Vin & Cie, en bonne compagnie et en toute liberté ...
Extension du domaine du vin ...
Chaque jour, avec votre petit déjeuner, sur cet espace de liberté, une plume libre s'essaie à la pertinence et à l'impertinence pour créer ou recréer des liens entre ceux qui pensent que c'est autour de la Table où l'on partage le pain, le vin et le reste pour " un peu de douceur, de convivialité, de plaisir partagé, dans ce monde de brutes ... "
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Bonne journée à tous, ceux qui ne font que passer comme ceux qui me lisent depuis l'origine de ce blog.
L’essaim bourdonnait. Benoît et Armand croisaient dans le hall de Louis le Grand l’un des meneurs de la GP des khâgneux, Guy Lardeux, drapé dans son long manteau de cuir noir battant les talons de ses lourdes bottes. Le louangeur de Béria, se la jouait Guépéou avec un zeste de dandysme canaille en se trimballant en permanence avec une canne gourdin : son instrument de travail pour casser du facho, tout particulièrement les fafs d’Occident. Leur allergie viscérale pour les apprentis bolchevicks, ceux qui n’avaient pas mouftés lorsque les chenilles des chars des pays frères écrasaient le printemps de Prague, les poussait à aller lui taper sur l’épaule pour lui montrer les mains d’Armand bousillées par la tôle Citroën et le traiter de petit branleur. Bien sûr, ils s’abstinrent, mais tout en grillant une cigarette, ils étaient en avance, ils ne pouvaient s’empêcher de penser à Pierre Clémenti. Le Pierre Clémenti de Belle de Jour, avec sa gueule cassée, ses ratiches d’acier, ses chaussettes trouées et sa dégaine de petite frappe. Lui, au moins, dans la chambre minable du HBM, où Catherine Deneuve, grande bourgeoise en mal de souillure, venait faire des passes, il collait bien à son personnage. L’habitait.
Benoît lui devait ses premiers phantasmes. Au Modern, en mai 1967, sur le remblai des Sables d’Olonne, lorsqu’il sortait de la projection de « Belle de Jour », un trouble profond le taraudait, et le bas-ventre, et la tête. En dépit de la faiblesse de son argent de poche il s’offrait une nouvelle séance. Pour la première fois de sa vie Benoît découvrait les délices vénéneux d’une forme étrange de fornication. Là, sous ses yeux, Deneuve-Séverine, s’humiliait, quémandait, suppliait, atteignait l’extase sous les coups de boutoir d’un petit voyou minable. La couche vulgaire de la maison de passe d’Anaïs en rupture avec le charme discret des lits jumeaux du domicile conjugal, où Deneuve-Séverine se refusait au beau Jean Sorel son mari, l’attirait comme un aimant. Les femmes étaient-elles ainsi faites ? Double : épouse et amante, leur fallait-il, pour atteindre les sommets, l’abandon absolu, un mari intelligent, brillant, promis à un bel avenir et, dans la fange, le stupre, le foutre d’une racaille sans envergure ? La face cachée de l’amour physique, sa part bestiale faite de slip arraché, de violence partagée, sabbat de chair, volupté suprême : le sourire extatique de Deneuve-Séverine le déchirait.
Comme l’écrivait d’une main, avec gourmandise, ce vieux pédéraste de Mao, en fouinant de l’autre dans la petite culotte des petites filles en fleurs : « Feu sur le quartier général » : 炮打司令部──我的一张大字报 pào sīlìngbù zhāng. Dans le nid de frelons la tête de Benoît grésillait, une envie cataclysmique de se vautrer dans le lit d’une grande bourgeoise le consumait. Son pote Armand, à ses côtés, se gondolait. Lui qui se fadait tout ce gris sur gris de l’atelier 86 rythmé par le lancinant déroulé de la chaîne s’ajoutant au plomb de ses reins cassés, au gras de la tambouille de la cantine, aux brimades des petits chefs, à l’infinie résignation de ses compagnons de galère, sortait par tous les pores de ma peau. Suintait. Puait. Alors oui, feu sur le quartier général ! Il leur fallait reprendre l’initiative. Sortir de la nasse. En clair, devenir des agents double. Trahir tout le monde. S’installer à leur compte. Tirer parti de la situation. Jouir sans entrave comme les murs de la Sorbonne le proclamaient. Comme l’actionnaire majoritaire de notre petite entreprise était ce paranoïaque de Marcellin, nous allions le gaver de dividendes. Lui servir la soupe qu’il espérait : la main du KGB via Georges Habache et le FPLP, celle vérolée du Mossad pour les attaques de banque et, bien sûr, cerise sur le gâteau, celle tentaculaire et omniprésente de la CIA qui, pour l’attentat de la Piazza Fontana à Milan, charge l’extrême-gauche qui a le dos si large. Restait à convaincre les adorateurs des larges masses de marner pour leur compte au moindre coût. La voie s’avérait étroite.
Vitisphère n’y va pas avec le dos de la cuillère en balançant que l’Italie relance la guerre du sucre dans le vin.
Pourquoi ?
Voudrait-on à Bruxelles supprimer la chaptalisation ?
Bien sûr que non !
L’axe franco-allemand tient bon : chaptalisation et sucrage-mouillage sont le ciment du front du refus.
Alors où se situe le problème ?
Tout simplement parce que la proposition du secteur européen du vin en matière d’étiquetage nutritionnel qui exclue le sucre de la liste des ingrédients à étiqueter a déclenché la colère des Italiens. Ils dénoncent une imposture : le sucre ne fait pas partie de la liste des ingrédients à étiqueter.
« Il faut démasquer sur l’étiquette cette imposture concernant l’ajout de sucre. Les consommateurs doivent savoir comment est vinifié le produit qu’ils achètent » déclareexplique Ruenza Santandrea, coordinatrice du secteur vitivinicole de l’Alleanza.
Je partage le courroux italien car ce qui m’a toujours étonné depuis le jour où j’ai mis les pieds à l’Office des Vins de Table, en 1978, c’est l’omerta qui règne à propos de la chaptalisation dans le marigot des critiques, des grands amateurs, et plus récemment dans celui des explorateurs des défauts des vins dit nature.
En ce temps-là, le dernier carré du gros rouge français tempêtait contre la discrimination entre les barons des appellations et la piétaille des vins de table, la chaptalisation est autorisée dans les zones viticoles A, B et C à l'exception faite des vignobles situés en Italie, en Grèce, en Espagne, au Portugal, à Chypre et dans les départements français relevant des cours d'appel d'Aix-en-Provence, de Nîmes, de Montpellier, de Toulouse, d'Agen, de Pau, de Bordeaux et de Bastia, et en plus l'enrichissement par sucrage à sec peut être autorisé par les autorités nationales à titre exceptionnel dans les zones d’appellation.
Le ministre de l’époque, le tout mou Méhaignerie, pour calmer la fronde des sudistes, confia une mission à mon directeur Pierre Murret-Labarthe, bordelais d’origine, qui ne pouvait pifer la suffisance des chefs des appellations.Provocateur-né, il préconisa la suppression de la chaptalisation. Tollé de l’INAO présidée par un Bordelais Pierre Perromat et, comme de bien entendu, le courageux Méhaignerie en bon centriste adopta un compromis mou – sans jeu de mots – en accordant aux Vins de table le droit d’enrichir leurs moûts avec des MCR (mouts concentrés rectifiés) en compensation.
Jean Clavel, grand témoin de cette période écrit :
« Le rapport Murret-Labarthe présenté à l’ONIVINS dans les années 1970 a préconisé l’application de la «loi unique», il s’agissait de compenser l’écart du prix du sucre d’origine exogène (betterave) et celui du sucre endogène (MC, MCR) pour mettre tous les viticulteurs sur un pied d’égalité économique. Cette disposition a été reprise lors de la mise en place de l’OCM vin. Cependant à l’occasion des crises d’excédents, la question est revenue en discussion. L’enjeu économique principal résulte du fait que la chaptalisation est une méthode qui augmente les volumes de production. Elle rend commercialisables des volumes qui ne l’étaient pas du fait de leur degré insuffisant en transformant en alcool du sucre exogène, il s’y ajoute le fait que les contrôles sur les quantités réellement employées sont difficiles. Le recours aux MC et MCR et plus récemment à l’osmose inverse, sont au contraire des méthodes qui éliminent une partie de l’eau et réduisent en conséquence les volumes. »
C’est le chimiste, ministre de surcroît, Jean-Antoine Chaptal qui a théorisé ce procédé en 1801 à l'aide notamment des travaux scientifiques de l'abbé François Rozier, célèbre botaniste et agronome ; le but était d'augmenter le degré alcoolique des vins afin d'améliorer leur conservation. À cette époque en effet, les vins étaient rarement mis en bouteilles et ne se conservaient en cave que quelques mois. Chaptal l'a décrit dans un livre publié en 1801, L'art de faire, de gouverner et de perfectionner les vins.
Le saccharose : l'opération de sucrage ou de chaptalisation, bien connue depuis le 18ème siècle, consiste à ajouter au moût du saccharose raffiné blanc d'origine non spécifié (canne à sucre, betterave...). Le saccharose n’est pas directement fermentescible et la molécule devra être hydrolysée par voie chimique ou enzymatique en une molécule de glucose et de fructose. L'addition d'un kilogramme de sucre augmente le volume d'environ 0,63 litres (masse volumique = 1586 g/l). Sa solubilité dans l'eau à 20°C est de 667 g/l.
Moi-même j’écrivais en 2011
« Ce n’est qu’une pratique œnologique traditionnelle là où le soleil n’est pas toujours au rendez-vous objecteront les partisans du statu quo. Certes mais sans vouloir mettre le doigt où ça fait mal le recours systématique à des demandes d’enrichissement de 1,5 à 2 % permet de sauver de la mauvaise monnaie et de mettre sur le marché des vins qui n’ont rien à y faire sauf à alimenter la machine à fabriquer des prix plus bas que bas.
La Commission Permanente de l’INAO du 7 juillet lors de son débat sur les orientations pour la fixation des conditions de productions de l’année 2011, « est une pratique exceptionnelle autorisée en cas de situation climatique défavorable, et que la richesse minimale en sucre de raisins doit refléter une maturité suffisante par rapport aux exigences de l’appellation ». Fort bien mais la lecture des arrêtés relatifs à l’augmentation du titre alcoométrique naturel des raisins frais et des moûts destinés à l’élaboration des vins (AOC+VDQS) ne traduisent guère cette pétition de principe. Le dernier connu, celui de la récolte 2010 du 15 avril 2011 publié au JO du 21 avril 2011 entérine une vision large d’une pratique exceptionnelle. Tous ceux qui peuvent y prétendre sont présents. Pour cette année, le Comité National de l’INAO du 28 septembre 2011 a renouvelé l’exercice avec la même ampleur.
Le centre de gravité de la chaptalisation s’est déplacé ces dernières années et il est au cœur même du système AOC où la pratique s’est quasiment institutionnalisée. Qui le sait à l’extérieur de l’institution ? Pas grand monde, c’est la boîte noire et l’omerta. Que la chaptalisation puisse se justifier dans certaines circonstances exceptionnelles, pourquoi pas ! Mais que ça devienne une rustine systématique pour ceux qui font pisser la vigne ne me semble pas relever d’une saine gestion et de notre potentiel et de l’image d’excellence de nos soi-disant vins de terroir. Notre crédibilité est en jeu et que l’on ne vienne pas m’objecter que c’est une mesure « sociale » pour sauver une partie de notre viticulture. »
Voilà pour ce petit rafraîchissement de mémoire qui prouve que je ne sucre pas encore les fraises…
SUCRER LES FRAISES: Expression française du début du XXe siècle signifiant « être agité d'un tremblement nerveux », être gâteux.
« Nous pensons qu'à l'époque où on nous réanimera, ce sera justement parce qu'on aura trouvé le moyen de nous rajeunir nos cellules, donc de ne pas être des petits vieux sucrant les fraises »
Hennig Jean-Claude 1979. Morgue - Enquête sur le cadavre et ses usages
L'origine remonterait au mouvement effectué à l'aide d'un sucrier à trous tenu d'une main pour verser le sucre sur une coupe de fraises saisie de l'autre.
Une autre source attribuerait les origines de cette expression française aux collerettes, la fraise, ces dames et messieurs de la cour au XVIe et XVIIe siècle qui en tremblant répandaient le poudre dont sur leur fraise.
Ceux qui n’ont pas vécu l’effervescence échevelée du mois de mai 68 ne peuvent pas comprendre l’étrange état, mélange de frustration, de manque, d’envie de repasser les plats, dans lequel se sont retrouvés certains lycéens qui avaient dû se contenter, dans leur bahut de province, du rôle de spectateur de la chienlit chère au vieux général. Beaucoup d’entre eux avaient bien sûr organisé des répliques, des poussées d’acné juvénile, de la contestation contre la machine à ingurgiter, mais ce n’était que des ersatz. Alors, ceux d’entre eux qui étaient monté à Paris pour entrer en Prépa, avaient élevé les évènements au rang d’un mythe fondateur. Ils ne touchaient plus terre. Ils ne voulaient pas descendre de leur petit nuage. Ce coitus interruptus, fin prématurée de la grande fête de printemps, les plongeaient dans une forme avancée de fouteurs de merde professionnels. L’ordre régnait à nouveau mais la sève vive de ces jeunes pousses, à la tête bien faite, ne demandait qu’à gicler. Et elle giclait : du règlement intérieur tatillon, avec ses contrôles, ses justifications d’absence, du cérémonial des mandarins, du folklore poussiéreux de Louis-le-Grand, ils font table rase. Le tout est possible est autoproclamé. C’est le règne du bon vouloir d’une poignée de trublions. La hiérarchie s’écrase. S’incline. Se couche. La spirale du bordel s’installait.
Armand et Benoît débarquèrent dans ce happening permanent, où ce pauvre Lagarde, le coéquipier de Michard, connu de tous les potaches de France et de Navarre pour ses manuels de littérature, tête de turc n°1, harcelé, bousculé lors d’un concours blanc, débordé, s’écroula victime d’une crise cardiaque dans l’indifférence générale. La Cause du Peuple, le grand organe révolutionnaire, osera écrire «Lagarde meurt mais ne se rend pas » ; en l’occurrence l’imbécile réactionnaire pique sa crise cardiaque. Et, alors que l’administration, les réformistes et les révisos s’empressent autour de la sommité académique à terre, le camp antiautoritaire continue son action ; pourquoi s’arrêter pour une autorité académique ? Peu nous importe le sort d’un pauvre type, du moment qu’il cesse de répandre ses insanités ! » Ce n’est pas du karcher mais du lance-flammes. Féroces les tigres de papier, adeptes de l’eugénisme « intellectuel », ils règnent sans partage sur « Base Grand ». Tout le monde s’écrase, le proviseur et le censeur sont aux abonnés absents, les surgés ne voient et n’entendent rien, alors les insurgés s’enhardissent, libèrent le « jardin privé » du proviseur, le portrait du Grand Timonier orne le monument aux morts.
Le soir du rendez-vous avec les chefs du groupe Action de la GP, la cellule « gépéiste » de « Base Grand se réunissait. L’ambiance était électrique car la semaine précédente, à l’issue de la projection de l’Orient rouge, opéra socialiste-réaliste à la sauce aigre-douce chinoise du Grand Timonier, où, bien sûr, les larges masses paysannes triomphaient des affreux contre-révolutionnaires, les « nouveaux enragés » s’étaient payés le luxe d’envahir la salle voisine où se tenait une réunion d’une association de parents d’élèves « réac ». Bombages des visons de ces dames, croix gammées sur les murs, horions divers et variés : pourris, bourgeois décadent, crises de nerfs, en dépit de la position minoritaire des larges masses étudiantes les mâles bourgeois décadents laissaient les gardes rouges humilier leurs dignes épouses. En dépit du caractère minable, honteux, de cette action, les « partisans » de « Base Grand » sont donnés en modèle. Portés au pinacle de la Révolution prolétarienne. Benoît en entrant dans le hall du vénérable lycée, avec son jean et son perfecto, eut l’impression de pénétrer sur la scène d’un théâtre d’avant-garde où les acteurs singent le réalisme en se fagotant de guenilles et sur-jouent pour persuader le public de leur engagement extrême à la cause des masses opprimées. Les larges masses de la cellule « gépéiste » de « Base Grand », comme me l’avait dit cette ordure de Gustave, n’étaient qu’un ramassis de petits frelons : des impuissants dangereux.
Manifestation étudiante dans les rues de Caen, lors des événements de Mai 1968. MAXPPP/PHOTOPQR/OUEST FRANCE
Je déclare La France d'hier de Jean-Pierre Le Goff d’utilité publique.
Le Goff est plus jeune que moi, j’avais quasiment 20 ans en mai 68, mais je mets facilement mes pas de petit Vendéen, fils d’un paysan et d’une couturière, dans ses pas. Je me retrouve dans son parcours d’enfant et d’adolescent.
En mai 1968, avec Marcel Gauchet, Paul Yonnet, Jean-Pierre Le Goff ont régner la pagaille dans la faculté des lettres de Caen. La période marque durablement leur vie et leur œuvre. Mais le trio va évoluer du gauchisme à l'antitotalitarisme. Chacun d'entre eux va opérer une relecture critique des événements de Mai et de leurs conséquences.
Janvier 68 à Caen, précurseur des événements de mai 68
« Les Caennais ont vécu trois périodes mouvementées en 1968 : au mois de janvier tout d'abord, à l'université, avec la visite du Ministre de l'éducation Alain Peyrefitte, venu à la faculté pour inaugurer le nouveau bâtiment des lettres et chahuté par les étudiants ; un peu plus tard, dans les usines et dans les rues de la ville avec les manifestations des ouvriers de la Saviem, Jaeger et Sonormel.
En mai ce sont les étudiants en sociologie qui lancent le mouvement à l'université. Les salariés s'engagent aussi dès le 13 mai, soutenant ainsi activement l'appel à manifester lancé par les organisations syndicales nationales. Ouvriers et étudiants sont très déterminés et combatifs durant tout le mois de mai. »
La première usine en grève c'est Sud Aviation à Nantes, le 14 mai. Le soir même, des étudiants de l'université font 5 kilomètres pour rejoindre l'usine et certains passent une partie de la nuit à discuter avec les ouvriers.
C'est la première usine en mouvement. Le 13 mai, la fameuse nuit des barricades à Paris, une émeute éclate à Nantes. Dès le lendemain, l'usine Sud Aviation est occupée par les grévistes, et les patrons sont séquestrés. Ils le resteront jusqu'à la fin du mouvement !
Le 24 mai, des dizaines de milliers de personnes se rassemblent dans le centre-ville. Étudiants, ouvriers et paysans occupent la place Royale, rebaptisée "Place du Peuple". Nantes est la seule ville en France où l'on peut voir des tracteurs défiler au côté des manifestants. La préfecture est attaquée avec des engins de chantiers et prise d'assaut. Un début d'incendie se déclare. Le préfet de Nantes appelle Paris pour demander l'autorisation d'ouvrir le feu sur les manifestants. Heureusement, le pouvoir central refuse. L'hôtel de ville envahi et occupé.
C'est le début d'un épisode unique en France : la Commune de Nantes
Un comité de grève composé d'ouvriers et de paysans décide de prendre en main l'approvisionnement de la ville depuis l'hôtel de ville occupé. Les jours qui suivent, le pouvoir s'est évaporé. La police ne quadrille plus les rues de Nantes. La CFDT du département appelle à poursuivre la remise en cause du capitalisme, du gaullisme, de l'exploitation de l'homme par l'homme. Le 28 mai, des comités provisoires sont créés afin d'assurer la gestion populaire des caisses de sécurité sociale et d'allocations familiales. Les quotidiens Ouest-France et Presse-Océan publient désormais sous le contrôle des journalistes et des ouvriers du livre.
Revenons à La France d'hier
« Sensible comme un peintre normand, Le Goff peint ces évolutions par petites touches. Il alterne détails microscopiques mais toujours signifiants et réflexions plus générales. Son constat est clair: le moment 68 est l'instant visible, collectif d'un bouleversement profond qui avait depuis dix ans transformé la jeunesse. «Le “tout, tout de suite” de l'Antigone d'Anouilh, écrit Le Goff, débouchait sur la mort. Passant outre le tragique, la jeunesse révoltée des années 1960 allait faire son programme de vie et d'action dans les conditions nouvelles de la société de consommation et de loisirs.»
Jean-Pierre Le Goff ne voulait pas écrire ce livre. L'homme est modeste, pudique, et le sociologue sait trop où peuvent mener les vertiges de l'ego. Il a pourtant choisi de raconter une enfance et adolescence françaises entre 1950 et 1968, non pas pour contempler sa jeunesse et sa trajectoire, moins encore pour gratter de vieilles plaies, mais pour laisser en héritage un récit qui pourrait renseigner les jeunes générations sur le monde d'avant 1968. Il a bien fait. Son livre est précieux comme une correspondance cachée, évocateur comme une photo jaunie, plein de détours, d'atmosphères et de nuances comme le sont les souvenirs.
Pour le sociologue Jean-Pierre Le Goff, on confond l’événement lui-même avec les années qui suivront. Une confusion typique de la mythification du mouvement.
Dans la France d’hier (Stock), le sociologue Jean-Pierre Le Goff, qui a «fait» 68, remonte le temps, celui d’avant-Mai, pour tenter de comprendre un mouvement contestataire inédit. Et reprendre un récit confisqué selon lui par les soixante-huitards, comme par les contempteurs de la vague libertaire.
De Mai, vous parlez «d’héritage impossible», que voulez-vous alors transmettre ?
Mon but est d’essayer de renouer le fil rompu avec les nouvelles générations. J’ai souhaité revenir sur les faits, écrire un récit pour saisir les conditions sociales et historiques de Mai. Longtemps, l’histoire a été écrite par les vainqueurs, de Cohn-Bendit à Goupil. Une belle histoire qui ne souligne pas suffisamment l’ambivalence du mouvement. Dans «68», il y avait de tout : de l’hédonisme, du contestataire, du politique bien sûr, mais aussi une forme de nihilisme.
Pourquoi écrire cet essai alors que vous êtes très critique sur cette période ?
Le problème n’est pas «Mai». Ce moment historique a mis en question les finalités du progrès, a contesté le moralisme et le paternalisme, le pouvoir et les institutions sclérosés, on ne reviendra pas en arrière. Ce qui m’apparaît avant tout en question est ce que j’ai appelé son «héritage impossible» qui comporte une remise en cause radicale des symboles de l’autorité, une conception de l’autonomie érigée en absolu. Cet héritage a été transmis d’une génération à l’autre, passant par une contre-culture transgressive pour aboutir à un nouveau conformisme social. C’est ce gauchisme culturel, venu des années post-68, qui va servir de substitut à la crise que traverse la gauche en 1981 alors qu’elle arrive au pouvoir et que sa doctrine est déjà en morceaux. Au lieu de faire une révolution violente, les vainqueurs de 68 et de 81 vont mener une révolution culturelle pacifique, ici et maintenant, dans les têtes et dans les mentalités, par la pédagogie, le militantisme de SOS Racisme, par exemple. Ces vainqueurs disaient qu’ils étaient «démocrates», ils avaient, en fait, hérité d’une idéologie pacifiée par rapport à nous qui avons versé dans le militantisme dur des années 70. Ils ont hérité d’une idéologie pacifiée par le féminisme et l’écologie qui rompt avec l’extrême gauche néobolchévique du début des années 70. Ce n’est donc pas Mai ! Mai 68 était globalement machiste, les leaders du mouvement sont des hommes. Les femmes qui créeront le MLF en 1970 se révolteront précisément contre le militantisme sacrificiel et le machisme guerrier qui règnent dans les groupuscules.
Ce livre se veut aussi une réponse à la pensée anti-68 réactivée par Sarkozy et Wauquiez, aujourd’hui ?
Les revanchards ont fait de 68 l’origine de tous les maux de la société. On est passé de la mythification des vainqueurs à une logique de l’histoire très noire, sans faire la part des choses entre les acquis et les dérives. La version des revanchards pas plus que celle des vainqueurs ne permet de comprendre l’événement. On peut être critique sur les idées et les actions menées à cette époque, mais les étudiants contestataires et les gauchistes n’ont pas inventé la crise du christianisme, le discrédit du gaullisme dans ces années-là, la crise de l’université, le mécontentement social.
Vous faites de 68 une révolte de la modernité, de l’adolescence aussi ?
Etre adolescent entre la fin de la guerre d’Algérie et 68, c’est déjà vivre dans l’ère du vide. Après les grands récits historiques, il y avait un conformisme de masse autour de la consommation. Mai 68 est un événement multiforme, un moment de pause et de catharsis dans une société qui, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a été transformée en peu de temps par la modernisation des Trente Glorieuses. C’est dans ce moment historique que l’adolescence va devenir un nouvel acteur social, un modèle de comportement qui fait de l’intensification du présent un mode de vie qui a tous les traits d’une fuite existentielle et du divertissement pascalien.
Un autre Mai 68 est-il encore possible ?
Je n’en peux plus d’entendre dire «ça va revenir !». Nuit debout a poussé jusqu’à la caricature cet héritage impossible : refus de toute hiérarchie, utopie d’une société à l’horizontale en état de récréation permanente. Après 68, la revendication de l’autonomie était autre, elle avait un sens : il y avait un Etat fort, des interdits, on le contestait. C’est dans ce cadre qu’il faut resituer «l’Evénement». «68 était un 1789 socio-juvénile», dit Edgar Morin. Mais, politiquement, c’était une impasse. Il y avait une folie dans les mouvements gauchistes français, il faut le dire ! Moi, je m’en suis sorti, mais nombre de gens sont restés sur la touche. Tous ne se sont pas transformés en bons démocrates ! Il y a un énorme malentendu sur 68. En politique, on ne peut pas prendre ses désirs pour des réalités, c’est l’une des grandes leçons.
« Avant de me rendre au rendez-vous à « Base Grand » je demandais à mes commanditaires de me faire parvenir un papier sur Robert. Je ressentais le besoin de le décoder, de mieux comprendre sa trajectoire afin d’éviter de me prendre les pieds dans le tapis avec ses petits camarades qui l’avaient « excommunié ». Ce type me glaçait. Je pressentais en lui tout le capital d’intransigeance des hommes d’appareil, sûr d’eux-mêmes, de leurs implacables analyses, imperméables à tout ce qui n’était pas la cause, insensibles aux petitesses de la réalité. Et pourtant, à l’atelier, sur les chaînes, dans le système Citroën, la vie de tous les jours ne collait pas avec les attentes de cet intellectuel en mal de contact avec les prolétaires. Loin d’être comme un poisson dans l’eau, mon Robert se retrouvait sur du sable sec, privé de son élément naturel, incapable d’agir selon ses schémas, soumis comme les autres à la chape du boulot, de la fatigue extrême, de la routine des gestes, de la connerie des petits chefs, de la suffisance des impeccables, de la soumission et parfois même du stakhanovisme de beaucoup de collègues, du temps qui file, des soucis familiaux, de la peur des nervis, de la débrouillardise et de la bonne humeur de ces damnés de la terre. Ici on survit. On s’économise. Parfois, comme une houle soudaine, la masse s’anime pour protester contre un temps de pause écourté. On court tout le temps après le temps. Tout n’est que parcelle, les conversations, les pauses, la cantine, l’embauche, la fin de la journée. On s’égaille. Les « larges masses » ne sont que des escarbilles, aussi grises que les poussières de l’atelier de soudure, qui flottent sans jamais vraiment prendre en masse. Je voyais bien que Robert était désemparé. »
« Le PQ des RG sur Robert au temps de sa gloire de grand timonier de l’UJC (ml) alors que les barricades s’érigeaient au Quartier Latin et que les « émeutiers » s’affrontaient avec les mobiles et les CRS et qu’il campait à Ulm dans son splendide et orgueilleux isolement, comme à l’habitude consistait en un ramassis de ragots de fond de chiottes et d’analyses foireuses. Il en ressortait tout de même que notre homme ne dormait plus, vivait dans une excitation extrême car, déjà, la réalité échappait à ses schémas théoriques. Lui qui rêvait debout de la jonction des étudiants avec le prolétariat assistait au dévoiement d’un puissant mouvement par des « petits bourgeois ». C’était infantile. Il enrageait. Voir des non-organisés confisquer le grand élan de la révolution populaire, la transformer en un happening violent, à coups de pavés, de manches de pioches, dans les quartiers bourgeois, le plongeait dans un abime d’incompréhension. Lui et ses amis prochinois avaient beau distribuer un tract « Et maintenant aux usines ! » pour exhorter les étudiants à migrer vers la banlieue, là où vivent et travaillent les larges masses, ils sont à côté de la plaque. Hors la vie, comme toujours. La garde rapprochée de Robert, même si certains sont ébranlés, comme Roland et Tiennot, par la spontanéité et la force de la rue, ne réfute en rien sa dialectique impeccable. La force des avant-gardes, ce noyau dur, d’acier trempé, est d’avoir raison contre tous. Personne n’ose l’interrompre, il est sur l’Olympe, sourd dans sa bulle d’exaltation. Sauf, et c’est le genre de détail qui fait bander le RG de base, qu'une voix discordante s’est élevée pour contester le n°1, l’interrompre, c’est Nicole, sa femme. Crime de lèse-majesté, cette femelle osait lui balancer que les choses ne se passaient plus ici, dans ce huis-clos surréaliste, mais dans la rue. Le maître l’avait viré sans ménagement, avec un argument d’autorité : « Elle n’avait pas le droit de parler dans ce Saint des saints des détenteurs de la vérité révolutionnaire. » Le reste, insinuations sur qui couche avec qui, ne présentait aucun intérêt, sauf bien sûr pour les gros cons de la Grande Maison que ça excitaient. »
« Pour Robert c’était le début de la chute aux enfers. Il souffrait. Ne mangeait plus. Divaguait. Il déraillait. Il décollait. Il fuyait le réel dans un discours de fou. Ses lâches compagnons de route, même s’ils s’inquiétaient de son état, soit se planquaient, soient le laissaient délirer au nom de je ne sais qu’elle soumission à la toute-puissance du guide. La dernière clé d’explication d’une situation qui lui échappait c’était bien sûr la théorie de la machination, d’un complot ourdi par une improbable alliance entre le pouvoir et les social-traîtres. Bouclé à double tour dans son hermétisme, il savait. Jamais il n’en démordrait. Mes petits camarades listaient alors un incroyable enchaînement de faits qui montraient que le brillant intellectuel passait la frontière de la raison. Ses actes étaient autant de degrés dévalés qui précédaient l’effondrement. Robert sortait de sa tour d'ivoire, de son réduit, pour se rendre rue le Peletier, au siège du PC, pour offrir son soutien à Waldeck Rochet, sauver la classe ouvrière contre elle-même. Refoulé par les sbires il rédigeait alors une lettre d’insulte à Mao qui s’est déclaré en faveur des barricades. Accompagné d’un ami, il prenait un train, se sentant traqué il sautait en marche. Tout cela me paraît totalement fou, je doute. En définitive Robert est hospitalisé et se retrouvait en cure de sommeil. Tout ça et bel et beau et bien sûr sert mes plans : je vais cyniquement mettre le doigt où ça fait mal et exploiter le Dieu déchu. »
Dans ma vieille Vendée crottée c’est sur les bords des chemins, des routins, que le bon peuple allait ramasser des pissenlits pour les manger ou les donner aux lapins comme le faisait ma mémé Marie.
Le sieur Bompas, le coéquipier du sieur Dupont, tous deux en partance pour les 2 Rives de la Gironde, communément nommées Bordeaux : « Demain matin, dès l'aube à l'heure où blanchit la campagne (c'est le cas ce matin en Bourgogne!), nous commençons nos dégustations des primeurs à Bordeaux. » nous dit que :
Le printemps arrive, on se met au vert !
Pissenlit, doucette ou mâche sauvage, pourpier, roquette, cresson et chicorée, les salades sauvages annoncent les beaux jours.
« On dénombre plusieurs dizaines de salades sauvages, dont une bonne trentaine couramment ramassées. Même si l'essentiel des intoxications alimentaires imputables aux végétaux sauvages est dû aux champignons, il peut arriver que l'on confonde salades et plantes toxiques. Il n'est donc pas inutile de se munir d'un guide avant de se lancer dans la cueillette. Aussi pédagogique que pratique, le livre Les Salades sauvages : guide de cueillette*, édité par l'association les écologistes de l'Euzière basée à Prades-le-lez dans l'Hérault, présentent, sous forme de fiches techniques avec photos, les salades sauvages les plus courantes. »
Pisse en lit, eh, oui, c’est le CNRTL qui le dit « Composé de pisse (forme du verbe pisser*), de la préposition. en* et de lit*. Cette plante est ainsi nommée en raison de ses propriétés diurétiques.
Le très sérieux Figaro titre lui : Le pissenlit, la fleur qui détrempe les lits.
« Il est la petite fleur dans la prairie. Celui qui dore de têtes jaunes nos prés verts et que «les petits de l'hirondelle mangent» chez un autre Prévert. Le pissenlit. Voilà le bonhomme rayonnant de nos contrées qui fait également l'éclat des fioles de phytothérapie dans nos pharmacies. La plante herbacée est en effet très utile pour ses propriétés diurétiques. Une vertu qui n'est pas d'ailleurs sans avoir influencé son nom... »
«Je sème à tout vent».
Pierre Larousse est Icaunais né le 23 octobre 1817 à Toucy dans l'Yonne. A l’époque, une grande majorité de la population est analphabète ; le souhait de Pierre Larousse est «d’instruire tout le monde sur toutes choses». Son vœu se concrétise en 1863, avec la parution du premier fascicule du Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, qui atteint 20 700 pages en 1876
C’est aussi à cette date qu’Emile Reiber dessine le premier logo de la société. L’architecte et décorateur français choisit le pissenlit, pour ses graines qui se dispersent au vent, et ajoute à son illustration la devise «Je sème à tout vent».
En 1890, le peintre Eugène Grasset transforme le logo de Larousse. Sur une idée de George Moreau, un autre fondateur du Larousse, l’illustrateur réalise la première et bientôt célèbre «semeuse», qui souffle sur un brin de pissenlit. Au fil du temps, elle subira des évolutions stylistiques. «La semeuse représente la diffusion du savoir »
On me dit que le Jacques Dupont, lui aussi bas-bourguignon, est Audiard addict alors je verse à son dossier le film Des pissenlits par la racine de Georges Lautner, sorti en 1964, dans lequel j’extrais une des célèbres répliques de Michel Audiard, placée dans la bouche de Maurice Biraud : « Plus t'as de pognon, moins t'as de principes. L'oseille c'est la gangrène de l'âme. »
Manger, bouffer, les pissenlits par la racine est notre seule certitude.
« Eh, Brode, eh ! Ça va pas ? Tu parles si ça n'allait pas ! Il était parti bouffer les pissenlits par la racine, le vieux frère. Quand j'ai vu ça – le trou de rien du tout dans le cigare – le temps de la colère m'est monté. »
Faut pas rire avec les barbares Spaggiari Albert 1977
Nom scientifique : Taraxacum officinale
Noms communs : pissenlit, dent de lion, ou encore salade de taupe
Nom anglais : dandelion
« Le pissenlit est une plante à tige creuse, qui comporte un capitule solitaire plat et de couleur jaune : ce sont là ses fleurs, qui sont ligulées. Cette couleur toute particulière est visible de mai à novembre, lorsque le capitule est fleuri et donc prêt à être récolté. C'est une plante herbacée particulièrement vivace, avec une souche épaisse et une racine qui peut descendre jusqu'à 50 cm dans le sol. Ses feuilles, très appréciées pour les préparations, sont disposées en rosettes et réparties de façon inégale, en triangle. C'est une plante que l'on rencontre tout au long de l'année, notamment dans les champs et les prairies, mais aussi dans les endroits humides. »
« L'utilisation du pissenlit comme plante médicinale trouve ses origines dans l'Antiquité grecque, mais les premières véritables utilisations du pissenlit remontent au XVIe siècle où les médecins l'utilisaient pour soigner les maladies du rein. Le pissenlit a ensuite été employé pour soigner les troubles de la vésicule biliaire, pour faire baisser la fièvre, lutter contre la rétention d'eau, les rhumatismes ou les problèmes de peau. Le pissenlit a été introduit par le Dr Leclerc en ce qui concerne ses bienfaits sur le foie et les voies biliaires. »
Du côté cuisine, Olivier Bompas nous conseille le grand classique :
La salade de pissenlits
Le pissenlit, salade amère au goût un peu poivré, fait partie des salades sauvages les plus appréciées. La garniture est constituée de lardons, de petits croûtons aillés et d'œuf mollet, dont le jaune se mêle à la sauce vinaigrette qui peut être relevée d'un peu de moutarde. Les amateurs rajoutent les lardons juste au moment du service, avec la graisse qui s'est écoulée au fond de la poêle, encore chaude !
Du côté jaja, en revanche, je ne suis pas Bompas qui fait dans les vins con-con, appellation de mon cru pour les vins conventionnels.
Le pissenlit est amer, j’aime l’amer !
J’adore la macération, l’oxydatif !
Je le marie donc avec des vins na-na, appellation de mon cru pour les vins nature. La sélection est de Cécile la sommelière du restaurant Giovanni Passerini.
« Hors les murs de l’usine, Robert, se révélait de la race des intellos impérieux, sûr et dominateur, incapable d’écouter, de la pâte dont sont faits les chefs qui transforment les révolutions en machines infernales au service d’une minorité. Ce que j’avais cru être chez lui du découragement était en fait un orgueil incommensurable doublé d’un sentiment d’injustice : comment était-ce possible qu’un « maître » comme lui, au sens Althussérien du terme, puisse avoir chuté de son piédestal ? L’homme brûlait d’une flamme inquiétante. Je réfrénai mon envie de le contrer, de lui dire que la vraie vie était ailleurs, qu’on ne venait pas sur les chaînes de Citroën par choix de vie mais parce qu’il fallait, pour ces algériens, yougoslaves ou turcs, quitter l’extrême misère de leur pays pour becter. Que sa seule présence, doublée de son incurie manuelle, était en soi une insulte à ces pauvres bougres. Son statut « d’établi » même fondé sur les plus belles intentions du monde menait à une impasse : on ne singe pas la condition des autres quand on a la possibilité, à sa vraie place, d’influer sur le cours des choses. Ce dévoiement absolu me débectait mais il me fallait jouer mon jeu qui n’était guère plus reluisant. Je collaborais avec les flics pour ne pas bousiller ma vie, avec ce fêlé de Robert nous formions une belle paire de hors la vie.
Entre nous deux, très vite, une forme de gêne, mélange de défiance et d’agressivité contenue, s’instaura. Robert, en dépit de son peu de goût pour l’existence des autres, sauf s’ils collaient à ses schémas préconçus, me perçut comme un type dangereux : je ne correspondais à aucun de ses stéréotypes et, sous mon apparente passivité, il sentait poindre mon hostilité. Dans sa paranoïa il me classait dans la pire des catégories : celle des pragmatiques, ceux qui s’en sortent vaille que vaille en assumant leurs contradictions. Moi j’avais surmonté l’adversité. Je suivais la chaîne. D’ailleurs si Robert n’avait pas été enfermé dans son univers étriqué de révolutionnaire de pacotille il se serait posé des questions à mon sujet : comment un type qui prétendait avoir travaillé dans un garage pouvait-il ne pas maîtriser un geste aussi simple que celui de la soudure à l’étain ? Je suis certain que le doute ne l’avait même pas effleuré. Mon échec, au fond, le réconfortait. Ce type se complaisait dans son tunnel idéologique. Il avait raison seul contre tous. Si tous ses petits copains de la GP étaient de cet acabit je n’allais pas être à la fête tous les jours et les risques de dérapages en direction d’actions violentes, voire sanglantes, n’étaient peut-être pas que des fantasmes de haut-fonctionnaires de la place Beauvau. Le nid de frelons s’avérait peut-être bien plus dangereux que je ne le pressentais. Bien sûr, les chefs ne se saliraient pas les mains, mais ils allaient sans doute voir en moi l’exécuteur des basses œuvres idéal. »
Mon père, Arsène Berthomeau, vouvoyait son père Louis Berthomeau qui pour moi était le pépé Louis.
Je n’ai pas le tutoiement facile, le vous dans l’exercice de mes fonctions, enseignant un temps, ors de la République, m’ont fait pratiquer le vouvoiement pour maintenir la bonne distance avec mes élèves, étudiants et interlocuteurs.
Et pourtant, en 1981, lorsque je déboulai dans le marigot socialo, dont je n’étais pas, il me fallut pratiquer le tu des camarades. J’eus bien du mal à m’y faire mais je m’y suis soumis.
Je n’ai jamais tutoyé Michel Rocard.
Catherine Bernard était journaliste lors de notre première rencontre dans les années 2000 pour une interview à propos de mon rapport, bien sûr nous nous sommes vouvoyés et cela a duré 17 ans avant que, elle devenue vigneronne et moi vacancier permanent, nous nous tutoyons.
J’ai bien connu une comtesse vigneronne dans un département kolkhozien qui pratiquait le vouvoiement avec son mari.
J’ai été estomaqué lors d’une grand-messe au 78 rue de Varenne, lors d’une énième crise du lait, de voir Bruno Le Maire, alors Ministre de Sarkozy, tutoyer à qui mieux mieux les dirigeants agricoles, FNSEA comme Confédération Paysanne.
Je ne suis pas bégueule je ne confère pas au vouvoiement une aura marquant le respect mais je ne supporte pas, de la part de journalistes ou de ceux qui se disent journalistes le tutoiement de connivence.
J’entends par là un tutoiement qui marque une appartenance au même monde, du même tonneau que mon cher ami ponctué par l’utilisation du prénom de l’interviewé.
Je trouve cet entre soi à chier !
Les intéressés vont me rétorquer qu’ils pratiquent ce tutoiement dans leurs relations quotidiennes et que le vous serait une forme d’hypocrisie. J’en conviens mais ce que je conteste c’est justement cette connivence ordinaire entre journalistes et puissants ou supposés tels.
Pour le bon peuple, déjà très porté sur le tous pourris à propos des politiques, de l’élite, des journalistes, ce tutoiement de connivence, qui donne le sentiment que les deux interlocuteurs ont gardé les vaches ensemble, est ravageur. Il décrédibilise les propos échangés, le journaliste apparaît comme servant la soupe à l’interviewé.
L’indépendance affichée en bandeau c’est bien beau mais les invitations au château, l’air de contentement d’en être, ne permet pas de pousser l’interviewé dans ses derniers retranchements, ce dont il profite pour débiter un filet d’eau tiède.
Ce n’est pas avec ça que je vais m’abonner, donner mes petits sous pour soutenir un média indépendant, informatif, décapant, abordant les sujets de fond. Entendre répéter à l’envi, par un winemaker qui court le monde, qu’il passe son temps dans ses vignes au mieux me fait rire, au pire me fait chier.
Je suis grossier, désolé mais ce matin ça me fait du bien.
« À la pause alors que je m’apprêtais à me tirer je croisai le regard d’un type qui semblait encore plus désemparé que moi. Les humains sont de drôles de petites bêtes : le malheur de leurs semblables exerce sur eux à la fois de la fascination et une forme d’attraction irrépressible. Certains s’en gavent sans retenue comme des charognards, d’autres s’apitoient, d’autres encore compatissent, mais très peu se mettent en position de comprendre. Et pourtant, non que je fusse touché par la grâce, face à ce pauvre bougre, je puisai la force de rester en poste. Je découvrais un frère de chaîne. À nous deux, je le sentais, nous formions l’embryon d’un étrange noyau assemblant les fêlés qui étaient ici par choix. Robert, puisqu’il se présenta ainsi lorsque je lui tendis la main et qu’il s’y accrocha comme à une bouée, expiait. Dans son regard de pauvre hère, tout le malheur de l’intellectuel qui a failli et qui vient se plonger, se ressourcer, dans le bain purificateur des prolétaires. Il s’en défendait : bien sûr que non sa plongée en usine n’était pas destinée à le nettoyer des souillures de sa classe. L’embauche prenait son sens dans un travail politique aux côtés des si fameuses, et si insaisissables « larges masses ». Le problème c’est que la chaîne, n’avait rien à voir avec le ballet de Charlot dans les Temps Modernes, elle avançait avec lenteur mais sans cesse, sans aucun temps mort, tel un sablier inexorable. Il fallait pisser, chier, se moucher, se gratter, aux temps morts chronométrés. Alors, les belles paroles lancées dans un bistro du Quartier Latin sur la nécessaire implantation au cœur de la classe ouvrière se dissolvaient dans la fatigue de bête de somme et l’évanescence de la dite classe que ce pauvre Robert cherchait en vain.
Mon coup de déprime fut de courte durée. Dès le lendemain, sans être un crack de la soudure à l’étain, je m’intégrai cahin-caha au circuit. La chaîne, en demi-cercle, avançait d’un mouvement continu comme une grosse horloge bruyante dont nous étions les engrenages. Toutes les trois ou quatre minutes, le pontonnier, posté en tête de chaîne, déposait, à l’aide d’un engin ressemblant à une pince à sucre, sur un plateau la carcasse assemblée des 2 CV pour que chaque poste effectue à son tour les opérations qui la transformerait en caisse : soudure, limage, ponçage, martelage. Le rythme d’enfournement dépendait du chef d’équipe, un gus en blouse bleue qui se tenait près du pontonnier : s’il décidait de bourrer pour faire du rendement c’était à nous de suivre. Chacun avait son aire d’intervention dont les frontières étaient invisibles, alors on se démerdait en fonction de nos capacités ou de nos possibilités du moment : les plus habiles travaillaient vite, remontaient la chaîne, gagnaient du temps pour pouvoir souffler ou se griller une clope ; les besogneux se contentaient de suivre ; les branques dans mon genre accumulaient les retards au risque de foutre le bordel et de couler. Le premier jour, mon voisin de poste Rachid, sans que j’aie la peine de le lui demander, m’avait tiré d’affaire en venant, au lieu de se reposer sur son temps gagné, poser les points de soudure à ma place. Robert, lui, était déjà hors circuit. À ma différence, sa supériorité d’intellectuel le paralysait. Il ne savait pas se faire mal. Mon atavisme de fils de paysan me donnait la force de courber l’échine et de me mouler dans la routine des fourmis grises de la chaîne.
Comme je suis nul ce chez nul, incapable de m’élever au haut niveau des vendeurs de levures en boîte, ce texte m’interroge et je le soumets à votre appréciation :
Entamons la fermentation d’un vin par une « méthode ancestrale », c’est-à-dire en laissant la cuve s’inoculer de levures spontanées, issues de la cave ou du raisin. La fermentation démarre plus ou moins vite… mais parfois elle s’éteint de façon inattendue. Elle reprend ensuite, au bout de quelques jours… entre-temps, hélas d’autres fermentations ou des oxydations peu souhaitables ont pu développer des goûts bizarres. L’industrie a dû très tôt s’emparer de ce problème et le comprendre. C’est d’ailleurs ainsi que Louis Pasteur fit ses premiers pas en microbiologie : sollicité quant à des problèmes de fermentation par un industriel du Nord, le père d’un de ses étudiants, il mit en évidence la nature microbienne des agents fermentaires. Il découvrit l’activité productrice d’alcool des levures et le fait que les fermentations produisent des acides indésirables quand le sucre passe « aux mains » de bactéries, lorsque les levures peinent à s’installer. Ce n’est toutefois que plus tard que les problèmes d’installation des levures et l’interruption transitoire de la production d’alcool furent compris. Au chapitre II, nous avions brièvement mentionné que les microbes eux-mêmes sont parfois protégés par plus petits qu’eux : c’est ce qui se passe en ce cas, où les levures qui reprennent la fermentation sont celles qui ont attrapé un « bon virus », connu sous le nom inquiétant de « facteur killer ».
Les levures tueuses qui possèdent ce virus sont capables de produire des toxines qui tuent les autres levures. Dans la cuve, quelques levures infectées se sont introduites et ont tué les autres dont la population commençait à se développer ; puis lentement, après une pause pendant que les levures tueuses commencent à se multiplier, la fermentation se réamorce grâce à elles. Il existe en fait deux virus dans les levures tueuses : un grand virus sans effet direct, nommé L-A, et un plus petit virus toxique, M, qui ne peut vivre ni se multiplier dans les levures sans son compagnon L-A. Le virus M confère aussi la résistance aux toxines qu’il produit. On connaît au moins trois variantes de M qui diffèrent par la toxine produite : une des toxines forme un pore dans la membrane entourant les cellules sensibles, dont le contenu commence à fuir ; une autre entre dans la cellule puis dans le noyau où elle interfère avec la machinerie d’entretien de l’ADN induisant une destruction cellulaire. Aujourd’hui, l’industrie et les viticulteurs n’utilisent que des souches tueuses (aussi dites killer) pour éviter toute vulnérabilité. »
Marc-André Selosse est l’auteur de l’ouvrage dont est tiré cet extrait, qui parut chez Actes Sud : Jamais seul, ces microbes qui construisent les plantes, les animaux et les civilisations
« On est jamais seuls, Les microbes ne nous quittent jamais et cela pour notre plus grand bien. Ils sont bactéries, champignons, levures, tous ces organismes qui nous constituent, donnent du gout à nos vies, rendent mangeable l'immangeable et digeste l'indigeste.
De pain ni de vin sans microbe. Pénicillium roqueforti ou camenberti chaque amateur de fromage reconnaîtra ses microbes colonisateurs, La culture et la civilisation ont le goût du glutamate et de la fermentation.
Ce que nous apprend la fermentation c'est qu'un milieu sans microbe est un milieu dans dangereux car il peut être envahi.
En fait, ce qui rend le lait indigeste c'est le lactose… Historiquement on a rendu le lait digeste en faisant des yaourts, des fromages car ce sont les bactéries qui digèrent ce lactose et après l'aliment devient consommable.
Marc-André Selosse est professeur au Muséum d'histoire naturelle et enseigne dans plusieurs universités en France et à l'étranger. Ses recherches portent sur les associations à bénéfices mutuels (symbiose), et ses enseignements, sur la plante, les microbes, l'écologie et l'évolution. Il est éditeur de revues internationales et d'Espèces, une revue de vulgarisation dédiée aux sciences naturelles. Il est aussi très actif dans ce domaine par des conférences, vidéos, documentaires et articles.
- Tu montes, cariño? - C'est combien? - 100/100… ou le Jumillagate d'Uncle Bob… « Ce n’est pas très compliqué, si tu vis une grande expérience, tu t'exclames WOOOW! Un bon film porno ou un grand vin, je sais les reconnaître sans difficulté! ». Jolie profession...
Soyons joueurs ! On peut jouer bien sûr à saute-mouton comme à cache-tampon mais jouer pour du beurre c’est sympathique mais pas forcément très excitant. L’adrénaline vient, monte, lorsque l’on prend le risque de perdre sa culotte avec l’espoir de rafler...
Chers tous, Comme l'indique ma messagerie Orange, je suis parti dans les vignes. Je vous manque ? Vous aussi me manquez, ainsi que nos rendez-vous quotidiens. Grâce et avec vous, je ne me suis pas vu vieillir, ni j'ai vécu ce qu'on appelle la retraite...
À ce rythme d’emmerdements à répétition pour sûr que mon hébergeur va me rendre chèvre avec ses serveurs qui chauffent, qui se plantent, avec ses bugs comme s’il en pleuvait. Absence des messages d’annonce des chroniques, impossibilité d’inclure des photos...
KEYSTONE
Moi bien sûr, la guerre froide, le KGB, la CIA, j’ai 24 ans, les échecs ne sont pas ma tasse de thé, pas assez intelligent, peu porté sur le maniements de stratégies ICI Bref, ce qui me passionnait c’était le bras de fer entre le bloc soviétique...
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