu’elle est. C’est une mesure, rien d’autre qui satisfait bien sûr celui qui la met, peut-être celui qui la reçoit et répond à une une finalité très simple : établir un classement. 

 

Un outil, un simple outil de mesure, qui permet les comparaisons : bon, moins bon, très bon... Outil  à prétention de valeur absolue, car rationnelle : un nombre est une valeur et deux valeurs différentes indiquent deux mesures différentes. 

 

Sauf que l’étalon reste à créer, et je m’amuse encore de voir des copies notées au 25ème de point quand l’erreur peut porter sur 2 ou 3 points suivant les matières, et ce même en mathématique. En fait c’est juste une estimation, qui révèle plus de la personne qui l’attribue que de l’objet jugé lui-même. 

 

Avoir pratiqué l’exercice de correction de copies, de loin en loin, m’a amené bien sûr à me poser des questions. Comme je n’ai ni la compétence, ni la légitimité des enseignants pour le faire, ni une habitude qui deviendrait réflexe, attribuer une note à une copie m’a beaucoup perturbé. Et ce d’autant plus que la double correction était de rigueur… 2 ou 3 points d’écart sont monnaie courante. 

 

Ça se gère. 

 

Moins quand 12 points d’écart surviennent : dans ce cas on se demande nécessairement si on a corrigé la même copie. Admettons que les deux correcteurs deviennent l’un et l’autre plus exigeant ne changera rien à l’affaire, même si l’écart diminue. 

 

Mais, d’interrogation en interrogation, j’ai fini par ne plus rien noter, pas même et surtout mes collègues. Plus de jurys de dégustation, et surtout je me refuse à participer aux séances de dégustation d’agrément, m’estimant non- compétent pour juger leur travail. Ni la morale de groupe, ni le grégarisme, ni la curiosité  ne me convaincront jamais de changer de point de vue. 

 

Deux articles pour compléter, bien sûr parce qu’on ne peut pas parler de notes sans parler d’école : ICI et ICI 

 

Le second est extrêmement révélateur d’une tendance de fond : l’existence de comportements ou d’habitudes les justifie puisqu’ils sont. Ce qui évite la question à un niveau supérieur, qui serait quant à lui le plus légitime. 

 

Pourquoi la note est-elle ? 

 

Il constate : la note EST dans notre société. En quoi son existence est-elle naturelle, et est-ce parce qu’elle EST qu'elle est utilisée partout et par tous ? ou est-ce parce que tout le monde l’a subie à un moment de sa vie, celui de l’éducation, qu’on se trouve, à l’état adulte, passer dans le rôle du sachant et donc habilité à mettre des notes ? 

 

Parce qu’en fait plus qu’une question de compétence de celui qui la met, ce que traduit l’attribution de la note est une question de pouvoir, de subordination de l’autre. Je note, donc j’ai le pouvoir. Subordination qu’on retrouve dans la première phrase du texte de en Magnum : donner, c’est asservir. Exercice à double jeu car si on note, on est noté, partout et par tout le monde : dans son travail, par ses pairs, par ses supérieurs, par ses clients, par la gendarmerie… On note donc peut-être aussi par revanche, qui sait ? 

 

Mais le fait est là. Il y a des notes partout, et qui dit note… nous devons tous êtres des élèves modèles. A moins qu’il ne faille parler du modèle élève ? 

 

Le citoyen serait-il devenu un élève ? 

 

J’avais déjà évoqué sur ce blog mon ressenti lors de la réception d’un courrier de SIQOCERT. Je ne reviens pas dessus mais la réception d’un courrier du ministère de l’Intérieur, à l’occasion de la restitution d’un point perdu de mon permis (permis à point, donc….) de conduire m’a conduit à la même perception psychologique : j’étais retombé en enfance, et je recevais un bulletin scolaire. Elle me semble très gentille la personne qui l’a signée, mais mon statut de citoyen comme son statut de fonctionnaire, aussi élevé soit-il, ne lui accorde nullement le droit de me traiter avec cette condescendance. Je l’ai hélas égaré sinon vous l’auriez eu en photo, mais ceux qui ont récupéré un point savent de quoi je parle.

 

Allez, encore un article, c’est l’avant dernier, promis. ICI

 

 

Bref, pour en revenir à ces histoires de notes de En Magnum, je me suis demandé où il ne fallait pas rire, car si l’argumentation et les justifications paraissent solides, l’article tourne en rond et aboutit à de l’autojustification. Des arguties plutôt que des arguments. 

 

Disons simplement que les Bordeaux de 2020, sont très bons, très très bons. Sincèrement, qui en aurait douté ? 

 

Sauf que la bonne volonté et ses petits bras musclés d’ En Magnum ne changeront pas grand-chose au marché de Bordeaux. Le Bordeaux Bashing ne sera pas lavé hélas par cet article et probablement pas davantage après la révolution opérée dans la notation des vins. Un pschitt est resté célèbre en politique. Je doute pour celui-ci. Ce n’est pas la note qui crée l’adéquation au marché, ni même le marché. L’auteur en a bien conscience puisqu’il évoque l’épuisement du système Parker.

 

Un 100/100 de Parker ou d’un autre ne m’a pas forcément procuré d’émotions particulières, pas plus qu’un chapeau bas de Michel Bettane dans ses grandes heures. C’est vrai pour le vin, mais c’est vrai aussi pour d’autres créations. Ce n’est pas non plus parce que toute la critique s’accorde pour porter au pinacle une œuvre littéraire que j’y adhère de facto. 

 

ça m’a valu des séances de lecture obstinée, qui ne m’ont rien apporté, si ce n’est l’ennui, l’ennui, l’ennui. C’est très long la Montagne magique... 

 

L’inverse est vraie aussi : j’ai aimé des textes rejetés ou dédaignés (Et la Forêt les dévora, de Robert Gaillard chez Fleuve noir, improbable pépite d’une bibliothèque de grenier). 

 

Et il y a des cas, où je suis en phase : Proust, que j’ai dévoré dans tous les sens pendant 10 ans. J’en suis incapable aujourd’hui.  Tout est donc possible.  

 

Alors comment se fier à une note de critique ? 

 

D’autant que cette note change au cours des temps, donc qu’elle est relative : le jugement sur les œuvres évolue. Nous ne lisons pas les mêmes œuvres aujourd’hui qu’il y a 100 ans. Fort heureusement. Au cours d’une vie aussi : à 20 ans on ne lit pas les mêmes livres qu’à 50. Fort heureusement. De même, je ne bois pas les mêmes vins aujourd’hui qu’il y a 20 ans. 

 

Je ne suis pas certain que le goût s’affine avec l’âge. La connaissance dans la construction de celui-ci n’y est pour rien, mais l’acuité de la perception.

 

Ce propos n’est pas neutre. Qu’en est-il de cet article sur Bordeaux ? Oui, bien sûr, une région de grands vins. Les Grands Vins des années 80, 90, 2000, incontournables. Ils ont servi d’exemples, de référence. Leurs techniques d’élaboration, répondant à une esthétique forte et affirmée, s’est installée partout, de manière presque exclusive, là parfois où elle n’avait rien à faire. Mais ce sont aussi les vins d’une carrière, et finalement cet article ne dit rien d’autre. 

 

Bordeaux continue à faire de bons vins, sur ce modèle. Il semblerait qu’on aime à En Magnum. Rien à redire, mais un tel article n’oblige pas à prendre conscience de ses limites. Pour le (ou les) dégustateurs, une manière de se conforter, de se rassurer dans un monde qui se transforme, face aux choses qui changent. Pour la région aussi de production aussi peut-être, et à ce niveau la responsabilité est plus grande. Les potentialités de Bordeaux sont immenses, mais le risque est de continuer à jouer une partie datée. Comme les autres régions viticoles, perdurer reviendra à dépasser son modèle de réussite

 

La viticulture française en est là. Bordeaux doit dépasser son modèle technique, la  Bourgogne son modèle terroir, la Champagne son modèle industriel, d’autres régions encore leur modèle artisanal.  Et ce petit article en dit sur le niveau d’accompagnement dont bénéficie la filière dans sa transformation.

 

Là je ne ris plus.

 

« Changeons les graduations du thermomètre pour que la température affichée soit 36°5. Tout ira mieux. » On ne va guère plus loin dans ICI. Ce n’est pas en révolutionnant la notation qu’on changera la critique. Il faut, là aussi, un autre modèle. Car finalement, à quoi ça sert, l’évaluation ? 

 

À l’école, comment mettre l’évaluation au service des apprentissages ? ICI  

Steven Spurrier dans la cave de sa maison du Dorset, août 2020. Lucy Pope , Author provided

Depuis quand note-t-on les vins ? ICI

Doctorante en Economie du vin, Université de Bordeaux 

 

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17 mai 2021 1 17 /05 /mai /2021 08:00

Monbazillac 1940 - Au droit de bouchon

Le « Tu peux monter vos affaires dans ta chambre... » fut le sésame de maman. Après le dîner nous prîmes le frais dans le jardin. Comme je l'avais prévu, mon mendésiste de père, prenait un malin plaisir à mettre Marie sur le grill en la prenant à témoin de la légèreté et de l'inconsistance du mouvement de mai. Pratiquant à merveille le billard à bandes c'est moi qu'il visait. Pour lui, avec ce qu'il me reconnaissait de talent, j'avais joué au révolutionnaire, par pur plaisir esthétique et romantique. Moi et mes petits camarades gauchistes, avec le soutien objectif des communistes, en nous contentant de psalmodier notre vulgate révolutionnaire, nous venions de priver la gauche réformiste, celle de PMF, la seule capable de tenir ferme le gouvernail et de moderniser la France, d'une éclatante victoire dans les urnes. En ressoudant aux gaullistes, la droite rentière des Indépendants, et celle encore bien planquée, sans leader, mais toujours chevillée à une part de la France xénophobe, nous avions fait le lit de Mitterrand. L'ambiguë de Jarnac saurait lui, le Florentin, s'asseoir sur le PCF pour mieux l'étouffer. Marie bichait. Elle virevoltait pour le plus grand plaisir de mon séducteur de père.

 

Avoir Marie à mes côtés dans mon lit d'enfant ravivait les souvenirs de mes soirées passées, sous la tente de mon drap, à ériger mes cathédrales, à imaginer tout ce qu'allait m'apporter mon bel avenir. Dans l'obscurité, Marie, me chuchotait « Je suis bien mon amour. Ici je me sens toi. Toute à toi. Je t'aime... » Comme nous ne galvaudions pas les je t'aime, ceux de ce soir-là, mêlés à nos caresses, à notre osmose, nous haussaient en des espaces qui donnaient à l'amour un goût d'éternité. Amour sensuel, accord parfait, nous ne nous sommes même pas aperçu que, ce n'est qu'aux premières lueurs de l'aurore, que nous nous sommes endormis. La maisonnée s'était donné le mot pour que notre grasse matinée ne soit pas troublée par la préparation du déjeuner. À notre éveil, vers dix heures, ils étaient tous partis à la grand-messe. Dans la cuisine, où notre petit déjeuner nous attendait, la logistique du repas de midi impressionnait Marie. Tout était en place, le clan des femmes, mobilisé et efficace, avait donné le meilleur de lui-même. La brioche de Jean-François était mousseuse à souhait. Maman nous avait préparé un cacao ; plus exactement le cacao qu'elle préparait chaque matin pour son écolier de fils.

 

Le service était assuré par la femme du cousin Neau lui-même préposé aux vins. Alida, la laveuse de linge, assurait la plonge. Maman, qui avait fait la cuisine, orchestrait l'ensemble avec autorité et doigté. A l'apéritif, Banyuls pour tout le monde, on disait vin cuit en cette Vendée ignare. Le menu : vol au vent financier, colin au beurre blanc, salade, de la chicorée – mon père avait droit à une préparation personnelle avec croutons aïllés – fromages : du Brie de Meaux et du Gruyère, et en dessert : un savarin crème Chantilly, évitait à mon cordon bleu de mère de passer trop de temps devant ses fourneaux. Le seul moment grave, bien sûr, avait consisté à monter le beurre blanc. En l'absence de maman, son époux facétieux informa Marie que sa Madeleine de femme avait des doigts de fée. Du côté des vins, du Muscadet sur lie, un Gevrey-Chambertin et du Monbazillac. Je haïssais le Monbazillac qui m'empâtait la langue. Tout atteignait l'excellence, même le café que maman passait dans une cafetière à boule de verre qu'elle ne sortait que pour les grandes occasions. Papa nous empesta avec ses affreux petits cigares de la Régie. Les yeux de Marie brillaient. Nous étions heureux.

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