Faire du cinéma, je n’y ai jamais pensé, même si dans la vie j’ai sans doute fait un peu de cinéma. Me mettre dans la peau de John Malkovich se situe très au-dessus de mes moyens de comédien. En revanche scénariste et dialoguiste m’aurait bien plu. Trop tard ! Reste, tout au fond de moi une image un peu caricaturée : celle du producteur, gros cigare, grosse cylindrée, liasse de gros billets et petites pépés…
Pour satisfaire ce phantasme ce matin j’ai décidé de me glisser dans le costume trois pièces à chevrons, que m’a taillé dans son roman Pierre Lamalattie, et je vais me faire producteur de cinéma à la manière d’un des frères Coen, des références incontestées en ce domaine.
Cette chronique va donc prendre la forme de notes éparses du Taulier dans ses habits de producteur d’un film « Le domaine de Baal sur la terre de Canaan » qu’il souhaite voir tourner.
Tout a commencé par une invitation d’Aurélie et de Sébastien au « Vin en Bouche » 27 rue de l’Abbé Grégoire dans le 6e arrondissement de Paris, joli lieu de convivialité. www.levinenbouche.fr
Belle soirée, douce, été indien dit-on, la lumière sera belle pour le 1er plan-séquence :
Au Vin en bouche, une table haute sur laquelle sont disposés des bouteilles et des verres, autour assis côte à côte Sébastien Khoury le vigneron du domaine de Baal et Fabrice qui a toujours Vin sur Vin, en face Aurélie Flammang l’ambassadrice des vins de Baal et le taulier. En retrait, le maître de maison, Vincent qui s’affaire pour nos plaisirs de bouche.
Notes du réalisateur : atmosphère détendue, la conversation va et vient du vin au monde et du monde au vin.
Zoom arrière dans le temps « Après les cérémonies religieuses venaient les fêtes joyeuses des vendanges vestiges des anciens rites païens de la terre de Canaan. La plus attendue était la nuit où les jeunes vierges, vêtues de robes blanches neuves, allaient dans les vignobles, où les plus belles grappes attendaient dans le pressoir d’être foulées par les pieds délicats. Chacun à son tour, les jeunes filles sautaient sur les raisins juteux, la robe remontée au-dessus des genoux, et dansaient tandis que leurs compagnes chantaient. Tous les jeunes gens à marier venaient naturellement les admirer, et peut-être choisir leur épouse future. »
Notes du réalisateur : le Taulier chroniqueur invétéré aime glisser ses lignes dans celles de la grande Histoire, entremêler les fils, tisser la trame des histoires qu’il conte au quotidien.
Voix off : « Le Pays de Canaan (En Hébreu : כנען Kэná‘an "Canaanite", en Phénicien : Kná'an, en Akkadien : Kinahhu, en Grec : Χαναάν Canaan, en arabe Bilad Kana'an) est un terme utilisé dans les récits bibliques pour décrire le pays de l’Asie occidentale qui englobe aujourd'hui : Israël, les territoires Palestiniens, le Liban (la Phénicie), ainsi que les terres côtières adjacentes, l'Ouest de la Jordanie, l'Est de l'Égypte et de le Sud de la Syrie.
Gros plan sur le Taulier qui évoque l’alchimie entre le terreau de ses souvenirs et l’irruption d’émotions violentes. Le hasard fait bien les choses avec lui, ainsi un soir de janvier de cette année alors qu’il se rendait à reculons à une dégustation des vins du Liban dans les beaux quartiers de Paris, il ne se doutait pas qu’il allait y faire une très belle rencontre.
Gros plan sur Aurélie : qui se remémore le vin blanc du domaine de Baal 2009 versé par un sourire, le sien, au Taulier en janvier de cette année.
Souvenir du coup de foudre « Loin de tout, hors tout l’alchimie du plaisir s’opérait. L’épure, j’aime ce mot, la mise à pur, une projection en 3 dimensions qui n’a nul besoin de mots pour décrire l’objet représenté. Voir ainsi le vin peut sembler défier la rationalité mais qu’importe, j’éprouvais la même émotion, au contact de ce vin inconnu, que face à la découverte, il y a bien des années, de l’œuvre du peintre Estève. Un choc, une vraie rencontre, doublée d’une intrusion dans mon univers, ça me dérangeait, ça me gagnait et ça trouvait naturellement place dans mon petit jardin d’intérieur. » link
Notes du scénariste : « Tous les amoureux le savent le coup de foudre enflamme, embrase, le cœur bat la chamade, laisse peu de place à raison, mais risque fort à l’épreuve du temps de n’être qu’un feu de paille. Alors, la meilleure façon de soumettre sa flamme, son emballement qui peut-être passager, c’est de se retrouver de nouveau face à l’être aimé. »
Croquis du dialogue Sébastien-Fabrice : c’est dense !
- Le domaine de Baal
- Les vins du domaine de Baal
Notes du scénariste : « Avec le vin, la redécouverte de l’être aimé c’est le nouveau millésime et, contrairement à nous humains avec son irruption l’être aimé rajeunit. Élixir de l’éternelle jeunesse»
Nouveau plan-séquence :
- Ô : « goûtons le nouveau millésime en blanc, un 2010, dans sa nouvelle robe… »
Echanges de dégustateurs entre Sébastien, Fabrice et Aurélie pendant que la Taulier se tait. Il goûte, écoute et pense dans sa petite Ford intérieure « non je n’ai pas un cœur d’artichaut. Mes émotions sont intactes, même que je crois qu’elles ont gagné de la profondeur, se sont apaisées mais leur intensité y a gagné. Pour qui connait l’œuvre d’Estève, le trait s’est affiné, plus de rondeur printanière mais toujours cette belle vivacité de fille du bord de mer avec cette touche saline que l’on retrouve sur sa peau imprégnée d’embruns marins après une promenade sur la jetée de Trouville. »
- Ô : « ce millésime 2010 est représentatif de son terroir, il est gracieux, d’une très belle fraîcheur qui est la caractéristique de ce millésime. Le milieu de bouche affirme sa rondeur aux notes lactées et beurrées auxquelles succède une expression minérale qui dévoile l’arôme de pierre à fusil sur une belle acidité aux notes salines en finale »
Séquence musicale : Arno les « filles du bord de mer » (vidéo)
Intervention du producteur : « il nous faut un temps fort, vous venez de goûter le millésime 2009 du rouge du domaine de Baal qui affiche une très belle allure, des capacités de garde incontestables, vin de gastronomie par excellence, et si vous dégustiez à nouveau le 2008 ! »
Accessoiriste : 1 carafe pour le carafage du 2008
Voix off : le rouge 2008, lors de la dégustation du début de l’année, n’avait pas vraiment séduit le Taulier même s’il lui trouvait de belles qualités. Va-t-il, 10 mois après, changer d’avis ?
Gros Plan sur le Taulier : la réponse est assurément OUI. Le vin s’est épanoui, a pris de l’ampleur il s’est extériorisé et comme le dit mieux que moi Ô « il est chaleureux et riche. Sa matière riche est soutenue par un nuancier harmonieux de fruits noirs, de notes poivrées et d’épices. Sa trame est raffinée offre une persistance d’une rare élégance. » Oui c’est un vin rare !
Notes du réalisateur : « il faut que Sébastien nous parle de Baal »
Seb : « En ces temps incertains (2202-2201 av. E.C.) on savait que le monde était gouverné par trois dieux bienveillants, le vent, l’eau et le soleil […] À côté de ces dieux majeurs, il y avait une multitude de dieux mineurs… à qui l’on adressait des prières quotidiennes ; les dieux des arbres, des ruisseaux, de l’ouadi, des oiseaux, des moissons, et tous les monts et vallons. On les appelait des baals ; il y avait de petits baals et de grands baals, chacun adoré à sa façon, mais il y en avait un peu plus cher que les autres… ou plutôt une car c’était Astarté, la tentatrice, la déesse de la fécondité aux seins pesants. »
« C’était une esclave, capturée au cours d’une razzia dans le nord, et depuis son arrivée Urbaal l’admirait. Elle hantait ses rêves. Quand il visitait ses champs d’oliviers, il la voyait et quand les filles foulaient aux pieds le raisin de ses vignes, elle était là parmi elles, ses longues jambes rougies par le jus de la treille. » (extraits du livre de James A. Michener la source chez Robert Laffont)
Déclaration du taulier dans ses habits de producteur d’occasion
« Nous tenons un vrai beau sujet, les vins du domaine de Baal sont contemporains sans pour autant verser dans les excès d’une modernité qui privilégie l’instantanéité. Ils sont les petits nouveaux dans la cour des vins du Liban mais, sans provocation ni suffisance, ils affirment une singularité qui nous les rendent proches. Pourquoi créer une légende puisque la terre de Canaan fait partie de l’imaginaire de beaucoup d’entre nous.
J’abhorre l’appellation vins étrangers car elle place une frontière qui n’a aucun sens dans notre monde mondialisé. La seule qui puisse encore subsister est celle qui sépare les vins authentiques des autres biens standardisés, marquetés. Pour autant il n’y a pas de gardes à cette frontière, chacun est libre de ses choix.
Le mien est simple et clair comme de l’eau de roche : je me porte vers des vins qui sont à l’image de ceux qui les font sans ostentation, avec passion mais aussi avec raison. Sébastien Khoury avec ses vins de son jeune domaine de Baal est de ceux-là. Il écoute. Il entend. Il cherche. Fait bouger les lignes. Je ne lui envoie pas de fleurs mais affirme, sans aucun copinage, que la voie qu’il suit est la bonne, j’ose écrire la seule et qu’elle mérite, plus que du respect, un réel engagement.
L’engagement c’est tout bêtement cesser de se cantonner dans un petit territoire de vins, élargir sa focale, accueillir des vins venus d’un ailleurs si proche de nos cœurs. Mon petit speech s’adresse en priorité aux cavistes et aux restaurateurs : soyez accueillants !
Ô nous parle du millésime du rouge 2009 du domaine de Baal
« 2009, la distinction d’un grand vin. Nez délicat, la bouche arbore un soyeux aux notes d’expression raffinée. Bouquet équilibré d’épices douces et de notes empyreumatiques. Les tanins caressent le palais pour s’épandre en une grande fraîcheur. »
Pour ne rien vous cacher le millésime 2009 en rouge et le 2010 en blanc du domaine de Baal approchent de nos côtes et vous pourrez les apprécier en novembre. Allez sur le site Sensoriel www.sensoriel.eu