Si vous avez deux sous de considération pour moi, je vous en prie, allez à l’essentiel, laissez de côté mes petits mots, lisez les 2 extraits de « Mãn » de Kim Thúy aux éditions Liana Levi 14, 50€.link . C’est une merveille de sensibilité, d’humilité, de curiosité et de passion pour la beauté du monde.

« Pour moi, dit-elle, la beauté est dans l’invisible. Quand je reçois des invités à la maison et que je leur prépare un repas cinq services, je veux que tout semble fait sans effort. Et je n’ai pas besoin qu’on me complimente. Je préfère qu’on parle d’une épice ou d’un aliment. En lisant Man, j’espère que les gens ne me verront pas. Je veux qu’ils voient mon univers, mais pas ma personne, ni mon travail. Je veux mettre de l’avant l’histoire et les mots. »
« Mon but ultime est d’être légère comme une caresse et que les gens la ressentent sans effort. »
C’est une suite de très courts chapitres dont le titre est un mot vietnamien traduit en français : xích lô : cyclo-pousse (1) et Ðông-Tay : Est-Ouest (2) par exemple.
(1) Extrait Dans le nouvel appartement-atelier de cuisine aménagée par son amie Julie la narratrice un mur de livres « Julie m’a tenue la main pour longer ce mur. Autrement, je serais tombée à genoux lorsque j’ai vu la dernière étagère, sur laquelle elle avait placé une rangée de romans dont je n’avais lu qu’une page ou deux et parfois un chapitre, mais jamais la totalité.
Beaucoup de livres en français et en anglais avaient été confisqués pendant les années de chaos politique. On ne connaîtrait jamais le sort de ces livres, mais certains avaient survécu en pièces détachées. On ne saura jamais par quel chemin étaient passées des pages entières pour se retrouver entre les mains de marchands qui les utilisaient pour envelopper un pain, une barbotte ou un bouquet de liserons d’eau… On ne pourrait jamais me dire pourquoi j’avais eu la chance de tomber sur ces trésors enfouis au milieu de tas de journaux jaunis. Maman me disait que ces pages étaient des fruits interdits tombés du ciel.
[…] et puis sans connaître le début ni la fin de l’histoire de Marius, des Misérables, je le portais en héros parce que, une fois, notre ration mensuelle de cent grammes de porc avait été drapée dans cette phrase : « La vie, le malheur, l’isolement, l’abandon, la pauvreté sont des champs de bataille qui ont leurs héros obscurs plus grands parfois que les héros illustres. »
(2) Extrait « Mon gâteau aux bananes à la vietnamienne était un délice mais effrayait par son air costaud, presque rustre. En un tour de main, Philippe l’a attendri avec une écume de caramel au sucre de canne brut. Il avait marié l’Est et l’Ouest comme pour ce gâteau dans lequel les bananes s’inséraient tout entières dans la pâte de baguettes de pain imbibées de lait de vache. Les cinq heues de cuisson à feu doux obligeaient le pain à jouer un rôle de protecteur envers les bananes et, inversement, ces dernières lui livraient le sucre de leur chair. Si l’on avait la chance de manger ce gâteau fraîchement sorti du four, on pouvait apercevoir, en le coupant, le pourpre des bananes gênées d’être ainsi surprises en pleine intimité. »
Kim Thúy, née à Saïgon pendant l’offensive du Têt, a fui le Vietnam avec d’autres boat people à l’âge de 10 ans pour rejoindre Montréal. Elle a été couturière, interprète, avocate, propriétaire du restaurant Ru de Nam, chroniqueuse culinaire pour la radio et la télévision. Elle vit aujourd'hui à Montréal et se consacre à l'écriture. Ru, son premier livre, est paru aux Éditions Libre Expression en octobre 2009. Best-seller au Québec et en France, ce livre a vu ses droits vendus dans vingt pays, grand prix RTL-Lire 2010.
Je commence par la fin :

Boat people « À l'effondrement du régime du Sud Viêt Nam en mars 1975, 143 000 premiers réfugiés quittent le pays avec les Américains, fuyant le régime communiste. Rapidement des vagues d'autres réfugiés partent ensuite par leurs propres moyens sur des embarcations de fortune. Après la réunification en 1976, de nombreuses vagues d'émigration clandestines ont lieu avec la radicalisation socialiste progressive du sud.
À partir de 1978, une forme particulière de départ maritime, qualifiée de semi officielle, voit le jour. Moyennant une somme d'argent aux autorités locales et aux organisateurs, la minorité ethnique souvent commerçante des sino-vietnamiens peut fuir sur des bateaux au fur et à mesure des tensions avec la Chine, notamment pendant la guerre sino-vietnamienne, jusqu'à la fin des années 1980. Beaucoup d'entre eux sont dirigés vers des camps de Hong Kong. Les images de milliers de réfugiés parqués dans ces camps derrière des barbelés et des barreaux dans des conditions déplorables soulèvent l'indignation des médias occidentaux de l'époque.
Parmi ces millions d'émigrants, principalement originaires du sud (ancienne République du Viêt Nam), le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés estime qu'entre 200 000 et 250 000 d'entre eux ont péri, victimes des garde-côtes, des pirates ou de noyades. Ce fut un fait marquant de la fin de la guerre froide que les partis communistes ne pouvaient arriver à dissimuler.
Les mass media de l'époque se font l'écho de drames survenus en mer et surtout des conditions d'accueil des réfugiés dans des camps. Jean-Paul Sartre, déjà fort âgé, se rallie à cette cause. Raymond Aron, en allant soutenir la cause des boat-peoples à l'Élysée devant Valéry Giscard d'Estaing en juin 1979, demande aux hommes politiques de résoudre le drame de l'accueil des réfugiés, repoussés par de nombreux pays (en particulier par Hong Kong, l'Indonésie et l'Australie). La France accueille donc un quota officiel de réfugiés des camps. C'est la première grande vague d'immigration en France d'origine asiatique. » Wikipédia
Pour les petits loups et les petites louves Indochine c’est un groupe de rock français, formé en 1981 autour de Nicolas Sirkis.
Pour les fans de Marguerite Duras c’est l’Amant publié en 1984 - Les Éditions de Minuit -Prix Goncourt dont Jean-Jacques Annaud a tiré un film sorti en 1992.

Pour les calés en géographie l’Indochine c’était la péninsule indochinoise asiatique située au sud de la Chine et à l'est de l'Inde. Elle comprenait : la Birmanie, le Cambodge, le Laos, Singapour, la Thaïlande, le Viêt Nam et la Malaisie péninsulaire.

Pour les nostalgiques de l’Empire Colonial L'Indochine française c’était les protectorats du Tonkin et de l'Annam et la colonie de Cochinchine, regroupés à partir de 1949 au sein de l'État du Viêt Nam (territoire identique à celui de l'actuelle République socialiste du Viêt Nam) ; le protectorat français du Laos ; le protectorat français du Cambodge ; et le comptoir du Kouang-Tchéou-Wan.
Pour nos soldats, le contingent ne fut pas engagé ce fut la guerre d’Indochine se termina lors de la cuisante défaite de Diên Biên Phu qui se déroula du 13 mars au 7 mai 1954 et qui opposa au Tonkin les forces de l'Union française aux forces Việt Minh, dans le nord Viet Nam actuel. Cette défaite accéléra les négociations engagées entre les deux parties. La France quitta la partie nord du Viêt Nam, après les accords de Genève, signés en juillet 1954, sous l’égide du gouvernement Mendès-France, qui instauraient une partition du pays de part et d'autre du 17e parallèle Nord.

La guerre du Viêt Nam opposa de 1954 à 1975, d'une part la République démocratique du Viêt Nam (ou Nord-Viêt Nam soutenu par le bloc de l'Est et la Chine — et le Front national de libération du Sud Viêt Nam (ou Viet Cong), et d'autre part, la République du Viêt Nam (ou Sud-Viêt Nam), militairement soutenue par l'armée des États-Unis appuyée par plusieurs alliés (Australie, Corée du Sud, Thaïlande, Philippines. Elle se terminera en début avril 1975, la région de Saïgon est encerclée. La reddition des troupes du Sud a lieu le 30 avril, qui est acceptée par le Nord. Les hélicoptères américains surchargés évacuent la ville et les premiers boat-people font leur apparition.

À 7 h 53, le 30 avril, lorsque le dernier hélicoptère décolle du toit de l'ambassade des États-Unis à Saïgon, des milliers de candidats à l'exil se pressent encore dans les jardins. Plus de 305 000 réfugiés finiront néanmoins par se retrouver à bord des navires américains qui croisent au large.
Les gens de ma génération se souviennent de la scène de panique le 30 avril 1975, sur le toit de l'ambassade des États-Unis à Saïgon. Le Gouvernement révolutionnaire provisoire de la République du Sud Viêt Nam, gouvernement du Viêt Cong, s'installe à Saïgon. Divisé depuis 1954 le Viêt Nam est réunifié le 2 juillet 1976 pour créer la «République socialiste du Viêt Nam ». et Saïgon est renommée Hô-Chi-Minh-Ville.
Kim Thúy - Man par Librairie_Mollat