Ha ! Qu’il est bon de débattre ensemble, entre soi, bien au chaud dans le cocon douillet d’un lieu où l’on ne risque pas de croiser les affreux, sales et méchants qui font tout pour nous embêter. Dans un silence quasi-religieux on boit avec délectation les paroles du maître venu d’ailleurs, ici le nouveau gourou des naturistes Jonathan Nossiter, on se sent conforté dans ses convictions, on est bien.
Mais, horreur, malheur, voilà-t’y pas qu’un péquenot, qu’a pourtant la dégaine d’un bobo, modèle vieux non révisé, débarque avec ses gros sabots pour mettre les pieds dans le plat. Stupeur et tremblement, le maître sur l’estrade se cabre, morigène l’intrus, lui fait comprendre que ses propos iconoclastes n’ont pas droit de cité en cette enceinte préservée. Il décoche une flèche perfide qui se veut définitive, disqualifiante « je ne comprends pas ce que vous dites… »
Même pas coulé le Taulier...
Dans la salle un gentil bobo se dit attristé par de tels propos, pourquoi vient-on l’embêter avec des mots d’un autre temps : le combat collectif, la bataille des idées, le rapport des forces, rien que des vieilleries poussiéreuses. L’important, pour lui, c’est que ce soit bien pour lui, les autres, il s’en tamponne en soupirant gentiment. C’est un gentil c’est sûr qui n’a pas à se soucier de convaincre les Michu d’Hénin-Beaumont ou de Beaucaire du bien-fondé de sa résistance individuelle. Il est heureux c’est son « Sam suffit à lui »
Je force à peine le trait et je n’ai aucun regret d’avoir endossé les oripeaux du mec qu’on déteste parce qu’il vous met le nez dans vos contradictions en affichant les siennes. C’est très politiquement incorrect dans un bocal de consensus mou. Des angles, des aspérités, du dur, n’est-ce pas la vie que l’on vit, cette putain de réalité qu’il faut chaque jour se taper.
Certes j’ai bien conscience de me retrouver dans la peau du vieux con. J’assume ! Même que je me sens conforté par ce qui n’est en rien une posture lorsqu’Isabelle Saporta, qui était elle aussi sur l’estrade, me confie « aimer la castagne… »
Elle pardonnera mon impertinence en rebondissant sur son propos par la voix de Claude Nougaro. « Ici même les mémés aiment la castagne, ô mon pais, ô Toulouse »
Bon pour terminer un petit rappel aux bobos transis dans ma chronique « Lettre d’un parisien à ses amis italiens de Paris : préparez-moi une Vignarola alla romana ! » j'écrivais : « Mais je ne saurais terminer cette lettre sans évoquer le vin par l’entremise du le nouveau film de Jonathan Nossiter « Natural Resistance » qui célèbre les « résistants » du vin italien : Giovanna Tiezzi et Stefano Borsa, Elena Pantaleoni ou Stefano Bellotti vignerons de Toscane, d’Emilie-Romagne ou du Piémont qui produisent du vin naturel. » link
Et du côté des vins de Stefano Bellotti je n’ai pas attendu Jonathan Nossiter pour dire que je les aimais 22 mai 2012 « Le Taulier fait dans le genre guide du routard en plus chic pour vous faire découvrir la patrie du lardo di Colonnata et, avec ça, vous boirez quoi ? » link
* sur la photo Pierre Haski, cofondateur du site Rue89, ouvre les débats au Salon Rue89 des vins avec Domaine Emmanuel Giboulot, Antonin Iommi-Amunategui, Isabelle Saporta et Jonathan Nossiter