Ce samedi-là il mouillait et ventait sur Paris alors j’avais enfilé ma parka capuche sur la tête pour remonter le boulevard Saint-Jacques jusqu’à Denfert-Rochereau. Le bus 68 se faisait désirer, la pendule censée nous donner le temps d’attente affichait un décompte fantaisiste : vive nos services publics ! Enfin il me déposait à Pyramides et, toujours sous une pluie ventée je rejoignais le Carrousel du Louvre. Dans la galerie commerciale c’était le métro aux heures de pointe : une longue chenille pressait le pas. Sous la pyramide de Pei tant décriée une queue énorme attendait l’ouverture du musée du Louvre. Je virais à droite vers le raout de B&D que j’avais déjà « honoré » la veille, en fin de journée, de retour que j’étais de la France des terroirs où paissent de paisibles vaches.
Là aussi une file en rang serrée se pressait. Profitant du privilège de mon statut de blogueur j’entrais par celle réservée à cet effet et je me dévêtais pour entamer, verre à la main, mon sacerdoce. A peine entré dans la plus grande des salles je me heurtais au grand coach enflammé des AOC du Grand Sud, Jean-Philippe Granier qui, tout en s’esbaudissant sur mon écharpe orange et en se plaignant de ma plume prolifique qui lui saturait les neurones, m’indiquait qu’à quelques pas de là se tenait les gars des Terrasses du Larzac. Comme, selon une tradition bien établie chez moi, mon entame matinale se ferait par une ligne de blancs je commencerais mon chemin de rouges par les gars des Terrasses du Larzac. Je laissais donc Jean-Philippe à sa dégustation et j’allais tendre la main puis mon verre à Pascal Agrapart dont le nectar du pays champenois me donnait de l’élan.
Rassurez-vous je ne vais pas vous raconter toutes mes pérégrinations, elles sont sans intérêt même si parfois je me retiens de vous dire, d’écrire, ce que j’ai sur le cœur. Je me contente de me marrer dans ma petite Ford d’intérieur car je ne suis pas là pour tailler des costards à ceux qui en portent déjà. En effet, si je suis allé en ce lieu réprouvé par certains de mes confrères blogueurs c’est pour y glaner des idées de nouvelles chroniques, pas pour affuter des flèches à décocher sur Face de Bouc. Mon truc à moi c’est d’aller partout traîner mes guêtres, baguenauder, humer, je ne m’interdit rien, je parle à tout le monde, je n’ai aucune religion établie. Pour autant, je choisis.
En fin de matinée je me retrouvais donc face à Julien Zernott et Vincent Goumard qui œuvraient derrière les 7 flacons représentant les Terrasses du Larzac au GT de B&D :
Mas des Brousses Mataro 2008 Géraldine Combes&Xavier Perraud geraldine.combes@wanadoo.fr www.masdesbrousses.fr
Mas Cal Demoura Les Combariolles 2009 Isabelle&Vincent Goumard info@caldemoura.com www.caldemoura.com
Mas Conscience L’As 2008 Geneviève&Laurent Vidal mas.conscience@wanadoo.fr
Mas Jullien 2008 Olivier Jullien masjullien@free.fr
Domaine de Montcalmes 2008 Frédéric Pourtalié gaecbh@wanadoo.fr et www.domainedemontcalmes.com
Domaine du Pas de l’Escalette Le Grand Pas 2009 Delphine Rousseau&Julien Zernott escalette@wanadoo.fr et www.pasdelescalette.com
Les Vignes oubliées 2010 Jean-Baptiste Granier jbgranier@yahoo.fr
Bien avant que B&D ne décrétasse Les Terrasses du Larzac « Appellation de l’année 2011 », le 17 mars 2009 très exactement j’écrivais « J’ouvre le bal avec «Les petits pas» un Coteaux du Languedoc 2007 du Domaine du Pas de l’Escalette qui doit être le digne continuateur de la cuvée « Le premier pas » définie par ses concepteurs, Julien Zernott&Delphine Rousseau comme « un clin d’œil au premier pas de leur fils, Jules. » qui doit grandir en âge et en sagesse. Pour plus de détails – ceux dont vous aurez besoin pour river le clou de vos détracteurs es-experts en bouche en cul de poule et langage fleuri – allez visiter le site du domaine www.pasdelescalette.com vous y serez accueillis par les sourires avenant de Delphine et de Julien. » la suite ici link. Comme vous pouvez le constater : toujours à la pointe de la découverte le Taulier n’en déplaise à certains porteurs d’eau.
Comme dans le beau territoire de South of France il est beaucoup question de l’émergence de Grands Crus du Languedoc Les Terrasses du Larzac sont, comme l’écrivait le blog www.midi-vin.com le 1 juillet 2010, « sans nul doute l’un des futurs bijoux du Languedoc, cette appellation voit loin et propose déjà une vision contemporaine des vignobles de la région, tournés vers la qualité et la richesse des vins ! Il se prépare quelque chose de grand dans ces Terrasses du Larzac, on y prévoit même d’atteindre le niveau de qualité et d’homogénéité des vins du Pic Saint Loup, l’illustre voisin … Après tout le Mont Baudile, qui domine cette appellation, culmine déjà plus haut que le Pic Saint Loup ! Faudrait-il y voir un signe ? Un chemin à prendre ? Dans tous les cas les vins dégustés provenant des Terrasses du Larzac sont à la hauteur de leurs ambitions. »
Au temps où j’allais avec une bonne amie peintre à Villeneuvette (qui est un petit village blotti tout près de Clermont l’Hérault dont la fondation date du XVII siècle. Ce n'est pas un village comme les autres car c'est un village usine : une ancienne cité drapière fondée par un drapier de Clermont l'Hérault au XVII° et qui devint sous Colbert une Manufacture royale de Draps pour le roi et les troupes royales. L’activité cessera au milieu des années 1950 et depuis c’est un havre de paix niché dans la nature. Souvenir du plaisir de flâner à l'ombre des platanes centenaires et des petites ruelles de ce village qui autrefois était fermé le soir, les ouvriers étant en communauté. Nous marchions dans les bois au milieu des vestiges de canaux d'irrigation, des traces d'aqueducs, de béals qui étaient nécessaires à la confection des textiles) nous montions pique-niquer au lac du Salagou. J’ai aussi passé des vacances au Causse de la Selle dans le gite communal du maire mon ami Philippe Doutreme-Puich. Donc le parigot connait sa géo, ça facilite le boulot.
Pourtant je laisse la parole à Vincent Goumard président du cru « Les Terrasses du Larzac sont représentées par un V ouvert adossé aux causses du Larzac qui suit la vallée de l’Hérault d’une part et la vallée de la Lergue d’autre part. A l’extrémité Nord-Ouest, les Terrasses du Larzac englobent les villages de Montoulieu, Brissac, puis elle descend vers le Causse de la Selle, Puechabon, Aniane, ainsi de suite jusqu’à Gignac et Saint André de Sangonis. Puis l’appellation remonte la vallée de la Lergue en faisant un petit crochet par le lac du Salagou et les villages d’Octon et Mérifons. Elle finit en passant par Saint Jean de la Blaquière direction l’extrémité Nord Est des Terrasses du Larzac où se situent Pégairolles de l’Escalette, Soubès, Laurous, etc.A l’intérieur de ce V, l’appellation comprend les villages de Saint Privas, Saint Jean de Fos, Montpeyroux, Jonquières, Saint Saturnin, Saint Guiraud, Arboras, etc.
Puis il y a ce climat si particulier :
Ces villages se situent entre 70 et 400 mètres d’altitude, et permettent une expression différente pour un même cépage. Cette caractéristique participe à la richesse des vins issus des Terrasses du Larzac. Donc, il y a 32 communes qui constituent les Terrasses du Larzac adossées aux Causses du Larzac qui apporte une fraicheur qui différencie ce terroir des autres du Languedoc. C’est d’ailleurs le secteur du Languedoc où les différences de température entre le jour et la nuit sont les plus importantes. Cette caractéristique permet de retrouver dans les vins une acidité synonyme de fraicheur et apporte des révélations aromatiques particulièrement intéressantes ».
Vous voilà donc instruit sur la géographie physique des Terrasses du Larzac et il me reste plus qu’à vous causer des hommes et de leurs vins. Tout d’abord, j’y tiens, le GT de B&D, lorsqu’il met en avant un collectif tel que celui des vignerons des Terrasses du Larzac, est utile. Les vitrines sont les vitrines, il en faut, des dans les hauts lieux, des dans petits lieux, des dans des lieux confidentiels, des dans des lieux courus, peu importe, toute manifestation qui rencontre son public s’installe et devient incontestable. Tel est le cas du GT de B&D. Sur le stand, excellent accueil de Julien Zernott et Vincent Goumard, sympathiques, ne mettant pas en avant leurs propres vins sur les 7 présentés, expliquant le sens de leur démarche, prenant le temps de la discussion. Bon point donc ! Reste les vins dégustés, là aussi aucune fausse note, c’est de la belle matière, et pourquoi ne pas redire ce que j’ai déjà écrit : des vins plein de vitalité qui aiguisent les papilles, du plaisir simple avec un chouïa de gourmandise, un nez frais et fringant, une belle couleur rouge franche qui scintille, et la première gorgée qui vous emplit de bien aise. Bien sûr, chaque vigneron cultive sa singularité mais sur un territoire aussi bien identifié le lien avec l’origine est sans ambiguïté. Ce sont des vins qui donnent envie de manger, de manger aussi bien à la bouchée, avec son couteau, un quignon de pain et de la cochonnaille, qu’autour d’une belle table pour fêter des épousailles ou le diplôme de l’aînée.
La notoriété c’est comme le statut social ça ne confère pas à celui qui s’en réclame un certificat de qualité mais, en règle générale, si l’on veut tenir son rang il vaut mieux s’en donner les moyens. Hormis ceux qui ont basculé dans le luxe, la fenêtre de la reconnaissance est grande ouverte pour des vins qui respectent la parole donnée au consommateur. Le vin, le verre de vin de ceux qui en boivent occasionnellement, c’est-à-dire la part la plus grande de nos consommateurs, n’est pas là pour s’imposer, occuper tout l’espace, bien sûr il doit exister, être présent, mais il doit se lier, se fondre, aller à l’essentiel pour chaque gorgée soit une parcelle de plaisir. Les vins des 7 gars des Terrasses du Larzac, comme sans doute l’ensemble du collectif de ce terroir homogène, me semblent emprunter la meilleure des voies pour obtenir cette reconnaissance. Affaire à suivre sans aucun doute.
Mais j’entends déjà ricaner ceux qui passent leur temps à seriner que notre système d’AOC est déjà bien trop compliqué et qu’il faut arrêter de créer de nouvelles dénominations. J’en conviens mais il faut savoir raisonner cette objection en distinguant deux univers : l’infiniment petit et l’infiniment grand. Pour le premier, l’enjeu pour les vignerons est de faire reconnaître la validité de leur démarche auprès de consommateurs qui sont à la recherche d’origine, d’authenticité, d’originalité. Il ne s’agit pas d’un marché de niche mais d’un segment de marché hautement solvable mais très bataillé par une multitude d’intervenants et une foultitude de nouveaux entrants ; pour le second, il s’agit du marché de grande consommation dominée par la grande distribution qui s’adresse à des consommateurs qui, pour la plupart des produits alimentaires, se repèrent par des marques. Là, il est évident que la fragmentation des AOP et des IGP se traduit par un rayon vin sans aucune lisibilité.
Tout l’enjeu des années à venir est dans cette double approche, dans notre capacité à vraiment segmenter notre offre, à ne pas mettre sous les grandes ombrelles des AOC devenues AOP des vins qui ne sont que des IGP. Mais pour en revenir aux vignerons des Terrasses du Larzac ils sont sur la bonne trajectoire. Ils se doivent d’exister tels qu’en eux-mêmes, hors les porte-avions, les grands fourre-tout, ce qui ne veux pas dire qu’ils ne sont pas partie intégrante du Languedoc. A eux de persister dans la recherche de l’authenticité, dans l’art de vivre en conjuguant toutes les ressources humaines et physiques de leur territoire, dans la préservation de leur environnement mêlant nature sauvage et terres cultivées, dans le partage d’une histoire riche de symboles.
Créer de grands vins est une légitime ambition mais il n’existe aucune recette connue pour que leur reconnaissance soit très rapidement au rendez-vous. L’important, et ce me semblent faire les vignerons des Terrasses du Larzac, c’est de se donner les moyens de ses ambitions et de s’y tenir. Comme vous le savez j’aime les gens qui font et quand je pense à ce qu’était l’état d’esprit du monde du vin du Languedoc lorsque je descendais du côté de Villeneuvette : que de chemin parcouru. Alors, du courage, du courage… patience et longueur de temps…et surtout gardez le cap que vous avez choisi… c’est le bon… A un de ces quatre dans vos vignes, les gars et les filles (4 sur 7 sont des vignerons&vigneronnes)…
Les photos ont été emprunté pour la bonne cause sur le site www.midi-vin.com