J’ai hésité, l’article qui suit est publié par LE PROGRÈS AGRICOLE ET VITICOLE et est, bien sûr, protégé par un copyright mais sans vouloir minorer cette Revue de l’Académie de la Vigne et du Vin qui s’appuie sur de nombreux experts en sciences et techniques de la Vigne et du Vin, et sur son Comité de Lecture, pour publier des articles en Viticulture et dans ses domaines partagés avec l’Œnologie et la Socio/Economie, je pense que son lectorat sur le Net reste encore confidentiel.
« Le PAV est un outil de vulgarisation scientifique et de transfert d’informations validées, qui occupe une place originale entre d'un côté des publications scientifiques concernant seulement les spécialistes " pointus " de certains domaines, et de l'autre côté des publications techniques ou d'actualités où la caution de l'expertise est peu garantie. »
Donc si je vous le propose c’est :
1) Pour participer à la « vulgarisation scientifique et de transfert d’informations validées »
2) Vous faire connaître cette publication voir ICI les conditions d’abonnements link
3) Parce que cet article m’a été transmis par un vigneron ami :
J'ai quelques hésitations à envoyer la pièce jointe que je viens de lire dans le PAV. Si le Progrès Agricole et Viticole existe encore. Et en plus un article de Caudwell.
Pour la petite histoire Antoine Caudwell est le spécialiste mondial de la Flavescence dorée. Dans les années 80, nos professeurs nous expliquaient qu'il avait participé à la mise au point du test Elisa pour son application aux plantes. Donc les recherches de viroses c'est aussi un peu son travail.
Simplement, le Phytoplasme qui nous concerne porte son nom: Phytoplasma caudwellii.
Ce n'est pas un avis que l'on peut écarter d'un simple revers de manche. Et cela en dit long sur l'état "scientifique" accordé à notre métier.
Bien évidemment, si l’on me demande de retirer cet article je le ferai avec regret dans la mesure où la diffusion me semble, pour un sujet aussi brulant, plus importante que la protection du droit d’auteur.
Qui est Antoine Caudwell ? Lire ICI link
Extrait :
« Une cicadelle. Cela ressemble à de petites cigales. Ce sont des hémiptères qui sont peut-être dans la classification entre les pucerons et les punaises et qui sont très mobiles. Une nouvelle cicadelle d’origine américaine, Scaphoideus littoralis Ball 1 était apparue dans cette région et pouvait expliquer la propagation de l’épidémie. La cicadelle était probablement arrivée avec les bois importés d’Amérique et la maladie serait arrivée par la même voie plus tard. Je pense que la cicadelle était déjà assez répandue dans le sud de la France au moment où les bois malades ont dû être importés par de petits hybrideurs, sous forme de bois en incubation, qui ne montraient pas encore de symptômes. Par la suite, on a montré en effet que non seulement la cicadelle était américaine mais que très probablement, la maladie était aussi d’origine américaine, de la région des Grands Lacs.
La flavescence dorée présentait un phénomène rare en virologie, qui a fait l’objet de ma thèse. C’était une résistance acquise par le végétal à la suite de l’infection. Un végétal infecté montrait d’abord des symptômes très graves dans la première année. Puis l’année suivante, il était très affaibli mais ne montrait plus aucun symptôme. C’était un véritable rétablissement. Ces végétaux rétablis étaient susceptibles d’être ré-inoculés, mais les symptômes restaient alors localisés sur deux ou trois rameaux autour du point d’inoculation. J’ai étudié ce problème et expliqué que ce phénomène de localisation des symptômes était le même que le phénomène du rétablissement. Malheureusement pour l’étudier, il fallait de nombreuses années et ce n’était pas un système modélisable. Il n’a donc pas pu être pris plus tard comme sujet d’étude pour des thèses de trois ans. Ces phénomènes de rétablissement ont néanmoins apporté une méthode de lutte. Il suffisait, dès lors, de rompre le cycle du vecteur pour empêcher ses inoculations et ré-inoculations et les vignes sont “revenues à la santé”. Malheureusement, certains cépages d’autres régions ne se rétablissaient pas, ou seulement de façon irrégulière. »
Flavescence dorée : Est-il bien utile d'arracher à grand frais les ceps atteints de Flavescence dorée ? Antoine CAUDWELL
Lutte contre l'épidémie de Flavescence dorée: Faut-il recourir à l'arrachage des ceps atteints? Peut-on ignorer les capacités de rétablissement de la vigne? Est-il impossible de lutter contre la cicadelle vectrice avec des insecticides biodégradables?
La rareté de certains vignobles ne prime-t-elle pas? Le cas de la Bourgogne est analysé par le spécialiste Antoine CAUDWELL. Il y a matière à discussion.
Lorsque j'ai pris ma retraite en 1993 de Directeur de la station INRA de recherche sur les mycoplasmes et les Arbovirus (de Dijon), je suis parti en confiance.
La lutte contre la Flavescence dorée (FD) avait été menée avec succès en Armagnac, puis en Corse et dans le midi de la France.
Elle avait été basée sur la connaissance de l'évolution de la maladie sur les ceps malades, sur la découverte de la cicadelle vectrice et sur le cycle de celle-ci.
Après les symptômes très graves de la crise de première année, les ceps malades se rétablissaient spontanément et définitivement. S'il y avait réinoculation, une rechute moins grave se produisait mais elle restait localisée autour du point d'inoculation. La cicadelle Scaphoideus titanus (ou littoralis), originaire d'Amérique du Nord n'a par bonheur, qu'une génération par an et pouvait être combattue en détruisant les larves au fur et à mesure de leurs éclosions. Elle pouvait aussi être combattue, à moindre frais, par des traitements ovicides de fin d'hiver.
Au long des épidémies en Armagnac, en Corse, dans le midi et en Italie
Ainsi, comme prévu dès 1961la lutte contre la cicadelle empêchant les inoculations et les réinoculations de la FD, les vignobles sont revenus à la santé par suite du rétablissement spontané des vignes malades.
On recommandait cependant d'arracher les vignes sauvages des haies et les vignobles abandonnés qui représentaient des sources d'inoculum et des réservoirs de cicadelles.
Un groupe de travail national Flavescence dorée s'est constitué en 1986 autour de l'Institut Technique de la Vigne et du Vin et de notre laboratoire INRA. Il regroupait en outre les services de la protection des végétaux, l'ENTAV, certaines chambres d'agriculture concernées et l'ONlVlNS. Il s'attachait à propager l'information, à surveiller le bon déroulement des traitements, les évolutions de l'épidémie dans les différentes régions et à appliquer les nouveautés selon les besoins.
Nous pouvons citer:
- La méthode de taille à appliquer aux ceps malades après la crise.
- Les traitements ovicides d'hiver en Corse, puis dans les autres régions.
- Les traitements des bois à l'eau chaude pour les porte-greffes sans symptôme ou à symptômes faibles.
La FD s'étant introduite et propagée en Italie du Nord, nos collègues italiens ont organisé en 1987, autour de notre laboratoire, un « Convegno sulla Flavescenza dorata della vite».
Les rapports français à ce congrès R. PLANAS (Chambre d'agriculture de l'Aude), de A. BAGARD (Directeur du CIVAM de la région Corse), de D. DOUBALS (Professeur de viticulture à l'Ecole Nationale Supérieure Agronomique de Montpellier) et de A. CAUDWELL et collaborateurs de notre laboratoire INRA de Dijon, ont montré à nos collègues italiens la parfaite unité de vue sur la pratique des traitements et la confiance réciproque qui régnait entre nous.
Le 16ème meeting de l'ICVG à Dijon en 2009 et ses enseignements
Au temps de ma vie active, je faisais partie du Comité directeur de l'ICVG, « International Council for the study of Virus and virus-Iike Diseases of the Grapevine» - et après ma retraite, on m'a désigné comme « Honorary member » de ce comité.
Ainsi, lorsqu'est arrivé le temps du 16 ème Meeting à Dijon, on est venu me chercher et on m'a demandé d'être «chairman» pour la session «Phytoplasma diseases». Les mycoplasmes des plantes étaient désormais appelés phytoplasmes. L'agent de la FD était donc un phytoplasme.
La première surprise a été de constater que si l'on additionnait les lectures et les posters, il y avait presque autant de communications sur les phytoplasmes que sur l'ensemble des autres virus de la vigne. En effet, depuis la fondation de l'ICVG en 1962, il s'était passé plusieurs décennies où notre laboratoire avait été le seul à traiter de ce type de maladie.
Tout aussi intéressant a été le fait que le rétablissement spontané des vignes malades de la FD, toujours aussi surprenant, est devenu une évidence pour plusieurs universités italiennes. Je dois citer ici une publication de l'Université de Turin:
« Les plantes rétablies ne représentent pas une source d'inoculum pour le vecteur et elles n'ont donc aucun impact sur la propagation de la FD »
Cela est venu confirmer à 50 ans de distance nos publications de 1961 et de 1964 sur ce sujet.
La préoccupation essentielle était cependant l'utilisation des nouvelles techniques moléculaires pour situer les parentés des divers phytoplasmes reconnus dans le monde: objectif bien utile que les techniques précédentes n'avaient pas pu aborder. J'ai appris ainsi que l'on avait donné mon nom au phytoplasme de la FD : Phytoplasma caudwellii.
Comment en est-on venu à rendre obligatoire l'arrachage de vignobles atteints de FD ?
L'intérêt d'un congrès est aussi de permettre la rencontre d'anciens collègnes. Les chercheurs italiens m'ont dit combien ils étaient furieux d'avoir fait arracher inutilement et à grands frais les vignes malades de la FD. Je leur ai répondu que cela ne s'était jamais fait en France. Mais rentré chez moi, j'ai voulu vérifier. En fait l'arrachage des vignes FD était devenu obligatoire en France à la suite d'un arrêté ministériel de 1994. Aucune recherche n'étant venue justifier cet arrêté, je me suis renseigné sur ce qui a pu le motiver.
J'ai eu connaissance d'une réunion du Conseil de direction de l'ONIVINS qui s'est tenue à Paris dans le cadre de la crise de la viticulture et de la prime d'arrachage. A cette réunion, des membres élus de l'Ouest audois à la chambre d'agriculture de l'Audeont demandé que l'on rende obligatoire l'arrachage des vignes malades de la FD et des parcelles très malades, de façon à enrayer les contaminations en provenance de ces parcelles. Le Conseil de direction de l'ONIVINS a été sensible à cette demande et a confié à la direction parisienne de la protection des végétaux, maître d'œuvre en la matière, le soin de rédiger un projet d'arrêté qui serait présenté à la signature du ministre de l'agriculture. Ce qui fut dit fut fait et cela a donné l'arrêté ministériel de 1994.
On s'étonne que ce qui aurait dû donner lieu à un arrêté préfectoral annuel de l'Aude soit ainsi devenu un arrêté ministériel.
Quoiqu'il en soit cet arrêté ministériel a eu des conséquences incalculables et extrêmement graves:
A partir de 1994, toutes les publications, qu'elles émanent de la protection des végétaux, du groupe de travail
- «Flavescence dorée », de ce qui restait de notre laboratoire INRA ou des journalistes, ont ignoré le rétablissement spontané des vignes malades et se sont référées exclusivement à l'obligation d'arrachage des ceps malades et des par elles très atteintes. Il faut dire cependant que l'arrêté ministériel ne liait d'aucune façon le rétablissement spontané des vignes malades de la FD. Mais il a été compris aussitôt comme une négation du rétablissement. On ignore l'origine de cette déviance surprenante. Etait-illogique en effet d'arracher des vignes FD parce que l'on ne croyait pas au rétablissement, tandis qu'on y croyait pour les vignes qui n'entraient pas dans le cadre de l'obligation d'arrachage? On a donc assisté à un changement total de paradigme dans l'élaboration des méthodes de lutte, rendant celles-là beaucoup plus laborieuses et onéreuses pour le viticulteur, et entraînant souvent sa ruine.
- Une plaquette du groupe de travail Flavescence dorée de 1993 bien documentée a été remplacée par une autre en 1999, éditée en de très nombreux exemplaires. Les données antérieures y ont été «truquées » en fonction de la négation du rétablissement sans xpérimentation préalable. Ainsi en page 8, le schéma du cycle de la FD que j'avais publié en 1968 (Vitis 7, p.145), puis à nouveau dans le BTI (n0316 de 1977) et encore en 1989 dans la Revue Suisse de Viticulture (Vo121 (3» (figure 2) a été modifié en supprimant le établissement des ceps malades. C'est à souligner car c'est le seul cas connu où un résultat scientifique a été modifié par un arrêté ministériel. En page 10, sous le titre «Evolution de la maladie », on ne trouve pas un mot sur le rétablissement spontané des ceps malades. En dernière page, parmi les « bonnes pratiques », se détache en grands caractères: « arrachage de tout cep contaminé ». On se demande si toutes les personnes présentées comme coauteurs de cette plaquette de 1999 auraient eu au moins la possibilité d'en faire la lecture.
- L'édition elle-même en a reçu le contrecoup. Deux volumes d'une édition spécialisée traitant du problème ont donné comme référence presque unique: «Groupe national de travail sur la Flavescence dorée, 1999 », c'est-à-dire en clair la plaquette de 1999, elle-même dépourvue de toute référence bibliographique.
- Enfin, la France ayant le triste privilège d'être le modèle pour ce qui concerne la FD, les obligations d'arrachage ont été étendues à toute l'Europe, à l'Italie en particulier (6).
-
La Bourgogne pourra-t-elle supporter.les « obligations» d'arrachage?
La Flavescence dorée est entrée en Bourgogne par la Saône-et-Loire. On a compté Il hectares arrachés l'année dernière à Plottes dans ce département « pour arrêter l'épidémie». Arrivera-t-on à 22 hectares cette année, pour quel avenir?
Il est inquiétant de constater que l'épidémie de FD en Bourgogne sera la première en France à se trouver soumise à l'obligation d'arrachage. Mais la Bourgogne n'est pas l'Ouest audois :
- Par quoi va-t-on remplacer les hectares arrachés? La Bourgogne n'a pas comme l'Aude des terroirs disponibles.
- Va-t-on remplacer sur place les ceps « rétablis» et donc partiellement résistants et susceptibles de redonner une récolte après une ou deux années par de jeunes plants que l'on sait extrêmement sensibles et qui demandent 4 ans pour redonner une récolte s'il ne sont pas entre temps à nouveau contaminés?
- Le vignoble bourguignon compte de très nombreux petits vignerons qui vont devoir abandonner leur terre si on les oblige à arracher une partie ou la totalité de leur vignoble. Qui s'en soucie?
La Bourgogne aurait besoin de mesures préventives telles que les traitements ovicides d'hiver. Mais ceux-ci n'ont pas été actualisés à la suite de l'interdiction des esters phosphoriques.
Conclusions
En un temps où s'étale la détresse paysanne, où les ministres de l'agriculture soulignent qu'il faut gagner en productivité, que le coût du travail est trop élevé, on fait arracher inutilement les vignes et parcelles malades en oubliant la chance de leur rétablissement spontané.
Entre temps, au nom de dogmes parfois contradictoires:
- On a supprimé le Service de la Protection des Végétaux et sa précieuse implantation au Nord de Beaune pour le fondre au sein d'un « Service de l'alimentation».
- Du coup, les avertissements agricoles ont été supprimés pour le plus grand profit des firmes phytosanitaires.
- Le laboratoire INRA de Dijon, seul en France à travailler la FD et le Bois noir a été fermé contre l'avis de tous les organismes concernés de France, de l'étranger et le mien: aucun tuilages des connaissances, abandon des acquis, des sondes ADN, des anticorps monoclonaux, des élevages de cicadelles. J'ai eu l'occasion de m'en expliquer au cours d'une interview qui m'a été demandée en 1996, 3 ans après ma retraite.
C'est ainsi que même la mémoire a disparu.
Il reste pourtant du travail à faire. Qui s'occupera d'actualiser les traitements ovicides, en remplaçant l'oléoparathion désormais interdit par des insecticides qui ne nécessiteraient peut-être pas une longue rémanence. La chose pourrait intéresser nos amis « bios » ou « biodynamistes » qui pourraient peut-être trouver un « oléo pyrèthre» qui leur éviterait d'être accusés de laisser l'épidémie de FD envahir leurs terres.
Nous avons en son temps étudié le comportement de la FD chez deux ou trois porte-greffes (8). Mais pourquoi n'a-t-on pas étudié en ce sens les autres porte-greffes? On s'est contenté de généraliser... oralement !
Etc...
Faut-il vraiment arracher ? Journal de la Saône-et-Loire link