Ce n’est pas moi qui ai répondu ça mais j’aurais très bien pu le faire car c’est ce que je pense. Est-ce que les choses ont radicalement changé ? Je ne sais car je ne m’aventure guère dans ce genre de « littérature » qui se veut pédagogique en se parant des attributs de la technique.
Ce qui m’intéresse vraiment, en jouant sur le mot littérature, c’est de constater que bien peu d’écrivains ont mis leur qualité de plume pour écrire des livres « sur le vin », contribuer à l’extension du domaine du vin, toucher un public plus large que les seuls amateurs de vin.
Dans le temps qu’évoque l’auteur de ma phrase titre il y eu Raymond Dumay qui arpentant tour à tour quatre régions françaises : la Bourgogne (1948), l’Aquitaine (1949), Le Languedoc (1951) et la Provence (1954) échappe à cette critique car l’auteur n’y parle pas que de vin il baguenaude « sur les petits sentiers de vignoble, le long des rivières, en levant les écrivains, morts ou vifs, dans une chasse amusante, subtile, érudite, toujours entraînante. »
Lors de la réédition des 4 opus de Dumay Raphael Sorin écrivait sur son blog de Libé : Lettres ouvertes Les divagations de Raphaël Sorin.link
RETOUR A L’ETE 47
« Raymond Dumay, dont j’ai déjà vanté le Guide des alcools, l’essai Mort de la littérature ou ses préfaces à Joubert, Dumas, Cendrars et le Prince de Ligne, devait partir avec trois compagnons, tous écrivains (Jacques-Laurent Bost, Jacques Perret et Maurice Fombeure) pour un long périple dans les provinces françaises. Les autres se «portèrent raides» et il dut se résoudre à partir seul, en chevauchant un vélomoteur Perrot. Le 21 juillet 47, en pleine canicule, il s’élança pour une aventure qui allait prendre fin en 1954.
Les quatre récits de voyage de Dumay viennent d’être réédités à la Table Ronde. Il est urgent de les acheter pour ne pas voyager idiot.
Dans l’ordre, prenez Ma route de Bourgogne, Ma route d’Aquitaine, Ma route de Languedoc et Ma route de Provence. C’est aussi un quadruple enchantement: vous circulez en baguenaudant sur les petits sentiers de vignoble, le long des rivières, en levant les écrivains, morts ou vifs, dans une chasse amusante, subtile, érudite, toujours entraînante. »
Bien évidemment j’ai lu les 4 « la route de… » de Raymond Dumay et voilà ce qu’écrivait François Desperriers le 2 juillet 2010 à ce propos.
« Jacques Berthomeau vient de me faire découvrir l’univers de Raymond Dumay grâce à deux articles dont il a le secret. En quelques lignes, il m’a donné envie de lire le livre de Raymond Dumay paru en 1948, ma route de Bourgogne.
Extraits choisis par Jacques Berthomeau:
« Beaune, beau nom à la sonorité assourdie qu’on ne peut prononcer sans entendre les futailles rouler dans les caves. Bon vin au corps de femme de trente ans, souple et ardent. On ne le recommande pas aux malades, ni aux jeunes filles, mais aux vivants. »
« Assise dans sa robe aux grands plis, la tête ombragée par quelque bouquet de châtaigniers, la vigne de Bourgogne ressemble à ces femmes de quarante ans que l’on dit mûres et qui le sont en effet, gourmandes, sensuelles, savoureuses, infatigables au lit aussi bien qu’au travail et auxquelles, diton, les vrais amoureux ont toujours rendu les armes… »
Je vous invite à lire ses deux jolis billets sur son excellent blog « Vin&Cie, l’espace de liberté » :
1- Terrot, terroir, un Replongeard sur la route des vignes : Dumay Raymond link
2- « La vigne de Bourgogne ressemble à ces femmes de 40 ans que l’on dit mûres… » link
Ça fait très plaisir de lire ce qui précède mais ce qui me fait encore plus plaisir c’est que François m’avait lu ce qui assez rare sur la Toile où la lecture en diagonale, qui n’est pas la lecture rapide que je pratique pour repérer les bonnes feuilles d’un livre, permet à certains ou certaines de comprendre tout le contraire de ce que vous avez écrit. La semaine passée j’ai vécu une séquence très significative du vide sidéral d’un certain petit monde de la communication : je commets une chronique assez vacharde « J’adore le sonotone à bulles chic et choc de Krug à 220€ » link. Le lendemain j’ai reçu un e-mail me remerciant de ma remarquable chronique. L’important sans doute c’était d’avoir mentionner Krug dans le titre. Très pavlovien comme réaction mais après tout c’est ainsi que fonctionnait la bonne réclame des lessiviers : marteler le nom de la marque suffisait à bourrer le crâne des ménagères de plus de 50 ans.
Je m’égare à peine.
Je digresse un peu comme d’ordinaire.
Pour revenir au « Quand j'étais jeune, la littérature sur le vin était difficile d'abord, et ennuyeuse » dont Jay McInerney est l’auteur dans une interview accordée à Laure Gasparotto du Monde.fr édition abonnés (pas sûr que le lien fonctionne si vous n’êtes pas abonnés au Monde électronique) link
Jay McInerney est étasunien, je ne sais ce qu’il en est aujourd’hui chez lui. En revanche, en France, nous sommes toujours à la peine comme je l’ai souligné dans ma chronique dominicale sur le livre de Jay McInerney « Bacchus et moi » chez la Martinière qui sort en librairie le 3 octobre donc jeudi prochain « Le wine-geek fondateur qui « gardait dans sa cave plus de bourgognes que de bordeaux » par Jay McInerney in «Bacchus et moi »link
Voilà, c’est dit. Je ne vais pas me faire que des amis.
Mais je suis tout à fait prêt à admettre que ce que je trouve ennuyeux d’autres doivent sans doute aimer. Sur les étagères consacrées au vin, hormis les beaux livres avec de belles images, les guides, ça ne se bouscule pas vraiment au portillon, et elles sont bien étroites ces étagères et souvent unique dans les grandes librairies que j’écume à Paris. C’est un signe que l’appétence des lecteurs-acheteurs n’est pas au rendez-vous. C’est pire dans les grands magasins.
Par bonheur ces derniers temps, les jeunes pousses dépoussièrent un peu le genre et c’est heureux mais des livres du calibre de celui de Jay McInerney je n’en ai pas vu passer beaucoup récemment sous plume française, sauf Choses bues de Jacques Dupont link et les deux livres de Jean-Paul Kauffmann sur Bordeaux et la Champagne link qui sont l’exception qui confirme la règle.
Si je me trompe, détrompez-moi, donnez-moi un ou plusieurs titres et je me précipiterai pour acheter et lire ce ou ces livres qui donnent envie à monsieur et madame tout le monde d'aimer le vin.
Détail d’importance, lorsque je chronique sur un livre c’est que je l’ai lu en évitant de me contenter de broder sur le communiqué de presse ou la 4e de couverture.