Rémy Poussart : le personnage a une bonne bouille, de la faconde à revendre, truculent, une bonne fourchette, il n’envoie pas dire ce qu’il a envie de dire comme vous allez le constater, voyage en famille dans de modestes conditions, ne roule donc pas des mécaniques, donc à tout pour déplaire à l’establishment bordelais. J’ai dîné en sa compagnie dans un château bordelais pendant la dernière édition de Vinexpo et il m’avait parlé de son guide à paraître. Samedi dernier je l’ai croisé dans les allées du GT de B&D et il m’a remis en mains propres Le Grand Classement des Vins de Bordeaux millésimes 2007.
Le sieur Poussart ne fait pas dans le genre « dentelles de Calais » ou plutôt « de Bruges » il tape à bras raccourci. Pour lui les classements de Bordeaux sont obsolètes comme si dit-il « puisque l’Uruguay a gagné la première coupe du Monde de football en 1930, restait indéfiniment classé première équipe de football au classement de la FIFA. » Image certes frappante mais tout de même peu convaincante en terme d’approche du sujet. Mais bon, comme notre Rémy veut démontrer que les classements bordelais actuels ne reflètent plus la réalité il les attaque sur leur côté figé pour l’éternité (celui de 1855 bien sûr). Alors il met les 570 « les plus importants » (sic) dans le même panier pour les faire déguster en 72 sessions de dégustation à l’aveugle à 3 moments différents par un jury « composé de professionnels et de grands amateurs : 175 » 41 cavistes-importateurs (dont 1 anonyme), 12 journalistes (dont 8 anonymes), 15 sommeliers-restaurateurs (dont 6 anonymes), 10 œnologues (dont 6 anonymes), 35 œnophiles, 6 professeurs d’œnologie (dont 1 anonyme), 52 vignerons (dont 36 anonymes) et 4 consultants en vin.
Il a choisi le millésime 2007 car il estime que « pour pouvoir juger objectivement un vin, ce dernier doit être prêt, la vinification et la mise en bouteille terminée ». Bien sûr notre Poulsard en met un grosse couche sur les « pseudos-journalistes « qui sortent des notes de dégustations pour les primeurs. « Les primeurs, c’est un peu comme les fricadelles en Belgique, tout le monde sait ce qu’il y a dedans, mais personne ne dit rien. »
La méthode de dégustation du Grand Jury International des Vins de Rémy Poulsard : « Toutes les bouteilles d’échantillon ont été emballées et numérotées avant d’être dégustées totalement à l’aveugle. Chaque vin a été dégusté à trois reprises et est passé individuellement devant les jurés, un vin à la fois, de façon à ne pas comparer un vin par rapport à un autre er de pouvoir lui trouver ses propres qualités et défauts.
Les 24 séries de 24 vins ont été composées de façon aléatoire sans tenir compte des appellations, des classements et de la notoriété des vins. Ainsi, dans une série, on pouvait avoir par exemple le premier vin de l’appellation Margaux, suivi d’un Bordeaux-Supérieur, d’un Graves, d’un saint Emilion…
Les membres du jury ont disposés de 5 minutes pour rédiger et coter chaque vin (cote mathématique).
Sur la cotation le sieur Poussart qualifie la cotation Parker sur 100 de bidon qui « fait fi de toutes les règles mathématiques, au lieu de multiplier la note sur 50 par 2 pour obtenir une note sur 100, on rajoute 50 points à la note obtenue !!! Ainsi un vin qui obtient 35/50 reçoit non pas 70/100 mais bien 35+50 = 85/100. De ce fait toutes les notes sont gonflées vers le haut, un mauvais vin obtenant 20/50 soit 8/20 obtiendra par ce système 70/100 !!! »
Il raille ce monde où tout le monde il est content « le producteur qui reçoit une note surévaluant la qualité de son vin, le consommateur qui peut acheter un vin avec une belle note, le pseudo-journaliste qui reçoit les éloges du producteur, en remerciement de la bonne note donnée il sera certainement encore invité par celui-ci. Dans ce petit monde mesquin où « tout le monde il est beau tout le monde il est gentil », les copinages et les amitiés sont bien entendu de vigueur.
Du côté des dégustateurs Poulsard veut des pros pas « ces médiatiques m’as-tu-vu dont les connaissances frisent souvent le zéro absolu. ». Il regrette seulement que certains dégustateurs se soient dégonflés et ont demandé l’anonymat » 58 sur 175.
Petite leçon de déontologie pour finir : « Certains guides, magazines, concours… ont pour seul but d’obtenir un maximum de rentrées financières. Ces derniers n’hésitent pas à vanter les qualités de vins médiocres dans un but uniquement mercantile »
Pour Poussart son Grand Classement des Vins de Bordeaux est « totalement à l’opposé de ce business de bas étages. Aux milliers de producteurs avec lesquels nous collaborons nous ne demandons aucune cotisation. Nous ne leur vendons ni publicité, ni reproduction d’étiquettes et encore moins de médailles ou diplômes bidons ou en chocolat. Nos seules rentrées financières proviennent de publicités vendues à de partenaires qui ne produisent pas de vin ainsi que de la vente de notre guide. »
Bon comme le Rémy Poussart souligne en conclusion que son « intégrité ne plaît pas bien évidemment pas au petit monde mesquin et sournois de la presse du vin, une confédération lamentable où les coups bas, les dénigrements et les copinages font loi ! » il ne faut pas qu’il s’attende a beaucoup de papier élogieux ou dithyrambique dans cette presse.
Moi si je le fais c’est que le Rémy Poussart il l’a fait son guide fourre-tout, il est allé jusqu’au bout de son projet, avec ses propres moyens, sa méthode qui n’est pas dépourvue de biais (chaque vin n’est coté que par 20 dégustateurs dans des compositions différentes ce qui rend les résultats non homogènes) et d’une certaine forme de coupage de cheveux en quatre dont le consommateur ne tire que peu de profit (voir les remarques ci-dessous). Traiter son travail par le mépris ou avec notre condescendance habituelle à l’égard de nos voisins belges qui, que ça nous plaise ou non sont de bien meilleurs connaisseurs en vins que nous, ne relève pas d’un bon travail d’information.
Je ne sais si le Grand Classement des Vins de Bordeaux millésime 2007 sera un succès et quel sera le devenir de l’entreprise de Rémy Poussart mais, hormis mon peu de goût pour les entreprises de classement basée sur des notations, je ne vois pas au nom de quoi il faudrait l’ostraciser. Tous vos commentaires ou questions sont les bienvenus.
- 570 vins classés sur la base d’une notation sur 1000
- Le premier est noté 17,9/20
- Les 5 premiers ont plus de 17/20
- De 17 à 16/20 : du 6ième au 55ième
- De 16 à 15/20 : du 56ième au 153ième
- De 15 à 14/20 : du 154ième au 336ième
- De 14 à 13/20 : 337ième au 503ième
- De 13 à 12/20 : du 504ième au 560ième
- De 12 à 11/20 : du 561ième au 568ième
- De 11 à 10/20 : deux vins.
Remarque : la notation est généreuse et resserrée 17/20>50% des vins>14/20
- Top 10 : (1) Beau-Séjour Bécot (St Emilion) ; (2) Léoville-Barton (St Julien) ; (3) Léoville Las Cases (St Julien) ; (4) Pétrus (Pomerol) ; (5) Patache d’Aux (Médoc) ; (6) La Perrière (Lussac st Emilion) ; (7) Grand-Pontet (St Emilion Grand Cru) ; (8) La Croix (Pomerol) ; (9) Faugères (St Emilion Grand Cru) ; (10) d’Escurac (Médoc).
- La cote des stars : Latour (Pauillac) n°11, Haut-Brion (Pessac-Leognan) n°16, Palmer (Margaux) n°65, Mouton-Rothschild (Pauillac) n°68, Lafite-Rothschild (Pauillac) n°69, Cos d’Estournel (St Estèphe) n°70, Sociando-Mallet (Haut-Médoc) n°80, Cheval Blanc (St Emilion 1ier Grand cru classé) n°81, Pontet-Canet (Pauillac) n°91, Château Pavie (St Emilion 1ier Grand cru classé) n°109, Clos Fourtet (St Emilion 1ier Grand cru classé) n°111, Smith Haut Lafitte (Pessac-Léognan) n°119, L’Evangile (Pomerol) n°139, Ausone (St Emilion 1ier Grand cru classé) n°151, Margaux (Margaux) n°166, Angélus (St Emilion 1ier Grand cru classé) n°202, Pape Clément (Graves) n°266, Pichon Longueville Comtesse de Lalande (Pauillac) n°344…
- Un second devant le premier : Pavillon Rouge du Château Margaux n°31.
- Le Vray Croix de Gay n°12 est bien entouré : Château Latour en n°11 et Boyd Cantenac en n°13, Léoville Poyferré en n°14, Lascombes en n°15, Haut Brion n°16, Pichon Baron en n°17, mazette !
- Les Vins de Jean-Luc Thunevin beau tir groupé : Valandraud (St Emilion Grand Cru) n°28, Domaine des Sabines (Lalande de Pomerol) n°61, Château Bellevue de Taillac (Margaux) n°100, Virginie de Valandraud (St Emilion Grand cru) n°117, 3 de Valandraud (St Emilion Grand cru) n°120, Clos Badon (St Emilion Grand cru) n°122, Le Clos Beau-Père (Pomerol) n°136, Bad Boy (Vin de France) n°225, Virginie (Bordeaux) n°476. (note moyenne 15,1/20)
- Les Vins de www.chateauxcastel : Château Campet (1ière Côtes de Bordeaux) n°134 ; Château Ferrande (Graves) n°178 ; Château d’Arcins (cru Bourgeois Haut-Médoc) n°220 ; Château Malbec (Bordeaux) n°301 ; Château du Lort (Bordeaux) n°410 ; Château Tour Prignac (Médoc) n°426 ; Château Barreyres (Haut-Médoc cru bourgeois) n°493 ; Château Latour Camblanes (1ières Côtes de Bordeaux) n°495 ; Château De Goëlane (Bordeaux Supérieur) n°537 ; Château Mirefleurs (Bordeaux supérieur) n°560. (note moyenne 13,6/20)
- Les vins www.moueix.com : Pétrus n°4, Château Magdelaine (St Emilion 1ier Grand cru Classé) N°36, Château Latour à Pomerol n°99, Château Bel Air (St Emilion 1ier Grand cru Classé) n°152, Château La Fleur-Pétrus n°271, Château Hosanna n°451, Château Lagrange n°486, Château Trotanoy n°500. (note moyenne 14,75/20)