Nos amis anglo-saxons se moquent volontiers de la complexité du système français des AOC, au nom du marketing de l’offre ils mettent en avant la simplicité des positionnements prix du type marchands de chaussures avec des 99 après la virgule. Le prototype de ce type de prêcheur étant Robert Joseph qui débite depuis des années la même vulgate où il est démontré à grands coups de PP que faire boire du marketing est hautement profitable pour les faiseurs de vin de marque.
Ce type d’approche relève de la pure confusion des genres et nous aurions torts de nous y laisser prendre.
Notre système des AOC n’est pas complexe, il est dilué.
En effet, en notre vieux pays de vin, les tenants du modèle AOC pour tous, cousins-germains IGP compris, nous bassinent avec un discours terroir incorporé qui s’applique à des jus qui n’ont d’AOC que la dénomination. C’est le grand fourre-tout du tous en Ligue 1 et une fois monté on ne redescend jamais.
Le modèle originel et original de l’AOC, basé sur la rareté, étant devenu le modèle standard, il s’est dilué, a perdu une grande part de sa lisibilité en devenant un ventre mou où se mêlent le meilleur et le très banal. Grâce à la technologie le niveau qualitatif au sens organoleptique a grandement progressé ce qui permet de se gargariser avec le concept de la qualité : il n’y a plus de mauvais vins dit-on mais on omet d’ajouter que dans leur immense majorité ils n’ont guère de qualités. Les vins à deux balles produits sous un empilement de règles normalisatrices inappropriées (comme l’avouaient Bill Clinton et DSK) sont légion sur les murs à vin de la Grande Distribution.
Tout en haut de la pyramide de nos vins il y a fort longtemps que les GCC de Bordeaux et les icones des autres régions n’en ont plus rien à péter de notre système AOC. Ils vivent leur vie de marques, de châteaux, de domaines ou de signatures, sans se soucier de la piétaille d’au-dessous qui porte le même nom de famille mais qui n’est pas du même monde qu’eux. Le système qui se voulait à la fois démocratique et méritocratique est devenu un sommet de la médiocratie pour le plus garnd nombre. Quelques maîtres autoproclamés, tel l’omniprésent Hubert D de L, veillent sur le troupeau pour le plus grand bénéfice de leurs intérêts. Plus personne ne veut et ne prend le temps de réfléchir au devenir d’un système vidé de sa substance, chacun vaque à la bonne fin de ses affaires.
Cette absence de prise en compte d’un destin collectif rend le discours de l’importance du secteur vin dans la balance commerciale de la France quasiment inaudible pour le grand public car il ne passe pas au-delà de la barrière des gens du vin. Ceux-ci vivent entre eux, ne parlent qu’entre-eux, sans guère se préoccuper de la vision d’une opinion publique d’une grande versatilité et d’une grande infidélité. Le vin et les vignerons, même si une forte majorité des Français dit bien les aimer, n’occupent pas la place qu’ils méritent. La responsabilité en revient largement au monde du vin où les experts parlent aux experts, monde clos qui laisse 80% des consommateurs hors du champ de ses préconisations. La pauvreté des chiffres de vente de la presse du vin en est la plus belle illustration.
Notre leadership international, réel ou supposé, risque de pâtir de ce tropisme hexagonal entièrement focalisé sur le combat contre les méfaits, certes réels, de la loi Evin. L’avenir du vin français se situe ailleurs, principalement hors de nos frontières et la modicité des prix pratiqués sur notre marché domestique devraient inciter l’ensemble des intervenants à se remettre en cause plutôt que de s’abriter derrière de biens mauvaises raisons.
La massification et l’indifférenciation d’une grande partie de notre offre plombent notre avenir. Notre inadaptation est patente. L’exemple de ce qui s’est passé, autour du Salon des Vins de Loire et de ses off, est caricatural. Deux mondes qui s’ignorent. D’un côté une viticulture conventionnelle avec son pendant de négoce (Castel et Grand Chais), par ailleurs largement absent du salon, en bute à la GD française, et de l’autre des vins d’auteurs ne s’adressant qu’à une poignée de convaincus, cavistes, restaurateurs et amateurs.
Face à l’ennemi prohibitionniste, qui va dans les semaines à venir pointer à nouveau le bout de son nez pour tenter de passer en force sur la base des études qui pleuvent de toute part, un front en défense certes se reforme en une unanimité outrée de façade. Cependant il est assez comique, façon de parler, de voir des adeptes du naturisme mettre en avant, en équivalant-rafales, des vins qu’ils assassinent dans leur prose ordinaire en les qualifiant de vins chimiques, de vins industriels ou à fuir absolument. La grosse machine majoritaire des grands chefs de la viticulture et du négoce siégeant à l’INAO et à FranceAgrimer se repaît avec délectation de l’agitation de cette piétaille, qu’elle qualifie de bobos ou d’autres noms d’oiseaux, ce qui lui permet de conforter son conservatisme et son immobilisme.
Le déni de réalité est, et reste, la marque de ces 10 dernières années dans le monde du vin. Nous nous cachons derrière les bons chiffres du commerce extérieur pour nier que nous valorisons très mal la grande majorité de nos vins dit d’AOC et leurs cousins-germains IGP. Le secteur, hors les grosses locomotives, cognac, champagne, crus, est majoritairement un secteur pauvre qui dégage peu de valeur. L’aspiration des marchés émergeants a masqué très largement nos faiblesses et le premier accident conjoncturel, ou pire les effets d’une crise des pays porteurs, provoquera des dégâts profonds dans un modèle qui se dit artisanal mais qui n’en applique pas vraiment les règles.
Et les réformateurs dans tout ça ?
Celles et ceux qui, depuis des années, militent pour extirper certains vins d’AOC du grand lac dans lequel ils se retrouvent par le poids de l’Histoire.
Jusqu’à présent je pensais qu’avec la dernière réforme dévoyée ils n’avaient perdu qu’une bataille. Aujourd’hui, sans détour, je suis persuadé qu’ils ont perdu la guerre.
Pourquoi ?
Parce qu’ils avaient raison à la fois contre les tenants de l’immobilisme mais aussi contre ceux qui auraient dû être leurs alliés mais qui se sont retranchés dans des forteresses d’intransigeance et qui ont plus cultivé leur notoriété que les intérêts d’une juste cause.
Parce que le pouvoir politique, quel qu’il soit, n’a jamais eu, et je pense n’aura jamais le courage d’affronter une large majorité qui s’accroche à ses droits acquis.
Parce que l’INAO n’est plus qu’un outil administratif sans capacité à produire et impulser une quelconque réflexion. Courage gérons !
Parce que le temps n’est plus aux grandes réformes impulsées par le haut, le champ est maintenant ouvert à l’opportunisme. « Que le meilleur gagne ! » dit-on, comme un petit parfum de chacun pour soi, de concurrence qui en laissera plus d’un sur le bord du chemin.
Voilà c’est dit.
C’est la vie que l’on vit, je ne vois pas au nom de quoi je m’érigerais en vigie d’un lourd navire qui suit son paisible cours à la satisfaction quasi-générale.
« Tout va très bien madame la marquise, tout va très bien… »
La dilution c’est quoi ?
L’exemple des parfums.
Un parfum est constitué d'une partie odorante (mélange d'huiles essentielles, absolues, concrètes...) souvent appelé « concentré », d'un support (alcool, huile, baume) et éventuellement d'un fixateur (comme la poudre d'Iris).
Il existe plusieurs types de « parfums » : Eau de Cologne, Eau de Toilette, Eau de parfum et Parfum constitués d'une grande partie d'alcool.
Ma question est simple : qui d’entre vous est en capacité de dire quel est le % de concentré dans ces différents parfums ?
Selon la quantité de concentré présente, la diffusion sera plus ou moins longue.
Comparaison n’est pas raison mais pour nos AOC et leurs cousins-germains IGP c’est le même phénomène qui les guette pas grand monde est en capacité face à une bouteille d’en évaluer le fameux rapport qualité/prix.