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28 janvier 2018 7 28 /01 /janvier /2018 07:00
Tanger, à l’entrée du plus grand bordel méditerranéen le Trou Ben Charki les femmes, appelaient le passant : «Un coup pour une pipe de kif ! Un coup pour une pipe de kif !»

« Les continents s’y frôlent, les eaux s’y rejoignent, les destins s’y côtoient. Candidats au départ, passeurs ou exilés se retrouvent à Tanger, dans une étrange proximité – tous ont rêvé, tous ont eu, ou ont encore, un ailleurs en tête. »

 

Clémence Boulouque

 

« Des côtes sud de l’Espagne, d’Algésiras, de Gibraltar, on aperçoit là-bas, sur l’autre rive de la mer, Tanger la Blanche.

 

Elle est tout près de notre Europe, cette première ville marocaine, posée comme une vedette sur la pointe la plus au nord de l’Afrique ; en trois ou quatre heures, des paquebots y conduisent et une grande quantité de touristes y viennent chaque hiver. Elle est très banalisée aujourd’hui, et le sultan du Maroc a pris le parti d’en faire demi-abandon aux visiteurs étrangers, d’en détourner ses regards comme d’une ville infidèle.

 

Vue du large, elle semble presque riante, avec ses villas alentour bâties à l’européenne dans des jardins ; un peu étrange encore cependant, et restée plus musulmane d’aspect que nos villes d’Algérie, avec ses murs d’une neigeuse blancheur, sa haute casbah crénelée, et ses minarets plaqués de vieilles faïences. »

 

Pierre Loti Au Maroc

 

«  J’aurais voulu m’embarquer pour Tanger. Les films et les romans ont fait de cette ville un lieu terrible, une sorte de tripot où les joueurs marchandent les plans secrets de toutes les armées du monde. De la côte espagnole, Tanger me paraissait une cité fabuleuse. Elle était le symbole même de la trahison. »

 

Jean Genet Journal d’un voleur © éditions Gallimard 1949

 

« Le débarquement est difficile, surtout par gros temps et c’est un spectacle fort divertissant que de voir les dames, effrayées par les lames, au bas de l’échelle de coupée, un pied dans le vide, attendre le moment de sauter dans une méchante vedette tandis que des indigènes leur tendent une main noire qu’elles hésitent à saisir. Sur le quai, des guides et des drogmans vêtus de gandouras et de chemises vert tendre, bleu pâle ou saumon, soutachées de broderies d’argent, s’emparent des touristes avec autorité. Leur tête rasée est coiffée d’un fez si rouge, leurs pieds sont chaussés de belles babouches qu’ils en profitent pour imposer leur compagnie aux plus indépendants. Il y a dix ans encore on ne visitait Tanger qu’à dos d’âne ou de mulet, aujourd’hui on grimpe en Ford jusqu’à quartier arabe. »

 

Paul Morand Méditerranée, mer des surprises, in Voyages © éditions du Rocher 1991

 

PAUL BOWLES & PATTI SMITH EN 1997

 

« Le climat était à la fois rude et langoureux. Au mois d’août, le vent sifflait dans les palmiers, faisait frémir mes eucalyptus et bruire les jonchaies qui bordaient les rues. Tanger n’était pas encore entrée dans l’ère automobile. Il y avait toutefois quelques taxis qui stationnaient à côté des calèches dans le grand Socco, et Aaron et moi en prenions un tous les soirs pour regagner la maison après le dîner. L’absence de circulation permettait de s’installer à une terrasse de café sur la place de France, avec pour tout bruit de fond, le chant des cigales dans les arbres. De même, la radio n’était pas encore arrivée au Maroc, on pouvait s’asseoir dans un café en plein centre de la médina et n’entendre  que le bruit de centaines de voix humaines. »

 

Paul Bowles  Mémoires d’un nomade © Quai Voltaire 1989

 

« Une Européenne pas jeune, fardée, sale, qui a le goût maniaque de ce qui pendouille, s’effiloche, cheveux, nattes, manteaux, sacs et jupes à franges, traverse le petit Socco. La Toute-Pendouillante est une « magicienne soviétique » (me déclare sans ciller un garçon).

[…]

« Le mioche de cinq ans, en petit pantalon, chapeau tape sur une porte – crache – se touche le sexe. »

[…]

« Au petit Socco, en juillet, la terrasse est pleine de monde. Vient s’asseoir un groupe de hippies, dont un couple ; le mari est un gros blondasse nu sous une salopette d’ouvrier, la femme est en longue chemise de nuit wagnérienne ; elle tient à la main une petite fille blanche et molle ; elle la fait chier sur le trottoir, entre les jambes de ses compagnons qui ne s’en émeuvent pas. »

 

Roland Barthes Incidents © éditions du Seuil 1987

 

« Le Ciné-Américano était à l’entrée du plus grand bordel méditerranéen le Trou Ben Charki. Tout le pâté de maisons, une bonne dizaine de ruelles, était entièrement occupé par des prostituées. Il y avait des filles partout dans les rues. À l’entrée des escaliers, juste après le cinéma, se tenaient parfois, quand des bateaux de guerre mouillaient dans la baie, deux soldats noirs, des marines US, ceinturon et guêtres blanches, qui montaient la garde à la porte du quartier. Après les escaliers quand on était passé sous la porte andalouse, on tombait dans un décor à la Satyricon. Les hommes et les femmes s’embrassaient dans les rues, ils buvaient fumaient du kif dans de longues pipes, ils draguaient et couraient dans tous les sens. Il y avait des scènes d’amour dans l’encadrement des portes. Devant chaque maison, les femmes, habillées à la marocaine, appelaient le passant : « Un coup pour une pipe de kif ! Un coup pour une pipe de kif ! »

 

Daniel Rondeau Tanger et autres Maroc © Nil éditions 1987

 

 

Tanger ? C’est à deux jours de Marseille, en bateau ; charmante traversée, qui vous fait longer la côte d’Espagne. Et il s’agit pour vous échapper à vous-même, alors pas d’hésitations, venez ici. Couronné de collines, tourné face à la mer, ce promontoire haut et blanc, qui semble se faire une traîne de toute la côte africaine, est une ville internationale au climat excellent, huit mois sur douze ; en gros, de mars à novembre. Des plages magnifiques ; des étendues vraiment peu ordinaires de sable doux comme du sucre en poudre, et de brisants. Et – si vous avez du goût pour ce genre de choses – la vie nocturne, bien que ni particulièrement innocente ni spécialement variée, dure du crépuscule à l’aube. Ce qui, lorsqu’on réfléchit que la plupart des gens font la sieste tout l’après-midi, n’est pas trop anormal. Pour le reste, presque tout, à Tanger, est anormal et avant de partir, il vous faudra veiller à trois choses : vous faire vacciner contre la typhoïde, retirer toutes vos économies de la banque, dire adieu à vos amis. Dieu sait si vous les reverrez jamais. Je parle sérieusement. Le nombre alarmant, ici, des voyageurs qui ont débarqué pour un bref congé ; puis s’y sont établis ; puis, ont laissé passer les années. Car Tanger est une rade, et qui vous enserre ; un lieu à l’abri du temps. Les jours glissent le long de vous, sans que vous les aperceviez plus que les gouttes d’écume sur une cascade. C’est ainsi, j’imagine, que passe le temps dans un monastère : sans se faire remarquer, d’un pied chaussé d’une pantoufle. D’ailleurs, les deux institutions que sont Tanger et un monastère ont un autre point commun : le fait de se suffire à soi-même. »

 

Truman Capote Impressions de voyages Gallimard® 1990

 

Extrait de :

 

Tanger, à l’entrée du plus grand bordel méditerranéen le Trou Ben Charki les femmes, appelaient le passant : «Un coup pour une pipe de kif ! Un coup pour une pipe de kif !»
LE MYTHE DE TANGER

 

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28 janvier 2018 7 28 /01 /janvier /2018 06:00
Par 2 fois j’ai failli devenir énarque : qu’est-ce qui m’a sauvé de l’enfer des « hauts fonctionnaires? »

Mes « bons amis » dès qu’ils souhaitent me disqualifier m’accolent l’étiquette infâmante de « haut-fonctionnaire », au temps de mon rapport les bordelais ajoutaient « parisien ».

 

Ni l’un, ni l’autre ne leur en déplaise et pourtant…

 

J’eu pu, en effet par 2 fois je pris le chemin pouvant me conduire à l’ENA pour vite l’abandonner.

 

Pourquoi ?

 

Qu’est-ce qui m’a sauvé ?

 

Précision d’importance : se présenter à un concours est une chose ; le réussir en est une autre. Notre Président s’y est vautré « J’ai échoué dans la matière où j’étais le plus fort : les Lettres. La vérité est que je ne jouais pas le jeu. J’étais trop amoureux pour préparer sérieusement le concours. Le cœur et la raison sont incompatibles »

 

Éric Zemmour a échoué deux fois, Najat Vallaud-Belkacem aussi, Claire Chazal, Montebourg, Cazeneuve, Besson Éric, DSK, Christine Lagarde, Henri Guaino… sont passés à la trappe.

 

Bref, moi j’ai fui l’obstacle à 2 reprises, non pas parce que j’avais peur d’échouer mais pour d’autres raisons.

 

Épisode 1 :

 

À 12 ans je convaincs, sans grand peine, mes parents de ma vocation de futur paysan instruit. Pour ce faire je rentre à l’école d’agriculture de la Mothe-Achard à 500 mètres à vol d’oiseau du Bourg-Pailler. Sacré pari puisqu’à cette époque il n’était délivré aucun diplôme agricole équivalent au baccalauréat. Il faudra attendre l’arrivée de Pisani pour que naisse le Brevet de Technicien Agricole.

 

Les frères, la Congrégation du bienheureux Louis Grignon de Montfort, les rabats bleus, m’inscrivent en 5e. En fin de 4e, le BTA naissant, d’autorité  ils scindent ma classe en 2 : ceux qui sont « tout juste bon » à passer le BTA (sic), l’un d’entre eux fera une brillante carrière à la FNSEA,  les autres, dont je suis, iront se coltiner le baccalauréat M’.

 

 

L’orientation scolaire d’autorité, les parents ne mouftaient pas. Mais, nous étions dotés d’un aumônier, l’abbé Blanchet, célèbre dans la région car il était l’auteur de pièces de théâtre qui avaient un grand succès.

 

Ce lettré était l’oncle d’un énarque, Michel Albert, fils de métayer de la Tardière, Michel Albert était sorti de l’ENA comme inspecteur des finances en 1956.

 

Un jour j’eu une grippe carabinée. L’infirmerie de l’école était située dans le château où logeait l’abbé Blanchet. Il me rendit, à plusieurs reprises, visite, j’étais le seul malade et je m’ennuyais. Nous discutions de mon avenir. Mes rêves agricoles faisait sourire l’abbé, il me déclara « Tu es fait pour être paysan comme moi pour être Pape. Fais l’ENA ! »

 

  • C’est quoi l’ENA ?

 

Explications de l’abbé, j’approuve et je me voyais déjà en haut de l’affiche. Michel Albert écrira avec JSS, patron de l’Express, plusieurs bouquins.

 

 

Ayant réussi l’examen probatoire, ex-première partie de bac, ce fut sa dernière année et je m’inscris en bac philo aux Sables d’Olonne, à l’Institut Amiral Merveilleux du Vignaux.

 

 

Bac en poche je file en Droit à Nantes.

 

Mai 68 : je jette l’ENA aux orties, être fonctionnaire, même haut, très peu pour moi.

 

Fin du premier épisode. 

 

Épisode 2 :

 

Je reviens d’Algérie en 1975, où j’ai effectué mon service national comme coopérant à l’Université de Constantine comme maître-assistant. Je laisse de côté un beau salaire de coopérant civil alors que le premier choc pétrolier a secoué le monde occidental. Trouver un job est compliqué alors je consulte mon maigre carnet d’adresses et je tombe sur Michel Albert alors DG de filiales du Crédit Agricole. Il me reçoit gentiment tour Montparnasse et me dit que mon profil pourrait intéresser le tout nouveau Directeur de la Production et des Echanges au Ministère de l’Agriculture, Bernard Auberger, le premier Inspecteur des Finances à venir trainer ses godasses dans la bouse.

 

On me fait passer par le cabinet du secrétaire d’État, Jean-François Deniau, grand ami de VGE président de la République. Je passe l’obstacle et me retrouve rue Barbet de Jouy dans le bureau du nouveau directeur, Ingénieur des Mines, il fume un havane. Je lui tape dans l’œil, il m’engage comme contractuel pourvu d’une belle appellation « chargé de mission » et d’un salaire de misère. J’ai toujours dit à mes amis que j’avais été engagé à cause de ma chemise. Mon nouveau directeur un jour me demanda où je les achetais.

 

L’intérêt de ce poste fut que j’étais en prise directe avec le patron. Ainsi pour le compte du cabinet du Ministre il m’expédia en mission en Bretagne, patrie du Ministre Bonnet, pour ausculter la filière avicole qui battait de l’aile. On m’a souvent confié des « bâtons merdeux », j’adore ça.

 

À la cantoche je côtoyais deux jeunes Ingénieurs d’Agronomie (le cran au-dessous des IGREF, la piétaille quoi) qui souffraient de ne pouvoir accéder aux plus hautes marches de l’Administration. Ces deux ambitieux s’inscrivirent à Sciences Po et me ramenèrent un dossier. « Viens avec nous ! » Ce que je fis sans grande conviction, pour voir comme au poker.

 

J’ai fait un très beau parcours à Sciences-Po, mes collègues enviaient mas notes. Ça a duré 3 mois. Pourquoi ?

 

Pour 2 raisons :

 

  • La première, vint de mon cher directeur qui m’aimait bien qui apprenant mon projet me déclara tout de go : « l’important n’est pas d’entrer à l’ENA c’est d’en sortir ». Traduit en langage populaire : en sortir dans la botte Inspection des Finances, Conseil d’État, Cour des Comptes.

 

  • La seconde, plus prosaïque en décembre je décrochai, succédant à un énarque répondant au bucolique nom de Graindorge, le poste de SG du tout nouveau ONIVIT, ce qui mettait du beurre dans mes épinards. Mon cher Directeur dépité me claqua au bec « Berthomeau vous n’allez pas tout de même aller compter les gommes et les crayons là-bas ! »

 

Fin du second épisode : mon orgueil et mon pouvoir d’achat m’ont sauvé de l’ENA.

 

Détail d’importance, mes deux collègues ont réussi le concours interne, la petite porte qui ne débouchait pas souvent sur les grands corps…

 

Enfin, comme je l’ai écrit récemment, François Villeroy de Galhau me proposa d’entrer à l’Inspection des Finances par la voie externe. Je déclinai, trop tard !

 

Je suis sans doute un peu con mais je n’avais pas envie d’entrer par la petite porte dans le cénacle  des Intouchables d’Etat   Ces hauts fonctionnaires qui sont mieux payés que Macron.

 

ICI 

Par 2 fois j’ai failli devenir énarque : qu’est-ce qui m’a sauvé de l’enfer des « hauts fonctionnaires? »

Michel Albert assureur, éclaireur et homme d'engagements 

ICI

 

 

Mort de Michel Albert

L’ancien président des Assurances générales de France (1982-1994) était un penseur économique chantre du capitalisme rhénan

ICI

 

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27 janvier 2018 6 27 /01 /janvier /2018 06:00
Le Lilian Bauchet vu par la Fleur Godart

Le Lilian Bauchet vu par la Fleur Godart

Enfant de chœur à l’église Saint Jacques le majeur de la Mothe-Achard, j’en ai fait des baptêmes, le curé en surplis empesé, l’eau, le saint chrême, le moutard en sa robe de baptême qui couine (féminin complexe), les parents, grands-parents s’extasiant, les dragées, les cloches carillonnées et, je dois l’avouer, le joli billet glissé dans nos mains avides par le géniteur du baptisé ou de la baptisée.

 

Le baptême est un rite de passage : marqué du signe de la croix, plongé dans l'eau, le nouveau baptisé renaît à une vie nouvelle. Il est devenu chrétien.

 

Vous allez me dire, qu’une fois encore, une fois de plus, une fois de trop, je vous mène sur un chemin qui ne mène nulle part.

 

Pas si sûr chers lecteurs, le concept de rite de passage pour ce « moins que rien » qu’est le vin naturel, son éventuel baptême par le clergé de l’INAO, son entrée par la grande porte dans l’univers des vins qui ont un nom de baptême, n’est-ce-pas l’exercice auquel s’est livré l'ami  Lilian Bauchet.

 

Merci à lui d’avoir confié à mon espace de liberté son jus de tête, du pur jus comme le dirait la Fleur Godart.

 

Je lui laisse la plume.

 

 

« Au hasard de mes pérégrinations sur Internet, je suis tombé récemment sur un article de la RVF qui m'a empli de joie.

 

Publié au moment des primeurs, il présente une sélection de «12 Beaujolais Nouveau Nature au top !». Enfin la RVF consacre les Beaujolais Nouveaux naturels !  ICI 

 

Rassemblées sous l'appellation « nature », on trouve de tout dans les cuvées présentées ; des cuvées levurées ou non et/ou des cuvées filtrées ou non et/ou non sulfitées ou « très peu »... Y'en a pour tous les goûts. A la vigne, la culture se veut « autant raisonnée que raisonnable ». C'est bien, on se soucie de l'environnement. Pour la distribution, nul canal n'est privilégié, cavistes, particuliers, grandes surfaces, bien dans l'esprit de partage et sans chichi des vins naturels. Y'a même des cuvées pour Carrefour, ça tombe bien le patron du groupe vient d'annoncer sa volonté de démocratiser la bio. Pourquoi pas le vin naturel ?

 

Last but not least, une des cuvées s'intitule « cuvée à la con ». Là aussi, nous sommes conformes à l'esprit de franchise du vin naturel . On dit ce qu'on fait, on fait ce qu'on dit.

 

Je ris, mais c'est pour ne pas pleurer. A peine le vin naturel commence à se démocratiser, que les naturopportunistes emboîtent le pas des bioopportunistes.

 

Faisons preuve d'indulgence, parmi les nouveaux convertis, se trouvent des vignerons qui se tournent vers les vins naturels avec sincérité et envie.

 

Mais je ne suis pas sûr que cela soit un sentiment unanimement partagé et certains endossent les oripeaux du vin naturel sans adhérer à ses valeurs, en empruntent les éléments de langage sans s'interroger sur leur sens.

 

La RVF quant à elle s'adapte. Faut les comprendre, ce n’est pas les anars et autres hurluberlus des vins naturels qui vont leur acheter des pages de pub ni participer à leur salon au palais Brongniart.

 

Zorro est arrivé

 

J'ai lu sur les réseaux sociaux que l'INAO travaillait à une définition officielle du vin naturel.

 

C'est vrai que ça part un peu dans tous les sens, et qu'un éclaircissement serait bienvenu.

 

Mes amis de l'AVN se font des nœuds au cerveau sur cette définition depuis de nombreuses années.

 

On aime bien aussi secouer le marronnier sur les réseaux sociaux, des fois qu'à l'INAO on jette un œil sur Facebook entre deux dossiers.

 

Bon, soyons direct, le vin naturel n'existe pas. Sans l'intervention de l'homme, le jus de raisin ne devient pas du vin, mais du vinaigre. Certains coquins à l'esprit espiègle me diront, que le vin naturel c'est parfois aussi du vinaigre. Ah, ah ! Ce à quoi, moi qui aime les joutes verbales, je répondrai, oui, mais pas que. Mais on en reparle sur Facebook, là on n’est pas là pour repeindre la girafe.

 

Alors si le vin naturel n'existe pas, comment l'INAO va-t-il réussir à en donner une définition officielle ?

 

Deux options, soit on tente une définition où on restreint au maximum les interventions et intrants autorisés pour aller vers le plus naturel possible. Soit on se contente d'une définition lacunaire mais qui aura le mérite de fixer un cadre et de servir de garde-fou.

 

La ligne dure est défendue par mes amis de l'AVN. Pas d'intrant, pas d'opérations jugées traumatisantes, pas de négoce. Attention, qui dit pratiques restrictives dit aussi moindre liberté d'action pour le vigneron, avec comme conséquence probable, une réticence chez ceux qui pourtant partagent l'esprit des vins naturels, à adhérer à un cahier des charges qui les contraint. Veillons à ce que cela ne débouche pas sur une sorte de contresens magistral.

 

Je ne suis pas dans le secret des dieux, mais je pense que l'INAO aura une vision moins radicale. Une définition du genre raisins bios, fermentation spontanée, pas de filtration tangentielle et pas ou peu de sulfite nous permettrait de sortir du flou artistique dans lequel nous nous enfonçons un peu plus chaque jour. Cela ne serait déjà pas si mal.

 

Un premier écueil qu'on peut déjà noter est la difficulté qu'il y aura à opérer les contrôles de respect du cahier des charges. Comment s'assurer par exemple qu'un vin a été réellement vinifié en fermentation spontanée ? Surtout si celle-ci est menée dans un chai où elle constitue une exception ?

 

Peut-être cette certification passera par une dégustation d'agrément ? Où les vins sans défaut seront recalés ! Non mais, y'a pas de raison, ils nous font assez souffrir avec ça au sein des AOC !

 

Ouvrir la boîte de Pandore

 

Faisons un détour du côté de la bio.

 

En ayant escamoté la dimension sociale de l'agriculture bio au profit d'une définition plutôt technique, en accord avec la vision technocratique de Bruxelles, les militants de la première heure de la bio sont en passe de se faire déborder. Attirés par l'appât du gain, aux distributeurs militants des origines se joignent désormais les distributeurs traditionnels de la grande distribution. Aux paysans, l'agro-industrie.

 

Alexandre Bompard, le PDG de Carrefour vient d'annoncer sa volonté de faire de son groupe le principal acteur de la « démocratisation de la bio » (ça, c'est pour sauver le monde) et la suppression de 2400 postes (ça, c'est pour les actionnaires).

 

Leclerc annonce de son côté la création de 200 enseignes spécialisées, Casino ouvre à tour de bras des magasins Naturalia (150 aujourd'hui), Auchan, vient d'inaugurer son premier magasin Auchan Bio, et Intermarché a pris une participation au capital des comptoirs de la bio. ICI 

 

Après avoir fait crever à petit feu les paysans depuis cinquante ans et encouragé l'industrialisation de l'agriculture, la GD prise d'un soudain accès de remords, se veut désormais à la pointe de la distribution d'une agriculture vertueuse.

 

La bonne blague !

 

Nous pouvons désormais compter sur eux et leurs amis de l'agro-industrie pour exercer un lobbying puissant en vue d'assouplir les règles de la bio et faciliter leur petit business. La manœuvre a déjà commencé à Bruxelles.

ICI  et ICI 

 

On conserve le logo AB qui rassure le consommateur, mais on en dévoie peu à peu le sens... Combien de temps les pousse-caddies vont rester dupes ?

 

Nous risquons de vivre bientôt des heures épiques au sujet de la bio.

 

Revenons au vin naturel. Que pouvons-nous attendre d'une définition officielle du vin naturel par l'INAO ? Débordera-t-elle du cadre purement technique pour embrasser la forte dimension éthique et sociale que porte en elle la notion de vin naturel ?

 

Comme pour l'agriculture bio, nous pouvons sérieusement en douter. Ne risque-t-on pas dès lors d'ouvrir la boîte de Pandore?

 

Car une fois cette réglementation officielle établie, il faut être bien naïf pour croire que les gros faiseurs du vin ne seront pas en capacité d'y répondre immédiatement. Bon, les groupies du vin naturel, je suis désolé mais il faut que je balance une info qui va vous faire mal au ventre. Les vins naturels ne sont pas l'apanage de quelques vignerons artistes de la vinification. L’œnologie, ses techniques poussées et sa pharmacopée sont une invention récente, avant elle, tout le monde vinifiait de la sorte, même le grand-père de Gérard Bertrand.

 

Avec in fine, un volume de vins dûment et conformément estampillé nature sur le marché autrement plus important que celui que nous connaissons aujourd'hui.

 

Nous pouvons même craindre une évolution de la réglementation dans le sens de leurs intérêts, une fois celle-ci dans le giron de nos institutions.

 

Nous ne retrouverions alors dans la même spirale infernale que celle de l'agriculture bio.

 

Certes, les vrais amateurs ne s'y tromperont pas. Mais le vin naturel doit-il être réservé à un seul cercle d'initiés ?

 

Les raisons du développement du vin naturel

 

Quelles sont les raisons du succès croissant du vin naturel ?

 

On le doit à l'opiniâtreté des vignerons pionniers, on le doit à celle de leurs distributeurs qui se battent pour imposer à leurs clients les vins naturels. On le doit au goût singulier de nos vins, réel ou fantasmé, peu importe. On le doit à une volonté du consommateur d'une viticulture plus vertueuse.

 

Mais on le doit aussi à l'arrivée d'Internet, qui a rendu possible l'émergence d'une parole libre, loin de la communication papier et institutionnalisée ronronnante et exercée prioritairement au profit de ceux qui ont le portefeuille bien garni.

 

Tous les codes de la communication autour du vin ont volé en éclat, pour une approche plus décomplexée.

 

Chacun est devenu libre de ses choix et n'a pas à s'en justifier. On entre plus dans le vin comme on entre en religion, on pousse la porte d'un bar à vins, et le « je n'y connais rien » du béotien un peu honteux disparaît peu à peu au profit d'un enthousiasme décomplexé à découvrir l'univers du vin.

 

Certes, on y observe parfois les mêmes comportements moutonniers que ceux qui nous amenaient à acheter les guides papier où les prescripteurs nous délivraient la bonne parole et nous guidaient sur le chemin. Sauf que sur Internet, la foule des prescripteurs est innombrable et désintéressée. On s'y perd un peu comme on peut s'y perdre dans tout autre domaine. Mais ne croyons-nous pas que notre libre arbitre s'est vu puissamment décuplé depuis l'arrivée d'Internet ? Pourquoi cesserions-nous de confier la destinée du vin naturel à ce bouillonnement ? C'est à lui qu'on doit en partie l'émergence du vin naturel, c'est à lui, bien mieux que tout logo, tout cahier des charges d'entretenir la flamme qu'il a allumé.

 

Comme une couille dans le pâté

 

Les amateurs de vins naturels savent quelles batailles ont dû mener les vignerons pionniers acteurs du renouveau du vin naturel auprès du public, mais aussi auprès des institutions.

 

Ils quittèrent pour la plupart, de gré ou de force, les AOC pour les Vins de France où ils trouvèrent un cadre moins normatif et moins restrictif, plus propice à l'expression de leurs convictions et de leur vision du vin, mais ils le firent à une époque où l'on considérait les Vins de France comme le pire de ce que la viticulture pouvait produire !

 

On imagine le parcours du combattant qu'ils durent réaliser pour imposer leurs vins.

 

Cette épopée à la marge participe de l'esprit underground du vin naturel et n'est pas étrangère à son succès.

 

Comment peut-on alors accepter qu'une définition du vin naturel soit encadrée par nos institutions quand les vignerons à l'origine du succès du vin naturel n'ont eu de cesse de se battre contre elles pour imposer leur vision ? Y'aurait pas là comme une couille dans le pâté ? (Pour reprendre une expression vendéenne ICI , on est sur le blog de Jacques Berthomeau, on a le droit.)

 

Ceci dit, cela ne sera pas à nous d'en décider, si l'INAO veut le faire, il le fera.

 

Peut-être nous faudra-t-il alors réinventer un vocabulaire différent, moins équivoque pour parler de nos vins. Un de mes amis dit de ses vins qu'ils sont libres. Si cela reste trop vague, cela reflète mieux pour moi l'état d'esprit qui anime ceux qui les font et ceux qui les boivent.

 

Je n'ai pas d'idée d'une appellation vraiment éclairante. Si quelqu'un voit la lumière ?

 

Note de l’ex-enfant de chœur : peut-être faudra-t-il que le vin naturel attende encore un peu pour être confirmé (la Confirmation dans l’Eglise catholique, on la reçoit après l’âge de raison. C’est l’évêque qui, de manière ordinaire, célèbre ce sacrement : il manifeste ainsi le lien avec le don de l’Esprit aux apôtres au jour de la Pentecôte et la place des confirmés dans la communion de toute l’Église. C’est lui qui réalise l’imposition des mains.)

 

Le vin naturel a-t-il atteint l’âge de raison ?

 

La question reste ouverte, à ceux qui ont des lumières d’y répondre.

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26 janvier 2018 5 26 /01 /janvier /2018 06:00
Photo d’Armand Borlant ®

Photo d’Armand Borlant ®

À Saint-Émilion mon ami François était une institution avec son Envers du décor, enfant du pays, il cassait les codes, bousculait les ego, aubergiste avenant, vigneron original, grand conteur et plume acérée ; j’écris était parce le François s’est fait la malle, il a quitté son Saint-Émilion.

 

Pour ceux d’entre vous qui souhaitent en savoir plus sur François lisez ce que j’écrivais le 21 août 2009François des Ligneris ou L’® de rien qui en dit long sur le vin ICI

 

François vient de nous écrire je vous livre sa lettre qui n’a rien de personnelle :

 

Chers ambassadeurs de mes vins,

 

 

En ce début d’année 2018, permettez-moi de vous présenter mes meilleurs vœux, des vœux aux mains ouvertes et pleines d’espoirs !

 

En ce début d’année 2018, je viens aussi vers vous pour vous transmettre quelques informations…

 

Vous le savez sans doute, en février dernier, j’ai cédé mon restaurant L’Envers du Décor à mes voisins Chantal et Gérard Perse, propriétaires du Château Pavie et du Relais & Châteaux L’Hostellerie de Plaisance aux deux macarons Michelin.

 

J’avais ouvert L’Envers du Décor en Février 1987, trente ans avant de le céder après plus d’un million de personnes servies en ce lieu. Ces trente années furent source de grandes joies, de beaucoup de très belles rencontres, d’innombrables instants de partage… Il demeure en moi des souvenirs que le temps n’effacera pas ! C’est avec passion que je me suis investi dans cette belle aventure. Chantal et Gérard souhaitaient compléter leur offre gastronomique à Saint-Emilion et j’ai donc accepté avec joie qu’ils prennent le relais de mon long et beau parcours en ces lieux.

 

N’étant plus vigneron depuis quelques années déjà et n’étant maintenant plus aubergiste à Saint-Emilion, j’ai décidé de quitter cette cité aux évolutions humaines et touristiques de plus en plus éloignées de mes valeurs personnelles (certains qui me connaissent bien vont dire que je deviens très diplomate avec l’âge. Il y aurait, en effet, d’autres façons moins délicates de dire les choses !...).

 

Je viens de faire l’acquisition d’une petite île avec une maison et des bâtiments industriels sur la Seugne à Pons (Charente-Maritime) et vais essentiellement vivre en ce nouveau lieu. C’est là que je vais travailler pour de nouvelles activités professionnelles (constituer une large famille d’acteurs du monde agricole et alimentaire autour de la notion de respect) et personnelles (mise en place d’un lieu avec ma collection personnelle d’art contemporain : sculptures, dessins, tableaux).

 

Ludovic Migeon, mon assistant pendant vingt ans et avec qui vous étiez en relation directe est maintenant l’assistant de mon ami Pierre Chariol de l’excellent Château de Lescours (Saint-Emilion grand Cru). Du fait de mon départ de Saint-Emilion, de mon amitié avec Pierre et de la présence de Ludovic à ses côtés, nous avons décidé que la diffusion des vins qu’il me reste à commercialiser se fera grâce à une société de négoce de vins que Pierre possède en plus de son domaine viticole.

 

Du fait du travail important qui m’attend pour mes nouvelles activités, je dois prendre toutes les dispositions nécessaires pour pouvoir consacrer mon temps et mon énergie à un nombre relativement limité d’occupations… Garder la diffusion de mes vins ne m’aurait pas permis de pouvoir me consacrer pleinement à mes nouveaux projets. Aussi, sauf avis défavorable de votre part, je me permettrai de transmettre à Pierre et Ludovic votre contact email afin qu’ils puissent vous transmettre les disponibilités et les tarifs en cours pour mes vins. Je souhaiterais que Pierre puisse aussi vous transmettre les propositions pour sa propre gamme de vins. Depuis de nombreuses années, L’Envers du Décor avait toujours un vin du Château de Lescours prêt à être servi au verre aux amateurs. Nous étions, chaque jour et avec bonheur, les ambassadeurs des vins du Château de Lescours à Saint-Emilion. Je ne pouvais alors nullement savoir qu’un jour, Pierre serait au service de mes vins pour les distribuer avec l’aide précieuse de Ludovic. Tout cela est vraiment « Une Affaire de Familles »…

 

Si vous le souhaitez, vous pouvez dès à présent prendre contact avec Ludovic au Château de Lescours :

 

Téléphone : 05-57-24-74-75

 

Email : contact@chateaudelescours.com

 

J’espère que ma proposition recevra votre accord. Je serais très heureux de garder, par mes vins, un lien avec vous et heureux aussi que les vins du Château de Lescours puissent agréablement se joindre aux bouteilles déjà présentes en votre cave !

 

Vous remerciant de votre confiance et de votre fidèle soutien, je vous prie de croire en l’expression de mes meilleures salutations,

 

François des Ligneris

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25 janvier 2018 4 25 /01 /janvier /2018 06:00
Les vieux cépages comme les papys font de la Résistance… André Dubosc en tête

Pour des raisons que je vous expliquerai lundi j’ai passé le petit braquet, je me ménage.

 

D’autres que moi sont en capacité de vous intéresser sur des sujets d’actualité alors bien volontiers je leur confie la plume.

 

Les vieux cépages reviennent dans le rang (1)

par Yann Kerveno.

 

Réchauffement climatique, pression sociale, marketing évolutif, la vigne est sous le coup d’une intense pression. Face au temps long de la plante, s’empilent les défis pour les vignerons et les chercheurs. Mais l’avenir de la vigne passe, en partie, par son passé déjà lointain.

 

« Les vignes sont consciencieusement plantées entre des haies de roseaux. Le marin pousse sur la côte une nébulosité diffuse qui gomme le bleu du ciel si cher à Bataille. Au loin, deux hommes avancent doucement entre les rangs, s’arrêtant sur certains ceps, sans logique apparente. Pour y rester plantés un moment. Je les vois consulter des documents, échanger entre eux un instant, puis reprendre leur marche dans le sable. Vigneron isérois, Nicolas Gonin est venu avec un collègue pour « réviser » et mettre à l’épreuve ses connaissances d’ampélographe 1. Les vignes qu’il parcourt avec tant d’attention sont celles du domaine de Vassal, à quelques kilomètres de Sète où l’Inra prend soin d’une des collections de vignes (au sens large) les plus importantes du monde. Dans la salle de l’herbier, des classeurs, des armoires, des dossiers, des fiches… 8 000 accessions, éléments en collection (porte-greffes, cépages, hybrides producteurs directs, Vitacées, lambrusques…) sont décrites dans cet herbier unique. »

 

La suite ICI 

 

Vieux cépages : La renaissance (2)

 

« À deux doigts de la disparition, les vieux cépages sont aujourd’hui sauvés par le contexte. L’union de coopératives Plaimont a entrepris depuis la restauration de certains de ces cépages qui présentaient un intérêt particulier. Le premier à avoir été sauvé, c’est le manseng noir une curiosité dans cette Gascogne où les blancs sont rois. « C’était intéressant pour nous de pouvoir retrouver un cépage local, rouge de surcroît, pour compléter la gamme des Côtes de Gascogne » détaille-t-elle. A partir d’un pied sauvé – il n’en existait plus que quelques-uns – le patient travail de restauration a permis de remettre le cépage en culture et de développer une cuvée spécifique autour de lui. Moonseng, c’est le nom du vin réalisé, est pour l’instant élaboré par un assemblage manseng et merlot, la part de ce dernier étant vouée à se réduire à mesure que les vignes nouvellement plantées entrent en production. Avec, depuis son lancement, une rupture de stock à chaque millésime pour les dizaines de milliers de bouteilles mises en marché. La parcelle de Sarragachies a également livré un sujet prometteur, appelé tardif parce qu’il est un peu fainéant à mûrir et qu’il expose ainsi ses raisins à la rigueur des premiers grands frimas lorsque l’automne s’avance. »

 

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Vieux cépages, création variétale, résistance… (3)

 

« Le domaine de Vassal, pierre angulaire de ce travail de conservation-rénovation, ne prend pas en charge que les cépages anciens, les accessions ont aussi changé en partie de nature ces dernières années : « En moyenne, nous procédons à 80 introductions par an. Cette année, nous en avons fait 120 parce que nous avons eu une série importante d’hybrides et de géniteurs de résistance », témoigne Cécile Marchal. Des cépages qui ne deviendront pas des variétés commerciales mais des supports pour le développement d’autres variétés.

 

La résistance aux maladies est bien l’autre sujet qui agite le monde de Vitis vinifera 1, pointé chaque semaine par les médias spécialisés. Avec en ligne de mire, la diminution du nombre de traitements pour répondre aux préoccupations des consommateurs mais aussi aux inquiétudes sur la santé des vignerons, et la nécessaire adaptation au changement climatique… Courant septembre, le riche vignoble de Cognac a ainsi levé le voile sur les travaux menés depuis l’an 2000 dans cette direction. « Après les premiers travaux, nous avons planté une parcelle de 43 accessions en 2008 et nous sélectionnons à partir de là quatre pieds qui nous semblent prometteurs. En 2015, nous avons pu faire les premières vinifications, puis nous allons les tester à la distillation. Si tout se passe bien, nous espérons pouvoir les faire inscrire en 2022 pour qu’ils soient disponibles pour nos vignerons entre 2030 et 2035 » augure Jean-Bernard Larquier, président du Bureau national interprofessionnel du Cognac. Mais l’ensemble du monde viticole français est porteur de cette demande. Une commission y fut consacrée lors du congrès commun de la vigne en juillet à Bordeaux. Sous la pression de la filière, une douzaine de variétés dites « allemandes » ont été classées pour la culture et la production de vin en France juste avant l’été. » 

 

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24 janvier 2018 3 24 /01 /janvier /2018 06:00
Non aux plats de punition à prix flagellant vive le méli-mélo d’oreilles, de joues, de museau de cochon : Sisig en philippin.

François Simon a la plume assassine avec la volaille germanopratine :

 

« On retrouve là une population bien spécifique, éludeurs de sujets, éviteurs de bouffe, laines d’Ecosse 2018, soldes privés Caravane, fausses Sarah Lavoine… C’est un petit bijou de clientèle, tournant autour du pot, demandant que les nourritures ne gigotent pas, que, par pitié, elles restent là où elles sont. Dans l’assiette, donc :

 

« Des plats de punition, réduits au minimum, à prix flagellant, comme ce bol d’épinards, radis noir, graines de courge, avocat et poulet (14,50 €). Ne soyez pas effrayés, malgré l’intitulé, il n’y a quasiment rien dans le bol, pas même de goût, si ce n’est le poulet, avec sa petite saveur de frigo.

 

lorsque l’on sort, on a la radieuse sensation de n’avoir pas mangé, d’être resté dans l’entre-soi, grâce aux additions capitonnées.

 

Ça va faire plaisir au bedonnant de Barcelone, qui ne met jamais les pieds à Paris, ce qui ne l'empêche pas de nous baver dessus, lui qui n’aime rien tant les pieds de cochon ; moi aussi les amis c’est pour cette raison que ce matin, face à cette nourriture de pénitence pour anorexiques, j’ai décidé de promouvoir un plat populaire d’origine philippine : le Sisig !

 

Le sisig, c'est un plat au goût umami. Ce cinquième goût au nom japonais est donné par l'acide glutamique. On le retrouve dans le fromage, les champignons, les tomates mûres et beaucoup de plats asiatiques. Assez difficile à décrire pour les occidentaux, cette saveur serait responsable de notre plaisir insatiable à consommer des aliments comme le bacon, les frites ou le fromage. Umami signifie "délicieux" en japonais.

 

Le sisig. "Je pense que le sisig est parfait pour se faire une place dans les cœurs et les esprits du monde entier", poursuit le chef.

 

Le sisig, qu'est-ce que c'est ?

 

DONDI TAWATAO / REUTERS
Ce plat philippin à b

 

C’est du porc, du porc et du porc…

 

C’est surtout un méli-mélo de porc. « Le sisig est un hachis de porc fait avec les oreilles du cochon, les joues et le museau", explique Philippe Garcesto, directeur d'un restaurant philippin new-yorkais. Ajoutez-y aussi un peu de foie et de langue de porc parce que pourquoi pas.

 

Avant d'être servi dans votre assiette avec du riz à l'ail, ce mélange de bouts de cochon est bouilli, grillé, frit puis servi chaud avec un œuf cru par-dessus.

 

 

Comment faire du sisig

 

Originaire des cuisines de Pampanga aux Philippines, le sisig est un plat composé de morceaux de viande de porc qui sont cuits dans de l'eau bouillante avant d'être grillés puis frits avec des épices, du jus d'ananas et des légumes. Pouvant être servi à l'apéritif ou comme plat principal d'un repas, le sisig est aujourd'hui une spécialité populaire que l'on peut trouver dans de nombreux pays du monde. L'élaboration de ce mets se fait en 2 temps : la cuisson de la viande et la préparation du sisig (un mélange de différents ingrédients).

 

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23 janvier 2018 2 23 /01 /janvier /2018 00:06
Louis Aragon au congrès de l'Union de la gauche du 1er décembre 1972. © Gilles Peress/Magnum Photos

Louis Aragon au congrès de l'Union de la gauche du 1er décembre 1972. © Gilles Peress/Magnum Photos

« Le baron Philippe est l’arrière-petit-fils de Nathaniel de Rothschild (branche anglaise). C’est lui qui acheta en 1853 la propriété de Mouton qui a fait de Philippe un vigneron prospère. Toujours fastueux, il nous invita à y passer trois jours.

 

 

Le château de Mouton – nom qui dérive, aime à dire son propriétaire, du vieux mot français « mothon », signifiant « petite colline » – est situé en plein cœur du Médoc, cette bande de terre à gauche de la Garonne d’où jaillissent les plus célèbres vins du monde. Nous y arrivâmes par un de ces jours glorieux de septembre, le soleil se couchant au ras des vignes tirées au cordeau, soignées comme un jardin à la française, qui enserrent le château. Autrefois, un chemin communal coupait le domaine. Le baron – ce qui n’est pas donné au commun des mortels – l’a racheté à la municipalité. Tout aujourd’hui est « d’un seul tenant » pour obéir à cette obsession des grandes familles rurales. Au centre, Petit-Mouton est une bâtisse romantique à véranda dont la laideur début de siècle se trouve cachée par la vigne vierge et des cèdres exubérants. Nous coucherons dans les communs, les anciennes granges de la ferme attenante somptueusement transformée ; l’un dans la « chambre chinoise », l’autre dans la « chambre aux singes » (1)

 

À peine sommes-nous descendus de voiture que Philippe de Rothschild nous convie à sa piscine, couverte et chauffée, où nous apprenons entre deux brasses le nom des autres invités, dont un membre du bureau politique  du Parti communiste français : Louis Aragon, rencontré lors d’un précédant voyage… Nous reconnaîtra-t-il en ces lieux ?

 

Nous serons fixés le soir même, au dîner. En djellaba et mules de tapisserie, le baron accueille ses invités. Aragon fait son entrée le dernier, le regard bleu vacille un instant… dira, dira pas, Finalement il jette à l’un d’entre nous : « Celui-là, je le connais… » On passe à table, couverte de bouquets savamment dressées par une décoratrice florale préposée à cette tâche. À côté de chaque convive, le menu dont, pour votre édification nous citerons les vins : avec l’entrée, un cheval-blanc 1959, avec le rôti, mouton-rothschild 1949 et 1916 (celui-là, quel souvenir !) et, avec le dessert, yquem 1921.

 

La conversation se déroule de façon un peu chaotique parce qu’Aragon, qui se veut le centre d’intérêt principal de la soirée, devient sourd, ce qui oblige Philippe et ses invités à crier et rend difficile le dialogue. À cause de cette infirmité ou par choix délibéré, le poète est parfois absent, d’où une atmosphère un peu irréelle. À quelques traits, on voit cependant apparaître certaines réminiscences de son époque surréaliste : « est-ce que vous connaissez la talmouse ? » demande Aragon au passage d’un plat. (2) « Est-ce qu’on peut en emporter la peau pour faire une descente de lit ? » répond Rothschild sur le même ton guilleret. Aragon : « ce n’est pas un animal, c’est un plat. » « Qu’est-ce qu’il y a dedans ? » demandent les autres. « Vous le saurez en mangeant », conclut Aragon.

 

Peu avant le dessert, la conversation devient politique. À une allusion de Rothschild qui semble impliquer les communistes, Aragon lance superbe : « Tu ne connais pas la cause que je sers ! »

 

Il est ensuite, question de la dernière guerre. Le poète qui, avant qu’elle ne fût déclenchée, « conchiait l’armée française » dans un texte célèbre, évoque aujourd’hui ses souvenirs farfelus d’adjudant-médecin et de confident du colonel de son régiment ; « un officier très convenable » : « Au fond, j’aimais assez le milieu militaire. »

 

Comme dans bien des conversations mondaines, on saute les époques et l’on en vient à Malraux : Aragon raconte que Malraux, à la Libération, était persuadé qu’il le recherchait dans tout Paris avec un pistolet pour l’abattre. « Quand il était Ministre de la Culture, nous nous sommes vus souvent en secret, chez Gallimard. » Un silence, puis avec le sourire du mystificateur qu’Aragon redevient ou qu’il n’a jamais cessé d’être, il ajoute : « J’ai pu dissiper  cet affreux malentendu… »

 

Autre histoire, celle de la visite de Brejnev à Paris : « J’ai eu avec lui un entretien particulier de vingt minutes. Les ambassadeurs, les membres du Bureau politique faisaient le pied de grue, dans les salons. Un camarade n’a pas supporté cet aparté et s’est précipité pour l’interrompre, c’était Jeannette Vermeersch. Brejnev lui a dit « Attends, camarade, je n’en ai pas fini avec Louis Aragon ! »

 

Après le dîner, nous passons au salon : celui de Petit-Mouton est Napoléon III. Rouge étouffant des rideaux, au sol un gigantesque tapis de la Savonnerie représente « Badinguet » et la reine Victoria, se donnant la main pour célébrer l’avènement du libre-échange et le traité de commerce franco-anglais. Aux murs, l’arrière-grand-père Nathaniel et Philippe en garçonnet. Aragon, assis dans un fauteuil crapaud contemple l’assistance et le décor et lance à Philippe : « Ça donne envie de jouer aux billes. » Suit un numéro où il est question de découvertes faites chez les antiquaires. Avec un soupir, le poète déclare : « c’est difficile de rivaliser avec toi. Je n’ai qu’un seul objet – une statuette de l’époque de Cromwell – qui m’a été donnée par une admiratrice. Je l’avais découverte dans une boutique, mais son prix dépassait mes possibilités. Un mois plus tard, je reçois une lettre avec la statue : « Maître, je n’avais pas compris qu’elle vous intéressait. Prenez-la ! »

 

La soirée terminée, nous regagnons nos chambres où nous retrouverons notre linge repassé, nos boutons recousus – et nos esprits. Où étions-nous ! Ailleurs », assurément. Mais n’est-ce pas toujours ainsi chez les Rothschild, et cela dès la naissance ? »

(1) la dénomination des chambres du château est fonction de leur décor : papier, tentures, mobilier;

 

(2) le sieur Poireau sait !

 

André Harris et Alain de Sédouy Les Patrons Seuil 1977

 

 

André Harris commence sa carrière comme journaliste à Europe 1 en 1960. Il rejoint l'ORTF en 1963 pour diriger le service politique du journal télévisé. Là, il rencontre Alain de Sédouy, son compère de toujours (on dira «Harris et Sédouy» comme Laurel et Hardy), avec lequel il conçoit un magazine baptisé Zoom. Le tandem bouillonne d'idées. Mais ces idées butent sur le conformisme ambiant. Nous sommes dans cette période pré-soixante-huitarde de la France qui s'ennuie, qui remâche l'histoire officielle, exalte une mythologie lénifiante de la France résistante. Les deux hommes rêvent de remuer le traitement de l'Histoire à la télévision. Ils veulent rompre avec son travers héroïsant. Ils travaillent sur une série qui raconterait l'histoire contemporaine aux français. Mais ils ont à peine lancé un épisode, Munich ou la paix pour cent ans, réalisé par Marcel Ophuls, que Mai 68 arrive. C'est là que Harris et Sédouy se font «virer à grands coups de pied dans le cul». «A l'époque, expliquait Harris à Libération en 1995, le pouvoir ne savait pas bien manipuler la télévision. Pour de Gaulle c'était une niaiserie moderne, peut-être n'avait-il pas entièrement tort d'ailleurs.»

Après son «éjection» de l'ORTF, la traversée du désert aurait pu être longue. Mais Harris n'est pas homme à scruter l'horizon en attendant les Tartares. Dès 1969, poursuivant l'obsession faulknérienne du «passé qui n'est pas passé», il entame l'écriture du Chagrin et la Pitié avec Marcel Ophuls, en Suisse. Ce documentaire, qui subvertit la version officielle de l'histoire de France sous l'Occupation, sort en salles en 1971. Il choque. «Pas tellement les résistants qui étaient bien placés pour savoir, disait Harris, mais plutôt ceux qui préféraient qu'un brouillard épais demeure sur cette période.» Le film ne passera à la télévision qu'en 1981, après l'élection de Mitterrand. Entretemps, il réalise d'autres oeuvres maîtresses comme le fameux Français, si vous saviez (1972), qui a scotché devant leur écran une génération de téléspectateurs fascinée par cette chronique sociale et historique, puis Pont de singes (1976) et les Enracinés (1981).

 

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22 janvier 2018 1 22 /01 /janvier /2018 06:00
Merci à Actes Sud de m’avoir envoyé « Le Goût des pesticides dans le vin » désolé ce n’est pas ma tasse de thé car je n’y ajoute pas du glyphosate !

Je lis beaucoup, ça me laisse peu d’espace pour m’intéresser à ce genre de livre ; mon combat contre l’abus de pesticides me le permet.

 

Peut-être le lirais-je un jour ?

 

Je ne sais !

 

Cependant j’ai glané sur Face de Bouc le point de vue de Nicolas Lesaint du château Reignac, qui, lui, l’a lu, et l’interview à Atabula du sieur Jérôme Douzelet, l’un des auteurs « Les pesticides sont devenus des ingrédients du vin »

 

Je  vous les livre sans commentaires.

 

 

« La tendance actuelle est claire, elle est aussi porteuse d’intérêts financiers pour ceux qui surfent sur sa vague diabolique. Elle vous soulève vous emmène un temps au-dessus de la mêlée vous donnant certainement une aura médiatique qui doit faire vibrer des égaux démesurés. Un article, une interview, une émission en prime time, un livre, quoi de mieux pour enfin espérer avoir son moment de gloire? Et tant pis si la bêtise l’emporte sur la rationalité du sujet défendu, c’est gagné on y est, on est sur l’estrade de la gloire, on affirme son appartenance et on existe dans l’univers du buzz…

 

C’est certainement ce que Jérôme essaye de faire aujourd’hui, à sa manière… Voulant donner son petit coup de poing à lui au bout de ses petits bras musclés, il a écrit un livre, que dis-je il a écrit LE livre… Alors maintenant il faut préparer sa sortie et jouer du teasing histoire de donner l’envie de se ruer sur l’ouvrage admirable pour que brille l’aura médiatique. Donc une interview…

 

A oui, suis-je bête j’ai oublié de vous donner le titre de l’ouvrage scientifique abordant LE sujet d’actualité de la profession que j’ai choisi: ” Les pesticides sont devenus des ingrédients du vin” (de Jérôme Douzelet)

 

Le garçon s’est ici posé la question de savoir quelle est “l’odeur des pesticides”… J’ai envie de dire ouvre un bidon de Rotenone de folpel, de cymoxanil ou un sac de soufre, respire à fond et tu sauras… Mais je ne voudrais pas que l’on m’accuse d’avoir voulu empoisonner l’animal chose que la bestiole en question ne s’est peut-être pas retenu de faire si j’en crois les quelques phrases de cette interview que l’on peut croiser un peu plus loin.

 

Pendant deux années il a fait goûter des pesticides (lesquels? mystères vous le saurez en achetant l’ouvrage…) dilués dans de l’eau à des doses identifiées dans des vins… Pour faire quoi en fait? S’habituer? S’immuniser? Nan vous pensez bien, pour pouvoir les retrouver dans des vins à leurs doses d’analyses, de traces, des doses que seuls des machines ultra perfectionnées sont capables de trouver. Mais Jérôme lui le sait il le pourra. Et Bingo c’est gagné.

 

La suite ICI 

Jérôme Douzelet : « Les pesticides sont devenus des ingrédients du vin

 

17 janvier 2018  À LA UNE, ÉDITION, OPINION

 

C’est un livre coup de poing qui, espérons-le, va secouer le cocotier des inconditionnels des pesticides. « Le Goût des pesticides dans le vin » montre que les pesticides ne font pas que tuer le vin : ils modifient directement son goût. Gilles-Éric Séralini, professeur spécialise des OGM et des pesticides, et Jérôme Douzelet, cuisinier responsable et engagé, ont réalisé de nombreux tests gustatifs avec quelques spécialistes du goût. Les résultats sont édifiants. Entretien avec Jérôme Douzelet.

 

  • Atabula – Pourquoi avoir écrit un livre sur le goût des pesticides ?

 

  • Jérôme Douzelet – Ce livre a vu le jour car j’ai une vraie passion pour le vin et la vigne. J’ai entendu parler des personnes qui sont des « nez » et qui sont capables de repérer les polluants dans une ville. Avec le professeur Gilles-Éric Séralini, nous nous sommes posés la question de l’odeur des pesticides. Il n’en a pas fallu plus pour réfléchir à comment aborder cette délicate question.

 

  • Et comment avez-vous pratiqué pour faire émerger les goûts des pesticides qui se trouvent dans le vin ?

 

Nous avons commencé en janvier 2015, et ce pendant deux ans, à faire goûter les pesticides de façon isolée, dilués dans de l’eau aux doses où ils ont été identifiés dans les vins. Les tests ont été réalisés à l’aveugle avec des vignerons et des personnes réputées pour leur palais. Le rôle d’Anne-Claude Leflaive a été important, elle nous a donnés beaucoup d’énergie pour mener nos travaux à terme.

 

La suite ICI 

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21 janvier 2018 7 21 /01 /janvier /2018 07:00
La mort fait vendre, l’art de la nécrologie, les blogueurs vin l’ont bien compris.

Après avoir tourné les dernières pages de La saga des Coughlin, atteint la dernière : 1694, posé le pavé, j’ai consulté sur mon petit crapaud ma boite mail, mes comptes Face de Bouc et Twitter.

 

Gérard Collomb @gerardcollomb

 

Paul Bocuse est mort, la Gastronomie est en deuil.

Monsieur Paul, c’était la France. Simplicité & générosité. Excellence & art de vivre.

Le pape des gastronomes nous quitte. Puissent nos chefs, à Lyon, comme aux quatre coins du monde, longtemps cultiver les fruits de sa passion. »

 

Normal Collomb fut maire de Lyon.

 

bernard pivot @bernardpivot1

Avec la mort de Paul Bocuse, la poularde n'est plus demi-deuil, elle est inconsolable et en grand deuil.

 

Normal Pivot est né dans le Beaujolo qui coula à flot à Lyon

 

C’est le déluge, ça dégouline de partout, et Claude Askolovitch @askolovitchC résume assez bien mon sentiment :

Je ressens, pauvre Bocuse, comme une indigestion de perte, de deuils, d'hommages nationaux et d'odes au meilleur de la France qui nous quitte.

 

Passons puisque les réseaux sociaux sont des tuyaux rien d’étonnant tout un chacun y va de son complet plus ou moins bien tourné.

 

Tout le monde s’y met :

 

In Memoriam Paul Bocuse

 

20/01/2018 par Les 5 du Vin ICI 

 

Il inventa le chef.

20/01/2018 par ideesliquidesetsolides. ICI 

 

Pourquoi donc cet appétit pour la nécrologie ?

 

« Le sujet passionne les Anglo-Saxons. Depuis 1995, l'anthologie annuelle des meilleures nécros, publiée par le Daily Telegraph, figure régulièrement dans les meilleures ventes de livres. Au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, les grands de ce monde ne sont pas les seuls dont on célèbre la vie. Les personnalités locales - un homme d'affaires, un gangster, une philanthrope - ont droit eux aussi à cet hommage.

 

Les nécros sont même devenues une arme dans la lutte entre quotidiens. «Au milieu des années 1980, quand les quotidiens de qualité se sont lancés dans la course pour accroître leurs parts de marché et trouver un plus éditorial, note The Economist, le potentiel inexploité des nécrologies, source d'histoires passionnantes sur le plan humain, a été découvert.» La mort fait vendre.

 

Tous les grands journaux ont alors recruté des plumes. Jamie Fergusson, un ancien spécialiste des livres anciens, engagé par The Independent, et son collègue du Telegraph, Hugh Massingberd, ont transformé le genre. «Grâce à eux, les nécros ont un style moins ampoulé, elles ont souvent de l'humour, explique Carolyn Gilbert. Et elles reflètent au plus près la vérité sur la vie du défunt.» Au point d'être parfois un peu trop explicites. Un ancien ministre britannique a ainsi été décrit comme «pingre» et comme «un orateur médiocre, dépenaillé». Avantage des nécros: le sujet n'est plus là pour s'offusquer. »

L'art de la nécrologie
 Par Stehli Jean-Sébastien, publié le 

 

Daniel Druet sculpteur

Daniel Druet sculpteur

Première question: qu’est-ce qu’une nécrologie dans un média?

 

C’est un texte qui ne se contente pas d’énoncer des faits (date de naissance et de mort, principales actions notables du défunt, circonstances de son décès), mais qui entreprend un travail complexe d’inscription dans un rapport au passé –qui il a été, pourquoi il a compté, en quoi il a joué un rôle significatif— et au présent –ce qu’il convient d’en garder, en quoi, même mort, il est «toujours là», par ce qu’il laisse et ce qu’il symbolise (voir, sur cet aspect, dans la revue Questions de communication, l'article d'Alain Rabatel et Marie-Laure Florea, «Re-présentations de la mort dans les médias d’information», et, de Marie-Laure Florea seule, «Dire la mort, écrire la vie. Re-présentations de la mort dans les nécrologies de presse»).

 

Contradiction entre nécrologie et critique

 

Deuxième question: dans quelle mesure le rédacteur d’une «nécro» est-il supposé faire part de son opinion personnelle, même quand elle est négative ou mitigée à propos de la personne disparue?

 

La seule réponse honnête est : cette opinion personnelle transparaîtra de toute façon, dès lors précisément que la nécrologie n’est pas un pur exercice mécanique, la rédaction d’une dépêche formatée, mais la construction par un rédacteur d’un lien entre le mort et les vivants.

 

Cette question, qui concerne toutes les personnalités disparues (politiques, savants, grands patrons…) se complique lorsque le mort était connu pour ses  activités dans un domaine qui relève de la critique. Comment un critique, qui a eu l’occasion de dire à de nombreuses reprises le peu d’estime qu’il portait aux œuvres du défunt, se mettrait-il à en rédiger un portrait élogieux? Sauf à affirmer qu’il convient de toujours dire du bien des morts. A cela, il n’y a pas de réponse absolue: une nécrologie réservée ou négative peut être pénible pour les proches ou les admirateurs, mais la raison d’être d’un article dans un média n’est pas de contribuer au travail de deuil des proches.

 

On est là en face d’une véritable contradiction. La nécrologie est un exercice qui a une fonction importante de construction du «commun», elle est une des formes modernes de pratiques archaïques du rapport aux morts –plutôt qu’à «la» mort. Il y a de la pensée magique (formule employée ici sans la moindre ironie) dans l’injonction de ne pas dire du mal des morts, mais au contraire de se réunir autour d’eux.

 

L’écriture critique est, elle, une manifestation de la revendication moderne du moi, de la subjectivité. Cette manifestation n’est pas un acte d’égoïsme ou d’arrogance, contrairement à ce que proclament les contempteurs des journalistes de Télérama et de L’Express, mais la possibilité, à partir du partage de son propre ressenti et de ce qu’on est capable d’en écrire, d’ouvrir à d’autres leurs propres réflexions, leurs propres constructions de sens. Qui a dit qu’il y avait une résolution générale à toutes les contradictions?

 

Jean-Michel Frodon — 22.08.2012

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21 janvier 2018 7 21 /01 /janvier /2018 06:00
Ben Affleck et Chris Messina dans « Live By Night » . Claire Folger

Ben Affleck et Chris Messina dans « Live By Night » . Claire Folger

Pour Noël, « offrez des livres ! Ils s’ouvrent comme des boîtes de chocolats et se referment comme des coffrets à bijoux » signé Bernard Pivot sur Twitter.

 

Démonstration !

Dans mes sabots j’ai reçu La saga des Coughlin de Dennis Lehane.

 

 

Un pavé de 1.700 pages bien emplies, du lourd donc, y compris pour lire au lit.

 

Les éditions Rivages ont eu l’excellente idée il y a deux mois de réunir les trois romans en un seul volume.

 

J’avoue humblement que j’ignorais que Dennis Lehane fut un des maîtres du polar étasunien.

 

Je consulte Libé :

 

Harlan Coben, George Pelecanos, Dennis Lehane : voilà la tierce majeure du roman noir américain actuel.

 

En termes de ventes, le New Jersey boy Coben, 55 ans, caracole en tête, écriture et intrigues «fais-moi peur» réglées comme du papier à musique. En termes d’aura critique, le Washingtonien Pelecanos, 60 ans, truste les aficionados, grâce notamment à son tandem avec le scénariste David Simon qui semble avoir le génie des séries cultes hyperréalistes : Sur écoute dans un Baltimore vérolé par la criminalité, Tremesur la Nouvelle-Orléans post-ouragan Katrina et maintenantThe Deuce, immersion dans le milieu porno new-yorkais des années 70. Et, entre les deux, il y a Dennis Lehane, 52 ans, de Boston. Le plus discret, le plus taiseux, et le plus surprenant - partant, le plus intrigant.

 

Lehane, depuis le départ, est passablement imprévisible, pour le meilleur comme le moins bien.

 

Dans La saga des Coughlin on suit les hommes d’une famille américaine, de ses débuts dans les forces de l’ordre à Boston jusqu’à Miami pendant la prohibition et à l’après seconde guerre mondiale, quand les hors-la-loi, les bandits sont fatigués. Je vous en dis le minimum, sachez simplement que c’est une belle, une flamboyante, une mélancolique histoire de mafieux. On ne lâche pas le pavé jusqu’à la dernière page.

 

Les Coughlin, des Irlandais, Thomas le Père, haute personnalité de la police bostonienne, corrompu mais propre sur lui, Danny flic aussi, forte tête, Connor, l’intello, au bel avenir brisé et le petit dernier Joe, qui deviendra un hors-la-loi qui voisinera Meyer Lansky et Lucky Luciano…  

 

Extrait page 809 les flics de Boston cassent du bolchevik alors que d’autres flics ont déclenchés la première grève de la police, tous d’origine irlandaise !

 

Mémorial de la famine à Dublin

 

« Dieu sait pourtant que le spectacle était tout sauf réjouissant ! Autour de lui, il ne voyait que des visages transformés en masques répugnants, parmi lesquels ceux de ses compatriotes – des faces aussi typiques de l’Irlande de la pomme de terre et de l’excès d’ivresse. Sur leurs traits crispés se lisaient autant de fureur que d’autoapitoiement. Comme s’ils avaient le droit de se livrer à de tels débordements ! Comme si ce pays leur devait plus que ce qu’il avait accordé à Thomas lorsqu’il était descendu du bateau – à savoir, une nouvelle chance. Il aurait voulu les repousser jusqu’en Irlande, directement dans les bras aimants des Anglais, les renvoyer à leurs champs arides, à leurs pubs nauséabonds et à leurs femmes édentées. Ce pays de grisaille ne pouvait leur offrir que la mélancolie, l’alcoolisme et l’humour noir des éternels vaincus ; alors ils étaient venus ici, dans l’une des rares villes au monde prête à les traiter sur un pied d’égalité. Pour autant, se comportaient-ils en Américains ? Manifestaient-ils respect ou gratitude envers leur pays d’adoption ? Oh non. Ils agissaient comme ce qu’ils étaient : les nègres de l’Europe. Comment osaient-ils ? Quand tout serait terminé, songea Thomas, il faudrait au moins une décennie aux bons Irlandais tels que lui pour réparer les dégâts causés en deux jours par cette populace enragée. Soyez maudits ! songea-t-il en continuant à les mener vers le point stratégique. Soyez maudits pour avoir encore une fois souillé notre peuple. »

 

«  Dennis Lehane sort en 2012, « Live By Night » (« Ils vivent la nuit » dans l’édition française), il restitue toute l’atmosphère de la prohibition et du trafic de rhum entre la Jamaïque et les États-Unis au milieu des années 1920 à travers une famille d’irlandais, les Coughlin, où l’on est soit truand, soit flic. Comme Ellroy, il cherche à montrer une autre histoire de l’Amérique, celle des oubliés, des laissés pour compte de la version officielle, des soldats inconnus du roman national. Son précédent roman, « Un pays à l’aube » (2008), réussissait déjà ce challenge en nous contant une grève des policiers à Boston à la fin de la Première Guerre Mondiale et qui tourne à l’émeute, au moment où les Etats-Unis s’apprêtaient à devenir la puissance mondiale que l’on sait. En mélangeant gens de peu (les Coughlin, des émigrés irlandais) et personnages connus (John Edgar Hoover, le futur chef du FBI de 1924 à 1972), Dennis Lehane entremêle les fils d’un récit qui n’a que peu à voir avec celui décrit dans les manuels d’Histoire et torpille à coup de lutte des classes le fameux rêve américain. En s’appuyant sur les codes du roman policier (violence, rapidité, dialogue à l’emporte-pièce, description cinématographique, psychologie réduite au minimum, etc.), il permet à sa lectrice et à son lecteur d’entrer sans nostalgie mais avec intelligence dans une réalité brutale, où les cocus de l’Histoire, les perdants pas très magnifiques, ont presque toujours tenté d’inverser le cours des choses. En vain.

 

Chez Lehane, les hors-la-loi tourmentés ont la cote et il n’y a pas de héros; les bons tentent de faire simplement les moins mauvais choix dans un éventail d'options difficiles. La nature même de ce dilemme constituera un moteur pour Joe qui, naviguant avec succès entre politique et mafia dans un monde crépusculaire, tentera de conserver le peu de repères qui lui reste. Mais, tous ses efforts pour survivre seront vains et, dans une période où code d’honneur, amitié et sens de la famille se délitent, il paiera au prix fort toute une vie de péchés. »

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