Adeline a un compte Facebook. Elle est y passe les ¾ de son temps à s’empailler avec sa floppée d’amis ; et Dieu sait si elle en a des amis ! Sa plastique et ses réparties attirent une nuée de petits mecs qui n’ont que ça à foutre dans la vie. Jusqu’ici je ne jetais qu’un œil distrait par-dessus son épaule lors de nos longs séjours au lit. Elle Twitte aussi. Pendant la campagne des municipales mon intérêt s’est aiguisé et je suis devenu accroc de Face de Bouc. Ce qui m’a de suite étonné c’est la virulence des échanges. Les amis ne font pas dans la dentelle, ça s’insulte grave. Tout de suite je me suis aperçu que le % de connards était beaucoup plus élevé que la moyenne générale, ça frise même la concentration. Les donneurs de leçons pullulent, ils sont tous aptes à redresser la France, un véritable vivier d’experts sur tous les sujets. J’hallucinais. Le moindre vendeur de BOF, plus ou moins mal baisé, que sa femme fait chier, qui fait du black, paye ses fournisseurs quand ça l’arrange, ses salariés des clopinettes, se révèle sur Face de Bouc un parangon de vertu. J’ai toujours adoré depuis ma campagne des barricades de mai 68 les verbeux de la gauche extrême toujours bon à noircir des tracts, à organiser des manifs de la République à la Bastille, de pondre des programmes incompréhensibles. Ces mecs adorent la droite au pouvoir et bien sûr conchient la gauche molle lorsqu’elle est au pouvoir. Du côté de l’extrême-droite, même s’ils ont ravalés la façade, rien de très nouveau sous le soleil et, comme leur seul passage au gouvernement date du Maréchal, on ne peut pas les taxer d’incompétents. J’adorerais les voir aux manettes, ça ferait du bien à ceux qui disent voter pour eux parce que les autres sont des pourris. Toute cette bande de va-de-la-gueule commençaient à m’échauffer et me donnaient envie d’en découdre.
Le problème c’est que je ne pouvais intervenir en lieu et place de ma très chère Adeline qui se désespérait de me voir m’échauffer le sang pour cette bande de trous-du-cul. Pour me détendre elle multipliait les entreprises de séduction qui se finissaient bien évidemment dans le mitan du lit.
- Dis-moi mon grand qu’est-ce que tu leur répondrais à ces révolutionnaires en chaise-longue ?
- Qu’ils fassent la Révolution ! Qu’ils renversent la table !
- Ce n’est plus possible…
- Pourquoi ce n’est plus possible, parce que ça dérangerait leur petit confort à ces branleurs qui donnent des leçons à la terre entière leur gros cul assis sur une chaise en face de leur écran !
- T’es dur !
- Non, tu peux vérifier…
- Gros cochon.
- Tu crois que c’était facile en mai 68 avec le grand Charles, le père Pompe, les CRS, la CGT et le PC ? Putain, vous avez la mémoire courte les jeunes. Vous nous avez assez brocardés avec notre petite révolution d’opérette. Vous avez chargé la mule à bloc. Et pourtant, la France s’est arrêtée pendant presqu’un mois, plus de transport, plus d’essence, la chienlit… Je voudrais voir la gueule des petits de Face de Bouc et de Twitter si on les privait de leur joujou. La crise, ils se retrouveraient face à leur petite vie de merde. De nazes comme ce pauvre Merluchon qui se la pète mais qui n’est qu’un apparatchik de la pire espèce. J’ai plus de compassion pour le petit Laurent, j’ai connu son père. Quant au facteur il est supporter du PSG, c’est dire !
- Tu souhaites vraiment la castagne ?
- Je ne souhaite rien du tout ma belle. Si, qu’ils ferment leur grand clapoir, qu’ils arrêtent de nous le jouer révolutionnaires en peau de lapin, ce n’est pas dans les urnes qu’ils prendront le pouvoir. Ils le savent très bien. La déculottée qu’on a pris aux élections législatives de juin 68 ça c’est la meilleure preuve. Ce pays est conservateur jusqu’à la moelle.
- Que faire mon amour ?
- L’amour !
- Mais encore…
- Cessez d’alimenter ces forums de merde. Foutre le feu à Face de Bouc, faire sauter Twitter au pain de plastic !
- Tu as raison je vais lever le pied…
- Non je n’ai pas raison mais tous ces gugusses et ces nénettes qui savent à peine lire et écrire me font chier. À quoi ça sert l’école, dis-moi ?
- A faire des chômeurs…
- Sans doute mais les démagogues ne vivent que sur le terreau de l’incapacité de nos dirigeants d’avoir du courage. C’est déprimant. J’en ai plein le cul. Si tu le veux bien nous allons nous tirer d’ici.
- Pour aller où ?
- Je ne sais pas. Sur une île…
- Pourquoi une île ?
- Parce que c’est entouré d’eau…
- Je ne te suis pas très bien.
- Moi non plus j’ai du mal à me suivre moi-même. J’ai envie d’être enterré face à la mer…
- Tu déconnes complètement.
- Regarde Baudis 66 ans, terminé !
- Arrête !
- Je voudrais mourir dans tes bras…