Clin d’œil c'est dans un immeuble du 5, rue de Solférino que le Rassemblement du Peuple Français (R.P.F.), le mouvement lancé par le général de Gaulle, installa son siège à partir de juillet 1947.
De Gaulle pourfendeur des pratiques politiques de la Quatrième par une phrase cruelle : « des petits partis qui cuisent leur petite soupe au petit coin de leur feu » (discours de Vincennes, 5 octobre 1947) et qui en sera son fossoyeur puisqu’il sera le dernier président du conseil de la IVème république
Ses héritiers ne sont des pauvres caricatures qui ont depuis longtemps soldé l’esprit même des institutions de la Ve République en adoptant les thèses du « Coup d’État permanent » cher à Mitterrand.
C’est dit et voici la suite promise de ma chronique « L’histoire du fils d’un métayer de Teillé : un certain Bernard Lambert paysan et rebelle… » link
« Après la chute de la IVe République, en 1958, de Gaulle convoqua le corps électoral pour désigner une nouvelle assemblée nationale. 4 candidats se présentèrent dans l’arrondissement : un aristocrate, un radical-socialiste, un poujadiste (c’était une nouveauté dans la région), et le traditionnel cheminot communiste qui se présentait pour le principe. Le candidat radical sortant, André Morice, semblait imbattable : il y avait plus de dix ans qu’il siégeait au Parlement, avait été récemment ministre de la Défense nationale*, et était généralement considéré comme candidat possible au poste de Premier Ministre. Riche entrepreneur de Nantes, il avait l’assurance des suffrages bourgeois, de par sa position sociale et son étiquette radicale. Mais il avait également assuré ses arrières vers la droite, et avait récemment prouvé sa largeur d’esprit en soutenant les cléricaux sur un projet de loi scolaire. Personne en France ne semblait aussi assuré d’une réélection.
Morice ne fit qu’une erreur ; il s’opposa au groupe local des jeunes agriculteurs. Quelques jours avant le début de la campagne, il dénonça publiquement les organisateurs de l’abattoir coopératif, les accusant non seulement de tendre vers le rouge, mais aussi de malhonnêteté financière. Les jeunes casse-cou qui tenaient maintenant sous leur contrôle le syndicat régional des agriculteurs en furent indignés ; Morice, déclarèrent-ils, devait recevoir une bonne leçon. Mais comment s’y prendre ? À la fin d’une réunion qui dura toute la nuit, ils décidèrent de présenter un candidat paysan et de faire de Bernard Lambert leur champion.
Lambert lui-même n’avait pas pris part à cette discussion ; il revenait à peine d’Algérie où il avait servi comme sergent après un séjour de deux ans, y faisant une guerre à laquelle il ne croyait pas et où sa conduite lui avait valu d’être décoré. Lorsqu’une délégation alla le trouver le lendemain, il fut surpris et essaya de décliner cette offre : « Je reviens juste de la guerre, j’ai des dettes, je suis trop jeune et d’ailleurs je n’y connais rien en politique ? » Ils le convainquirent d’y réfléchir une semaine, recueillirent une pétition signée d’un millier de jeunes paysans de la région et, en fin de compte, obtinrent son accord.
L’histoire de cette campagne semble tirée d’Horatio Alger. Tous ceux qui comptaient se rangeaient soi derrière Morice, soit derrière le candidat aristocrate ; les gens bien nés, les milieux d’affaires, le préfet et le sous-préfet (dont Morice pouvait favoriser les carrières), les marchands de bestiaux comme un seul homme, tous les membres importants du clergé. Derrière Lambert il n’y avait personne, hormis une horde de jeunes paysans et un nombre considérable de jeunes prêtres qui abandonnèrent pratiquement leurs fermes et leurs ouailles pendant un mois pour se consacrer à la culture politique de l’arrondissement. À la fin du premier tour de scrutin, il y eut ballotage ; Lambert et Morice étaient à égalité ; les autres candidats étaient largement distancés. Le candidat aristocratique se désista aussitôt en faveur de Morice ; pour la première fois, de mémoire locale, le Bleu et le Noir s’unissait en un seul bloc. La phalange des jeunes paysans, point découragée, se jeta dans une action sans relâche de jour et de nuit pendant une semaine – et le miracle se réalisa. Lorsqu’on dépouilla le scrutin de ballotage, on compta 19.636 voix pour Lambert contre 19.229 en faveur de Morice.
Le mode d’élection de Lambert ne fut pas moins orthodoxe que son comportement politique à l’assemblée Nationale. Pendant ses premières années de député, il viola pratiquement tous les tabous de la politique française. Il provoqua les nationalistes en réclamant une paix négociée en Algérie. Il vota pour l’abolition de l’ancien privilège des bouilleurs de cru – acte de courage comme on en ont accompli peu de députés ruraux au cours de l’histoire. Il affirma tout à fait clairement que son propre parti, la catholique MRP, devrait être liquidé le plus tôt possible, les catholiques ne devant pas s’isoler dans un parti confessionnel. Il proposa la création d’un organisme d’État qui achèterait régulièrement toutes les terres mises en vente, en vue de les louer à de petits paysans qui les cultiveraient en coopérative. Il soutint que le mythe de la propriété de la terre par les paysans a été la cause de leur ruine et que, depuis 1789, ils ont déjà acheté au moins trois fois tout le sol français… »
Un tel trublion ne pouvait survivre dans le marigot politique, d’autant plus qu’en 1962 il vota la censure contre le Premier Ministre de de Gaulle à propos de la révision constitutionnelle. Un font anti-Lambert se constitua : les gaullistes qui ne lui pardonnèrent pas son crime de lèse-majesté et tous les conservateurs et les radicaux. Morice ne se représentera pas. Lambert fut défait 15.306 voix contre 18.512 à son adversaire (plus de 2310 suffrages s’étant égarés sur le candidat communiste, le PCF étant le meilleur allié de de Gaulle).
Wright s’interroge « accident spectaculaire ou signe précurseur de forces nouvelles à l’œuvre dans la société française ? »
Après mai 68, Bernard Lambert publiera au Seuil « Les Paysans dans la lutte des classes » avec une préface de Michel Rocard alors patron du PSU.
à la surprise générale lors d’une élection législative partielle en juin 1969 dans la 4e circonscription des Yvelines, Michel Rocard bat le Premier ministre sortant Maurice Couve de Murville
C’est le début d’une histoire dont je serai un petit acteur…
Les paysans ont fait mentir Tocqueville qui remarquait que « les paysans sont les derniers à se lever, mais qu’ils sont aussi les derniers à s’asseoir. »