Je ne suis jamais allé au SITEVI car je n’ai pas le cœur très porté vers les machines. Et pourtant j’ai vécu un bel amour de jeunesse avec les tracteurs Société Française Vierzon de mon père, et ses machines à battre aussi, mais l’irruption des moissonneuses-batteuses : les Claas ont sonné le glas de ma passion. Au Sitevi on ne fait pas que lécher les machines on colloque aussi : tribune avec une belle brochette de ce qui compte dans la Gaule du Sud pour fixer le cap vers 2025. La prospective c’est le grand amour de mon ami Patrick Aigrain alors je ne résiste pas au plaisir de vous donner en lecture le CR de cette conférence-débat fait par le portail du Ministère. Bien évidemment ne comptez pas sur moi pour faire des commentaires car je n’ai nulle envie de compter ensuite mais abattis mais vous, si ça vous chante, vous pouvez en faire…
« La DRAAF Languedoc-Roussillon, FranceAgrimer et InterSud de France ont organisé le 30 novembre 2011 au Sitevi 2011 une conférence-débat pour rendre compte d’une étude prospective sur la filière viticole régionale à l’horizon 2025
Cette étude lancée il y a deux ans à la demande de la DRAAF, a été conduite par l’INRA, Montpellier SupAgro et FranceAgrimer. Elle se base sur le travail d’un groupe d’experts et la participation des responsables professionnels à travers les réunions du conseil de bassin viticole du Languedoc-Roussillon.
Des avenirs possibles
Hervé Hannin (Directeur de l’Institut des hautes études viticoles) et Patrick Aigrain, de FranceAgrimer (Prospective), ont insisté sur la signification d’une étude prospective, qui n’est pas une prévision, mais cherche à éclairer des « avenirs possibles ». Ils ont rapidement décrit la méthode adoptée pour avancer collectivement dans des réflexions les plus partagées et les plus interdisciplinaires possibles sur le devenir de la filière vitivinicole en région. De nombreux responsables régionaux et nationaux se sont succédés à la tribune
Cette méthode vise aussi à aider à l’émergence de stratégies d’actions partagées en faveur du secteur. Ils ont ensuite « raconté » les 4 scénarios construits à l’issue de cette étude, en ont détaillé les enjeux et les conséquences possibles de chacun d’eux.
Les scénarios
1. Filière plurielle
* « Des viticultures plurielles organisées »
* « L’union fait la force »
* Superficie : 230 000 ha
* Volume produit : 13 à 15 millions d’hl
2. Filière paysagère
* « L’oenotorium »
* « Ceux qui restent en vivent correctement »
* Superficie : 120 000 ha
* Volume produit : 4 à 6 millions d’hl
3. Filière déclinante
* « Une organisation sans âme ni projet »
* « Les occasions manquées »
* Superficie : 150 000 ha
* Volume produit : 7 à 9 millions d’hl
4. Filière libérale
* « Un développement sélectif et industriel »
* « Chacun pour soi… certains s’en sortent »
* Superficie : 180 000 ha
* Volume produit : 10 à 12 millions d’hl
Bernard DEVIC, Président de la fédération InterSud de France, a expliqué pourquoi les professionnels avaient écarté, en Conseil de bassin du 20 mai 2011, le scénario «filière déclinante» ainsi que celui de la «Filière paysagère», sans écarter définitivement la «Filière libérale» et retenu finalement, à l’unanimité, le scénario n°1 : «Une filière plurielle : l’union fait la force».
Au cours de la table ronde animée par le journaliste Frédéric Maurel (Directeur du Paysan du Midi), les intervenants ont souligné la qualité et l’intérêt de ce travail pour:
* soutenir des propositions structurées dans le cadre de la discussion de la réforme de la PAC après 2013 (Jérôme Despey – Président du conseil spécialisé de FranceAgrimer) ;
* s’inscrire dans les marchés d’avenir, notamment à l’export et soutenir l’installation des jeunes et les démarches contractuelles (Jacques Gravegeal – Président de l’interprofession des vins de l’IGP Pays d’Oc-, Boris Calmette – Président de la fédération régionale des coopératives viticoles) avec l’exemple du groupe ADVINI (Sébastien Narjoud – Directeur général de la société Jeanjean Languedoc) ;
* rappeler la place de la viticulture dans l’économie du Languedoc-Roussillon, ainsi que les enjeux sur les questions sociales, le maintien du tissu rural et des paysages, mais aussi l’association du tourisme et de l’œnologie (Boris Calmette, Agnès Payan – Présidente des vignerons indépendants du Languedoc Roussillon).
La nécessité de poursuivre la construction d’une gouvernance plus forte, a été affirmée par plusieurs participants et a été reprise en conclusion par Bernard Devic, pour donner les moyens au Languedoc-Roussillon de devenir un véritable « cluster » vitivinicole au plan mondial.
Enfin Pascal Augier, DRAAF Languedoc-Roussillon, a souligné que ce travail était maintenant entre les mains des responsables professionnels viticoles de la région : à eux d’écrire la suite de l’histoire, les services de l’État restants disponibles pour appuyer les actions qui en découleront.
Les quatre scénarios prospectifs globaux de l’étude prospective sur l’avenir de la filière viticole, en Languedoc-Roussillon, à l’horizon 2025
Macroscénario n° 1 : Filière plurielle
Des viticultures localisées et organisées
« L’union fait la force »
Dans un contexte où l’image du vin est positive, l’intervention publique agricole pourtant d’inspiration libérale s’emploie à défendre les territoires agricoles, et à promouvoir la prise en compte par la sphère agricole des attentes sociétales notamment environnementales. La gouvernance régionale de la filière réussit à intégrer ces attentes et à coordonner la production et la mise en marché d’une gamme régionale complète, cohérente en termes économiques pour les professionnels et lisible pour les consommateurs.
Ainsi la région récolte-t-elle sa part de la croissance de la consommation mondiale et le potentiel viticole se maintient. Pour ce faire, la viticulture est localisée en îlots, chacun d’eux privilégiant nettement soit une stratégie de réelle différenciation (AOP, bio…) soit une stratégie « coût-volume » assumée. Ces derniers bénéficient notamment d’investissements d’origine publique en matière d’irrigation, également localisés. Clairement identifiées, ces logiques permettent une intégration efficace des avancées de la R&D. Elles se révèlent attirantes pour les investisseurs extérieurs à la région et propices au développement d’un œnotourisme efficace et diversifié : Le LR devient un véritable « cluster » vitivinicole.
Macroscénario n° 2 : Filière paysagère
L’oenotorium
« Ceux qui restent en vivent correctement »
Dans un contexte où l’image du vin est dégradée du fait de son contenu en alcool et par la mise en cause des pratiques agricoles conventionnelles, la consommation mondiale du vin recule et la région en souffre. L’intervention publique agricole, quasi-stable en montant, ne trouve cependant sa légitimité que dans une intervention territoriale à très forte connotation protectrice de l’environnement et de la santé. Elle contribue ainsi à limiter le développement de la production, en réservant son appui à des zones viticoles à forte connotation paysagère qui proposent des vins présentant une réelle différenciation pour une clientèle impliquée.
Seul un œnotourisme « à la ferme » dans une logique de « parc régional » se développe, et c’est dorénavant des circuits de distribution spécialisés qui écoulent la majeure partie des vins. La gouvernance régionale de la filière qui a intégré en urgence les attentes sociétales pressantes a travaillé efficacement à l’intégration rapide des avancées de la R&D mais le contexte n’a pas permis de développer une stratégie « coût-volume », autrement qu’à la marge. Le LR voit son potentiel volumique se restreindre sensiblement.
Macroscénario n° 3 : Filière déclinante
Une organisation sans âme ni projet
« Les occasions manquées »
Ce scénario est celui d’un déclin doux et lent de la viticulture régionale. Le fait qu’il se déroule dans un contexte de marché ouvert (marché mondial libéral, en croissance, dopé par la distribution de masse, de nouvelles zones et occasions de consommation, et une inscription croissante du vin dans l’univers des boissons) le fait apparaître aussi, pour les entreprises du LR qui perdent pied, comme celui des occasions manquées.
Certes leur contexte immédiat les pénalise, qui refuse les soutiens publics attendus (sociaux, économiques, environnementaux), accroît les coûts de production par une pression environnementaliste et jette l’opprobre sur les boissons alcooliques auprès des consommateurs sur leurs marchés traditionnels. Mais elles démontrent aussi une organisation faible et une productivité insuffisantes. S’ensuivent alors des stratégies trop anarchiques, de sens et d’intensités trop divergents pour construire une cohérence régionale, et par suite pour susciter des investissements en R/D (malgré une réelle richesse locale en matière grise).
Macroscénario n° 4 : Filière plurielle
Un développement sélectif et industriel
« Chacun pour soi…. certains s’en sortent »
Dans ce scénario, à côté de vignobles différenciés sur la base des traditionnelles AOC, se développent localement sur certains territoires du LR, des vignobles compétitifs conduits sur un mode industriel. Favorisés par un marché mondial porteur (mais compétitif), un environnement réglementaire très libéral, et une gouvernance régionale faible, ils sont le fait d’investissements privés qui visent à exprimer une compétitivité régionale respectueuse des principes libéraux de l’OMC : ouverture de la concurrence et intégration du progrès technique allant jusqu’à une ouverture maximale des pratiques œnologiques admises, y compris l’aromatisation.
Leur développement est organisé en phase avec des projets oenotouristiques rentables et en synergie avec des réalisations « culturelles » attractives, également mises en œuvre par des investisseurs privés, qui font de la culture vitivinicole, un axe de leur marketing. Peu encadrés et peu demandeurs d’encadrement, ces investisseurs libéraux mettent en œuvre leurs projets sans nécessairement de grands appuis publics et sans grand souci des effets macro-économiques induits. Ces évolutions sauvent le vignoble du LR mais pas les petites exploitations. »