Le bon petit vin pas cher, ce fut le vin populaire, dénommé VCC, de consommation courante, puis de Table sous l’OCM vin, ceux qui le consommaient le trouvaient bons, j’en ai vendu beaucoup dans des litres étoilés, je n’en suis ni fier, ni repentant, autre temps. Le vin bouché, dit AOC, c’était celui des bourgeois, petits et grands, même si les GCC de Bordeaux ne chalutaient pas en ce temps-là dans le CAC 40 et que la Romanée Conti chère à Aubert de Villaine rapportait moins que les propriétés familiales dans le Charolais voisin.
Et puis, les classes populaires, terreau des cocos, les travailleurs manuels laissèrent une large place aux cols blancs. Le vin populaire fut enterré sans fleurs ni couronnes, l’heure était venue de démocratiser les AOC, en faire des produits de consommation courante, bien lissés par les œnologues, gorgés de poudre de perlimpinpin. L’ambition des viticulteurs se résumait en une formule triviale : tous en première division ! Plus de mauvais vin, le duo Bettane&Desseauve pouvait enfin recharger ses accus avec les vins du grand Gégé biodynamique.
Et puis vinrent, selon la légende des pioupious urbains, les sans-culottes, les hurluberlus en tongs et dreadlocks, ceux qui allaient en faire la Révolution grâce aux vins qui puent. Ce fut, et c’est encore, la ruée vers la Nouvelle Frontière, Nossiter en guide, disparu dans l’oubli aujourd’hui, des pionniers affrontant à leurs risques et périls les affres de dame nature. Je ne raille pas, pour les vignerons qui défrichèrent le terroir il en fut ainsi, mon ironie et tournée vers les apôtres, surtout ceux qui surfèrent, comme Jésus marchant sur l’eau, sur la nouvelle tendance afin de se constituer un petit fonds de commerce.
Je n’ai rien contre les fonds de commerce, j’ai le mien, mais ce qui hérisse mes poils blancs de vieux con buveur de vin nu, c’est l’antienne qu’ils entonnent, comme le font les adeptes de la LPV à propos des GCC, : « Rançon du succès, les prix de ces vins ont tendance à flamber. « Il devient de plus en plus difficile pour nous de sélectionner 150 vins à 15 euros maximum, constate Antonin Iommi-Amunategui qui, avec le Glou Guide, espérait démocratiser le courant nature. Certains vins deviennent les nouveaux grands crus et étiquettes d’aujourd’hui.»
En creux, dans le non-dit de ce regret, ça signifie que ces zélotes du bon petit vin nu pas cher, se fichent comme de leur première chemise de quoi et de comment les vignerons vivent ou vivront. La révolution par procuration, sur le dos des autres, c’est commode et sans risques. Ça me fait chier !
L’article du sieur DAVET du Monde, traduit bien en dépit de son intitulé ENQUÊTE, cet entre soi, si douillet, si rassurant, tout en étant relativement intéressant, il passe à côté des réalités du monde du vin d’aujourd’hui, l’écume n’est que de la mousse, analyser le fond des choses, sortir des analyses faciles, des idées reçues demande de s’en extraire.
Comme le disait le Grand Charles à propos de l’Europe « Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant "l’Europe !", "l’Europe !", "l’Europe !", mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien. », nos révolutionnaires en peau de lapin, eux aussi, cul sur leur fauteuil, s’agitent comme des cabris, qu’ils sachent que le nouveau vieilli si vite, que leur petit marigot va s’assécher, les laissant sur le flanc. Tant pis !
Se poser la question : quel est le vrai prix d’un vin est une ineptie, comme si celui-ci n’était que la résultante de son prix de revient.
Pose-t-on la question aux avocats à propos de leurs honoraires ?
Si on en veut un bon, on paye le prix, les honoraires de Dupont-Moretti et d’autres, qui se la jouent défenseur de la veuve et de l’orphelin, ne sont pas remboursés par la Sécurité Sociale, ils sont la résultante de leur notoriété.
Les vignerons nature, sauf ceux qui ont vraiment choisi un mode de vie sobre, ne sont pas des bienfaiteurs du petit monde des licheurs de vins nu, suant derrière le cul de leur bourrin tirant la décavaillonneuse, vivant d’amour et d’eau fraîche, penser et écrire ainsi c’est aussi pire que de traiter, comme l’immense Bettane, les vignerons bio de CONS.
Il n’y a pas de vaccin contre le MÉPRIS, y’en aura jamais, mais ça en est avec une enveloppe de bonne conscience et c’est pire.
Tous les goûts sont dans le vin nature
Par Stéphane Davet
ENQUÊTE
Autrefois réservé à quelques originaux, le mouvement compte désormais près de 1 500 vignerons portés par une même démarche éthique. Une lame de fond, cadrée par un label depuis mars 2020, et de belles réussites gustatives.
Longtemps chassé comme un malpropre, le naturel est revenu au galop. La caricature, qui cantonnait le vin nature à une mode pour bobos vantant les mérites de quilles « glouglou » fleurant le poney ou la souris, s’efface aujourd’hui devant une réalité bien plus enthousiasmante.
« A mes débuts, il y a onze ans, 5 % de mes clients avaient peut-être entendu parler des vins naturels. Aujourd’hui, seul 1 % d’entre eux n’y connaît rien. » Agnès Baracco, de la cave Au Bon Vingt
Ces ovnis (objets vinicoles non identifiés) se révèlent un phénomène de fond porté par un nombre exponentiel de vignerons fuyant les diktats de l’agro-industrie et relayé par une communauté internationale de consommateurs, cavistes, journalistes, sommeliers autant convaincus par la démarche éthique que par les réussites gustatives. Ces bouteilles offrent désormais une diversité capable de plaire aux rebelles fuyant les jajas de papa autant qu’aux amateurs de grands vins, purs, droits, exprimant leur terroir.
« A mes débuts, il y a onze ans, 5 % de mes clients avaient peut-être entendu parler des vins naturels, estime Agnès Baracco d’Au Bon Vingt, cave spécialisée du 20e arrondissement de Paris. Aujourd’hui, seul 1 % d’entre eux n’y connaît rien. » « Il y a dix-huit ans, on s’appuyait sur une cinquantaine de vignerons, aujourd’hui nous avons plus de 500 références », abonde Olivier Cochard, incontournable caviste bio et nature de Rennes, qui a ouvert sa boutique, Histoires de vins, en 2003. « Plus d’un millier de caves spécialisées ou favorables aux vins naturels maillent désormais le territoire », se félicite Antonin Iommi-Amunategui, auteur, entre autres, du Manifeste pour le vin naturel (Editions de l’Epure, 2015) et rédacteur en chef du Glou Guide (Cambourakis), sélectionnant 150 vins naturels à « 15 euros maxi ».
Un marché qui augmente de 20 % à 30 % par an
« Le boom date du milieu des années 2010 », analyse Tegwen Naveos, patron de la cave en ligne Pur jus, lancée en 2013, consultée mensuellement par près de 300 000 lecteurs. « Tout un public a eu le temps de se faire son éducation et la maîtrise des vignerons a beaucoup progressé. Le marché des vins nature augmente désormais de 20 % à 30 % par an. » Alors que celui des bouteilles bio augmente annuellement de 14 %, quand celui du vin en général baisse de 4 %. « Je pourrais vendre trois fois plus que ce que je produis aujourd’hui », constate, comme d’autres de ses confrères, le vigneron aveyronnais Nicolas Carmarans, dont 70 % des 30 000 bouteilles annuelles partent à l’export.
« Le jour où on aura à l’Elysée quelqu’un qui achète du vin nature, il y aura une vraie volonté politique de mettre le sujet sur la table de l’Europe »
La création, en mars 2020, d’un label « vin méthode nature », lancé à l’initiative du Syndicat de défense des vins naturels, a mis un peu de clarté dans le flou artistique entourant jusque-là cette mouvance. Sur le cahier des charges, approuvé par les fraudes et l’INAO, le vin méthode nature doit être certifié bio, issu de vendanges manuelles, sans ajout ni modification œnologique lors de la vinification, à l’exception d’un maximum de 30 mg/l de soufre (un vin blanc sec conventionnel peut en contenir jusqu’à 210 mg/l). Ce label permettra ainsi de mieux visualiser la réalité d’un milieu qui concernerait aujourd’hui près de 1 500 viticulteurs en France. Un chiffre certes encore modeste, mais une tendance à l’impact grandissant.
Un engagement écologique
L’essor de ce mouvement est bien sûr en phase avec un désir croissant de vivre dans le respect de la planète, en mangeant et en buvant plus sainement. L’engagement écologique a été à l’origine de nombre de vocations, comme celle d’Éric Pfifferling, 59 ans, vigneron vedette de Tavel et ancien apiculteur, qui se souvient d’avoir été « extrêmement marqué par la crise de la vache folle, décisive dans notre façon de comprendre et de combattre une agriculture inféodée à un système de production ».
Ces convictions sont, dès l’origine, allées de pair avec une quête gustative. Pas un hasard si tous les pionniers de vins qu’on n’appelait pas encore nature – Marcel Lapierre, Thierry Puzelat, Guy Breton, Georges Descombes, Antoine Arena… – ont accompagné la révolution gourmande de la bistronomie. En même temps qu’ils s’éloignaient des produits de luxe et du service guindé, des chefs précurseurs, comme Yves Camdeborde (La Régalade), Raquel Carena (Le Baratin) ou les frères Delacourcelle (Le Pré Verre), ont fui la sommellerie d’étiquettes pour se rapprocher de vignerons qui leur ressemblaient.
Une seconde vague bistronomique
Eveillant la curiosité d’un nouveau public, cette démarche a encore été amplifiée, dans les années 2000, par une seconde vague bistronomique, menée par des chefs tels Iñaki Aizpitarte (Le Chateaubriand) ou Grégory Marchand (Frenchie), dont la cuisine ultra-créative et les ambiances relax s’alliaient à des vins revendiqués à présent comme naturels. « De la même façon que Bertrand [Grébaud] cherche à s’assurer de l’origine des légumes, des poissons ou des viandes qu’il cuisine, il était logique de défendre des gens qui travaillent leurs vignes, leurs sols et leurs vins dans le respect de la nature », insistait ainsi Théo Pourriat, complice en salle et en cave du chef de Septime, restaurant étoilé du 11e arrondissement de Paris.
Bistrots, restos et cavistes n’ont depuis cessé d’être les meilleurs ambassadeurs d’une effervescence qui a pu être à la viticulture conventionnelle ce que le mouvement punk a été au rock standardisé. Une apologie de l’instantanéité, du « small is beautiful », de la prédominance de l’émotion et de l’énergie sur la technique. Avec ce qu’il fallait de provocation, d’envie de tabula rasa. Peu importait, dans un premier temps, les approximations, les dissonances, tant le vent de fraîcheur décoinçait les carcans et brisait l’ennui.
Jusqu’à ce que ces appels d’air deviennent eux-mêmes des poses, des tics, des dogmes et de nouveaux standards. Qu’il s’agisse des calembours en guise de noms de cuvée, des déviances vantées comme des qualités, du « zéro soufre obligatoire » dicté par certains ou de la paradoxale uniformisation des vinifications.
« Comme beaucoup, à la fin des années 2000, je me suis un peu perdu dans le recours systématique à la macération carbonique », reconnaît Eric Pfifferling. « Elle favorise des notes fruitées, mais gomme les notions de cépage et de terroir. Je m’en suis rendu compte quand, lors d’une dégustation, on m’a demandé si je venais du beaujolais », ajoute celui qui se passionne désormais pour l’élevage longue durée de ses profonds rosés de Tavel, en s’autorisant, à la mise en bouteille, d’infimes doses de SO2.
« Il était dommage que les vins naturels soient d’abord reconnaissables à leurs défauts », rappelle Antoine Sunier, jeune espoir du Beaujolais, célébré pour ses régniés et ses morgons. La moindre déviance lui « prend vite la tête ». « Je recherche des vins droits, insiste-t-il, du fruit, de la dentelle, mais avec une belle structure. »
Encore quelques punks
Certes, il reste quelques punks dans les vignobles. Et des fans pour les apprécier. « Une génération a grandi avec ces vins, certains goûts jugés déviants par certains peuvent être la norme pour d’autres », explique Antonin Iommi-Amunategui en défendant une notion de défaut dont le curseur peut être subjectif. « Certains vins flirtent avec ces complexités et nous n’avons pas tous la même tolérance à l’aventure. »
Les cavistes jouent un rôle-clé en termes de conseil et de pédagogie. Olivier Cochard, à Rennes, peut ainsi orienter ses clients, des vins les plus faciles – les fameux glouglou, à la buvabilité toujours très en vogue – aux plus libres. « Comme ceux de Daniel Sage, entre Rhône, Ardèche et Loire, que j’adore, mais pas forcément à mettre entre toutes les mains. »
Les vins nature semblent pourtant sortir en majorité de leur crise d’adolescence. Un peu comme quand un groupe comme le Clash signait des chefs-d’œuvre de variété stylistique (London Calling [1979], Sandinista ! [1980]) après les brûlots ébouriffés de leur début, les chiens fous de la viticulture aspirent désormais à de grands vins.
Leur soif de liberté les contraints parfois à quitter leur appellation d’origine contrôlée. Malgré la plus-value commerciale qu’auraient pu représenter pour lui les différentes AOC bourguignonnes des hautes-côtes-de-nuits, Yann Durieux a finalement décidé de se passer de ses renommées AOC quand il a créé son domaine, Recrue des Sens, au début des années 2010 : « Je n’étais pas d’accord avec ce que les représentants de l’AOC voulaient mettre dans le verre et “être comme tout le monde” n’est pas le genre de la maison. » Il revendique vouloir faire, sans soufre, « des choses magnifiques, exacerbant quelques-uns des plus beaux terroirs du monde ». Sous leurs noms primesautiers, Pif and Love, Black Pinot, Les Ponts, ses cuvées s’arrachent dans le monde entier (75 % de ventes à l’export) à des tarifs de grands crus.
D’autres se sont battus pour intégrer leur AOC. « J’avais vécu comme un déni d’existence le fait d’en être exclu » se souvient Eric Pfifferling, si attaché aux veines calcaires de son terroir. Ironie de l’histoire, il fait désormais partie du comité de dégustation agréant l’AOC de tavel. La qualité de ses vins sert désormais de marqueur à une appellation qui, avant cela, faisait surtout recette dans les restaurants chinois.
Des prix qui flambent
Le travail de fond de la génération des vignerons bio et nature a, de la même façon, hautement profité à des régions qui avaient perdu de leur prestige, en particulier en Alsace (citons Pierre Frick, Bruno Schueller, Patrick Meyer, Christian Binner) et dans le Jura (la légende Pierre Overnoy, Jean-François Ganevat, Stéphane Tissot ou le regretté Pascal Clairet).
Après s’être méfiés de leurs déviances et instabilité, les restaurants étoilés mettent maintenant volontiers les vins naturels à leur carte. « Ces vins possèdent une originalité qui peut surprendre des clients en quête d’expériences. Mais aussi, souvent, une finesse, une profondeur d’expression permettant des accords pointus et précis », raconte Jean-Baptiste Klein, sommelier (MOF 2018) et chef de cave du Chambard, hôtel-restaurant deux macarons, à Kaysersberg (Haut-Rhin). Grand amateur de vins orange, il les associe, par exemple, à des asperges ou à une choucroute végétarienne.
Rançon du succès, les prix de ces vins ont tendance à flamber. « Il devient de plus en plus difficile pour nous de sélectionner 150 vins à 15 euros maximum, constate Antonin Iommi-Amunategui qui, avec le Glou Guide, espérait démocratiser le courant nature. Certains vins deviennent les nouveaux grands crus et étiquettes d’aujourd’hui. »
Stéphane Davet