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5 février 2018 1 05 /02 /février /2018 06:00
La résistible ascension de Benoît H. j'ai vu un graffiti étrange : « Dieu a voulu des inégalités pas des injustices » (7)

Les loupiotes jaunasses de cet autorail qui se traînait, de gare vide en gare vide, donnait à son reflet dans la vitre piquée des contours mous, fienteux. À chaque démarrage, le diesel exhalait des remugles acides et ses gros hoquets agitaient la carlingue. Ils étaient, en tout et pour tout, trois : une grosse femme sans âge qui tricotait avec une obstination mécanique, un jeune type au faciès de cheval somnolent la bouche grande ouverte, et lui bien sûr qui rêvassait. L’irruption, par la porte du fond du contrôleur, lui sembla cocasse. La SNCF le surprendrait toujours. Le gus devait avoir couché avec son uniforme, il dégageait un mélange de tabac froid, de slip ancien et d'huile de friture. Lorsqu'il poinçonna son ticket Benoît remarqua ses ongles longs, bombés, incurvés, sales. On aurait dit des serres d'aigles. Ça lui donnait envie de gerber. Fallait qu’il en grille une. Benoît fourragea dans son besace à la recherche de sa boîte à rouler. Ses calbars et ses chaussettes se mêlaient avec tout un fatras de papiers qu’il trimballait en permanence. Officiellement pour écrire, des notes, ça faisait un sacré temps qu'il n’avait pas aligné une phrase. Le petit bouquin lui tomba dans la main. Benoît le caressa.

 

Dans un craillement de freins l’équipage stoppait en gare d'Evreux. Les néons du quai lâchaient dans l'habitacle une lumière crue de scialytique. Deux bidasses montaient en parlant fort. La tricoteuse les quittait. Dans sa main droite le titre du petit bouquin l'étonnait : « Extension du Domaine de la lutte », ça sonnait comme du pur jus d'intello post-soixante-huitard non révisé, prétentiard. S’il l’ouvrit c'est parce que Maurice Nadeau en était l’éditeur. Benoît avait toujours eu un faible pour Nadeau. Y avait un nom écrit au crayon au revers de la couverture : Chantal Dubois-Baudry. Les patronymes à tiret l’avaient toujours fasciné, à la manière de la transmutation d'un vil métal en or. Son doyen de fac s'appelait Durand-Prinborgne et, comme raillait son pote Bourrassaud, quand il s’extasiait sur un Dupont-Aignan ou une Debrise-Dulac « … et mon chauffe-eau c'est un Saunier-Duval... » La Dubois-Baudry était la reine du soulignage alors Benoît survolait les phrases soulignées du petit bouquin fripé. Et puis y'en a une qu’il relu trois fois « Au métro Sèvres-Babylone, j'ai vu un graffiti étrange : « Dieu a voulu des inégalités pas des injustices » disait l'inscription. Je me suis demandé qui était cette personne si bien informée des desseins de Dieu. » Faisant machine arrière toute Benoît se plongea dans le petit bouquin fripé au titre étrange.

 

Arrivé à St Lazare Benoît trouva refuge dans un café graisseux où un garçon aux cheveux pelliculeux, aux ongles sales, c'était le jour, le gava de demi de bières tiédasses. Quand il eut fini il alla pisser. Les toilettes étaient à la hauteur du standing de l'établissement ce qui ne l'empêcha pas de se poser sur la lunette usée. Benoît était encore dans le petit bouquin qu’il posait sur mes cuisses. C'est alors qu’il j'ai découvrit le nom de l'auteur : Houellebecq. Étrange, ça sonnait comme un nom d'abbaye. Ce Houellebecq l'avait dérangé. Il l'énervait même si son style atone, minimal, s'élevait parfois jusqu'à devenir Bovien. Son Tisserand, l'un de ses personnages, venait de détruire son postulat de la laideur. Ce type « dont le problème - le fondement de sa personnalité, en fait - c'est qu'il est très laid. Tellement laid que son aspect rebute les femmes, et qu'il ne réussit pas à coucher avec elles. Il essaie de toutes ses forces, ça ne marche pas. Simplement elles ne veulent pas de lui… » Ce type grotesque, lamentable, Benoît avait envie de tirer la chasse d'eau sur lui mais il ne le pouvait pas. Que pouvait-il faire ce laid, en dehors de se résigner, d'épouser une moche, d'aller aux putes ou de devenir riche ?

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4 février 2018 7 04 /02 /février /2018 06:00
La résistible ascension de Benoît H. Marie-Jo lui avait dit « Benoît, tu deviens moche, c'est triste qu'un type comme toi se vautre dans le n'importe quoi. Fais-moi plaisir ne reviens plus. (6)

Son marché Benoît l’avait accepté sans protester. Chantal partait dès le lendemain travailler à Paris. Ils ne sont plus jamais revus. Bien des années plus tard, dans la salle d'attente d'une gare, il ne se souvenait plus très bien où, ce devait être au fin fond de la Manche, à Valognes, sur une banquette de skaï craquelé d’un autorail, Benoît avait ramassé un bouquin de poche défraîchi. Comme il avait horreur de voir les livres abandonnés, ça le fâchait, il l'avait fourré dans son sac à dos sans même regarder le titre avant de s’avachir sur la banquette. Il était en avance. Il n'avait aucune raison d'être en avance mais il était toujours en avance. Ce jour-là Benoît avait décrété qu’il ne voulait pas rater le train. Tout le monde s'était marré vu sa situation de glandeur professionnel. Une bonne demi-heure à tirer. Attendre ! Dans ce bout de sa vie il passait son temps à attendre. Benoît n'attendait rien mais il attendait. Complaisant il passait ses jours à s'apitoyer sur lui-même en grillant des clopes roulées et en éclusant des bières.

 

Quand Benoît avait trouvé ce petit livre, ce devait être le jour où j'étais allé voir Bourrassaud, et qu’ils avaient carburés, trois jours durant, au Calvados. Sa tête faisait office de laminoir. Il pelait de froid alors qu'il faisait tiède. Bourrassaud lui avait prêté un vieux pull qui sentait le moisi. Ça ne le dérangeait pas car il était moisi. Le dimanche ils avaient bouffés comme des chancres des trucs qui baignaient dans la crème en sifflant des bocks de cidre. Marie-Jo, la femme de Bourrassaud l'aimait bien. Elle était plantureuse, sensuelle et, surtout, elle portait des bas. Les bas et les porte-jarretelles ce n'est pas son truc. Benoît trouvait que ça fait chaudasse. Pourtant, Marie-Jo, qui dans ce trou pourri s'habillait avec goût, donnait aux bas résilles un charme qui le troublait. Elle n'allumait pas Marie-Jo, non, elle se contentait d'aller de venir, de s'asseoir, de se relever avec grâce. Benoît la contemplait. Elle accrochait un petit sourire à ses lèvres bien dessinées et décrétait que c’était elle qui allait le raccompagnerait à la gare.

 

Dans la 4L le spectacle de ses cuisses à demi-découvertes le chavirait mais il résistait. Avant qu’il ne s'extrait de la carlingue, Marie-Jo lui avait dit « Benoît, tu deviens moche, c'est triste qu'un type comme toi se vautre dans le n'importe quoi. Fais-moi plaisir ne reviens plus... » Bien sûr ça l'avait un peu secoué mais Benoît s'était contenté de lui sourire bêtement en lui jetant un regard vide. Me précédant elle l'avait accompagné jusqu'au guichet. Moulée dans une jupe en stretch et un pull angora vert anglais lui découvrant le nombril, la Marie-Jo, toute rousseur dehors, lui donnait soudain envie de sortir de mon coaltar. Il trouvait la force de grogner un, « T'as raison faut que je me lave... », pâteux. Ça avait fait rire Marie-Jo qui, voltant, lui avait roulé une pelle monstrueuse qu’il avait recueilli comme une huître pas fraîche. Avant qu’il ne réagisse elle était déjà partie. C'était mieux comme ça ainsi. Chasser sur les terres des amis ce n'est pas son genre et puis, en ce temps-là, benoît ne chassait pas du tout. Marie-Jo valait mieux qu'un détritus dans son genre. Sa libido défaillante le précipita dans un profond sommeil. Il rata la correspondance avec l'express et dû s'embarquer, à la nuit tombée, dans un tortillard.

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3 février 2018 6 03 /02 /février /2018 06:00
La résistible ascension de Benoît H. Chantal lui avait dit « J'aime ta semence, elle a le goût du lait d'amande... » (5)

 Sous les tilleuls de la place de l'église Benoît la déshabilla, pièce par pièce. À nu, son corps, sous la pâle lumière de la pleine lune, loin de le précipiter dans le désordre des sens, le plongeait dans un recueillement profond. Ce fut une forme étrange d'adoration, un plaisir esthétique intense. Il prit un léger recul pour la contempler. L'admirer. Ses mains, telles celles d'un ébloui, se tendaient, l'effleuraient à tâtons, l'exploraient avec lenteur. Chaque parcelle d'elle infusait un puissant flux d'ondes qui le jetait, par secousses violentes, dans état proche de l'apnée. Il était au bord de la rupture mais, en dépit d'un sexe de silex, il se vivait si minable qu’il n'osait l'investir. Bandant ses dernières forces il allait au-devant de son désir. Elle acceptait ses mains avec volupté. Ouverte, elle lui offrit une jouissance d'apocalypse qui le propulsa vers des sommets inviolés. Chantal l'engloutit, il crut mourir.  

 

Pendant tout un mois, chaque soir, il en fut ainsi. La première fois, en caressant ses cheveux bouclés épandus sur ses cuisses nues, Chantal lui avait dit « J'aime ta semence, elle a le goût du lait d'amande... » Ce j'aime sonnait à ses oreilles comme une promesse de victoire. Ils allaient s’aimer, être heureux. Le 30, l'orage menaçait. Sitôt leurs noces de chair Chantal allait à la fontaine et rapportait dans la nasse de ses mains de l'eau qu'elle laissait filer sur sa nuque. Le fil de l'eau fraîche traçait au long de son échine tiède une trace dure. Benoît frissonna. Chantal lui souriait. Soudain il prenait peur. « Assieds-toi ! » Le ton était faussement léger. Il s’exécutait en pensant qu’il ne le devrait pas. L'investir. La prendre. L'emplir. Sceller leur union. Qu'elle soit à lui, rien qu’à lui.

 

D'une voix sourde, elle qui d’ordinaire ne disait mot, lui parlait. Benoît n’avait plus le souvenir précis de tout ce qu'elle lui dit car elle en avait tant dit. À aucun moment il ne l’avait interrompu. C'était sobre et juste. Son cœur s'était mis à battre la chamade lorsque il l'avait entend dire « Toi tu n'es pas comme les autres. Je ne suis pas sûr que tu sois aussi gentil que tu en as l'air mais je m'en fous. Toi tu ne me prends pas pour un trou à bites. C'est bon tu sais... »  Benoît frôlait la défaillance. Chantal se tordait les mains. « Ce que je vais te dire va te déplaire mais, je t'en supplie, ne dis rien. Laisses-moi aller au bout. C'est si dur... » La crainte lui tombait dessus. Chantal murmurait « Tu es trop bien pour moi… » Il se cabrait. Elle posait une main ferme sur mon bras. « Ne te fâche pas ! Ce n'est pas de ta belle gueule dont je parle, c'est de toi. Je ne peux que te décevoir et je ne veux pas te décevoir... »

 

Avant même qu’il ne se rebiffe Chantal le tirait face à elle. Ils étaient nus. Benoît l'entendait lui dire « Je te propose un marché. Tu prends ou tu laisses mais, quelle que soit ta réponse, nous ne nous reverrons plus... ». Il aurait dû gueuler, lui foutre sa main sur la gueule mais il ne savait ni gueuler, ni foutre une main sur la gueule d'une fille. Alors face à sa pleutrerie Chantal a pu aller au bout de son propos « Voilà, si tu le veux bien, je t'emmène dans mon lit. Là où tous ces boucs qui me sautent disent me faire l'amour. Allons y faire l'amour... » Elle s'était tue, regardé droit dans les yeux, «  Tu veux bien ? ». Lâchement Benoît avait répondu oui. 

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2 février 2018 5 02 /02 /février /2018 06:00
La résistible ascension de Benoît H. Chantal c'était un corps de reine, harmonieux, un grain de peau fin et soyeux, une poitrine haute et ferme qui tendait ses pulls angora, des jambes au galbe parfait, une taille de guêpe et un cul à damner l'enfant de chœur qu’il était (4)

Dieu, disait-on, l'avait pourri de dons. Le pire était à venir. De toute part on s'esbaudissait. On lui donnait le bon Dieu sans confession. En silence Benoît souffrait du délit de bonne gueule. Planqué derrière sa félicité benoîte il affrontait la vie avec un étrange mélange d'optimisme inoxydable et de crainte. L'exubérance de son imagination, ce trouble intérieur, le projetait dans des mondes impitoyables, ceux qu’il découvrira bien plus tard à l'âge adulte, peuplés de femmes fatales, de condottieres flamboyants, de crapules audacieuses ; des mondes dégoulinant de luxe et de stupre ; des mondes excessifs ; des mondes où tout était si haut, si fort ; des mondes où il se sentirait tel un poisson dans l'eau. Dans ses rêves Benoît se délectait de son aisance, de son absence de scrupules, de sa prestance de seigneur de la guerre altier et impitoyable, le monde serait à ses pieds. Jamais repu de ces plaisirs charnels, de ces alcools forts, Benoît jouissait  de son inhumanité.

 

Alors, tout au long de sa paisible et studieuse adolescence, l'aversion de son prénom remplira la fonction de toile émeri. Elle l'empêchait de tomber dans la facilité et le contentement de soi. Tâche ardue pour une gueule d'amour, tirée à quatre épingles, moissonnant sans effort les plus belles pousses du canton. C'en était lassant. Benoît n'en pouvait plus d'entendre ces donzelles minauder que Benoît c'était « chou et doux » pendant qu’il fourrageait, sans rencontrer de résistance, dans les faibles bastions de leur intimité. Cette facilité le désolait. Las, il affichait froideur, dédain ou pire grossièreté, en pure perte, pour du beurre. Espérant une paire de baffes il ne récoltait que des gloussements de dindes. Consentantes jusqu'à la nausée. Benoît en avait marre des bouches faciles, des bécots minables, des langues mollasses et des bouches incertaines. Quant aux jeux de mains, ils étaient pires encore, rien que de mols édredons. Mais un jour il y eut Chantal : son corps vibra tel le cristal de Bohème dès son premier effleurement.

 

Chantal c'était un corps de reine, harmonieux, un grain de peau fin et soyeux, une poitrine haute et ferme qui tendait ses pulls angora, des jambes au galbe parfait, une taille de guêpe et un cul à damner l'enfant de chœur qu’il était. Tout, elle possédait tout, pure perfection, la quintessence de la beauté plastique ; sauf que, Chantal c'était aussi un visage laid, d’une laideur minérale, glacée, osseuse, rien que de la disgrâce à peine atténuée par un regard ardent et un sourire moqueur. Chantal c'était une grande, une femme déjà, qui le fascinait. Il la voulait. Elle le fuyait. Il lui parlait. Elle se taisait. Il la bombardait de lettres enflammées. Les lisait-elle ? Il devenait fou, fou d'elle, et sa tête incandescente échafaudait mille stratégies pour forcer la porte de l'emmurée. Un soir, du fond de son lit, alors que les rats carapataient sur le tillage en une infernale sarabande, en désespoir de cause, pour se rassurer, Benoît en vint à décliner un postulat, le postulat de la laideur.

 

Pour lui, il en avait la certitude, « le capital d'amour d'une femme laide était proportionnel à l'intensité de sa laideur » Avec Chantal il découvrirait le grand amour, l'amour pur, celui que l'on porte, tel un diamant fiché au cœur, pour l'éternité, jusqu'à son dernier souffle. Benoît carburait à l'exaltation. Il allait forcer ma nature. Ouvrir les vannes de son ébullition intérieure. La prendre d'assaut sans sommation. Dès le dimanche qui suivit, dans la pénombre de la salle du patronage, au premier acte d'un drame familial, il lui prit la main et la tira sans ménagement vers le dehors. Elle le suivit en n’opposant aucune résistance.

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1 février 2018 4 01 /02 /février /2018 16:45
La résistible ascension de Benoît H. « Ce petit salopiaud a du caractère. Il sait ce qu'il veut et, croyez-moi Madeleine, avec un tel sourire ce sera un grand séducteur, un ravageur des cœurs... » (3)

Lorsque Marthe Regnault, la sage-femme aux mains larges comme des battoirs de lavandière, recueillit, après l'ultime poussée de sa mère, les cinquante-deux centimètres visqueux de son corps, il était à la limite de la cyanose. Par bonheur il échappa aux fers. Pendu, à bout de bras, par les pieds, il l’entendit proclamer de sa voix de stentor « C'est un garçon ! ». Imaginez-vous la scène. Comprenez son courroux. D'un coup d'un seul, après un périple dangereux et besogneux, on le faisait passer d'une position de coq en pâte à celle, ridicule et humiliante, de vermisseau gluant exposé à l'air libre tel un vulgaire saucisson. Intolérable ! Révolté il couinait comme un goret pour le plus grand plaisir de cette femme qui n'avait rien de sage. Ce cri primal lui valait de se retrouver dans une position plus conforme à son statut de nouveau-né. On le lavait. Par petites touches il virait au rose bonbon. On l'emmaillotait. Il souriait aux anges bien calé dans la corbeille des bras de sa Madeleine de mère.

 

« Ce petit salopiaud a du caractère. Il sait ce qu'il veut et, croyez-moi Madeleine, avec un tel sourire ce sera un grand séducteur, un ravageur des cœurs... » Non mais, de quoi je me mêle l'accoucheuse, ce n'est pas ton rayon, garde tes lieux communs pour les lectrices de « Nous Deux ». Il était déjà vénère. Sous son sourire ravageur il fit sa première colère rentrée ; une colère fondatrice bien-sûr. «Qu'étais-ce donc ce monde d'apparence ? Son minois de bébé rose ne préjugeait en rien de ses actes futurs. Était-il programmé ? Il repoussait avec force ce déterminisme de pacotille... » Chemin faisant il s'apercevait qu’il se trouvait bien à l'intérieur de lui-même. Ce sentiment l'avait déjà habité lorsque, sitôt les eaux libérées, dans la tourmente de son périple, si long et si court, à chaque contraction il avait hâte de retrouver la volupté des profondeurs. Sa conviction était faite : c'était le seul lieu où il puiserait la force pour affronter ce monde où, au petit matin, on venait de le jeter.

 

Libéré du dernier lien, pomponné, prenant goût à l'air qu’il respirait, il se laissait glisser dans la paix de son petit jardin d'intérieur. Moment voluptueux, moment que choisit sa mère pour confier au clan des femmes qui s'affairait « Ce sera Benoît... » Coup violent et inattendu au plexus solaire. Il réprimait un cri de stupéfaction en engouffrant son pouce dans sa bouche. Déjà quelle maîtrise ! Quel sang-froid ! Sa succion élégante stupéfiait le clan des femmes. Elles s'esbaudissaient. Lui retrouvait le suc de sa bulle. Réfléchissait. Analysait froidement la situation. « Par quelle prescience sa mère avait-elle su anticiper sur son moi profond ? » Ce Benoît était raccord avec le capital de duplicité qu’il découvrait en lui. Formidable intuition de Madeleine que d'accoler ce prénom à son image de chair. Sur la photo Ferlicot, à nouveau nu comme un ver sur un coussin de soie, il arborerait un sourire de bébé Cadum qui allait si bien avec le secret de ses profondeurs.

 

Ce prénom de béatitude qui collait si bien à son image de chair, angelot souriant et câlin, aux boucles de cheveux jais, ondoyantes et souples, encadrant des yeux noirs rieurs rehaussés par de longs cils, tirait des grenouilles de bénitiers des soupirs extatiques « Madeleine vous en avez de la chance, ce petit est un don de Dieu... » Et pourtant, elles qui avaient tant médit, si leurs yeux s'étaient dessillés, elles eussent perçu les soubresauts de son âme. Mais elles n'étaient que dévotes, incapables de saisir l'ombre légère que dessinait son sourire lorsque la tempête de son for intérieur s'annonçait. Comme l'eau qui dort Benoît cachait dans ses profondeurs des démons incandescents. Pour les tenir en laisse il raillait mon Benoît de prénom, cultivait avec soin son aversion. Dissimulateur, il grandissait en âge et en sagesse dans le cocon douillet tissé par le clan des femmes.

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31 janvier 2018 3 31 /01 /janvier /2018 06:00
La résistible ascension de Benoît H. Comment donc la Madeleine, passée la quarantaine, pouvait-elle s'être laissé engrosser ? Tomber enceinte à cet âge, en ces temps obscurs, dans ce lieu comprimé, choquait le sens commun(2)

Le doter du prénom du saint ermite de Subiaco ne constituait pas en soi une agression et sa part de mauvaise foi dans cette affaire fut épaisse. En ces années 60, qui se vautraient encore dans l'ignorance, le sexe du locataire de la matrice restait ignoré jusqu'à son expulsion. Lui proposer un prénom tenait donc de la gageure. Ses parents  eussent-ils essayé qu'ils se seraient heurtés au mur de son insouciance. Il coulait les jours heureux d'un fœtus anonyme, ignare ; des jours qu’il croyait éternels. Tel un coq en pâte il se contentait de prospérer. Certes il devinait à certains signes : ballottements, palpations, auscultations et autres effleurements plus étranges, l'existence d'un monde extérieur plus agité que sa paisible bulle. Inconscient, sûr d'une position définitive, il était injoignable.

 

À l'extérieur, personne ne se doutait que le ventre dodu de Madeleine, sa future mère, abritait un lascar peu enclin à abandonner son statut d'occupant provisoire. Le village jasait. Comment donc la Madeleine, passée la quarantaine, pouvait-elle s'être laissé engrosser ? Tomber enceinte à cet âge, en ces temps obscurs, dans ce lieu comprimé, choquait le sens commun. Remettre sur le métier l'ouvrage, pour des presque vieux, relevait de l'obscénité. Alors, une telle incongruité poussait aux ragots la fine fleur des grenouilles de bénitier, qui n'étaient pas encore une espèce protégée. Dès l'annonce faite à Madeleine, par le docteur Martin, de son nouvel état, elles persiflèrent « Vous n'allez pas me faire croire que c'était voulu. Ces deux-là font la chose, Dieu nous pardonne de le dire, rien que pour leur plaisir. Cette Madeleine, qui se dit si pieuse, cache bien son jeu. C'est du feu qu'elle a aux fesses cette sainte nitouche. Pour exciter son Philippe elle sait y faire... »

 

« Des petites culottes en dentelles la diablesse... des dessous en soie... rouge... Prête à tout j’vous dis... Non…non ! Bien sûr que si... Elle ne s’contente pas d'honorer son devoir conjugal la bougresse... Z'en êtes sûre ? Certaine ! Même qui font ça quand ça leur chante. Eulalie les a vu dans la pâtis de la Touche, à genoux la Madeleine, elle y allait de bon cœur... Non ! Ce n’est pas Dieu possible... Bé si, et pire encore, y s'contentaient pas que de ça... Ne me dites pas tout de même qu'ils... Ben sûr que si... les jupes relevées la Madeleine et l'autre grand satyre, ses pantalons affalés aux chevilles, boutait pire qu'un étalon... Vous croyez que l'avait choisi le bon endroit ? Y'en sais fichtre rien mais ô m'étonnerait pas que l'aille s'y fourrer... Pour sûr qu'à confesse, la Madeleine, doit avoir une belle tartinée à avouer à notre curé. Entre-nous soit dit-elle récolte ce qu'elle a mérité la gourgandine. Et pis, grosse à son âge, l’va nous faire un benêt... »

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30 janvier 2018 2 30 /01 /janvier /2018 06:00
La résistible ascension de Benoît H. Nu, pitoyable et démuni il voyait le jour, ébloui, en apnée, sans papiers en transit ça augurait mal de la civilité du monde où l'on le précipitait (1)

Né en siège, les pieds devant, expression d'ordinaire appliquée à ceux qui quittent la vie alors que lui y entrait, le cul en l'air, violacé et suffocant, façon toboggan. Position qui allait marquer durablement sa façon d'aborder la vie que l’on vit ; se laisser glisser sur la pente de ses inclinaisons les plus fortes.

 

Sa génitrice, si elle s'était laissée aller à suivre ce chemin, aurait dû le prénommer Désiré. Ce fut Benoît, et ce fut la première exécration de celui-ci. Il haïssait ce prénom mais, bon fils, il avait  toujours tenu sa mère dans l'ignorance de cette détestation. Avec lui il en était toujours ainsi, Benoît gardait tout à l'intérieur, avec soin. Ça le rendait un peu rigide, crispé même, il ne pouvait réprimer une moue, que certains trouvaient boudeuse, alors qu’elle était l’expression de tous les nœuds de son âme tourmentée.

 

Benoît procrastinait. Tout ce qu’il stockait dans sa tête plutôt bien faite – il était studieux, certains disaient besogneux – servait de trame à ses rêves. Il brodait. Son prénom abhorré, exécration native, était son rêve fondateur, celui par qui tout a commencé. Enfiler, au long de ses jours et de ses nuits, des cotriades de , pour lui, était extatique. Ça l'aidait à vivre. Dans son petit jardin d’intérieur Benoît se laissait aller, se parlait à lui-même : « Choqué par la position originale de ma venue, je ne m'y attendais vraiment pas. Comprenez-moi, tout était allé si vite. Depuis deux cent soixante-cinq jours, à couvert dans la tiédeur de ma bulle amniotique, je baignais dans le ravissement. Alors que je filais des heures heureuses, brutalement, sans préavis ni explication, on me fichait dehors. Ça augurait mal de la civilité du monde où l'on me précipitait. »

 

Pourtant, la détestation de ce prénom, tombé sur sa tronche de fraîchement né, ne trouvait pas son origine dans la brutalité de mon expulsion. En effet, sitôt bouté hors de son paradis, il était prêt à faire contre mauvaise fortune bon cœur. Après tout, ce monde nouveau qu’il abordait du bout de ses petits doigts de pied, pouvait lui aussi recéler des charmes identiques à ceux qu’il venait de connaître ; toutes ces douces heures passées à croître en paix. Son amertume venait d'ailleurs. Nu, pitoyable et démuni il voyait le jour, ébloui, en apnée, sans papiers en transit, il lui fallait du temps pour asseoir ma nouvelle position. Ses concepteurs n'en tinrent aucun compte. Avec une désinvolture frôlant l'arrogance, par-dessus sa petite tête gluante, ils s'arrogèrent le droit de le prénommer Benoît. Le consulter s'imposait.

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29 janvier 2018 1 29 /01 /janvier /2018 06:00
Mes amis, si Dieu me prête vie, après mardi je sonnerai aux portiques des aéroports.

J’ai pris ma décision avant Noël, mon arthrose de la hanche droite, diagnostiquée en janvier 2017, me faisait trop souffrir et m’handicapait de plus en plus. Le seul endroit où j’étais bien c’était sur mon vélo, mais je ne pouvais vivre en permanence sur mon fier destrier.

 

Donc, opération et pose d’une articulation titane-céramique à la clinique spécialisée Arago au sein de l’hôpital Saint-Joseph dans le 14e tout près de la porte de Vanves.

 

J’entre ce lundi à 15 heures pour une opération le lendemain.

 

Si je vous fais ces confidences c’est pour vous informer que j’abandonnerai pendant quelques jours, une semaine ou deux, je ne sais, ça dépendra de mes facultés de récupération.

 

Je ne ferai pas écran blanc, une reprise de mon petit roman du dimanche l’occupera.

 

Si vous souhaitez correspondre avec moi utilisez le formulaire de correspondance du blog ou mon e-mail berthomeau@gmail.com

 

Je poste pour votre info deux vidéos : une sur l’opération elle-même ; l’autre sur les risques encourus.

 

À bientôt, j’espère, sur mes lignes…

 

PS : c’est le titane qui fera sonner les portiques, mon chirurgien me dotera d’un certificat en français et en anglais.  

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28 janvier 2018 7 28 /01 /janvier /2018 07:00
Tanger, à l’entrée du plus grand bordel méditerranéen le Trou Ben Charki les femmes, appelaient le passant : «Un coup pour une pipe de kif ! Un coup pour une pipe de kif !»

« Les continents s’y frôlent, les eaux s’y rejoignent, les destins s’y côtoient. Candidats au départ, passeurs ou exilés se retrouvent à Tanger, dans une étrange proximité – tous ont rêvé, tous ont eu, ou ont encore, un ailleurs en tête. »

 

Clémence Boulouque

 

« Des côtes sud de l’Espagne, d’Algésiras, de Gibraltar, on aperçoit là-bas, sur l’autre rive de la mer, Tanger la Blanche.

 

Elle est tout près de notre Europe, cette première ville marocaine, posée comme une vedette sur la pointe la plus au nord de l’Afrique ; en trois ou quatre heures, des paquebots y conduisent et une grande quantité de touristes y viennent chaque hiver. Elle est très banalisée aujourd’hui, et le sultan du Maroc a pris le parti d’en faire demi-abandon aux visiteurs étrangers, d’en détourner ses regards comme d’une ville infidèle.

 

Vue du large, elle semble presque riante, avec ses villas alentour bâties à l’européenne dans des jardins ; un peu étrange encore cependant, et restée plus musulmane d’aspect que nos villes d’Algérie, avec ses murs d’une neigeuse blancheur, sa haute casbah crénelée, et ses minarets plaqués de vieilles faïences. »

 

Pierre Loti Au Maroc

 

«  J’aurais voulu m’embarquer pour Tanger. Les films et les romans ont fait de cette ville un lieu terrible, une sorte de tripot où les joueurs marchandent les plans secrets de toutes les armées du monde. De la côte espagnole, Tanger me paraissait une cité fabuleuse. Elle était le symbole même de la trahison. »

 

Jean Genet Journal d’un voleur © éditions Gallimard 1949

 

« Le débarquement est difficile, surtout par gros temps et c’est un spectacle fort divertissant que de voir les dames, effrayées par les lames, au bas de l’échelle de coupée, un pied dans le vide, attendre le moment de sauter dans une méchante vedette tandis que des indigènes leur tendent une main noire qu’elles hésitent à saisir. Sur le quai, des guides et des drogmans vêtus de gandouras et de chemises vert tendre, bleu pâle ou saumon, soutachées de broderies d’argent, s’emparent des touristes avec autorité. Leur tête rasée est coiffée d’un fez si rouge, leurs pieds sont chaussés de belles babouches qu’ils en profitent pour imposer leur compagnie aux plus indépendants. Il y a dix ans encore on ne visitait Tanger qu’à dos d’âne ou de mulet, aujourd’hui on grimpe en Ford jusqu’à quartier arabe. »

 

Paul Morand Méditerranée, mer des surprises, in Voyages © éditions du Rocher 1991

 

PAUL BOWLES & PATTI SMITH EN 1997

 

« Le climat était à la fois rude et langoureux. Au mois d’août, le vent sifflait dans les palmiers, faisait frémir mes eucalyptus et bruire les jonchaies qui bordaient les rues. Tanger n’était pas encore entrée dans l’ère automobile. Il y avait toutefois quelques taxis qui stationnaient à côté des calèches dans le grand Socco, et Aaron et moi en prenions un tous les soirs pour regagner la maison après le dîner. L’absence de circulation permettait de s’installer à une terrasse de café sur la place de France, avec pour tout bruit de fond, le chant des cigales dans les arbres. De même, la radio n’était pas encore arrivée au Maroc, on pouvait s’asseoir dans un café en plein centre de la médina et n’entendre  que le bruit de centaines de voix humaines. »

 

Paul Bowles  Mémoires d’un nomade © Quai Voltaire 1989

 

« Une Européenne pas jeune, fardée, sale, qui a le goût maniaque de ce qui pendouille, s’effiloche, cheveux, nattes, manteaux, sacs et jupes à franges, traverse le petit Socco. La Toute-Pendouillante est une « magicienne soviétique » (me déclare sans ciller un garçon).

[…]

« Le mioche de cinq ans, en petit pantalon, chapeau tape sur une porte – crache – se touche le sexe. »

[…]

« Au petit Socco, en juillet, la terrasse est pleine de monde. Vient s’asseoir un groupe de hippies, dont un couple ; le mari est un gros blondasse nu sous une salopette d’ouvrier, la femme est en longue chemise de nuit wagnérienne ; elle tient à la main une petite fille blanche et molle ; elle la fait chier sur le trottoir, entre les jambes de ses compagnons qui ne s’en émeuvent pas. »

 

Roland Barthes Incidents © éditions du Seuil 1987

 

« Le Ciné-Américano était à l’entrée du plus grand bordel méditerranéen le Trou Ben Charki. Tout le pâté de maisons, une bonne dizaine de ruelles, était entièrement occupé par des prostituées. Il y avait des filles partout dans les rues. À l’entrée des escaliers, juste après le cinéma, se tenaient parfois, quand des bateaux de guerre mouillaient dans la baie, deux soldats noirs, des marines US, ceinturon et guêtres blanches, qui montaient la garde à la porte du quartier. Après les escaliers quand on était passé sous la porte andalouse, on tombait dans un décor à la Satyricon. Les hommes et les femmes s’embrassaient dans les rues, ils buvaient fumaient du kif dans de longues pipes, ils draguaient et couraient dans tous les sens. Il y avait des scènes d’amour dans l’encadrement des portes. Devant chaque maison, les femmes, habillées à la marocaine, appelaient le passant : « Un coup pour une pipe de kif ! Un coup pour une pipe de kif ! »

 

Daniel Rondeau Tanger et autres Maroc © Nil éditions 1987

 

 

Tanger ? C’est à deux jours de Marseille, en bateau ; charmante traversée, qui vous fait longer la côte d’Espagne. Et il s’agit pour vous échapper à vous-même, alors pas d’hésitations, venez ici. Couronné de collines, tourné face à la mer, ce promontoire haut et blanc, qui semble se faire une traîne de toute la côte africaine, est une ville internationale au climat excellent, huit mois sur douze ; en gros, de mars à novembre. Des plages magnifiques ; des étendues vraiment peu ordinaires de sable doux comme du sucre en poudre, et de brisants. Et – si vous avez du goût pour ce genre de choses – la vie nocturne, bien que ni particulièrement innocente ni spécialement variée, dure du crépuscule à l’aube. Ce qui, lorsqu’on réfléchit que la plupart des gens font la sieste tout l’après-midi, n’est pas trop anormal. Pour le reste, presque tout, à Tanger, est anormal et avant de partir, il vous faudra veiller à trois choses : vous faire vacciner contre la typhoïde, retirer toutes vos économies de la banque, dire adieu à vos amis. Dieu sait si vous les reverrez jamais. Je parle sérieusement. Le nombre alarmant, ici, des voyageurs qui ont débarqué pour un bref congé ; puis s’y sont établis ; puis, ont laissé passer les années. Car Tanger est une rade, et qui vous enserre ; un lieu à l’abri du temps. Les jours glissent le long de vous, sans que vous les aperceviez plus que les gouttes d’écume sur une cascade. C’est ainsi, j’imagine, que passe le temps dans un monastère : sans se faire remarquer, d’un pied chaussé d’une pantoufle. D’ailleurs, les deux institutions que sont Tanger et un monastère ont un autre point commun : le fait de se suffire à soi-même. »

 

Truman Capote Impressions de voyages Gallimard® 1990

 

Extrait de :

 

Tanger, à l’entrée du plus grand bordel méditerranéen le Trou Ben Charki les femmes, appelaient le passant : «Un coup pour une pipe de kif ! Un coup pour une pipe de kif !»
LE MYTHE DE TANGER

 

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28 janvier 2018 7 28 /01 /janvier /2018 06:00
Par 2 fois j’ai failli devenir énarque : qu’est-ce qui m’a sauvé de l’enfer des « hauts fonctionnaires? »

Mes « bons amis » dès qu’ils souhaitent me disqualifier m’accolent l’étiquette infâmante de « haut-fonctionnaire », au temps de mon rapport les bordelais ajoutaient « parisien ».

 

Ni l’un, ni l’autre ne leur en déplaise et pourtant…

 

J’eu pu, en effet par 2 fois je pris le chemin pouvant me conduire à l’ENA pour vite l’abandonner.

 

Pourquoi ?

 

Qu’est-ce qui m’a sauvé ?

 

Précision d’importance : se présenter à un concours est une chose ; le réussir en est une autre. Notre Président s’y est vautré « J’ai échoué dans la matière où j’étais le plus fort : les Lettres. La vérité est que je ne jouais pas le jeu. J’étais trop amoureux pour préparer sérieusement le concours. Le cœur et la raison sont incompatibles »

 

Éric Zemmour a échoué deux fois, Najat Vallaud-Belkacem aussi, Claire Chazal, Montebourg, Cazeneuve, Besson Éric, DSK, Christine Lagarde, Henri Guaino… sont passés à la trappe.

 

Bref, moi j’ai fui l’obstacle à 2 reprises, non pas parce que j’avais peur d’échouer mais pour d’autres raisons.

 

Épisode 1 :

 

À 12 ans je convaincs, sans grand peine, mes parents de ma vocation de futur paysan instruit. Pour ce faire je rentre à l’école d’agriculture de la Mothe-Achard à 500 mètres à vol d’oiseau du Bourg-Pailler. Sacré pari puisqu’à cette époque il n’était délivré aucun diplôme agricole équivalent au baccalauréat. Il faudra attendre l’arrivée de Pisani pour que naisse le Brevet de Technicien Agricole.

 

Les frères, la Congrégation du bienheureux Louis Grignon de Montfort, les rabats bleus, m’inscrivent en 5e. En fin de 4e, le BTA naissant, d’autorité  ils scindent ma classe en 2 : ceux qui sont « tout juste bon » à passer le BTA (sic), l’un d’entre eux fera une brillante carrière à la FNSEA,  les autres, dont je suis, iront se coltiner le baccalauréat M’.

 

 

L’orientation scolaire d’autorité, les parents ne mouftaient pas. Mais, nous étions dotés d’un aumônier, l’abbé Blanchet, célèbre dans la région car il était l’auteur de pièces de théâtre qui avaient un grand succès.

 

Ce lettré était l’oncle d’un énarque, Michel Albert, fils de métayer de la Tardière, Michel Albert était sorti de l’ENA comme inspecteur des finances en 1956.

 

Un jour j’eu une grippe carabinée. L’infirmerie de l’école était située dans le château où logeait l’abbé Blanchet. Il me rendit, à plusieurs reprises, visite, j’étais le seul malade et je m’ennuyais. Nous discutions de mon avenir. Mes rêves agricoles faisait sourire l’abbé, il me déclara « Tu es fait pour être paysan comme moi pour être Pape. Fais l’ENA ! »

 

  • C’est quoi l’ENA ?

 

Explications de l’abbé, j’approuve et je me voyais déjà en haut de l’affiche. Michel Albert écrira avec JSS, patron de l’Express, plusieurs bouquins.

 

 

Ayant réussi l’examen probatoire, ex-première partie de bac, ce fut sa dernière année et je m’inscris en bac philo aux Sables d’Olonne, à l’Institut Amiral Merveilleux du Vignaux.

 

 

Bac en poche je file en Droit à Nantes.

 

Mai 68 : je jette l’ENA aux orties, être fonctionnaire, même haut, très peu pour moi.

 

Fin du premier épisode. 

 

Épisode 2 :

 

Je reviens d’Algérie en 1975, où j’ai effectué mon service national comme coopérant à l’Université de Constantine comme maître-assistant. Je laisse de côté un beau salaire de coopérant civil alors que le premier choc pétrolier a secoué le monde occidental. Trouver un job est compliqué alors je consulte mon maigre carnet d’adresses et je tombe sur Michel Albert alors DG de filiales du Crédit Agricole. Il me reçoit gentiment tour Montparnasse et me dit que mon profil pourrait intéresser le tout nouveau Directeur de la Production et des Echanges au Ministère de l’Agriculture, Bernard Auberger, le premier Inspecteur des Finances à venir trainer ses godasses dans la bouse.

 

On me fait passer par le cabinet du secrétaire d’État, Jean-François Deniau, grand ami de VGE président de la République. Je passe l’obstacle et me retrouve rue Barbet de Jouy dans le bureau du nouveau directeur, Ingénieur des Mines, il fume un havane. Je lui tape dans l’œil, il m’engage comme contractuel pourvu d’une belle appellation « chargé de mission » et d’un salaire de misère. J’ai toujours dit à mes amis que j’avais été engagé à cause de ma chemise. Mon nouveau directeur un jour me demanda où je les achetais.

 

L’intérêt de ce poste fut que j’étais en prise directe avec le patron. Ainsi pour le compte du cabinet du Ministre il m’expédia en mission en Bretagne, patrie du Ministre Bonnet, pour ausculter la filière avicole qui battait de l’aile. On m’a souvent confié des « bâtons merdeux », j’adore ça.

 

À la cantoche je côtoyais deux jeunes Ingénieurs d’Agronomie (le cran au-dessous des IGREF, la piétaille quoi) qui souffraient de ne pouvoir accéder aux plus hautes marches de l’Administration. Ces deux ambitieux s’inscrivirent à Sciences Po et me ramenèrent un dossier. « Viens avec nous ! » Ce que je fis sans grande conviction, pour voir comme au poker.

 

J’ai fait un très beau parcours à Sciences-Po, mes collègues enviaient mas notes. Ça a duré 3 mois. Pourquoi ?

 

Pour 2 raisons :

 

  • La première, vint de mon cher directeur qui m’aimait bien qui apprenant mon projet me déclara tout de go : « l’important n’est pas d’entrer à l’ENA c’est d’en sortir ». Traduit en langage populaire : en sortir dans la botte Inspection des Finances, Conseil d’État, Cour des Comptes.

 

  • La seconde, plus prosaïque en décembre je décrochai, succédant à un énarque répondant au bucolique nom de Graindorge, le poste de SG du tout nouveau ONIVIT, ce qui mettait du beurre dans mes épinards. Mon cher Directeur dépité me claqua au bec « Berthomeau vous n’allez pas tout de même aller compter les gommes et les crayons là-bas ! »

 

Fin du second épisode : mon orgueil et mon pouvoir d’achat m’ont sauvé de l’ENA.

 

Détail d’importance, mes deux collègues ont réussi le concours interne, la petite porte qui ne débouchait pas souvent sur les grands corps…

 

Enfin, comme je l’ai écrit récemment, François Villeroy de Galhau me proposa d’entrer à l’Inspection des Finances par la voie externe. Je déclinai, trop tard !

 

Je suis sans doute un peu con mais je n’avais pas envie d’entrer par la petite porte dans le cénacle  des Intouchables d’Etat   Ces hauts fonctionnaires qui sont mieux payés que Macron.

 

ICI 

Par 2 fois j’ai failli devenir énarque : qu’est-ce qui m’a sauvé de l’enfer des « hauts fonctionnaires? »

Michel Albert assureur, éclaireur et homme d'engagements 

ICI

 

 

Mort de Michel Albert

L’ancien président des Assurances générales de France (1982-1994) était un penseur économique chantre du capitalisme rhénan

ICI

 

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