Comme j'ai de bonne et saine lecture je consulte le Figaro vin sur la Toile link pour y apprendre hier que « L’une des plus grosses sociétés australiennes de vins, Treasury Wine Estates, a décidé de se débarrasser de 35 millions de dollars de vins bas de gamme stockés sur le sol américain, un stock gênant de plusieurs millions de bouteilles invendues et qui ne résisteront pas au temps.
Cette décision n’a pas manqué d’être commentée. « J’écris sur le vin depuis 1975 et je n’avais jamais entendu parler d’une destruction de stock de vins aussi importante », a rapporté la célèbre critique Jancis Robinson. »
Au plan sémantique se débarrasser du stock ne signifie pas forcément le détruire. En effet, nos amis australiens peuvent le solder c’est-à-dire le confier à des professionnels qui se chargeront de lui trouver une nouvelle destination. Par exemple, du vrac qui servira de sauce – les vins semblent en fin de vie – sauf que ce vin est en bouteille et disons que, grosse maille, déboucher 4 à 5 millions de bouteilles ça ne se fait pas tout seul et ça coûte du pognon. Sauf que si, Treasury Wine Estates décide vraiment de détruire le stock je ne suis pas sûr qu’il puisse envoyer ses bouteilles à la casse comme on le fait avec les bagnoles. Ce serait un vrai déluge de pollution des sols et des nappes.
Donc je résume : première opération le vin retourne à la citerne pour soit aller faire de la daube, soit être détruit. Je suppose dans ce dernier cas que l’on ne va jeter au caniveau 50 000 hl de vin. Alors comment détruit-on du vin ?
Pardi en le distillant.
Donc obtient de l’alcool vinique qui fait l’objet d’un marché pour certains usages comme le mutage. On peut aussi le dénaturer pour l’utiliser à la carburation.
J’aimerais bien qu’on éclaire ma petite lanterne.
Mais ce n’est pas tout.
Permettez-moi de me gondoler grave car nos amis australiens adorateurs du marché libre sont en train de découvrir les joies de la régulation. Que n’ont-ils vitupérés contre ces affreux européens qui distillaient pour équilibrer le marché des vins de table. Nos amis anglais poussaient des cris d’orfraies, d’autant plus que ces distillations étaient subventionnées par l’Europe. Là, l’honneur libéral est sauf : Treasury Wine Estates déprécie son stock et ça ne coûte rien aux contribuables. Mais il y a tout de même un léger bémol à ce beau raisonnement, avec leurs bouteilles low cost, « critter labels », les grosses sociétés australiennes qui faisaient du chiffre avec des prix cassés ou des promotions en tout genre chez les cavistes américains ou britanniques, ont chassé du marché des vins qui eux n’avaient pas ce type de moyens. Dumping ravageur, politique qui met à mal le credo de la concurrence parfaite. Là, c’est clair ce sont nos pertes de part de marché qui ont subventionnées la politique d’expansion à marche forcée se traduisant par des plantations de vigne à tour de bras dans des endroits peu propices. Alors, le retour du bâton est la sanction Mr David Dearie directeur général de Treasury Wine Estate. « Les clients australiens ou étrangers ont accepté notre vin comme un produit bon marché. Cela éreinte la renommée australienne et notre savoir-faire ».
Nous, nous connaissons la chanson, mais nos amis anglo-saxons qui nous ont tellement jetés la pierre, souvent à juste raison, sont ici un chouïa responsables de cette dégradation de l’image du vin. Il est des choses qu’il faut savoir dire même à Mrs Jancis Robinson qui n’a pas dû souvent tremper ses lèvres dans ces indignes breuvages.
Allez, allez, distiller ça fera du bien au marché…