Chers deux amis, grands amoureux du vin et autres plaisirs masculins,
Je sais vous n’êtes en ce pays qui se dit catalan que des branches rapportées, des émigrés, mais comme vous vous êtes bien intégrés dans le paysage de ce département cher à mon cœur vous vous devez de m’informer des grands sujets qui l’agitent. Bien sûr, de temps en temps, notre ami Léon nous conte des histoires d’échanges sur le bord des routes mais là, alors qu’il s’agit d’une drôle de route, dite route neutre, pas un mot sur la violation du Traité des Pyrénées qui n’est pas un simple bout de papier mais le fruit de la victoire de la France sur l’Espagne (ce n’est pas du football, rassurez-vous) en 1653 où après la bataille des Dunes Louis XIV conclut la paix avec Philippe VI.
L’article 42 de ce vieux traité prévoyait « le partage des villages de Cerdagne, région jusque-là espagnole, entre les deux pays. Les villages d’accord… mais les villes ? C’est donc au prétexte que le traité ne parle pas des villes que les commissaires chargés d’appliquer les accords sur le terrain laissent Llivia à l’Espagne. Mazarin, qui a pourtant négocié le traité, s’en étonnera plus tard lui-même.» Convenez-en Mazarin ce n'est pas Raffarin, c'est du lourd tout de même.
Vous allez vous exclamer : putain le Berthomeau faut toujours qu’il étale sa culture comme la confiture sur sa tartine. Pour tartiner, je tartine, mais de culture que nenni : je lis. Comme vous le savez je suis friand de petits livres que je peux glisser dans ma poche. C’est moins encombrant et moins lourd qu’un litron et ça fait moins pochtron pour la maréchaussée qui serait capable de me contrôler positif sur mon beau vélo.
Donc, rue des Écoles, j’ai fait l’acquisition d’un petit opus d’Olivier Marchon « Le Mont Blanc n’est pas en France ! et autres bizarreries géographiques » au Seuil 14,50€ avec la ferme résolution de vous titiller sur la guerre des stops qui a fait rage entre 1973 et 1983 du côté de Llivia, enclave espagnole en territoire français. En effet, depuis 300 ans, une route française est déclarée « neutre » et réservée à la circulation des espagnols. Mais, « en 1973, la France décide de déclasser cette route : de « nationale », elle devient « départementale ». La bien française nationale 20 qui coupe la route déclassée devient alors prioritaire : on fait installer des stops ». Mais les Espagnols ne supportent pas de devoir s’arrêter sur leur route et font disparaître les panneaux. La guéguerre dure dix ans, pendant lesquels un nombre indéterminé de stops tombent au champ d’honneur. En 1983, enfin, on décide la création d’un viaduc et d’un échangeur : les routes ne se croisent plus, l’honneur des deux nations est sauf. »
Sauf que le goût immodéré des Ponts&Chaussées Français pour les ronds-points ne déterre la hache de guerre entre les deux parties. En effet, que lis-je dans la Dépêche du 6 mars 2013 « Llivia, l'enclave catalane qui empêche les ronds-points de tourner en rond »link ?
« Les habitants de Llivia, conseil municipal en tête, estiment que ce projet porte atteinte à l'esprit même du traité des Pyrénées. «Dans le traité, il est dit que la ville de Llivia doit bénéficier d'une liaison directe et sans obstacle avec l'Espagne. Or, pour nous, installer un stop sur la route neutre, c'est bafouer le traité des Pyrénées. Voici quarante ans, les habitants de Llivia se sont battus contre une première tentative de l'administration française. Cela s'était soldé par la guerre des stops. Les panneaux étaient enlevés la nuit et les automobilistes ne les respectaient pas», raconte Silvia Orriols Palmero, la jeune maire de Llivia. Elle redoute un soulèvement populaire et des routes barrés, lorsque, dans quelques semaines, le chantier du double rond-point avec stop va démarrer sur la fameuse route neutre D68/N154 tantôt espagnole, tantôt française. Et elle en appelle à la commission internationale des Frontières. »
Comment n’avez-vous pas eu le réflexe de porter cette importante et douloureuse affaire à mon attention pour que je puisse aller interpeler Manuel Valls qui, de par ses racines catalanes se serait penché sur cet épineux dossier pour le régler ? J’en reste pantois. Si le Pousson l’avait su lui pour sûr qu’il aurait rameuté ses fans et ses « fanettes », la moitié de la blogosphère, son copain Nicolas, pour apporter son soutien aux 1 388 habitants de Llivia et à sa jeune maire Sílvia Orriols Palmero. Même qu’il serait venu sur son beau vélo à la rencontre des révoltés. Et vous, qu’avez-vous fait ? Rappelez-vous la révolte des soutifs à Banyuls link bien sûr beaucoup mobilisatrice, plus attractive que celle d’un petit peuple opprimé par le rouleau compresseur de l’Administration.
Pour vous faire pardonner, même si je peux comprendre que vous n’en ayez rien à péter du Traité des Pyrénées, je vous demande de me tenir informer de l’évolution de cet épineux dossier. En effet, mes services me signale qu’outre le tabac le vin n’y est pas cher link mais de quels vins s’agit-il ? Pourriez-vous éclairer ma faible lanterne ?
Bien évidemment cette affaire ce n'est pas Marignan 1515 cher à nos coeurs mais ça vaut tout de même un bon coup de carignan pour ma pomme.
Merci par avance, chers amis, pour votre contribution à la résolution des graves conflits qui troublent la bonne marche de notre joli monde mondialisé ?
Je vous embrasse.
Un taulier qui a négocié avec le petit père Rocard l’entrée de l’Espagne dans ce qui était alors la Communauté Européenne, à Llivia y sont restés sans doute sur le palier.