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4 septembre 2018 2 04 /09 /septembre /2018 07:00
Domaine de Tremica  17 mai · 2018

Domaine de Tremica 17 mai · 2018

Déjà, l’an passé, M. Bianchi, chez qui je loge, avait attiré mon attention sur des vignerons, nouveaux venus dans la commune de Casaglione à laquelle est rattachée Tiuccia, Angelica Santoni et Richard Arnaud Le Foulon.

 

Pris bonne note sans pour autant avoir pu trouver un flacon de leur production pour goûter.

 

Campo dell Oro à nouveau, première provision de livres, dont le dernier Jérôme Ferrari, et, en dépit de mes réticences, trop propre sur lui, le magazine In Corsica car, le dit Ferrari, y occupait la page de couverture.

 

 

Je m’attable au café du marché, où il n’y a plus de marché pour cause de fouilles archéologiques, et je jette un coup d’œil sur la page de couverture du magazine papier glacé.

 

Qui vois-je ?

 

Triomphe : Nos vins de femmes…

 

Je me porte page 35 : Le vin Les femmes Une affaire corse.

 

Suis, l’énumération de toutes celles qui ne figurent pas dans la sélection : 15.

 

« Elles témoignent cependant de l’importance de la femme dans l’évolution de la viticulture en Corse. Cet ascendant sur la production vinicole, par le nombre et par la qualité, car les femmes ne sont pas étrangères à l’évolution qualitative des vins de Corse de ces 1à dernières années, est appelé à durer compte-tenu de la moyenne d’âge de ces viticultrices, de leur taux de réussite remarquable, mais encore des modifications comportementales des consommateurs qui sont eux aussi, rejoints par des consommatrices totalement décomplexées. Ainsi le vin, en Corse, est-il en passe de devenir une affaire de femmes. Il se dit déjà que ces femmes sont souvent plus ouvertes d’esprits, plus humbles, plus curieuses que leurs partenaires masculins. On leur accorde beaucoup de sensibilité, de finesse, un  sens de la nuance qui n’appartiendrait qu’à elles. »

 

Ce n’est pas signé.

 

Suis la liste de 5 de ces femmes dans laquelle je découvre Angelica Santoni du domaine Tremica.

 

3 de ces portraits sont signés par des hommes, la révolution féministe n’a pas encore fait une percée significative dans le petit monde des journalistes, mais par bonheur celui d’Angelica Santoni est l’œuvre de Barbarella Paolaggi et les photos d’Élizabeth Tessier.

 

 

Qu’ai-je appris ?

 

Qu’Angelica et Richard Arnaud Le Foulon ont 33 ans, qu’elle est œnologue diplômée à Montpellier et lui titulaire d’un BTS décroché à Saint-Émilion.

 

Ils ont créé leur domaine baptisé Tremica* en 2015

 

Le domaine court sur 4 ha de jeunes vignes et 1 ha de vigne adulte plantée à l’ancienne (en location). Plantation à haute densité : 6000 pieds/ha. Encépagement 100% corse : sciacarellu, vermentinu, nielluciu, mais aussi quelques cépages endémiques dont le carcaghju neru ou le minustellu. »

 

« Angelica est fille d’éleveur, « l’agriculture c’est le monde dans lequel j’ai grandi, et je me suis dirigée naturellement vers l’agriculture. »

 

C’est une révélation, leurs vins sont à la carte du Maquis et des Mouettes 2 étoilés d’Ajaccio.

 

J’oubliais, ils sont dans l’aire de l’AOP Ajaccio.

 

On me dit que le sieur Stromboni du Chemin des vignobles à Ajaccio assure la vente exclusive de leurs vins.

 

Sauf que votre serviteur a acheté la cuvée Dolia Rossa 2016 chez François à Sagone.

 

 

Mais, pour les petites louves et petits loups ignares en géographie, je vais me fendre d’un petit laïus sur la Cinarca là où Angelica et Arnaud se sont installés.

 

La route Ajaccio-Tiuccia j’en connais chaque virage. D’abord tu montes et ensuite, passé le col de San Bastiano, tu plonges et la vallée de La Cinarca s'étend sous tes yeux jusqu'au Golfe de la Liscia aux eaux turquoises. 

 

 

Le chroniqueur Giovanni della Grossa nous rapporte qu’au Moyen Âge, lorsque « le comte Ugo Colonna arriva dans une contrée qu'on appellera ensuite Cinarca, il y vit un beau tertre où se trouve aujourd'hui le Castello qui était alors couvert d'un bois d'oliviers sauvages et cet endroit lui parut si beau qu'il décida d'y construire un château pour son plus jeune fils appelé Cinarco ». 

 

Cinarco donna ainsi son nom à la vallée ainsi qu'à ses seigneurs, les Cinarchesi. Ces derniers tentèrent de rétablir leur domination contre laquelle les populations s'étaient révoltées à partir de 1358. 

 

Le château de Capraja est l'une des dernières demeures des Cinarchesi dont les ruines dominent encore Tiuccia et sa belle petite plage de sable blond où je fais des risettes aux poissons.

 

Le village de Casaglione, très pittoresque avec son architecture typiquement corse aux murs épais et fortifiés de granite et son église romane remaniée, a lui aussi son site archéologique : prenez le petit chemin qui monte sur la gauche après l'église et vous découvrirez le dolmen de Tremica. Ce site montre la sédentarisation des hommes du néolithique et la pratique de l'agriculture comme en témoignent aussi les cupules de broyage et de polissage du monte Lazzu à Tiuccia.

 

 

Voilà, vous en savez un petit bout sur ce jeune domaine, reste à vous dire ce que j’ai pensé de cette bouteille de Dolia Rossa.

 

 

Agréable, vif, frais, flatteur, moderne, un poil trop technologique à mon goût mais ce n’est que le mien et je comprends que ce vin séduise.

 

Une dernière remarque, j’aimerais que nos deux jeunes installés, après les vendanges, la vinification, quand viendra l'hiver,lui dans les vignes, elle au chai, sur leur page Face de Bouc nous expliquent, lui, ce qu’il fait dans les vignes, elle, ce qu’elle fait dans le chai. Le respect de l’environnement et l’approche non intrusive dans l’élaboration du vin intéressent de plus en plus les consommateurs.

 

Les vins corses restent encore très en retrait dans ces domaines et, sans parler de naturisme débridé, pourquoi ne pas rajouter à leur palette de nouvelles nuances qui renforcerait plus encore leur identité, leur différence.

 

Bravo à Angelica Santoni et Richard Arnaud Le Foulon pour leur pugnacité, leur enthousiasme, créer un domaine pour aboutir en si peu de temps à la reconnaissance de leurs pairs n'est pas à la portée de n'importe qui.

 

 

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4 septembre 2018 2 04 /09 /septembre /2018 06:00
Henri Marie Raymond de Toulouse-Lautrec-Monfa, la propriété où il tendra à revenir de plus en plus souvent sur le tard de sa courte vie – et finalement pour y mourir – n’est autre que le Château de Malromé, un Bordeaux supérieur.

« Il n'y avait personne comme Lautrec pour croquer des capitalos gaga avec des putains rusées qui leur lèchent le museau pour les faire payer. »

 

C’est signé Félix Fénéon, critique d'art, dans Le Père Peinard, une feuille anarchiste.

 

Henri Marie Raymond de Toulouse-Lautrec-Monfa, héritier de l'une des plus vieilles familles aristocratiques, qui immortalisa Aristide Bruant et Louise Weber, plus connue sous le sobriquet de "La Goulue", tient une place centrale dans l'ouvrage de Joyant.

 

Cet ouvrage oublié de Maurice Joyant paru en 1930 sous le titre de La Cuisine de monsieur Momo, célibataire republié  par les éditions Menu Fretin sous le titre La Cuisine de monsieur Momo, signé de Maurice Joyant&Henri de Toulouse-Lautrec. Il s'agit de la refonte, augmentée d'une préface de Pascal Ory et de plusieurs recettes d'Antoine Westermann.

 

 

Maurice Joyant, alias Momo, était un ami d'enfance de Toulouse-Lautrec (1864-1901), à qui il survécut trois décennies. Devenu marchand de tableaux célèbre, il se décida à rassembler ce recueil inclassable, mélange de doctes considérations sur la table, d'anecdotes savoureuses et de recettes en souvenir de leurs agapes à la Belle Epoque.

 

Dans sa préface de La cuisine de monsieur momo Maurice Joyant&Henri de Toulouse-Lautrec Pascal Ory écrit que :

 

Henri Marie Raymond de Toulouse-Lautrec-Monfa au lieu d’être voué toute sa vie à jouer le rôle de l’aristocrate fin-de-race partagé entre l’armorial et l’équitation. « Un mariage consanguin et une chute de cheval en décidèrent autrement. Au lieu d’être un simple descendant des comtes de Toulouse parmi d’autres – quelle vulgarité –, Henri serait un dessinateur, peintre et viveur de qualité unique, amateur de tous les mauvais genres : le cirque, la lithographie, le café-concert, l’affiche, le bordel, les alcools forts. Le mélange absinthe-syphilis ne lui permettra pas d’atteindre sa trente-septième année, mais la postérité le revanchera de toutes ses souffrances et de tous ses excès. »

 

Joyant est « un bon vivant, type achevé du gastronome célibataire, si répandu  au XIXe siècle, porté vers les plaisirs de la chère comme de la chair mais bien décidé à faire passer s’il faut, les premiers avant les seconds, non sans une bonne dose de misogynie. »

 

« Ce goût des nourritures, il le partageait assurément avec Lautrec […] « gourmet émérite et maître queue tyrannique » pour reprendre les mots de Joyant dans sa préface. Les témoignages ne manquent pas, en effet, qui nous montrent un Lautrec très à cheval sur la qualité des boissons et des mets dont il aimait à se régaler et à  régaler ses amis, mettant plus souvent qu’à son tour la main à la pâte, qu’il s’agisse d’un cocktail ou d’un gigot de sept heures – sans parler des menus qu’il s’amusait  à illustrer. Excitée par la vie d’enfer qu’il s’acharne à mener quand il est à Paris, exaltée par son sens aigu de la camaraderie, la gourmandise du peintre s’enracine, on le verra, dans des traditions de bonne table provinciale, qu’il s’entend à alimenter dès qu’il revient sur les terres familiales ; après tout, la comtesse Adèle aidant, la propriété où il tendra à revenir de plus en plus souvent sur le tard de sa courte vie – et finalement pour y mourir – n’est autre qu’une propriété viticole du bordelais, le Château de Malromé (aujourd’hui lieu  de production en Bordeaux supérieur de qualité, dominée, comme il se doit par une cuvée Adèle. »

 

le Château de Malromé 

 

« Maurice Joyant et Toulouse-Lautrec participaient du groupe des nabis et de la Revue blanche des frères Natanson. Misia Natanson recevait dans sa maison de Valvins (Seine-et-Marne) l'élite dreyfusarde, peintres, poètes et musiciens. Les repas sont pris "le long d'une rivière torrentueuse en pleine forêt". Mallarmé est leur voisin.

 

Tous partageaient leur amitié avec Alfred Jarry, poète érudit symboliste, ami d'Huysmans. Dans son recueil, Momo tantôt s'avance masqué sous la toque d'un cuisinier capable d'imaginer une terrine de lapin sans lapin ou d'attribuer un boeuf miroton à "Mme Pipelet, concierge", tantôt scrupuleux lorsqu'il s'agit d'expliciter la recette bordelaise du homard à la Bonnefoy à l'ancienne, comparée à celle de la langouste américaine. A leur table, on trouve Vuillard, Bonnard bien sûr, et toute la maisonnée cuisinante dont c'est le jour de fête. Alfred Jarry recevait également et menaçait les marmots de ses voisins d'un coup de fusil. De Jarry lui-même sont adjointes deux recettes, le "saint sur le gril", réalisable seulement si l'on a des relations au Vatican, et la mystérieuse recette antique du "chou-Fleur à la m..." de Mère Ubu. Ces traits d'époque dessinent une gastronomie joviale différente de celle, régionaliste et grégaire, qui prévaudra à la veille de la défaite de 1940. »

 

Signé Par Jean-Claude Ribaut

 

 

Toulouse Lautrec, sur un vin de Bordeaux, Château Malromé

6 Mai 2015, Publié par Elisabeth Poulain ICI

 

 

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3 septembre 2018 1 03 /09 /septembre /2018 07:00
Les vin jaune, orange existent mais le « vin bleu » c’est de la poudre aux yeux même en Corse

C’est une épidémie, à qui mieux mieux tout le monde, ou presque, s’y met.

 

Ainsi, alors que viens juste de poser mes fesses dans l’avion d’Air Corsica – la compagnie insulaire qui gagne du pognon contrairement à Air France avec qui elle est pacsée – je tombe sur un article de Corse-Matin, Oghje in Corsica – depuis que Gilles Simeoni est aux manettes, tout se corsise – qui me fait bondir : Le vin bleu, un cru  corse entre vigne et mer.

 

Le Lucas Bidault, signataire de cet article, enfile les conneries comme des saucisses corses.

 

Un cru corse, pourquoi pas un GCC corse pendant qu’il y ait !

 

Je ne suis pas bégueule mais il ne faut pas pousser pépé trop loin, y’a pas plus de vin bleu en Corse ou ailleurs qu’il n’y a de cheveux sur la tête Matthieu, même si dans la comptine il y en a un.

 

D’ailleurs, les inventeurs de se soi-disant vin bleu, baptisé Imagyne, lui précisent que c’est une boisson à base de vin, motif invoqué la protection de leur procédé. En fait, parce que leur breuvage n’est pas du vin, point à la ligne.

 

Ils innovent, agacent les puristes, disent-ils, les deux frères Milanini, Sylvain et Bruno, moi ça ne me dérangent pas qu’ils bidouillent un breuvage bleu azur mais de grâce qu’ils ne viennent pas surfer sur les codes du vin.

 

  • Comment donner une telle couleur au vin ?

 

  • Les minéraux, les algues et les végétaux…

 

  • Et pourquoi pas de la poudre de perlimpinpin ! (c’est de moi)

 

  • On fait nos vendanges la nuit puis on rince nos raisins à l’eau de mer. Le salin exhausse les fruits et les sucres. On laisse ensuite sécher au froid quelques jours, puis on garde que les cœurs de cuvée. Enfin, on vinifie à base d’algues, de minéraux et de végétaux, dont la fameuse spiruline, une microalgue bleu-vert. »

 

  • Très nature votre bousin (c’est de moi)

 

  • Oui, c’est un véritable vin de mer, avec l’iode en moins. Une grotte sous-marine, à 70 mètres de profondeur, doit maintenant abriter une grande partie des stocks de bouteilles.

 

  • On pourra aller le déguster avec des palmes et de l’oxygène en bouteille, je suppose ? (c’est de moi)

 

  • Ce n’est pas un grand cru de table, c’est un avant-goût d’apéro, fruité, genre rosé…

 

  • Et qui boit ça ? (c’est de moi)

 

  • Les pinzutu des paillottes corses, des plages monégasques et les licheurs dubaïotes…

 

  • Combien de bouteilles ?

 

  • 35 000.

 

Si c’est ça l’innovation moi je veux bien mais pourquoi diable surfer sur les codes du vin ? C’est de la mixologie. J’attends avec hâte le vin vert, genre poireau ou artichaut…

 

 

Patrimonio : les vendanges du vin bleu

ICI

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3 septembre 2018 1 03 /09 /septembre /2018 06:00
On m’a parlé, en particulier, de certaine fougasse à la rate... d’agneau cuite dans la graisse et servie dans des petits pains avec de la ricotta et du caciocavallo…

« Au XIe siècle, le comte Roger Ier, noble normand qui a conquis la Sicile sur les Arabes, veut faire exécuter le prince Omar qui a comploté contre lui. Mais la sœur de ce dernier, la très belle princesse Yasmina, va tenter de le convaincre d’y renoncer en l’invitant à sa table.

 

Sept banquets vont se succéder, chacun dédié à une forme d’amour, de l’amour maternel à l’amour parfait, en passant par l’amour pour les animaux, l’amour-amitié, l’amour courtois… Durant ces repas où l’on découvre avec le comte tous les plats de la tradition culinaire sicilienne et leur empreinte arabe, Yasmina va déployer ses charmes en livrant des récits tirés du répertoire légendaire de la Sicile ou de l’imagination des auteurs, en résonance avec une très ancienne, tragique et succulente histoire.

 

Ponctué des interventions de Giufà, le bouffon de la tradition méditerranéenne aux multiples visages, accompagné des recettes puisées aux meilleures sources familiales d’aujourd’hui, soutenu par une intrigue aux rebondissements surprenants, ce Mille et une nuits culinaire, sensuel et drôle évoque ce moment où deux hautes civilisations se sont rencontrées non sous le signe du choc, mais pour se mélanger avec bonheur. »

 

Note de lecture : « À la table de Yasmina » (Maruzza Loria & Serge Quadruppani)

POSTÉ PAR CHARYBDE2 ⋅ 17 FÉVRIER 2015

 

 

7 histoires et 50 recettes de cuisine pour célébrer avec charme et passion la rencontre des civilisations, dans la Sicile musulmane de la conquête normande.

 

Publiée en 2003 chez Agnès Viénot Editions, rééditée en 2009 chez Métailié, cette collaboration entre la Sicilienne vivant en France Maruzza Loria et le romancier Serge Quadruppani, Sicilien d’adoption par ses traductions d’Andrea Camilleri, sous-titrée « Sept histoires et cinquante recettes de Sicile au parfum d’Arabie » donne naissance à un magnifique conte gourmand et sensuel, célébrant d’une manière inattendue la coexistence et la rencontre profitable entre civilisations que d’aucuns voudraient absolument voir s’entrechoquer.

 

Au temps de la conquête normande (1060), et plus précisément peu après la prise de Palerme (1072), mettant politiquement fin à deux siècles  et demie de domination musulmane sur l’île (le caïdat de Syracuse durera encore jusqu’en 1086, et ses restes seront définitivement vaincus en 1091)), la princesse Yasmina, pour essayer de sauver son frère Omar, convaincu de complot contre le comte normand Roger Guiscard, improvise savamment une série de récits dignes de Mille et Une Nuits condensées, conviant le suzerain chrétien à une découverte en sept soirées des différentes sortes d’amour, chacune illustrée par une histoire ad hoc, et des merveilles de la cuisine sicilienne (les auteurs précisent en postface qu’ils se sont permis quelques arrangements avec l’histoire stricto sensu, en introduisant quelques ingrédients de la Sicile d’aujourd’hui, encore inconnus à l’époque du roman), fusion alors inouïe de traditions locales, byzantines et arabes.

 

ICI

 

SEPTIÈME NUIT : L’AMOUR PARFAIT extraits

 

Le comte :

 

« C’est pour cela que j’ai rêvé de lui aujourd’hui, durant mon long sommeil dans votre frais salon. Cola Pesce était remonté du puits qui s’ouvre au fond de la mer. Il me racontait qu’il avait nagé longtemps dans le noir avant de remonter et de déboucher à l’autre bout de la terre, vers le bord,  là où elle touche presque le ciel. Il avait échoué aux rives d’un pays inconnu, aussi vaste que l’Afrique et l’Europe réunies. Pour preuves de ses dires, il me rapportait des plantes qui y poussaient et que jamais on n’avait vues sous nos cieux.

 

[…]

 

« Vous (Yasmina) proposiez aussitôt de cuisiner ces ingrédients nouveaux et nous faisions tous deux un banquet comme jamais il n’en avait existé jusqu’alors, le Banquet de l’Amour Parfait. »

 

[…]

 

« Dans les paniers, il y avait des sortes de pomme à peau mince et marron clair, de la taille d’un poing – le vôtre ou le mien, c’était selon. On les appelait des pommes faute de mieux car on me dit qu’elles poussaient dans la terre. Et moi, j’inventais pour vous un plat de pâtes assaisonné de ces « pommes de terre. »

 

« Ensuite, Cola Pesce, à moins que ce ne fut Pellegrino, me faisait découvrir les vertus d’une autre sorte de pomme qu’il appelait « pomme d’amour », ou pomodoro, pomme d’or en langue italienne, ou tomata en dialecte castillan, une sorte de fruit rouge à chair aqueuse que je m’empressais d’ajouter à la caponata. Il y avait aussi diverses sortes de fruits poussant plus ou moins près du sol, qui pouvaient être énormes et orangés ou bien vert clair et longilignes, qu’il appelait « courges », pour les premiers, « courgettes » pour les seconds. Une variété, en particulier, s’adaptait particulièrement à la Sicile, au point que bientôt, dans quelques siècles, me disait le mystérieux voyageur, nos marchés en seraient pleins : c’était une sorte de courgette d’un vert très pâle, longue et sinueuse comme le bras de Schéhérazade. Il y avait encore des sortes de grosses poires creuses et vernissées, au goût piquant, qui pouvaient être vertes, jaunes ou rouges et qu’il appelait « poivrons ».

 

[…]

 

« … Comte, racontez-moi donc ces délices grossières dont vous rêvez.

 

  • Je me régalerais volontiers de ces nourritures qu’offrent les échoppes en plein vent dans les ruelles de Palerme. Leurs parfums, au passage de mon cortège, m’ont souvent flatté les narines et je n’ai jamais pris le temps de m’en délecter. On m’a parlé, en particulier, de certaine fougace à la rate…
  • En effet, les Palermitains se délectent depuis la nuit des temps de cette rate d’agneau cuite dans la graisse et servie dans des petits pains avec de la ricotta et du caciocavallo…

 

[…]

 

« … Ensuite, je me régalerais volontiers de pâtes, dit Roger…

 

[…]

 

  • Que diriez-vous de pâtes aux oursins. L’or rouge, la tendre intimité dérobée sous les piquants et déversée avec juste un peu d’huile crue sur les pâtes brûlantes… ET il n’est pas question d’échapper aux pâtes aux sardines, le délice palermitain par excellence, où l’on retrouve le fenouil sauvage et les pignons et les raisins secs…

 

[…]

 

  • Ensuite, en souvenir de l’ennemi juré de notre Cola Pesce, nous pourrions goûter quelques calamars. D’une taille raisonnable, adaptée à nos gosiers, bien sûr.

 

  • D’accord, mais alors farcis, et cuits ensuite à la braise, alliant ainsi le goûteux tendre du contenu au craquant juteux du contenant. Et je vous proposerais aussi une de mes créations, une terrine de ces poissons sabres qui déroulent leurs interminables corps argentés et plats sur les étals de nos marchés. Quand on aura alterné les couches d’herbes et celle d’oignons, ou mieux, de jeunes poireaux avec celles du poisson, en dosant comme il convient la chapelure, le four vous restituera un cylindre parfait, d’un aspect splendide… Ensuite, je vous connais, mon seigneur normand, il vous faudra des viandes. L’agneau glacé, c’est-à-dire cuit à l’étouffée, submergé d’oignons, jusqu’à ce que se forme une crème épaisse, un glaçage qui lui vaut son appellation, pourrait précéder le faux-maigre…

 

[…]

 

  • Donc, dans  ce plat, la fausse maigreur de la large et mince tranche de veau enveloppe, comme dans une poche, de la farce de viande hachée mêlée d’herbes diverses, de l’œuf, du fromage et bien d’autres ingrédients suivant les goûts de la cuisinière.

 

  • J’approche de la satiété, princesse, et pourtant j’aimerais avaler encore de très larges portions de dessert.

 

  • Voici une espèce de gâteau à la ricotta, ses flancs sont bardés de pâte d’amande, sa crème est bourrée de fruits confits et peut-être aussi de ce chocolat que j’ai découvert en rêve…

 

  • Savez-vous Yasmina, qu’il me semble sentir sous ma langue la saveur fondante, amère et douce à la fois de cet ingrédient de vos songes ? Le chocolat… L’Amour Parfait… Ce serait si beau si les deux choses existaient.

 

Publié le jeudi, 19 novembre 2009

A la table de Yasmina : Sept histoires et cinquante recettes de Sicile aux saveurs d'Arabie

Par Elisa Torretta

 

ICI 

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2 septembre 2018 7 02 /09 /septembre /2018 07:00
En juin 1970, De Gaulle, son aide de camp, tante Yvonne en DS noire vont faire une petite virée dans l’Espagne du Caudillo et vont déjeuner au palais du Pardo avec Francisco Franco

8 juin 1970, Madrid. Francisco Franco, 77 ans, reçoit Charles de Gaulle, 79 ans. L'un est au pouvoir de façon implacable depuis trente et un ans, l'autre ne l'est plus depuis un an. Franco, l'allié des nazis ; de Gaulle, symbole de la Résistance. Tout semble les opposer, pourtant ils se rencontrent à la demande du Général...

 

Pourquoi ce tête-à-tête ?

 

Et pour quelles raisons déjeunent-ils en familiers ?

 

Qu'ont-ils bien pu se dire ?

 

Tâche malaisée pour l’auteur, Claude Sérillon, puisque rien ou presque n'a filtré de la rencontre des deux généraux, alors il imagine leurs échanges.

 

 

Très bonne idée sauf que Sérillon se noie et nous noie dans un remplissage confus.

 

Le bon plan eut été d’adopter la stratégie du double livre Prends garde, écrit à quatre mains pour une révolte par Milena Agus, la romancière sarde, qui m’a conquis avec Mal de pierres Liana Levi, 2007, Battement d’ailes, La Comtesse de Ricotta, tous chez Liana Levi, et Luciana Castellina, journaliste, écrivaine et grande figure de la gauche italienne, ancienne parlementaire et cofondatrice du journal Il Manifesto, il me prendra une grande envie de poser ma plume et de me reposer…

 

 

D’un côté l’Histoire, de l’autre le roman, Sérillon a été trop gourmand, il n’est ni historien, ni romancier, seulement journaliste, l’invention commence chez lui page 75 mais déjà on a du mal à faire la part du vrai et du romancé.

 

Lire ICI

 

Ceci écrit, avec un petit effort, le livre est lisible même si Sérillon aurait pu évacuer des scories.

 

Ce que je vais en relater c’est la logistique du déplacement, très gaullienne !

 

« Alors il est libre, Charles. »

 

« … Il veut aller en Espagne, il veut voir naturellement Franco. Et basta ! »

 

« … La réalité oblige à dire que cela fut préparé, planifié, géré, jamais à son insu. L’intendance suit, certes, et comme tout bon militaire, il ne s’en mêle guère. »

 

Le 1er averti c’est Maurice Schumann, ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Chaban-Delmas. Il prévient Chaban à Matignon et profite de la traditionnelle réunion avec le président Pompidou avant le Conseil des Ministres pour mettre au parfum celui-ci.

 

« Le Général nous fait un cadeau empoisonné…

  • Ni cadeau ni crime.

 

  • Tout de même, pour les combattants républicains…

 

[…]

 

  • On le laisse faire ?

 

  • Bien sûr que nous ne ferons rien… »
  •  

« Et il part.

 

Un mercredi matin avant neuf heures. La route est longue. Charles, Yvonne et Emmanuel Desgrées du Loû, ainsi que les deux chauffeurs (Fontenil et Marroux) chargés de la sécurité du Général : ils feront des milliers de kilomètres ensemble dans deux DS noires. »

 

Ils vont traverser la France jusqu’au château de Roumégouse dans le Lot. 600 km. « C’est encore l’époque des petites routes départementales, des nationales étroites et de la non-limitation de vitesse. Pas de cortège, pas de carrefours protégés, pas de gendarmes en faction pour esquisser un garde-à-vous, un salut protocolaire. »

 

Le jeudi 4 direction Béhobie, commune des Pyrénées-Atlantiques face à Irun. Tante Yvonne veut aller d’abord à Saint-Jacques-de-Compostelle. Ils sont en territoire espagnol. À la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle, Mgr Pelayo montre au Général une coupe en or portant une inscription signée Philippe Pétain (celui-ci a été ambassadeur à Madrid)  qui lui aurait répondu « Lui aussi, je le trouverai donc toujours sur ma route, et jusqu’à la fin […] Il est vrai que le diable a toujours aimé barboter dans le bénitier… ! »

 

C’est connu l’homme des principes. »Pas question de superflu ni de se faire pincer en train de dilapider les deniers d’un État qu’il sert de sa hauteur […] En tout cas, il est pointilleux sur le coût présidentiel et encore plus dès lors qu’il n’est plus en fonction. Pas question de se faire acheter ou que l’on puisse le soupçonner de se faire entretenir gracieusement. Lorsqu’il arrive dans ces paradors (hôtellerie de luxe fondée dès 1928 par le roi Alphonse XIII, en 1970 on en recense environ 90), il entend payer sa chambre. Mais Franco a fait passer l’ordre : le Général est son invité. Au matin, quand le cortège est prêt à partir et que le Général réclame la note, on décline. Il maugréé, remercie et met la main à la poche, laissant en pourboire l’équivalent de la note. Il y tient. Il salue tandis que les têtes se courbent de remerciements. »

 

« Imaginez aujourd’hui un président démis de ses fonctions partant dans une voiture noire, banalisée sur les routes de France : il aurait à ses trousses des motards de presse, des drones, il serait  sommé de s’arrêter pour s’expliquer… Un touriste en cravate nommé Charles de Gaulle assis à l’arrière d’une DS Citroën, en compagnie de sa femme, fait pourtant des milliers de kilomètres sans susciter l’intérêt des médias d’alors. »

 

Pour terminer cette chronique : « Au menu, un consommé froid, suivi de saumon grillé avec pommes vapeur à la sauce tartare et un plat de veau d’Ávila cuit dans du porto. Pas vraiment léger ! »

 

« On ne vous a pas servi de vin ? »

 

Franco se montra constamment attentif.

 

« Je ne préfère pas le midi. Sinon, vous savez bien, les militaires s’endorment l’après-midi.

 

  • J’aurais pu vous proposer du porto, je sais que…

 

  • Ah oui, c’est vrai, vous êtes bien renseigné, c’est mon péché mignon.

 

  • Nous avons des goûts simples, général. »
  •  

« La chronique n’a retenu qu’une promenade touristique et une entorse pittoresque à la compréhension juridique. »

 

« Commence alors une série de visites au grand galop. Enfin, c’est ce que racontent les encenseurs qui détaillent les lieux que la grande silhouette est venue arpenter : des rues de Madrid jusqu’au musée du Prado. Tolède, l’Andalousie avec surtout Jaén, au  nord de la province, ville dit-on, la plus ancienne. Très traditionnaliste, elle fut l’une des étapes symbole de la Reconquista franquiste… Puis Grenade et l’Alhambra, la mosquée de Cordoue, les alentours de Malaga, Ronda, Cadix, Séville, pour la cathédrale, Cáceres, Ségovie, Burgos… »

 

Le vendredi 26 juin, les deux voitures passaient  le col de Roncevaux, comme l’avait expressément souhaité Yvonne de Gaulle, revenaient en France… »

 

« Glaçant, écrira Mauriac.

 

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2 septembre 2018 7 02 /09 /septembre /2018 06:00
Ha ! Qu’ils étaient beaux les collabos, Céline, Rebatet, Brasillach sur les réseaux sociaux de l’État français du Pétain de la poignée de mains de Montoire

Les fameux réseaux sociaux charrient beaucoup de boue, la fange s’y exprime sous des pseudos, succédanés des lettres anonymes des corbeaux sévissant sous l’Occupation.

 

Alors, il n’y a rien de nouveau sous le soleil, en témoigne ces 4 citations :

  • Un précurseur : Fernand Grégoire, La Juiverie algérienne, 1888

Est aux mains des Juifs :

 

« Ne nous faisons point d’illusion, le pire ennemi de l’Algérie, c’est le Juif… En France, l’envahissement par le judaïsme a été méthodique, progressif, presque timide. En Algérie, c’est un engloutissement. En France, Shylock est un homme du monde, âpre, mais déguisé, poli dans ses exécutions. En Algérie, c’est un forban féroce, insolent et bravache.

 

C’est en Algérie surtout que souffle la Mal’aria juive. »

 

  • Louis-Ferdinand Céline  Bagatelles pour un massacre décembre 1937

 

« Tout de même, il suffit de regarder, d’un petit peu près, telle belle gueule de youtre bien typique, homme ou femme, de caractère, pour être fixé à jamais... Ces yeux qui épient, toujours faux à en blêmir... ce sourire coincé... ces babines qui relèvent : la hyène... Et puis tout d’un coup ce regard qui se laisse aller, lourd, plombé, abruti... le sang du nègre qui passe... Ces commissures naso-labiales toujours inquiètes... flexueuses, ravinées, remontantes, défensives, creusées de haine et de dégoût... pour vous !... pour vous l’abject animal de la race ennemie, maudite, à détruire... Leur nez, leur "toucan" d’escroc, de traître, de félon, ce nez Stavisky, Barmat, Tafari... de toutes les combinaisons louches, de toutes les trahisons, qui pointe, s’abaisse, fonce sur la bouche, leur fente hideuse, cette banane pourrie, leur croissant, l’immonde grimace youtre, si canaille, si visqueuse, même chez les Prix de Beauté, l’ébauche de la trompe suceuse : le Vampire... Mais c’est de la zoologie !... élémentaire !... C’est à votre sang qu’elles en veulent ces goules !... Cela devrait vous faire hurler... tressaillir, s’il vous restait au fond des veines le moindre soupçon d’instinct, s’il vous passait autre chose dans la viande et la tête, qu’une tiède pâte rhétorique, farcie de fifines ruselettes, le petit suint tout gris des formules ronronnées, marinées d’alcool... De pareilles grimaces comme l’on en trouve sur la gueule des Juifs, sachez-le, ne s’improvisent pas, elles ne datent pas d’hier ou de l’Affaire Dreyfus... Elles surgissent du fond des âges, pour notre épouvante, des  tiraillements du métissage, des bourbiers sanglants talmudiques, de tout l’Apocalypse en somme !... »

 

  • Lucien Rebatet, « Marseille la Juive », Je suis partout, le 30 août 1941.

 

Trop, c’est trop :

 

« À ses métèques, ses sous-Blancs, ses barbeaux, ses drogués, ses petits voyous et ses grands bandits, Marseille a vu, depuis un an, s’ajouter le Juif. Il ne manquait plus que lui dans le tableau. »

 

  • Robert Brasillach, Je suis partout, 7 février 1942

 

« En finira-t-on avec les relents de pourriture parfumée qu’exhale encore la vieille putain agonisante, la garce vérolée fleurant le patchouli et la perte blanche, la République toujours debout sur son trottoir. Elle est toujours là, la mal blanchie, la lézardée, sur le pas de  sa porte, entourée de ses michés et de ses petits jeunots aussi acharnés que les vieux. Elle les a tant servis, elle leur a tant rapporté de billets dans ses jarretelles : comment auraient-ils le cœur de l’abandonner malgré les blennorragies et les chancres ? Ils en sont pourris jusqu’à l’os. »

 

 

HONTEUSE

 

« C’est une gare des plus banales, modèle standard des débuts du chemin de fer : un « bâtiment voyageur » central, flanqué de deux annexes, pour les services techniques et pour les marchandises. Elle desservait une petite ville du centre de la France, dans la vallée du Loir, au nord de Tours, à mi-chemin entre le Mans et Vendôme. Comme des milliers d’autres en France, elle fût restée paisiblement ignorée de l’histoire, ce qui en l’occurrence, n’eût point déplu aux habitants. Mais un funeste 24 octobre, à 15 h 29, un train très spécial s’immobilisa sur la voie numéro 3. »

 

[…]

 

« Cette petite gare a joué de malchance. Elle constituait un nœud ferroviaire proche de la ligne Paris-Hendaye, elle était excentrée par rapport au cœur de la cité, proche aussi, à trois kilomètres, du tunnel de Saint-Rimay, lequel pouvait si besoin mettre un train à l’abri d’une attaque aérienne. »

 

[…]

 

« Ce 24 octobre 1940, en gare de Montoire, le Führer doit rencontrer Philippe Pétain, chef de « l’État français » depuis le 10 juillet. »

 

[…]

 

«  Ce jour-là, Hitler est de méchante humeur. L’entrevue avec le « Caudillo » a été un échec. Hitler espérait que l’Espagne s’engagerait dans la guerre au côté des puissances de l’Axe. Or, Franco a multiplié les arguties et les revendications extravagantes, sans compter qu’il avait osé faire attendre le Führer sur le quai de la gare d’Hendaye pendant huit minutes. »

 

[…]

 

« Après coup, Franco qualifiera Hitler de « comédien, et celui-ci trouvera le Caudillo « sans envergure ».

 

[…]

 

« La photo de la poignée de main, sur le quai de la gare, entre le vieux Maréchal, désigné comme « le vainqueur de Verdun », et le dictateur nazi, diffusée dans toute la presse, devint emblématique de la trahison du régime de Vichy. »

 

Pierre Lassus Petit éloge des gares éditions François Bourin

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1 septembre 2018 6 01 /09 /septembre /2018 06:00
Hello l’ami Don Pasta comment peux-tu avec 1 nom pareil nous cuisiner des lasagnes d’aubergines sans pasta ?

Pour les non-initiés Don Pasta c’est Daniele De Michele, un gars de Puglia qui aime bien Parigi du côté de chez Alessandra Pierini. La dernière fois qu’il lui a rendu visite il nous a fait déguster ses lasagnes d’aubergines. Camille Labro était là et en plein cœur du mois d’août elle révèle les secrets de mon ami le DJ qui met les mains dans la farine.

 

Elle écrit :

 

« Inventeur des Cooking DJ Sets, « sortes de performances culinaro-musicales », Daniele de Michele, alias Don Pasta, « improvise avec les morceaux et les gestes de cuisine ». Cette idée d’unir la musique et la cuisine lui est venue d’un plat de sa grand-mère, la parmigiana alla salentina (de Salentino, à l’extrême-sud de l’Italie), une variante ultra-riche des lasagnes d’aubergines. « Ce plat-là, je l’associe à un air de John Coltrane, forcément, parce qu’on l’étale, on fait des couches… C’est un plat de fête démoniaque, une sorte de rituel qu’on mange, chez nous, le 15 août à midi, sur la plage d’Otrante, mon village. Trois étages d’aubergines frites, de la mozzarella, des minuscules boulettes de viande, de la sauce tomate, de l’œuf dur, de la mortadelle et des feuilles de basilic. C’est tellement bon que quand on commence on ne peut plus s’arrêter, et c’est tellement lourd qu’après on est obligé d’aller se coucher. »

 

 

Mais comme j’aime par-dessus tout ramener ma science, l’homme souriant de Puglia écrit à propos d'Erri De Luca sur son blog :

 

« Erri de Luca pourrait tranquillement me dénoncer pour plagiat. J'ai bu, mâché, volé son écriture, sa pensée, sa reprise de la pratique politique. J'avoue sereinement que son court texte, Trois feux en hommage aux lasagnes d'aubergines de sa mère, est à l'origine de tout mon travail sur la cuisine. À cette époque difficile je suis allé souvent à demander de l'aide à ses livres pour me protéger. J’ai fait appel à lui, qui utilise des mots plantés dans la terre depuis des siècles, comme nos oliviers, dans un temps où les gens utilisent des mots fuyants, vaniteux. Nos échanges épistolaires, même s’ils se sont fait par mail, je l’en remercie car dans ses réponses il utilise des pensées, des mots qui ont une cuisson longue, inexorable, comme celle des aubergines qui, avant d'être conservé pour l'éternité dans l'huile et le vinaigre, se sont laissé sécher par le vent et le soleil. »

 

 

En effet dans Le plus et le moins chez Gallimard, mai 2016, page 26, Erri De Luca parle de la Parmigiana d’aubergines d’« Emma et Lillina qui « les préparaient en faisant passer le légume par trois feux. Elles coupaient les aubergines en tranches, les mettaient au soleil, la flamme la plus puissante, pour sécher leur eau et renforcer leur goût. Puis, elles les faisaient frire, dorant la cuisine d’une couleur de fête. Dernier feu, le four, après les avoir disposées par couches, chacune recouverte de sauce tomate, basilic, mozzarella et d’une poignée de parmesan. Trois feux participaient au plat qui coïncide le mieux pour moi avec le mot « maison ».

 

Lasagnes d’aubergines : la recette gourmande de Don Pasta  LE MONDE | Par 

 

ICI

 

L'étymologie nous raconte l'histoire de l'aubergine

 

« Le nom de notre fameuse « aubergine » nous vient directement de l'arabe « al-bâdinjân » (الباذنجان ), l'aubergine, apparenté au persan « bâdengân ». Un autre nom lui sera aussi attribué durant longtemps : celui de « mélongène »1, qui vient du latin médiéval « melongena ». Cela nous laisse deviner une pénétration en deux temps du charmant légume en Occident, toujours à partir du monde arabe : d'un côté, une entrée directe et ancienne par l'Espagne musulmane ; de l'autre, une plus récente par l'Italie. C'est semble-t-il au XVIIIe s. que le terme d' « aubergine » prend définitivement le pas sur celui de « mélongène » ; elle est l'appellation courante dans le dictionnaire de 1798.

 

Les premières cultures de l'aubergine remontent au IIe millénaire avant notre ère, dans la région de l'actuelle Birmanie et du nord-est de l'Inde. Elle parvient en Chine dès l'Antiquité, puis les marchands arabes et persans la rencontrent en Inde et en Asie Centrale, et la ramènent dans leurs bagages au tout début du Moyen Age. En effet le nom arabe vient lui-même du sanskrit « vatinganah » ! Elle gagne tout le monde arabe et suit au Moyen Age la conquête jusqu'en Espagne, premier pays européen où elle sera cultivée. C'est d'ailleurs par l'intermédiaire du catalan « alberginia » que le mot serait passé en français. En tout cas, ce sont donc les Arabes qui l'introduisent en Occident, d'où le fait que son nom soit chez nous d'origine arabe. »

 

La suite ICI

Les marchands arabes ramènent l'aubergine d'Asie au Moyen Age...

 

4 mars 2011

Petite histoire de l'aubergine ICI 

 

« A ces débuts en Europe, l'aubergine conserve cette mauvaise réputation. Elle est mésestimée surtout par les savants, peut-être du fait de sa ressemblance avec d'autres plantes de la famille des Solanacées  comme la mandragore, le datura ou la belladone dont on connaissait la toxicité. On l'appelle mala insana (pomme malsaine, qui rend fou). Au XVIe siècle encore, en Allemagne, on lui donne le nom de Doll Opffel soit la pomme de fureur ou pomme de rage. Aubergine blanche

 

En Turquie, pays où l'aubergine s'est implantée assez tôt, on accuse l'aubergine d'être à l'origine des incendies qui ravagent Istanbul à l'époque ottomane. On raconte que, l'été, les habitants de cette ville allument des feux aux portes de leur maison pour faire griller leur légume préféré, sans se soucier du vent qui souffle. Vent qui porte encore aujourd'hui le nom de patlican meltemi (vent d'aubergine).

 

Malgré cela, l'aubergine est couramment consommée en Italie dès le XVe siècle puis en Espagne au milieu du XVIe siècle. En France, Louis XIV demande à son jardinier de planter la béringère. Mais elle n'est encore cultivée que pour la curiosité et comme plante d'ornement. C'est ainsi que le catalogue Vilmorin-Andrieux la classe en 1760. En Angleterre, on lui donne le nom de eggplant (plante aux œufs). Il faut dire que les variétés blanches d'aubergines ressemblent à des œufs. »

 

Peu à peu cependant, l'aubergine s'implante dans le sud de la France. Elle est d'abord cultivée en Provence et dans le Languedoc. Le Bon Jardinier  de 1809 évoque son usage culinaire : "on la sert en entremets, c'est un ragoût de fantaisie". En 1825, elle arrive sur les marchés parisiens et la même année, le Tout-Paris se précipite au restaurant  Les Frères Provençaux, rue Cadet, pour déguster aubergines et côtelettes de chèvre grillées.

 

 

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31 août 2018 5 31 /08 /août /2018 06:00
Le châtaignier en Corse, sous Louis XV, était soupçonné de permettre aux populations rebelles de subsister en autarcie mais également de favoriser la paresse…

Le châtaignier est endémique en Corse, mais c'est à partir du XIIe siècle que la culture du châtaignier se développe. La Corse, qui est alors gouvernée par Pise entre 1077 et 1299, intègre des techniques agricoles toscanes. La conquête de l'île par Gênes, à partir du XVIe siècle, va donner un nouvel essor à la castanéiculture surtout dans le nord, le Pomonte ou Deçà des Monts. L’arbre bénéficia d’incitations à la plantation dès le XVe siècle et surtout de la politique de la Coltivatione mise en place par la Sérénissime sous l’égide de son commissaire à l’agriculture Francesco Maria Giustiniani.

 

Les montagnards de cette région, qui vivaient jusqu'alors de la culture des céréales et de l'élevage, vont subir une révolution de leur système agricole imposée par les Génois. Le gouverneur, signa le 28 août 1548, une ordonnance qui imposait aux propriétaires et aux fermiers « de planter chaque année quatre arbres fruitiers, figuier, olivier, mûrier et châtaignier, sous peine de trois livres d'amende pour chaque arbre non planté. ». Dans le Deçà des Monts, la future Castagniccia, les cultures céréalières disparaissent rapidement.

 

 

Une nouvelle ordonnance, datée du 12 novembre 1619 imposa à chaque propriétaire ou tenancier de planter au moins dix arbres. Le 2 décembre 1626 ordre fut donné de faire semer une centaine de châtaignes dans chacune des circonscriptions nobiliaires de l'île, les plants obtenus étant destinés à être replantés dans des terroirs favorables. Vingt ans plus tard, une dernière ordonnance fut édictée, le 25 janvier 1646 donnant ordre de planter dix châtaigniers avant la fin du mois de mai, il est explicitement notifié que ces pépinières devront être protégés du bétail.

 

Celui que l’on a coutume d’appeler arbre à pain ne bénéficia pas toujours  d’un regard favorable surtout auprès des autorités et des commentateurs extérieurs.

 

Le 22 juin 1771 le Roi Louis XV interdisait la plantation de châtaigniers afin de ne pas empiéter sur les terres susceptibles d’être ensemencées ou réservées à d’autres espèces. Il était soupçonné de permettre aux populations rebelles de subsister en autarcie mais également de favoriser la paresse, une bonne récolte pouvant satisfaire pour un an les populations bénéficiant de ses fruits.

 

  • Mémoires historiques sur la Corse par un officier du régiment de Picardie : 1774-1777

 

« … la grande abondance de châtaignes qu’ils cueillent sans peine et sans culture les dispense de travailler la terre, et pour l’ordinaire, ces peuples ne sèment de leurs terrains que ce qui leur est absolument nécessaire pour l’entretien de leur famille. » page 164

 

  • J.G.-M. Le Bon de Beaumont, observations sur la Corse 1824

 

« … la première châtaigne corse a dû sortir de la boîte de Pandore. L’abondance presque continuelle de cette denrée perpétue le goût de l’oisiveté, c’est-à-dire le plus grand fléau des nations. L’ouragan qui détruirait tous les châtaigniers de l’île y causerait d’abord une détresse cruelle ; dans quelques années il serait béni parce qu’il aurait remis le travail en honneur et placé l’agriculture au rang qu’elle doit occuper. En attendant la châtaigne se laisse cueillir et les champs sont en friche. » page 136

 

  • Cinquième lettre de M. Grégoire Paléologue. Il s’agit de 6 lettres où l’auteur raconte ses tribulations dans l’exploitation du domaine du Comte Pozzo di Borgo aux environs d’Ajaccio

 

« … il n’y a que le châtaignier qui soit multiplié par l’homme, et c’est parce qu’il constitue la base de la nourriture du montagnard corse, dont j’attribue l’indolence à la ressource que cet arbre lui présente. La culture  du châtaignier demande peu de peine et de soin, et son fruit séché et réduit en farine offre une nourriture saine et agréable. Aussi le Corse qui possède trois ou quatre pieds de cet arbre, ne se soucie guère d’aller travailler que lorsqu’il n’a plus de châtaignes. Ainsi je suis porté à dire que c’est un bonheur que le châtaignier ne se soit pas multiplié dans cette île, et qu’il n’y en a guère dans mes environs. » pages 460-461

 

Reprenant ces arguments Arrighi de Casanova Mémoire statistique du Département du Liamone adressé à Son Excellence le ministre de l’Intérieur d’après ses instructions par M. Hyacinthe Arrighi Préfet de ce département, « la manie d’enfanter des paradoxes égara un politique du dernier siècle au point de le porter à imprimer que pour forcer les montagnards à quitter leurs incommodes habitations et à venir peupler et cultiver les fertiles plaines des bords de la mer le moyen le plus efficace serait d’abattre tous les châtaigniers. Cette idée est assurément des plus singulières et son exécution absurdité à part, produirait à coup sûr un mal grave et réel pour l’espérance d’un bien à venir très douteux. On pense au contraire qu’on ne saurait jamais assez propager une plantation d’une utilité si générale. »

 

Un document du ministère de l’Intérieur sous la Restauration décrit le statut de l’arbre : « Dans l’intérieur des terres le châtaignier est pour ainsi dire l’arbre sacré. Son fruit assure la nourriture des deux tiers de la population. Il en existe des forêts immenses. »

 

Pascal Paoli déclarait : « Tant que nous aurons des châtaignes, nous aurons du pain ! »

 

Source : les productions alimentaires en Corse 1769-1852 Philippe Pesteil éditions Alain Piazzola

 

 

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30 août 2018 4 30 /08 /août /2018 06:00
Le soir Talleyrand aimait « savourer des choses lourdes en compagnie de femmes légères » « Sire, j'ai plus besoin de casseroles que d'instructions. Laissez-moi faire et comptez sur Carême. »

L’hôtel de Talleyrand, construit au XVIIe siècle, fut la demeure de Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord. Fin diplomate sous l’Empire, l’hôtel fut mis un temps à la disposition du tsar Alexandre Ier de Russie, dans le cadre des tractations en vue du retour des Bourbons. Talleyrand est un des rares qui sut conserver son statut sous la Restauration.

 

« Le meilleur auxiliaire d'un diplomate, c'est bien son cuisinier ».

 

Talleyrand a trois passions : la politique, les femmes et la nourriture. Selon lui, l’essentiel est de donner d’excellents repas et être galant avec les dames. 

 

« Le cuisinier Boucher surnommé « Bouche sèche » ayant commencé sa carrière à la cour du prince de Condé prépare chez Talleyrand des repas diplomatiques devenus classiques. Les célébrités européennes de l’époque : politiciens, savants, ministres, diplomates, artistes sont les invités du diplomate hospitalier et généreux. 

 

Le prince de Talleyrand fait entièrement confiance à M. Boucher, il lui donne carte blanche en ce qui concerne les frais et accepte toutes ses initiatives.

 

Depuis l’âge de vingt-quatre ans, Talleyrand s’entretient tous les matins pendant une heure avec son cuisinier sur le menu du déjeuner en ne prenant les repas qu’une fois par jour.

 

Brillat-Savarin, dans sa Physiologie du goût, indique M. de Talleyrand, « le premier de nos diplomates, à qui nous devons tant de mots fins, spirituels, profonds », comme l'introducteur en France de ces deux usages :

1° servir du parmesan avec le potage,

2° offrir après le potage un verre de madère sec.

 

Alexandre Dumas père, note dans son « Grand dictionnaire de cuisine » :

 

Talleyrand est parmi les premiers à penser qu’une cuisine saine et réfléchie raffermit la santé et permet de prévenir les maladies sérieuses. « En fait, écrit Dumas, les quarante dernières années de sa vie sa santé est un argument convaincant en faveur de cette thèse ».

 

Il ajoute :

 

« La révolution détruit les grands seigneurs, les repas somptueux, les manières élégantes. M. de Talleyrand les fait renaître. C’est à Talleyrand que la France doit sa renommée reprise d’un pays de luxe et d’hospitalité ».

 

Le matin avant de se mettre au travail, Talleyrand prend deux à trois tasses de tisane de camomille.

 

Le « roi de la cuisine » Marie-Antoine Carême travaille chez Talleyrand. Talleyrand fait beaucoup pour que Carême invente un style raffiné de nourriture avec des primeurs et des légumes, simplifie les sauces, etc.  

 

« Durant son ministère, le fidèle collaborateur de Talleyrand, le cuisinier Antonin Carême, fut continuellement présent et sera chargé de l’organisation de banquets somptueux ; certains comprennent des « extraordinaires », voire de « grands extraordinaires ». Ce sont en fait des pièces « montées, salées et sucrées, conçues comme des ensembles architecturaux », où l’œil est aussi sollicité que le goût. Antonin Carême avait comme consigne de flatter à la fois les yeux et les palais des convives et l’histoire a retenu le raffinement des plats, des présentations et des menus. Cela fonctionnait pour les repas intimes et pour les banquets. Communication politique avant l’heure, ces instructions — et le budget associé — venaient de Talleyrand qui gardait à l’esprit deux facteurs. Ces repas lui conféraient renommée et influence car les nobles, diplomates et proches du pouvoir se flattaient d’être invités soit dans son hôtel parisien, soit dans son château de Valençay, les endroits où, durant le ministère de Talleyrand, il fallait être. Mais sa diplomatie demandait aussi d’être bien informé et en retour de communiquer les messages nécessaires à ses négociations. Ainsi, avec le même esprit de réseau d’information de la république de Venise aux xve et xvie siècles (rappelons que la diplomatie moderne fut organisée et répandue en Europe par la Sérénissime), les repas de la maison de Talleyrand étaient de parfaits lieux d’échanges d’informations. Eugène Briffault relate :

 

[…] chez M. de Talleyrand, on faisait de la diplomatie partout au salon et à l’office : son chef était chargé du soin de choisir les cuisiniers des grandes maisons de l’étranger, c’était se ménager des intelligences au cœur de la place (cité dans Rowley, 1997 : 72).

 

« En 1814, Louis XVIII envoya le prince à Vienne pour y défendre les intérêts français. Grâce à son habileté diplomatique, et en favorisant notamment la division parmi les Alliés, il réussit à obtenir des conditions inespérées. Appliquant avant l’heure les méthodes de l’Union européenne, il regroupa autour de lui les petits royaumes et joua des rivalités traditionnelles, évitant ainsi à la France d’être isolée. Les manœuvres de Talleyrand lors du congrès de Vienne doivent en partie leur succès aux dîners offerts par le prince, participant aux négociations, les menant même parfois aux dépens des puissances de l’époque, la Prusse, la Russie et la Grande-Bretagne. Au-delà de la réorganisation de l’Europe ouvrant sur une longue période de paix, de la naissance de la diplomatie moderne (de Sédouy, 2003), le congrès de Vienne reste aussi l’apogée du lien entre plaisir de la table et plaisir de la négociation. Nous avons là l’illustration d’une négociation, en Occident, organisée autour de la commensalité et non autour du discours et de sa maîtrise. »

Regard anthropologique sur les cultures de la table Olivier Arifon et Philippe Ricaud

 

L’empereur russe Alexandre apprécie en ce moment le talent de Carême et demande même à Talleyrand de le lui « prêter » pendant son séjour à Paris. « Ma cuisine, écrit plus tard Carême, était à l’avant-garde de la diplomatie française ».

 

Le petit déjeuner et le déjeuner étaient de peu de conséquence pour lui. Le soir, dit-on, il aimait « savourer des choses lourdes en compagnie de femmes légères »

 

Pendant l’hiver 1803, alors qu’il était pratiquement impossible d’obtenir du poisson à Paris, Talleyrand donna un dîner officiel. À un moment, sous les exclamations enchantées des convives, un laquais entra, portant un énorme saumon sur un grand plat d’argent. À l’horreur de tous, il trébucha, et plat et poisson se répandirent sur le sol.

 

Voyant cela, Talleyrand ordonna calmement : « Qu’on en apporte un autre. »

 

Et presque immédiatement, un autre saumon fit son apparition. L’incident avait été planifié.

 

Autre version :

 

M. de Talleyrand, le grand diplomate, était aussi un grand gourmet. En partant pour Vienne il avait déclaré fièrement à Louis XVIII :

 

« Sire, j'ai plus besoin de casseroles que d'instructions. Laissez-moi faire et comptez sur Carême. »

 

Car le grand Carême, l'illustre cuisinier, était à son service.

 

Donc, un jour, à Vienne, le prince de Talleyrand décida de donner un dîner magnifique, un de ces dîners qui rendent un homme illustre, qui font honneur au pays qu'il représente et dont on parle pendant longtemps.

 

Il voulait surtout servir un poisson merveilleux et, pour être sûr d'obtenir ce qu'il voulait, il avait commandé chez deux marchands différents deux énormes saumons.

 

Le matin du jour où devait avoir lieu le dîner on apporta un splendide saumon du Rhin. Il était aussi grand qu'un homme.

 

Pendant que tout le monde admirait cette bête exceptionnelle le second saumon, qui venait de la Moselle, fit son apparition. Celui-ci ne mesurait pas moins de six pieds.

 

« Monseigneur, dit Carême, il y a un saumon de trop. On ne peut pas les servir tous les deux...

 

  •  Vous les servirez cependant tous les deux, répondit le diplomate.

 

  • Monseigneur, je ne ferai pas cela. C'est contraire à toutes les règles.

 

  • Mais, monsieur, quand je commande...

 

  • Monsieur, personne ne peut me forcer à faire une faute professionnelle...

 

  • Voyons, ne vous fâchez pas, Carême...
  •  

Et le ministre des Affaires Etrangères chuchota quelques mots à l'oreille du cuisinier.

 

Au cours du dîner, dans une salle à manger éclairée d'innombrables bougies, où étincelaient les diamants et les médailles des officiers, des flûtes et des violons annoncèrent soudain l'arrivée d'un plat extraordinaire.

 

Deux maîtres d'hôtel entrèrent portant solennellement un plat d'argent. Le saumon du Rhin, entouré de citron et de persil, était couché sur un lit de fleurs.

 

Soudain, comme tout le monde poussait des cris d'admiration, un des maîtres d'hôtel glissa et le saumon tomba sur le parquet.

 

Un murmure désolé et plaintif s'éleva. Était-ce possible ? Un si beau poisson... Perdu !

 

  • Faites venir Carême! cria M. de Talleyrand.

 

« Monsieur, dit sévèrement le prince au cuisinier, voyez ce qu'on a fait de votre poisson. Avez-vous prévu qu'un accident semblable pourrait arriver ? »

 

  • Monseigneur, j'ai un autre saumon tout prêt, répondit Carême. Je prends toujours mes précautions...

 

Et l'on apporta, avec le même cérémonial, et selon ce qui avait été décidé le matin, pour étonner les invités, le saumon de la Moselle qui était encore plus beau.

 

Et presque immédiatement, un autre saumon fit son apparition. L’incident avait été planifié.

 

Lorsque Talleyrand décède le 17 mai 1838 à Paris à l’âge de 84 ans, certains plaisantent : « Talleyrand est mort ? Pourquoi donc a-t-il eu une telle idée ? »

 

Le souper légendaire des derniers jours de l'empire : Fouché et Talleyrand

Par  Béatrice de Rochebouët  Publié le 07/11/2013

 

Le 17 novembre, à Fontainebleau, Me Osenat mettra en vente trois lettres autographes qui retracent un face-à-face crucial entre Fouché et Talleyrand.

 

Voici une réunion de documents autographes inédits qui nous plongent au plus intime de l'histoire impériale. L'instant a été immortalisé au théâtre par Jean-Claude Brisville puis porté à l'écran en 1992 par Édouard Molinaro. Dans Le Souper, sur fond de Carmagnole, chanson si populaire créée à la chute de la monarchie le 10 août 1792, deux hommes dînent à huis clos, aux chandelles, dans un magnifique écrin de boiseries. Deux petites heures à déguster le foie gras du Périgord pour décider du destin de la France. L'heure est grave, le tonnerre gronde, l'Empire vacille. Le duel verbal auquel se livrent Fouché et Talleyrand, tantôt ennemis, tantôt complices, mais tous deux liés par les mêmes sordides intérêts, va devenir légendaire.

 

Pour rendre l'intrigue de ce face-à-face entre le «crime» et le «vice» encore plus palpitante, le film situe l'action le 6 juillet 1815, alors que le peuple se pose de sombres questions sur son avenir après la défaite de Waterloo. Or, d'après les trois lettres autographes mises aux enchères chez Me Osenat à Fontainebleau, ce souper serait légèrement antérieur. «Je me rendrai chez Votre Altesse à 5 heures et demie et j'aurai l'honneur de dîner avec elle…», écrit un an plus tôt, le 23 avril 1814, Joseph Fouché, le duc d'Otrante, à Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord.

 

Chaque mot est pesé mais en dit long sur leur vrai visage.

 

D'un côté, il y a le redoutable Fouché, le ministre de la Police de Napoléon au sang-froid hors pair qui prenait un malin plaisir à mettre un homme en face de l'inavouable. Ce brillant oratorien et conventionnel régicide est connu pour avoir réprimé avec férocité l'insurrection lyonnaise de 1793 et fait exécuter le duc d'Enghien, avant de devenir le ministre de Louis XVIII, restauré par ses soins.

 

De l'autre, il y a le cynique Talleyrand, le ministre des Relations extérieures vénal et corrompu qui tempère, l'homme à femmes qui suggère autant d'admiration que de mépris, le «diable boiteux» défroqué dans Sacha Guitry toujours à la recherche d'un précaire équilibre.

 

Un double jeu perfide

 

Fouché a tenté de revenir en vain dans le jeu politique au début de la seconde Restauration en intriguant auprès de ce dernier, qui s'était rapproché des Bourbons et des alliés dès février 1814, au moment où Napoléon fut déclaré déchu par le Sénat, le 2 avril de cette même année. Son double jeu éclate au grand jour. Il écrit à Bonaparte «qu'il aurait été plus glorieux et plus consolant de vivre en simple citoyen dans les États-Unis d'Amérique» plutôt que d'accepter une retraite indigne à l'île d'Elbe de «celui qui a possédé un immense Empire». Or, il suggère à Talleyrand, alors ministre des Affaires étrangères, de montrer cette lettre d'une lucidité implacable au comte d'Artois, le futur Charles X, qui a été nommé chef du gouvernement provisoire et a signé la convention d'armistice le 23 avril 1814. Une perfidie aussitôt saluée par son complice du souper sur ces mots: «Excellent! Excellent! Vous auriez été à la messe du Saint-Esprit d'aujourd'hui que vous n'auriez pas dit mieux.»

 

Les jeux de la gastronomie et de la négociation : les enseignements du congrès de Vienne (1814-1815)

 

Or, la négociation, comme la gastronomie, prend sa source aux XVIIe et XVIIIe siècles, avec l’apogée de leur alliance personnifiée par Talleyrand et son chef Carême, lors du Congrès de Vienne (1814-1815). Notre article a pour objectif, à travers l’étude du cas de l’alliance entre gastronomie et négociation, lors de ce Congrès, d’en faire ressortir certes les atouts pour le manager d’aujourd’hui (émotions, théâtralisation et communication), mais aussi les limites.

ICI 

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29 août 2018 3 29 /08 /août /2018 07:00
Le style farmer vu par le Bon Marché : c’est 4640 euros sans les chaussettes et le tee-shirt, une paille ! En bonus l’interview d’Augustin Trapenard le précieux ridicule…

À Paris j’ai toujours habité rive-gauche et, tout naturellement, avant qu’il ne se transforme en un temple du luxe à la Bernard Arnault,  je fréquentais Bon Marché qui innovait. Je suis donc en possession d’une carte du magasin ce qui me vaut le privilège de recevoir les catalogues. Je dois à la vérité de vous avouer que je fréquente toujours la Grande Épicerie qui est doté d’un rayon boucherie remarquable et d’une offre fruits et légumes intéressante. Autre lieu fréquenté, la librairie qui, elle aussi, a gardé un parfum que j’apprécie.

 

Bref, dans ma lettre je viens de découvrir : L’Homme Automne-Hiver 2018.

 

D’ordinaire cette plaquette rejoint la poubelle jaune en revenant de la boîte aux lettres, sauf que, cette fois-ci, je l’ai négligemment feuilletée et que je suis tombé sur : ÊTRE ÉLÉGANT… EN FARMER.

 

 

Tiens, tiens, le baratin des mercantis valait son pesant de pédantisme…

 

Mais, poussant plus avant mon observation sous le timbre du créateur THOM BROWNE je découvre les prix de ses oripeaux de campagne :

  • Veste en laine : 2620 euros
  • Pantalon  en laine : 1250 euros
  • Bottines en cuir : 770 euros

Total : 4640 euros.

 

 

J’imaginais ce jeune grelus, avec son côté épouvantail chic, en vadrouille dans nos terroirs profonds, comme aurait dit mémé Marie, l’aurait pas de honte.

 

Ridicule !

 

Poussant plus avant mon feuilletage je suis tombé sur l’interview d’Augustin Trapenard, un gus avec culture incorporée qui cause sur France Inter. Un sommet dans l’insignifiance.

 

 

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