Ne vous méprenez pas sur ma bordée de mots, elle n’est que le fruit de ma mémoire qui relie souvent les mots d’aujourd’hui à ceux d’hier. Les mots durs et tranchants sont le carburant des extrêmes, leur dialectique est implacable, avec eux ils modèlent le monde, le plient à leurs phantasmes. Par bonheur de nos jours le pouvoir reste loin de leurs mains.
Aux temps qui ont suivis le printemps de mai 68, les maos se payaient de mots tout comme Le Grand Timonier variqueux, dans son petit livre rouge, qui avait déclaré pour stimuler les larges masses : « Mourir, c’est toujours grave, mais mourir pour le peuple, c’est léger comme une plume»
Pour mémoire rappelons que ce phare illuminant le monde fut concepteur du « Grand Bond en avant, qui tua 36 millions et demi de personnes entre 1958 et 1961. Cet épisode tragique ne doit rien aux calamités naturelles, ordinaires, rien au rappel par Khrouchtchev des experts soviétiques, impuissants, et tout aux délires d’un tyran, au pouvoir sans partage, qui s’obstina dans son utopie populiste alors qu’il était informé du désastre.
Au pire moment de la famine, Mao refusa de réduire les exportations de céréales qui finançaient le développement de l’industrie en faisant un commentaire qui glace le sang : « Distribuer les ressources de façon égalitaire ne fera que ruiner le Grand Bond en avant. Quand il n’y a pas assez de nourriture, des gens meurent de faim. Il vaut mieux laisser mourir la moitié de la population, afin que l’autre moitié puisse manger suffisamment. »
Comment qualifier l’envoi à des villageois qui mouraient de faim par centaines de milliers de détachements policiers qui détruisaient leurs masures pour y trouver les grains qu’ils y auraient cachés et torturaient à mort les cadres locaux pour leur faire avouer où ils dissimulaient ces récoltes imaginaires ? »
Ce sont les camarades de l’Humanité.fr qui font ce sanglant constat.
Qui se souvient de « La Gauche Prolétarienne dirigé par Benny Levy, alias Pierre Victor, le Raïs de la GP, faux clandestin reclus au fin fond de Normale Sup rue d’Ulm, petit brun affublé grosses lunettes d’intello qui donnaient, à son regard «gris et froid comme celui d’un héros de James Hadley Chase» (Claude Mauriac dans son journal Le Temps immobile vol 3 attribue cette description à Gilles Deleuze…), chef suprême d’un noyau dur pour qui la «guerre civile» ne pourrait être menée par la classe ouvrière sans que des flots de sang soient versés.
Le gourou fascinait son entourage, sa douzaine de zélotes, par son verbe brillant, son goût de la synthèse et l’art qu’il avait de déceler chez ses interlocuteurs la faille dans laquelle il s’engouffrait sans pitié –l'autocritique étant à la GP la seule thérapie autorisée. Tout passait par lui, il auditionnait ses lieutenants et parfois même de simples hommes de troupes, dépiautait leurs dires, tranchait, approuvait ou désapprouvait, sans appel possible, lançait des ordres du jour délirants. Ses batailles de référence, Flins et Sochaux, ses Austerlitz à lui, loin des bastions tenus par ceux qu’il nommait avec mépris les chiens de garde du PCGT, dans le terreau vierge des prolétaires, fondait sa stratégie militaire.
Ceux qui n’ont pas connu cette période de diarrhée verbale putride et délirante ne peuvent comprendre l’ambiance qui régnait dans les hautes sphères de la GP. Pour convaincre les sceptiques je leur propose ce que Benny Levy, alias Pierre Victor, confiait à Michel Foucault en 1972.
« Soit le patron d’une boîte moyenne, on peut établir la vérité des faits, à savoir qu’il a exploité les ouvriers abominablement, qu’il est responsable de pas mal d’accidents du travail, va-t-on l’exécuter ?
Supposons qu’on veuille rallier pour les besoins de la révolution cette bourgeoisie moyenne, qu’on dise qu’il ne faut exécuter que la toute petite poignée d’archi-criminels, en établissant pour cela des critères objectifs.
Cela peut constituer une politique tout à fait juste, comme par exemple pendant la révolution chinoise…
Je ne sais pas si cela se passera comme cela ici, je vais te donner un exemple fictif : il est vraisemblable qu’on ne liquidera pas tous les patrons, surtout dans un pays comme la France où il y a beaucoup de petites et moyennes entreprises, cela fait trop de monde. »
Sympa le petit juif pro-palestinien, enfin un politique qui se préoccupait du sort des PME, qui, dans les années 80, jettera sa défroque marxiste par-dessus bord pour renouer avec le judaïsme de son enfance, un judaïsme ultra-orthodoxe, deviendra rabbin et affirmera toujours aussi implacable «Le peuple palestinien n’existe pas. Il n’a pas le droit d’exister…»
Le pont entre les 2 rives a toujours été facile à franchir, il l’est aujourd’hui bien plus encore. Le délitement des élites, leur impuissance, leur impudence aussi, ouvrent une large brèche dans laquelle s’engouffrent des citoyens désemparés. Alors, bien sûr, l’annonce d’un pacte de responsabilité ça ne fait pas bander les héritiers des guides des larges masses mais j’avoue que la réhabilitation du mot responsabilité me plaît assez dans un pays où tout ce qui va mal est la faute des autres…
C’était mon quart d’heure réformiste, je n’ai jamais cru aux lendemains qui chantent ce n’est pas aujourd’hui que je vais me convertir…