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24 février 2019 7 24 /02 /février /2019 07:00
Casanova soulève les draps pour contempler sa maîtresse. Eau-forte de Sylvain Sauvage (1888-1948) pour les Mémoires de Giacomo Casanova (détail)

Casanova soulève les draps pour contempler sa maîtresse. Eau-forte de Sylvain Sauvage (1888-1948) pour les Mémoires de Giacomo Casanova (détail)

Comment ai-je pu, dans ma chronique sur la Venise à double tour de JPK oublier Casanova !

 

Ce matin je répare ce fâcheux oubli en me référant à « Casanova, la passion de la liberté » une exposition  à la Grande Galerie BNF, site François Mitterrand (Paris XIIIe) février 2011 :

 

Notre époque devrait éviter de se comparer à d’autres car l’exercice se révèle très souvent à son désavantage. Ainsi, certains voient en Dominique Strauss-Kahn le Casanova de 2011. Allons bon ! S’ils visitaient la belle exposition que la Bibliothèque nationale de France consacre au grand écrivain du XVIIIe siècle, les exégètes des « transports collectifs » de l’ancien patron du FMI ne se seraient pas lancés dans un parallèle aussi hasardeux. Entre l’ex-leader socialiste et le Vénitien de génie, il y a autant de rapports qu’entre les Grecs et la rigueur budgétaire, le Kop de Boulogne et l’esprit de Coubertin, Eva Joly et la tendresse.

 

Casanova, Histoire de ma vie

 

Si la vie de Giacomo Casanova fut un galop d’enfer, elle était assise sur une pensée profonde et magnifiée par un style éblouissant. Joueur, jouisseur, philosophe, espion, franc-maçon, cet « artiste de la vie », comme le surnomme Philippe Sollers, a fait de son existence son grand œuvre. Alors que le XXIe siècle, à la fois puritain et pornographe, en a fait un Rocco Siffredi en perruque. Sous le regard de Pietro Longhi et d’autres peintres de l’époque, la BNF donne à voir le fameux manuscrit d’Histoire de ma vie, le texte mythique que Casanova a écrit en français au soir de sa vie.

 

L’institution présidée par Bruno Racine l’a acquis en 2010 grâce à un mécène - anonyme -, qui a versé la bagatelle de 7,5 millions d’euros. Casanova, quelle aventure ! On ne parle pas ici du restaurant - boîte de nuit parisienne fréquentée par DSK et ses « amis lillois ». Mais de cette chevauchée fantastique qui a conduit le chevalier à travers toute l’Europe. Son carnet d’adresses avait une sacrée tenue. Bernis, c’est tout de même autre chose que « Dodo la Saumure ». Et la Pompadour n’est pas « Béa » la Lilloise. Enfin, si le nom Murano apparaît dans les souvenirs de Casanova, il ne désigne pas l’hôtel parisien qualifié par L’Express d’ « épicentre des plaisirs parisiens de DSK  », mais la petite île au nord de Venise où le libertin allait tourmenter la religieuse M.M. Il se tenait bien, paraît-il.

 

Sébastien Le Fol

 

Les nonnes de Murano

 

La plus célèbre aventure de Casanova n’a pas eu lieu à Venise, mais sur l’île de Murano. Qui était la nonne MM que Casanova allait y retrouver et dont il déclarait « C’est une vestale, je vais goûter d’un fruit défendu, je vais empiéter sur les droits d’un époux tout-puissant, m’emparant dans son divin sérail de la plus belle de toutes ses sultanes ! » ?

 

Passées les boutiques de souffleurs de verre et les vitrines de bibelots, le quartier Venier est situé à l’extrême nord de l’île. Entourée de champs, d’une usine et de modestes maisonnettes, la zone était autrefois couverte par le couvent Santa Maria degli angeli, aujourd’hui disparu. Face au canal, on trouve encore son église : un imposant bâtiment de brique, témoin d’une ancienne splendeur, lorsque le couvent accueillait les filles des plus nobles familles vénitiennes.

 

Les religieuses vénitiennes

 

« Les religieuses vénitiennes, à l’époque, sont un vivier célèbre de galanterie. Un grand nombre de filles, pas religieuses du tout, sont là « en attente », Surveillées, elles peuvent sortir la nuit en douce, si elles ont de l’argent et des relations. Le masque est nécessaire. Il faut rentrer très tôt le matin, avec des complicités. Les gondoliers savent cela, les Inquisiteurs d’État aussi. Il s’agit de moduler les écarts, pas de scandales, pas de vagues. Quand le nonce du pape arrive à Venise, par exemple, trois couvents sont en compétition pour lui fournir une maîtresse. Il y a du renseignement dans l’air, cela crée de l’émulation. On prend une religieuse comme on prend une courtisane de haut vol, une geisha de luxe. Les diplomates sont intéressés, et c’est le cas de l’amant de M. M., puisqu’il s’agit de l’ambassadeur de France, l’abbé de Bernis. »

Ph. Sollers Casanova l’admirable, Folio p. 123

 

Avant d’accéder à l’église, on passe sous un portique où trône un bas-relief : c’est un ange qui annonce la bonne nouvelle à la vierge Marie. On imagine la tête de Casanova, lorsque, levant les yeux au ciel, il s’arrêtait sur l’image pieuse.

 

L’homme est alors âgé de 28 ans et il fait du couvent son lieu d’élection, tombant successivement amoureux de la sœur CC puis de la soeur MM. Casanova fait ses visites depuis Venise, en gondole. Il vient d’abord le dimanche, pour la messe, puis pour échanger quelques mots au parloir. Aujourd’hui l’église est à l’abandon, ses vitres sont brisées, et de vieux objets s’entassent dans la nef. On ne la visite plus. Il faut aussi imaginer la petite porte du jardin par laquelle Casanova attend les sœurs, de nuit. Les nonnes, riches filles d’aristocrates, y passent sans trop de difficultés, en corrompant leurs surveillantes. MM, « rare beauté » de 23 ans, n’est autre que Marina Morosini, héritière d’une famille de Doges.

 

Non loin de l’ancien jardin, sur la rive nord de Murano, une gondole conduisait Marina et Giacomo dans un casino (garçonnière) de la fondamenta Santi, le grand canal de l’île. D’après les Mémoires, ce lieu de débauche, dont on ignore l’emplacement exact, est des plus raffinés. MM y affiche grand style - bijoux, parfums - et fait servir à Casanova mets exquis et vins de luxe. Dans la chambre, un oeuilleton permet au propriétaire du casino [2] d’observer leurs ébats : il s’agit de Monsieur de Bernis, ambassadeur de France, futur ministre de Louis XV, et lui aussi amant de MM. Après quelques rendez-vous, cette dernière convie d’ailleurs CC, la première nonne conquise par Casanova : « enivrés tous les trois par la volupté, et transportés par de continuelles fureurs, nous fîmes dégât de tout ce que la nature nous avait donné de visible et de palpable ».

Crédit : David Bornstein, Libération, « Venise dans les pas de Casanova », 28 sept. 2009.

 

C. C. (Philippe Sollers Casanova l’admirable, extrait)

 

Elle a quatorze ans, nous savons aujourd’hui qu’elle s’appelait Cattarina Capretta. Elle passe en voiture sur une route près de Casa, la voiture verse, il se précipite, la relève dans sa culbute, et aperçoit un instant sous ses jupes « toutes ses merveilles secrètes » (phrase, on s’en souvient, censurée par le professeur Laforgue).

 

C’est la fameuse C. C. qui va, avec la non moins fameuse M. M. (Marina Maria Morosini), être une des vedettes de ce grand opéra qu’est l’Histoire. [...]

 

C. C. a un frère très douteux, P.C., qui voit tout de suite le parti qu’il peut tirer d’un amateur de merveilles secrètes (Giacomo a vingt-huit ans, il est en âge de se marier). Il veut donc vendre sa sœur à ce prétendant. Assez niaisement, il essaie de la pousser, par l’exemple, à la débauche. Casa, pris pour un débutant, est furieux et réagit en défenseur de l’innocence. Son amour commençant pour C. C. devient alors « invincible »

 

Il emmène sa charmante petite amie dans le jardin d’une île à l’est de la Giudecca. Ils courent ensemble dans l’herbe, ils font une compétition de vitesse avec gages de petites caresses, rien de grave, c’est une enfant :

 

« Plus je la découvrais innocente, moins je pouvais me déterminer à m’emparer d’elle. »

 

Se marier ? Après tout, pourquoi pas ? Mais marions-nous alors devant Dieu, ce voyeur insatiable. Ce sera le piment de la scène. Ils reviennent donc dans une auberge de l’île, nous sommes le lundi de la Pentecôte. Au lit :

 

« Extasié par une admiration qui m’excédait, je dévorais par des baisers de feu tout ce que je voyais, courant d’un endroit à l’autre et ne pouvant m’arrêter nulle part, possédé comme j’étais par la cupidité d’être partout, me plaignant que ma bouche devait aller moins rapidement que mes yeux. »

 

Giacomo, ici, nous jette dix clichés à la figure, mais des clichés très étudiés puisqu’ils doivent le décrire comme un animal vorace et un prédateur (et on voit à quel point la thèse classique d’un Casanova simple « jouet » du désir féminin est fausse, quoique très intéressée à se maintenir).

 

Soyons sérieux : il s’agit de dépucelage, question qui choque beaucoup les mères (même féministes) et rend les hommes hésitants, voire convulsivement jaloux :

 

« C. C. devint ma femme en héroïne, comme toute fille amoureuse doit le devenir, car le plaisir et l’accomplissement du désir rendent délicieuse jusqu’à la douleur. J’ai passé deux heures entières sans me séparer d’elle. Ses continuelles pâmoisons me rendaient immortel. »

 

Nous avons bien lu : pas de « petite mort », mais bel et bien une sensation d’immortalité. Décidément, Dieu est de la partie. Un dieu grec, sans doute, ce ne serait pas étonnant. Au même moment, à Venise, a lieu la cérémonie solennelle où le doge, sur le Bucentaure, s’en va au large épouser la mer (exercice périlleux, il ne faut pas que le temps se gâte).

 

Cependant, plus tard : « Étant restés comme morts, nous nous endormîmes. »

 

Et le lendemain...

 

M. M. (par Philippe Sollers Casanova l’admirable, extrait)

 

À lui d’être dragué, maintenant, et carrément.

 

À la sortie de la messe du couvent, par lettre, une religieuse lui propose un rendez-vous. Soit il vient la voir au parloir, soit dans un « casino » de Murano. Elle peut aussi se rendre le soir à Venise.

 

M.M., encore anonymement, vient d’entrer en scène. Bien entendu, c’est « la plus jolie des religieuses », celle qui apprend le français à C. C. Celle-ci a-t-elle été indiscrète ? Giacomo ne veut pas le croire, et c’est son aveuglement possible qui va faire, à partir de là, l’intérêt du récit.

 

Il répond à la lettre, il choisit le parloir par peur de « l’attrape » : « Je suis vénitien, et libre dans toute la signification de ce mot. »

 

Casa a été élu sur sa seule apparence physique (du moins si C. C. n’a pas parlé : ce qui nous apparaît, à nous lecteurs, fort douteux). On ne l’étonne pas facilement, mais quand même : « J’étais très surpris de la grande liberté de ces saintes vierges qui pouvaient violer si facilement leur clôture. » Si elles peuvent mentir à ce point, on ne voit pas pourquoi elles ne lui mentiraient pas à lui, selon la loi inébranlable de la guerre des sexes. On imagine très bien M. M. confessant la petite C. C., surtout après l’épisode des linges sanglants. Tout cela sur fond d’apprentissage de la langue française. La suite du roman conforte cette hypothèse.

 

M. M. se montre au parloir. Elle est belle, plutôt grande, « blanche pliant au pâle », « l’air noble, décidé, en même temps réservé et timide », « physionomie douce et riante », etc. On ne voit pas ses cheveux pour l’instant (ils sont châtains). Elle a de grands yeux bleus (C. C., elle, est blonde aux yeux noirs).

 

Ses mains, surtout, sont frappantes, et ses avant-bras, « où on ne voyait pas de veines et, au lieu des muscles, que des fossettes ».

 

Elle a vingt-deux ans. Elle est potelée.

 

Il revient, elle ne vient pas. Il est humilié, ferré. Il décide de renoncer :

 

« La figure de M. M. m’avait laissé une impression qui ne pouvait être effacée que par le plus grand et le plus puissant des êtres abstraits. Par le temps. »

 

Allons, allons, la correspondance clandestine reprend, tout s’arrange. Ici apparaît, dans le discours, le personnage dont nous connaîtrons bientôt l’identité : l’amant de M. M. Elle a donc déjà un amant ?

 

« Oui, riche. Il sera charmé de me voir tendre et heureuse avec un amant comme vous. C’est dans son caractère. »

 

Loin d’être découragé, Giacomo s’enflamme de plus belle : « Il me semblait n’avoir jamais été plus heureux en amour . » Pauvre petite C. C. ! Avoir un « mari » si volage ! Mais attendons, elle va revenir quand l’opéra en cours le voudra.

 

Casa raisonne froidement : l’être humain, en tant qu’il est animal, a trois passions essentielles, qui sont la nourriture, l’appétence au coït assurant, avec prime de plaisir, la reproduction de l’espèce, et la haine poussant à détruire l’ennemi. L’animal est profondément conservateur :

 

Une fois doué de raison, il peut se permettre des variations. Il devient friand, voluptueux, et plus déterminé à la cruauté :

 

« Nous souffrons la faim pour mieux savourer les ragoûts, nous différons la jouissance de l’amour pour la rendre plus vive, et nous suspendons une vengeance pour la rendre plus meurtrière. »

 

Notre aventurier est en train de parfaire son éducation.

 

Les religieuses vénitiennes, à l’époque sont un vivier célèbre de la galanterie [voir encart ci-dessus] [...]. Les diplomates sont intéressés, et c’est le cas de l’amant de M. M., puisqu’il s’agit de l’ambassadeur de France, l’abbé de Bernis.

 

Bernis est un libertin lettré (il apparaît dans la Juliette de Sade) [...]

 

Voltaire (Mémoires) :

 

« C’était alors le privilège de la poésie de gouverner des États. Il y avait un autre poète à Paris, homme de condition, fort pauvre mais très aimable, en un mot l’abbé de Bernis, depuis cardinal. Il avait débuté par faire des vers contre moi, et était ensuite devenu mon ami, ce qui ne lui servait à rien, mais il était devenu celui de Mme de Pompadour, et cela lui fut plus utile. »

 

Tel est l’amant de M. M., qui ne sera pas fâché si elle prend Casanova pour amant. Bernis va être bientôt célèbre dans toute l’Europe par le traité qu’il va signer avec l’Autriche, lequel vise directement Frédéric de Prusse. C’est une forme de vengeance, puisque Frédéric, comme le rappelle méchamment Voltaire, avait écrit ce vers :

 

« Évitez de Bernis la stérile abondance. »

 

Mme de Pompadour, on le sait, interviendra directement dans la signature du traité. Son ombre est donc là, quelque part « là-haut », à Venise. On comprend que Casanova soit échauffé par un tel plafond. 

 

M. invite donc Casa à dîner dans le casino-studio aménagé par Bernis à Murano. Cette première fois, ils ne font que flirter :

 

« Je n’ai pu qu’avaler continuellement sa salive mêlée à la mienne. »

 

La fois suivante sera beaucoup plus pénétrante. Giacomo est quand même un peu étonné de voir que l’endroit est rempli de livres antireligieux et érotiques. La belle religieuse ardente est d’ailleurs philosophe :

 

« Je n’ai commencé à aimer Dieu que depuis que je me suis désabusée de l’idée que la religion m’en avait donnée. »

 

Ce disque étant désormais usé, on se demande quelle pourrait être aujourd’hui la déclaration d’un tempérament vraiment libertin. Peut-être celle-ci : « Je n’ai commencé à aimer ma jouissance que lorsque je me suis désabusé de l’idée que la marchandise sentimentale ou pornographique m’en avait donnée. Il n’est pas facile d’échapper à ce nouvel opium. Le vice positif demande beaucoup de discrétion, de raffinement, de goût. Venez demain soir et nous nous moquerons de la laideur générale, de la mafia, du fric, du cinéma, des médias, de la prétendue sexualité, de l’insémination artificielle, du clonage, de l’euthanasie, de Clinton, de Monica [4], du Viagra, des intégristes, barbus ou non, des sectes et des pseudo-philosophes. »

 

Chaque moment historique a ses transgressions. Une religieuse libertine n’est guère envisageable de nos jours (mais sait-on jamais). Au milieu du XVIIIe siècle, en revanche. moment de gloire du catholicisme, donc des Lumières (tout est dans la compréhension de ce donc), cette contradiction apparente peut se donner libre cours. M. M. propose bientôt à Casanova de se laisser voir en action avec elle par son prélat ambassadeur dissimulé dans un cabinet invisible. Il doit jouer son rôle naturel. Tous deux sont d’excellents acteurs. À tel point qu’à un moment donné Giacomo saigne. On apprend plus tard que le futur cardinal de Bernis a été très content d’avoir eu, pour lui seul, sa projection privée de cinéma porno live.

 

La suite du programme ne se fait pas attendre. ICI 

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24 février 2019 7 24 /02 /février /2019 06:00
Pour J.P. Kauffmann : Venise, Napoleone il Massimo, Eugène de Beauharnais, la suppression en masse des communautés religieuses, en 1806 et 1810, et la réorganisation des paroisses de la ville provoquèrent une hécatombe d’édifices sacrés, 72 églises furent abattues.

Dans son livre Venise à double tour, JPK évoque à plusieurs reprises Napoléon. Ainsi lorsqu’il va prendre un café au bar du musée Correr : « Á l’entrée, sous les  arcades, une dalle que foulent quotidiennement les touristes indique l’emplacement de l’église San Geminiano, démolie en 1807. La façade Renaissance, l’une des plus belles de Venise, est dessinée sur le pavement. C’est  Napoléon qui a fait raser l’édifice pour agrandir le palais royal. »

 

 

Avec Don Raffaele le curé des Gesuiti, JPK prononce le nom de Napoléon, « évoquant les réformes qu’il a apportées » Il le coupe rudement : « Des réformes ! Il n’avait qu’une seule idée : détruire Venise, détruire le lien qu’elle avait avec l’Église. »

 

JPK soupire en son for intérieur « Napoléon, le grand désaffecteur des églises ! »

 

Le décret du 28 juillet 1806 ordonna la suppression de quinze monastères d’hommes et de dix-neuf de femmes dans Venise. Neuf églises paroissiales furent fermées. Une nouvelle disposition impériale prise le 23 avril 1810 acheva la liquidation des ordres religieux. Á cette date, on pouvait recenser la fermeture de quarante-sept églises dépendant d’autant de couvents. La plupart des objets d’art qu’elles renfermaient furent bradées.

 

Et le curé de conclure :

 

  • Votre Napoléon a fait démolir à côté une église splendide, San Vio. Croyez-moi, cet homme était un vandale.

 

Comme tout bon lecteur de JPK le sait celui-ci a un petit faible pour Napoléon.

 

Une fois refermé son livre et bouclée ma chronique je suis allé rechercher le livre de Alvise Zorzi La République du lion Histoire de Venise que j’avais acheté avant ma première visite à Venise. Je l’ai retrouvé et entre ses pages j’ai même retrouvé mon billet de retour Venezia San Lucia- Paris-Bercy. En effet, j’avais décidé d’utiliser ce train pour me rendre à Venise.

 

 

J’ai repris ma lecture à la signature du traité de Campo Formio  le 18 octobre 1797, c’est le jeune général Napoléon Bonaparte (28 ans) l’impose aux Autrichiens et au Directoire. C'est le début d'une éclatante épopée qui affaiblira durablement la France et changera à jamais l'Europe. ICI 

 

Alvise Zorzi écrit « L’Istrie et la Dalmatie à l’Autriche, les îles Ioniennes à la France. L’empereur François, défait par les armes, a gagné par la diplomatie une bataille commencée trois siècles plus tôt ; la convoitise que les deux derniers empereurs n’auraient pas osé avouer est satisfaite. L’impétuosité, l’improvisation, l’ambition d’un jeune et grand général ont joué un mauvais tour à l’Italie, à la France et à lui-même. Il se vengera, certes, il se vengera ! Mais pour Venise, c’est la fin. L’ultime espoir  d’une possible indépendance sous condition s’est envolé en fumée. »

 

 

18 janvier 1798. En exécution du traité de Campoformio, l’armée impériale occupe la ville de Venise.

 

 

19 janvier 1906 : en exécution de la paix de Presbourg, l’armée française rentre à Venise, « au milieu de l’enthousiasme de la population », écrivent les journalistes de l’époque. Alvise Zorzi note : « Que cet enthousiasme fût vrai ou imaginaire, une chose est certaine, cette journée inaugure la période la plus triste de l’histoire de Venise. »

 

« Les provinces vénitiennes s’inséraient dans un royaume d’Italie qui avait comme roi Napoléon Ier, devenu empereur des Français, et comme vice-roi le fils de Joséphine de Beauharnais, Eugène de Beauharnais. La capitale avait été fixée à Milan ; ce choix signifiait la déchéance au rang de cité provinciale de celle qui avait été durant des siècles la Sérénissime Dominante d’un État s’étendant de l’Asie à la Lombardie. »

 

 

« Venu en visite officielle le 29 novembre 1807, dans un tourbillon de festivités et de flagorneries, Napoleone il Massimo, comme l’appelèrent à cette occasion thuriféraires et orateurs officiels, abaissa son foudroyant regard sur la malheureuse ex-reine des mers et pris une série de mesures de nature, selon lui, à lui permettre de se relever : aménagements portuaires, restauration des digues de Pellestrina, mesures de protection de l’industrie du verre de Murano, affectation de huit millions par ab à l’Arsenal pour la construction de navires… (En pure perte puisque le blocus continental du 21 novembre 1806 imposé à toutes les puissances navales s’appliquait aussi à Venise).

 

« Outre le port franc (limité à la seule île San Giorgio) et la Chambre de Commerce, Napoléon a doté Venise d’un cimetière et d’un jardin public. Le cimetière, s’il a sauvé de la démolition la splendide église Renaissance de San Michele di Murano, a provoqué celle de San Cristoforo della Pace, église gothique construite peu après 1454. Le jardin public, qui abrite de nos jours les pavillons de la Biennale, a coûté la destruction de tout un quartier dont faisaient partie les églises de Sant’Antonio et de Sa Nicolo di Castello avec le séminaire ducal attenant, des Cappucine (les Concette) et de San Domenico di Castello : des œuvres d’art admirables seront en partie dispersées, en partie détruites, très peu seront recueillies par les nouvelles galeries de l’Académie des beaux-arts.

 

 

Le vice-roi, qui exigea la construction d’une salle de bal et d’un grand escalier pour le palais royal, installé dans les anciennes Procuraties de la place Saint-Marc (ce fut une grande chance que l’on n’ait pas décidé de l’installer, comme on y avait pensé d’abord, dans le palais ducal), fut responsable de la démolition de l’église de San Geminiano, chef-d’œuvre de Sansovino, qui fermait harmonieusement la place en face de la basilique Saint-Marc. Mais la suppression en masse des communautés religieuses décidées à deux reprises, en 1806 et 1810, et la réorganisation des paroisses de la ville provoquèrent une hécatombe d’édifices sacrés. Entre Venise et les îles de l’estuaire, soixante-douze églises furent abattues : il nous faut nous contenter aujourd’hui de les admirer sur les estampes et les tableaux datant d’avant la tempête »

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23 février 2019 6 23 /02 /février /2019 06:00
Mon père ce poivrot 1 BD de Stéphane Louis pour évoquer l’alcool qui tue et détruit la cellule familiale…

C’est le journal suisse le Temps qui m’a mis cette BD sous le nez, sans doute parce que l’auteur Stéphane Louis a 47 ans, habite Annecy.

 

Je l’ai sitôt achetée car il me semble important de parler de cette maladie qu’est l’alcoolisme, sans passion, sans faux-semblants, en regardant la réalité en face, en nous plaçant dans la peau d’un enfant d’alcoolique.

 

Comme le souligne l’auteur : il ne traite pas l’alcoolisme comme on l’aborde régulièrement, via les traitements, ça Stéphane le laisse aux médecins. Lui c’est alcoolisme de l’intérieur, du vécu.

 

« Nous ne sommes pas que nos faiblesses. Nous sommes ce que nous essayons d’en faire. »

 

Stéphane Louis est un auteur reconnu dans le milieu de la bande dessinée de science-fiction que je ne connaissais pas car j’apprécie assez peu la science-fiction, il publie une BD «Mon père ce poivrot » où il  évoque les conséquences de l’alcoolisme sur la cellule familiale.

 

 

Le message de l’album tient en une seule phrase tirée de la BD : « C’était un poivrot Lulu ...mais c’était mon père !»

 

Les 72 pages content l’histoire de Lucien Basset, un père alcoolique qui souhaite revoir son fils Rémy et «lui sauver la vie», après des années de rupture. L’histoire tient en une seule ligne et étonne le lecteur jusqu’à la dernière page. S’il ne s’est pas directement représenté dans l’album au travers du personnage de Rémy, Stéphane Louis a bel et bien vécu cette histoire avec son père, Maurice, décédé en 2006.

 

Celui-ci né sous X,  avait été appelé Lucien Basset, par erreur, jusqu’au jour de son certificat d’études. C’est la femme du dessinateur, également coloriste de l’album, qui l’avait incité à reprendre contact avec lui quelques années avant sa disparition. «Elle m’a surtout invité à le faire afin de ne pas le regretter par la suite, précise Stéphane Louis. Cet album n’est pas une thérapie, ni une catharsis. J’ai pu régler mes problèmes avec lui de son vivant.»

 

Le dessinateur a aussi voulu souligner l’importance de tendre la main à une personne ayant une addiction, même si au final on est souvent déçu. «Si elle retombe, on le prend pour un échec personnel. J’ai plusieurs fois tendu la main à mon père, mais j’ai toujours été déçu par ces tentatives et, au bout d’un moment, je me suis demandé à quoi cela servait de faire un nouvel essai.»

 

«Dans ces moments, je vivais avec mon père. Je sais que cette main à tendre demande un effort. Notre relation a toujours été difficile. Je l’ai renié, mais il n’a jamais levé la main sur moi», confie-t-il.

 

La BD est parfois confuse, avec ses retours en arrière, ses monologues touffus,  mais on s’y fait et c’est ce que Stéphane Louis a voulu en faisant évoluer son trait « pour le rendre «moins propre» qu’habituellement. «Le dessin lâché m’a permis de représenter les visions que l’on peut vivre dans l’alcoolisme.» Sa volonté n’était pas de montrer sa propre interprétation de l’histoire de son père, mais de faire comprendre qu’il ne faut pas résumer un être à sa seule étiquette d’alcoolique. »

 

Bref, c’est une approche rare qu’il faut saluer.

 

« On estime à 5 millions le nombre de buveurs excessifs en France (trois millions d’alcoolo-dépendants sévères). Ça fait combien de victimes collatérales ? Combien d’enfants et d’adolescents qui vivent l’ENFER au quotidien ? Pas besoin de calculette. Ça fait beaucoup. »

 

Stéphane Louis, Mon père ce poivrot, Ed. Bamboo, 72 pages

 

Stéphane Louis est né en 1971. Autodidacte, il a fait ses premiers pas dans le monde des bulles grâce aux fanzines, prozines et autres magazines tels que Dixième Planète, Semic, Comic Box, Bugs Bunny Mag, etc. Professeur pendant huit années dans le 93, il démissionne de l’Education Nationale pour vivre de sa passion et travaille aussi dans des agences de communication, le web et la publicité. Ses influences de dessinateur proviennent du travail d’Olivier Vatine ou encore du duo John Byrne / Terry Austin sur les X-Mens. Mais également des mangas depuis leur parution en France ainsi que des Comics et surtout de la BD Franco-Belge qui a bercé son enfance (Raaah, Franquin, Seron puis Maëster, lui ont donné l’envie de prendre un crayon).

 

 

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22 février 2019 5 22 /02 /février /2019 06:00
En voilà une découverte : il existe en France 1frange de très gros buveurs, plutôt des hommes âgés qui représentent 10% des consommateurs et qui, à eux seuls, boivent 58% de l'alcool.

Lors de mon passage à l’Office du Vin entre 1978 et 1981, avec l’aide des chercheurs de l’INRA de Montpellier, il a été possible de lancer une étude lourde sur la consommation du vin en France. Cette étude perdure. ICI

 

 

Sans vous assommer de chiffres, la première constatation de cette étude fut que le haut niveau de consommation de vin en France était le fait d’un petit pourcentage de gros buveurs.

 

Que la tendance lourde de la baisse de la consommation de vin c’était la chute régulière et inéluctable des consommateurs réguliers parmi lesquels se recrutent les gros buveurs.

 

À tous ceux qui se lamentaient sur la baisse de consommation de vin, tel Saverot de la RVF et les grands chefs du vin, je répondais que c’était une bonne nouvelle.

 

Ces gros buveurs, de vin et d’apéro, ont permis en 1956, à Sully Ledermann, de publier un ouvrage en deux volumes intitulé "Alcool, alcoolisme, alcoolisation". Dans son chapitre V : " Mesures du degré d'alcoolisation alcoolique d'une population" l'auteur expose une hypothèse. Il entend démontrer que la consommation moyenne d'alcool d'une population en détermine la proportion de buveurs excessifs. Le problème qu'il a tenté de résoudre est le suivant : nous connaissons, pays par pays, la quantité d'alcool pur consommé par an et par habitant, ou plus exactement la quantité totale consommée divisée par le nombre d'habitants de tous âges. En revanche, nous connaissons mal la distribution.

 

Notre démographe formule donc une théorie entendant démontrer que la consommation moyenne d'alcool d'une population détermine le nombre de buveurs excessifs (la proportion de buveurs excessifs augmentant selon le carré de la consommation moyenne en suivant une distribution log gaussienne). Cinquante ans plus tard, cette hypothèse, baptisée loi de Ledermann, continue d'être martelée par les ayatollahs d'une politique de santé publique aussi verbalement autoritaire qu'inefficace pour fonder la lutte contre l'alcoolisme. On est entre scientifiques, des gens sérieux, pas des gens qui vivent d'un produit dangereux, circulez y'a rien à voir même si Gauss doit se remuer dans sa tombe en les voyant utiliser sa théorie pour des distributions biologiques.

 

Bref, cette pseudo-loi a constitué le socle de la lutte contre l’alcoolisme des médecins de santé publique, et explique l’échec de leur lutte contre ce fléau dans notre pays.

 

Sans qu’il y ait vraiment une inversion de la doctrine on sent un frémissement chez eux, comme une envie de revenir au principe de réalité.

 

Si la consommation a été divisée par deux depuis les années 1960, la France continue d'être un pays de buveurs. Surtout, les modes d'alcoolisation ont changé, révèle une enquête de Santé Publique France.

 

ON DÉCRYPTE

 

Vin, bière, pastis… Les Français aiment boire, beaucoup, et en nombre : seuls 15% des plus de 15 ans disent ne jamais boire. Les autres consomment en moyenne un peu plus deux verres quand l'occasion se présente, c'est-à-dire un jour sur trois environ. C'est ce qui ressort d'une nouvelle enquête publiée mardi matin par Santé Publique France.

 

La France est aujourd'hui au huitième rang mondial des plus gros buveurs d'alcool. La bonne nouvelle, c'est que notre consommation d'alcool a été divisée par deux depuis les années 1960. Aujourd'hui, seuls 10% d'entre nous boivent tous les jours, contre 25% il y a un demi-siècle.

 

Pour les jeunes, boire moins mais plus rapidement. Cette tendance cache néanmoins des pratiques bien différentes selon les générations. L'étude montre en effet qu'un quart des plus de 65 ans continuent à boire de l'alcool tous les jours. "Parmi les plus âgés, on a davantage de consommation régulière quotidienne, comme le petit verre de vin à table, alors que chez les plus jeunes, les modalités de consommation principales sont plutôt des consommations épisodiques importantes, c'est-à-dire qu'on consomme en une fois beaucoup d'alcool et non pas de faibles quantités de façon régulière", détaille Viet Nguyen Thanh, responsable de l'unité addiction à Santé Publique France. "Ça correspond probablement à un effet de génération."

 

Une frange de très gros buveurs. Enfin, il existe chez nous une frange de très gros buveurs, plutôt des hommes âgés. Ils représentent 10% des consommateurs et à eux seuls, ils boivent 58% de l'alcool consommé en France. Côté mortalité, l'alcool a fait 41.000 morts en France en 2015 (16.000 cancers, 9.900 maladies cardio-vasculaires, 6.800 maladies digestives, 5.400 accidents ou suicides et 3.000 morts d'autres maladies comme des maladies mentales). C'est la deuxième cause de mortalité évitable après le tabac et avant la pollution.

 

Michel Reynaud

Professeur émérite de psychiatrie et d'addictologie − Président du Fonds Actions Addictions, Université Paris Sud – Université Paris-Saclay

 

Alcool : ces 20 % de consommateurs qui font le bonheur des alcooliers

 

Le Baromètre de Santé publique France 2017 est une enquête probabiliste transversale : 25 319 personnes résidant en France métropolitaine, âgées de 18 à 75 ans, ont été interrogées par téléphone, de janvier à juillet 2017. Le taux de participation à cette enquête a été de 48,5 %.

 

Usages d’alcool en France métropolitaine en 2017, selon le sexe parmi les 18-75 ans. Baromètre de Santé publique France 2017.

 

Les données recueillies ont notamment révélé que la consommation d’alcool était plus fréquente chez les hommes, et l’écart entre sexes d’autant plus marqué que la fréquence de consommation augmentait. Ainsi, si 29,8 % des hommes consommaient de l’alcool entre une et trois fois par semaine (contre 20,3 % des femmes), ils étaient trois fois plus nombreux que les femmes à consommer de l’alcool quatre à six fois par semaine (7,6 % contre 2,6 %) ou tous les jours (15,2 % contre 5,1 %). De plus, la consommation moyenne un jour type était de 2,8 verres chez les hommes contre 1,8 chez les femmes.

Mais l’un des enseignements les plus intéressants concerne l’hétérogénéité de cette consommation d’alcool : en 2017, près de la moitié de la population (49 %) ne buvait que 3 % du volume total consommé dans l’année, un tiers (35 %) en consommait 91 %, tandis que les 10 % des plus gros buveurs consommaient 58 % du volume total.

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Autrement dit, la courbe de la consommation d’alcool en France ressemble fortement au diagramme de Pareto :

Le modèle économique des alcooliers est bâti sur les consommations excessives

Ces chiffres mettent en lumière la structure du marché de l’alcool dans notre pays. Ils montrent en effet que les ventes de l’industrie alcoolière se concentrent à 80 % sur les populations ayant des consommations d’alcool excessives susceptibles d’engendrer un problème (soit 20 % des consommateurs), dont 58 % sur des individus ayant un problème avéré (soit 10 % des consommateurs).

 

En l’absence de données venant directement des producteurs ou de l’État, des éléments de confirmation peuvent être tirés des chiffres de la filière Vin et société : ceux-ci sont cohérents avec les chiffres de Santé publique France, puisqu’ils indiquent que seuls 16 % des Français seraient des consommateurs réguliers.

 

Les alcooliers prétendent prôner une consommation modérée, mais si 80 % des Français sont au-dessous du seuil problématique de trois verres par jour, il faut savoir que ce sont les 20 % restant (les consommateurs excessifs et les dépendants) qui consomment plus des trois quarts des alcools vendus. Le modèle économique des alcooliers est donc bâti sur les consommations excessives. La France n’est pas la seule dans cette situation : des données collectées au Royaume-Uni en 2013 dans le cadre de l’enquête Health Survey for England avaient également mis en évidence une structure similaire du [marché de l’alcool britannique]

Quelles conséquences en termes de prévention ?

Si la nocivité de l’alcool, même à faible dose, est établie, il faut néanmoins considérer les niveaux de risque pour proposer une politique respectant les choix individuels. Car certes, l’alcool est mauvais pour la santé, mais il est indiscutablement bon pour le plaisir. Source de plaisirs, de convivialité, d’empathie, vin et alcools font partie intégrante de notre culture. Chacun devrait donc pouvoir choisir en conscience le niveau de risques qu’il accepte de courir, au regard du niveau de plaisir qu’il recherche.

Néanmoins, lorsqu’on est au-delà des consommations modérées, les risques pour soi-même et pour autrui deviennent majeurs. Le risque relatif croit en effet de manière exponentielle en fonction de la consommation journalière. En s’appuyant sur ce constat, il est donc possible de réduire considérablement la morbi-mortalité en se concentrant sur les consommations excessives.

Le tout ICI

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21 février 2019 4 21 /02 /février /2019 06:00
Saucisson à l'ail (végétalien, vegan)

Saucisson à l'ail (végétalien, vegan)

C’est l’histoire d’un mec, genre gandin à Richelieu lustrées ayant une haute idée de sa petite personne qui, un soir de février, en bute sans doute à un profond coaltar, faute de mieux se traîna dans un de ces néo-bistrots mal peignés dont Paris a le secret.

 

Mais, lui, le si bien coiffé, qu’allait-il faire dans cette galère pour hipsters tatoués ?

 

Mystère !

 

« Ah! Il veut faire le gandin à son âge! Ah! je ne lui suffis pas! Eh! bien, qu'il aille se faire consoler ailleurs ! » Feydeau, Dame de chez  Maxim's, 1914, III, 18, p. 72.

 

Mais, notre dandy post-moderne,  tel un vampire de Transylvanie, abhorrait l’ail…

 

Il s’enquit, d’une étrange manière, auprès du loufiat, qui peut-être avait aussi les ongles sales, si dans la tortore du chef il se trouvait un plat sans ail.

 

De nos jours c’est la mode du sans : sans gluten, sans sulfites, sans nitrite, sans lactose, sans OGM, viande sans viande…

 

La réponse tomba, telle le couperet du docteur Guillotin : « y’en a pas ! »

 

Que fit alors notre homme ?

 

Je ne le sais pas car il ne l’écrit pas.

 

Face à un tel outrage au bon goût, on peut imaginer, qu’il s’est alors éjecté de sa chaise en jetant d’un geste rageur la serviette qu’il venait juste de déplier puis, avec une belle arrogance, conchia cette gargote de bobos asexués, population élevée au Nutella et au burger qui voit dans l’ail une signature du terroir, ironisant sur cette volaille ignare qui se goberge en lichant des vins aux arômes d’écurie ou de pomme blette.

 

À mon avis, après quelques remarques acides, comme le vin nu du bouiboui tout à l’ail, il est resté sagement assis face à sa compagne en ruminant sa chronique.

 

Bien sûr, tout bon amant le sait, l’ail est un tue l’amour même s’il est un âge où il faut faire son deuil des belles pelles.

 

Mais, pour un fin palais, un dégustateur émérite, l’ail est aussi un tue le vin, à ne pas confondre avec Thunevin, Jean-Luc l’ex-garagiste.

 

Pas grave puisque dans cette galère du tout à l’ail on ne pouvait que lui servir des vins daubés.

 

Double peine !

 

Je compatis.

 

Mais l’ail c’est bon pour le cœur diront en chœur les bobos bouffeurs de racines et licheurs d’huiles essentielles.

 

Foutaises, obscurantisme, charlatanisme, le genre bio-cons, confirmé par un Diafoirus du cœur qui lui recommandait de s’abstenir de croquer de l’ail afin d’éviter les exhalaisons inappropriées comme on dit du côté de la Maison Blanche pour des relations buccales.

 

L’obscurantisme est très tendance de nos jours, on jette facilement l’anathème sur les médecines douces.

 

Alors, pour en avoir le cœur net j’ai consulté la bible de la pharmacopée : le Vidal

 

« L'ail est une substance phytothérapique à visée vasculo-protectrice.

 

L'ail est utilisé, en phytothérapie, dans la prise en charge de troubles circulatoires mineurs. »

 

Bien sûr, lorsqu’on diagnostiqua pour mon cœur un syndrome de Kent, un Wolf-Parkinson-White je ne me suis pas mis à bouffer des gousses d’ail, mais pour un chouïa de tension l’ail c’est bon !

 

Ceci posé j’avoue, qu’en cuisine, l’ail n’est pas ma tasse de thé.

 

Je n’en fous pas partout, de temps à autres, j’ai des envies de saucisson à l’ail et, bien sûr, j’adore le pesto de Genovese dans lequel l’ail tient sa place.

 

La fabrication de saucisson à Paris est ancienne. Au long des siècles, on relève plusieurs types de saucissons. Leur particularité est l’utilisation d’épices lors de leur confection. Il faudra attendre la description d’un saucisson à l’ail par Savary des Bruslons, en 1760, pour trouver les prémices de ce saucisson de Paris tel que nous le connaissons.

 

Sa texture est assez grossière, au tranché rose criblé de grains de gras blancs, et, bien sûr, au goût légèrement aillé. Il se loge sous un long boyau droit de bœuf de 30 à 40 centimètres et de 6 centimètres de diamètre.

 

Pour sa fabrication, le maigre (70% de son poids), le gras (25%) sont coupés en morceaux et salés séparément avec un sel nitrité ou non, ça influe sur la couleur. Le pré-salage dure de 12 à 24 heures. Survient ensuite le hachage des viandes, l’adjonction de blanc d’œuf, d’ail frais haché, de sel, de poivre et d’épices. Après le remplissage des boyaux, ceux-ci sont étuvés durant plusieurs heures. Les saucissons sont ensuite pochés dans un bouillon pendant une heure et laissés à refroidir dans ce bouillon.

 

C’est le saucisson du casse-croûte des gars et des filles qui marnent dans les vignes, du pique-nique du populo, mais il peut aussi se servir chaud avec de la choucroute.

 

Le 11 février 2011 je m’insurgeais :

 

Le saucisson à l’ail, lui, est un mal aimé, il pue de la gueule, il sent le gaz, relégué qu’il est en vagues rondelles sur le bord des tas de choucroute de la Taverne de Maître Kanter. Pire encore on le fume, non qu’il fût du belge mais parce qu’on lui inflige le supplice ou le maquillage d’un fumage industriel. Je trouve ce mépris insupportable. J’en appelle à un sursaut national. Je sonne le rappel pour que s’instaure une journée mondiale du saucisson à l’ail. J’invite les défenseurs de la charcuterie artisanale à contribuer au renouveau de cet emblème du bon goût français.

 

Dans « Bravo Docteur Béru » San Antonio, alias Frédéric Dard nous torchait un Bérurier, ex-interne des hôpitaux de Paris qui savait « aussi bien manier le stéthoscope que le saucisson à l'ail » (sic). Je rappelle qu’Alexandre-Benoît dit le Gros lichait essentiellement du Juliénas qu’il considérait comme son médicament quotidien.

 

Bien sûr je comprends que cette pitance populacière est fort grossière pour un palais de velours, un gosier raffiné, et que seuls des palais zingués comme les toits de Paris osent l’accord ail-vins qui puent.

 

Reste en suspens  l’énigme première : mais qu’allait-il faire dans cette galère ?

 

Masochisme ?

 

Collecte de gaz pour un blog en panne ?

 

C’est le sieur Vincent Pousson  qui m’a alerté sur ce haut fait de la critique gastronomique&pinardière réunies, en me disant que j’allais me gondoler. Lui sait bien que je suis un être grossier cultivant le mauvais goût, un vieil homme indigne capable des pires outrances sur les fragrances d’écurie&d’évier réunis des vins qui ont du poil aux pattes.

 

Avant de conclure cette odoriférante chronique j’ai une pensée émue pour le Boursin ail&fines herbes, star des années 70, chère aux pousseurs de caddies si chers au cœur de Pousson.

 

 

La morale de cette chronique est limpide : aucun plat n’est indigne d’un vin quel qu’il soit.

 

Pour la partie musicale :

 

  • Le pire de la chanson populacière : Félicie pour Je m'offris une gibelotte / Elle embaumait l'échalote / Félicie aussi

 

  • La chanson titre : Saucisson à l'ail
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20 février 2019 3 20 /02 /février /2019 06:00
1 déjeuner du dimanche bon et pas cher sur le pouce : 1 quignon de pain et une boîte de sardines à l’huile

Il pleuvait des cordes, ça dégoulinait, ça ventait, par la fenêtre de ma cuisine je contemplais les murailles sombres de la prison de la Santé, elles sont restées d’origine, au-delà desquelles un soi-disant architecte a érigé pour, le compte de la République, des blocs blanchâtres percés de fenêtres munies, bien sûr, de barreaux – innovation, elles sont à hauteur d’homme, et je vois ainsi les prisonniers dans leur intimité – et comme certains pensent que je passe mon temps à gueuletonner dans des établissements de luxe, que je dépense un pognon de dingue, qu’un jour les gilets jaunes viendront me faire rendre gorge, j’ai décidé de chroniquer sur l’en-cas que je me suis préparé.

 

Suis allé puiser dans mon stock de boîtes de sardines à l’huile :

 

Comme c’était dimanche j’ai choisi une boîte de luxe : Sardines au beurre Bordier YUZU à poêler 7 euros. Pas donné certes mais comme plat principal ça reste acceptable.

 

 

Y’en a à tous les prix, mais attention toutes les boîtes ne font pas le même poids, et ramener le tout au kilo n’est pas évident. Disons grosse maille pour  des sardines de qualité ça varie de 15 à 25 euros le kilo.

 

Les miennes, de la Quiberonnaise, 4 sardines, reviennent à 63,50 euros le kilo. Donc sardines de luxe mais d’ordinaire je me rabats sur l’ordinaire mais foin de mauvaise conscience passons à l’exécution :

 

  • Tout d’abord réchauffer la boîte fermée sous le robinet d’eau chaude

 

  • Ouvrir délicatement, pas toujours facile avec le système moderne qui est tout de même plus pratique que l’ouverture ancienne avec une clé.

 

 

  • Verser le contenu de la boîte dans une poêle sous feu doux

 

  • Couper votre quignon de pain en 2

 

  • Présenter vos sardines sur des feuilles de salade

 

 

  • Humecter vos 2 tranches de beurre tiède

 

  • Couper vos sardines en deux et poser les parts sur les tranches

 

​​​​​​​

  • Ouvrir une bouteille de Maximus de Nicolas Carmaran  

 

  • Vous verser un verre

 

  • Mangez et buvez
  •  

Voilà le travail ça fait un casse-croûte à grosse maille, avec les 2 verres de vin, à 8 euros.

 

Dans la foulée, pour le dîner, j’ai encore amélioré la performance puisque je me suis préparé des patates au four raclette. Je n’ai pas fait le compte mais même si mes patates étaient là encore des patates de luxe, j’ai dû tourner, avec le verre de vin, sans compter l’électricité, autour de  3 euros.

 

 

Un dimanche à 11 euros qui dit mieux ?

 

Moi, lorsque je mange des pâtes à midi et le soir en buvant de l’eau…

 

Les chiens aboient, la caravane passe…

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19 février 2019 2 19 /02 /février /2019 06:00
Jacopo de Barbari, Vue de Venise, 1500, Museo Correr.  Visiter Idées similaires

Jacopo de Barbari, Vue de Venise, 1500, Museo Correr. Visiter Idées similaires

Inventeur est pris ici au sens d’inventeur d'un trésor : « Personne qui trouve par hasard un trésor sur le terrain d'autrui et qui acquiert ainsi le droit d'en posséder la moitié. » C.N.R.T.L

 

 

Sitôt réceptionné j’entre, bille en tête, dans le Venise à double tour, le nouveau livre que JPK a eu la gentillesse de me faire parvenir.

 

 

Son choix d’un appartement dans la Giudecca  me va comme un gant : bonne pioche !

 

 

« S’offrait à moi la vue la plus saisissante de Venise. Depuis la terrasse presque aussi vaste que l’habitation, on aperçoit quelques-uns des monuments des monuments et édifices dont je me suis entiché depuis ma première visite : la façade des Gesuati (1), les clochers jumeaux de l’Ange Raphaël, l’hôpital des Incurables, les coupoles de la  Salute. On découvre aussi Saint-Georges Majeur et les Zitelle. La place Saint Marc échappe à la vue. Je n’en suis pas frustré. »

(1) à ne pas confondre avec les Gesuiti)

 

Mon rêve : y habiter !

 

J’écrivais en 2013

 

« L’île de Giudecca dans le Dorsoduro auquel elle fait face. J’adore ce chapelet de huit petits îlots reliés par des canaux. La  « Spina lunga » la longue épine appartient à mon imaginaire. On y trouvait autrefois des maisons de campagne, des champs, des vignes, des couvents puis, au 19e siècle, ce fut un quartier d’usines et d’ateliers où s’installèrent des populations ouvrières. Le symbole, toujours debout et transformé en hôtel,  c’est le moulin à farine que construisit en 1895 le Suisse Giovanni Stucky. (2)

 

Dans mon roman du dimanche en 2011 :

« Nous logions dans un petit appartement du sestiere de Dorsoduro, tout près du Palais Venier dei leoni qui abrite la fondation Peggy Guggenheim. J’aime beaucoup cette langue dure et pointue, plein sud, avec le long et large quai des Zattere qui relie la pointe de la Salute à la gare maritime où, au premier crépuscule comme à l’aurore j’aime marcher. En face, à l’extrémité ouest de la Giudecca, la vue du grand moulin Stucky maintenant transformé en Hilton, avec son architecture de style néo-gothique, construit au tournant du siècle dernier par un minotier mégalomane, Giovanni Stucky, qui fut assassiné en 1910 par l’un de ses ouvriers, par sa masse, sa hauteur, ses tourelles pointues, me fait toujours frissonner. Ici, où que l’on se place, tout est beau, même cet ancien bâtiment industriel, altier, pur, et je me rêve marchand, affréteur de navires pour faire le commerce des épices et des bois exotiques. Nous flânions, nous nous égarions sans jamais nous perdre. Loin des lieux infestés de touristes nous explorions la Venise secrète. Ainsi, derrière le Rialto, j’évoquais, alors que nous passions sur le pont delle Tette pour nous rendre au restaurant Antiche Carampane, dont la traduction littérale signifie « vieilles putes » les courtisanes qui s’y exhibaient les seins nus, pour attirer le client, au temps de la splendeur de la Sérénissime qui préférait encourager ses citoyens à commettre des péchés mineurs et lutter ainsi contre un péché majeur : l’homosexualité considérée comme « un péché contre nature ». Face à sa recrudescence, en 1511, les prostituées firent parvenir au patriarche Contarini une requête pour qu’il prenne des mesures. »

 

Pourquoi choisir Venise ?

 

Là, « l’ancien enfant de chœur de Corps-Nuds » pointe déjà le bout de son nez mais je n’en dirai pas plus.

 

La réponse vient : « Les églises closes de Venise (« églises closes » chiese chiuse), surtout celles qui s’ouvrent de temps à autre, suscitent chez moi un état de frustrations insupportable. »

 

« Mon séjour à Venise je vais le consacrer à forcer les portes de ces sanctuaires. »

 

Comment va-t-il faire ?

 

« C’est une affaire compliquée, sérieuse, étrange, presque inavouable. Jusqu’à présent je ne l’ai révélée à personne. J’ignore où je vais atterrir, je sais que ces sanctuaires morts mettent en jeu le registre du secret vis-à-vis de moi-même. Le secret, mot-clé. Il fait remonter à la surface non seulement ce qui est oublié, mais aussi ce qui a été séparé ou mis à part. L’injonction de lever le voile ! »

 

« Quête improbable »

 

« C’est curieux. Au lieu de me chiffonner, cette enquête qui n’arrive pas à démarrer me stimule. »

 

Note personnelle : comme JPK « je dois presque tout à l’Italie. Une idée du bonheur, mais je n’y ai jamais cru. J’aime la phrase de Bossuet : « Le bonheur est fait de tant de pièces qu’il en manque toujours une. » Comme on dit ici : « Le doge a ses chagrins, les gondoliers ont les leurs. »

 

« Au bonheur, je préfère l’allégresse que me procure chaque séjour dans ce pays. »

 

« D’emblée c’est ce que j’ai aimé dans l’Italie, son intimité avec le passé, presque une cordialité, se manifestant avec bienveillance et une simplicité qui jure avec la façon théorique, cérébrale et souvent tourmentée dont nous, Français, considérons le patrimoine. »

 

Revenons un instant à la Giudecca où JPK a ses habitudes… Il aime se perdre dans le labyrinthe de ses ruelles. Regarder la lagune de l’autre côté de l’île avec son chapelet d’îles.

 

« Sur ma terrasse, l’omnivoyeur que je suis savoure le panorama. »

 

« Le bonheur de manger des yeux. Il existe une manducation de la vision, une façon presque mécanique au départ de recevoir les images, de les absorber, de les assimiler non pas seulement pour qu’elles se transforment et comblent l’être, mais aussi pour les partager. Il faut en avoir été privé pour comprendre la portée de ce partage. Une épreuve parmi d’autres pour le prisonnier : avoir les yeux fermés par un bandeau. »

 

Et l’enquête du commissaire Kauffmann, où en est-elle, me direz-vous ?

 

« Je tente ma chance partout »

 

Les campo  en déshérence l’attirent : « À Venise ils foisonnent. J’aime y rôder. Rôder n’est pas flâner. Le flâneur est un gentleman qui se promène sans hâte et se complaît dans une douce inaction. Le rôdeur est un dévoyé au comportement suspect. À la différence du flâneur qui va à l’aventure sans demander son chemin, le rôdeur veut constamment vérifier où il se trouve. »

 

« Ce n’est pas ton genre d’abandonner. » Joëlle Kauffmann

 

« Joëlle me rappelle à quel point ces églises font écho à mon dressage catholique. »

 

« Et cette façon d’avoir listé les sept péchés capitaux ! Ce sont tout de même ces vices qui mènent le monde. Reconnaissons aussi que, à part l’avarice et l’envie – deux passions tristes –, ils donnent du sel à notre condition humaine. Voilà pourquoi je me sens lié à cette religion. La rémission des péchés est une invention géniale. Il n’y a aucune faute, aussi grave soit-elle, qui ne puisse être remise. Avec le catholicisme, on trouve toujours des arrangements. Quiconque=que commet une faute sait qu’il sera accueilli à bras ouverts et reconnu en tant que pêcheur. La vraie indignité n’est pas d’enfreindre, mais de prétendre n’avoir pas enfreint. C’est Paul qui le dit : le péché véritable est de se croire pur, infaillible. »

 

JPK est mon aîné, né juste avant le baby-boom...

 

Dans Venise à double tour, à mon avis, il nous ouvre en grand la porte du JPK intime, tout comme ces portes d’églises fermées de Venise qu’il veut obstinément pousser. Le titre de cette chronique s’inspire de celui d’un titre de film : Dans la peau de John Malkovich de Spike Jonze (1999)

 

 

Et pour lui tout a commencé dans son église paroissiale « … où, enfant, tôt le matin, je servais la messe à deux reprises, la première étant dite par l’abbé, la seconde interminable, par le curé. Les deux services étaient devenus pour moi une corvée.

 

Alors, le jeune JPK, rêvait : « Cet ennui a fondé l’homme que je suis devenu. Dans les interstices de ce rituel, mon esprit s’introduisait et parvenait à prendre son envol. Rêver, rêvasser, je ne faisais pas de différence. Et laisser l’imagination, ce n’est pas ne rien faire. La tête dans les nuages, j’étais en fait très actif (…) Sorti de l’église, dans ma vie normale d’enfant, j’étais incapable d’atteindre cet ailleurs qui m’a constitué.

 

« L’aptitude à la solitude en même temps qu’à sortir de soi, une certaine expérience contemplative, bref, l’apprentissage de l’autonomie, je l’ai apprise dans une église de style néo-byzantin construite à la fin du XIXe siècle… »

 

S’il me permet ce clin d’œil à notre goût commun pour le vin, c’est son « pied de cuve » à JPK.

 

Enfant chœur, rêveur, rêvasseur, aptitude à la solitude en même temps qu’à sortir de soi, le petit vendéen que je suis ne peut qu’y être sensible même s’il a pris un autre chemin que JPK.

 

Lacan (La Vie avec Lacan, Gallimard, « L’Infini », 2016 Catherine Millot), Sartre (La Reine Albemarle ou le Dernier Touriste Gallimard, 1991), Morand (Venises Gallimard 1971, « L’Imaginaire » 2004) … Hugo Pratt

 

L’ami Lautrec, pourquoi Lautrec ? Car Toulouse avec un z : ICI 

 

Le Gran Vicario, le Cerf noir, Cerf Blanc… L’indispensable Alma... La discrète Joëlle...

 

« C’est curieux. Au lieu de me chiffonner, cette enquête qui n’arrive pas à démarrer me stimule. Je crois en avoir trouvé  explication dans la nature hors du commun de cette ville. En fait, elle ne crée aucun temps mort. Aucune pause. Le spectacle de la beauté requiert le passant de partout… »

 

« Je tente de lui décrire l’objet de mes recherches. Il ne comprend pas mes intentions, ce qui n’est guère étonnant, elles ne sont jamais caractérisées par leur intelligibilité. J’ai toujours l’impression que mes explications sont fumeuses. Elles le sont d’ailleurs dès que je m’exprime. Á l’oral, je pars dans tous les sens. Je submerge mon vis-à-vis sous un flot de justifications, craignant qu’il ne saisisse mal le sens de ma démarche. J’ai beau faire, je donne l’impression de me disculper. »

 

« Le travers qui consiste chez moi à essayer de me projeter dans la conscience d’autrui et de me mettre à la place de mon interlocuteur, de supputer ce qu’il pense, ce qu’il veut, ce défaut me joue, il est vrai, parfois des tours. Pathologie relevant plus de la curiosité que de l’altruisme ou d’une nécessité morale. Cette illusion de se croire apte sinon à se substituer à l’autre, du moins à prétendre l’interpréter, m’expose parfois à des bévues et des contresens, mais je ne puis m’en empêcher. C’est une maladie, mais une maladie dont je ne souhaite pas être guéri. »

 

Et puis, une offre inopinée bouscule ses plans « elle ressemble presque à une frustration, une impression de trop grande facilité qui provoque un malaise. La vérité est que je suis pris au dépourvu. »

 

« C’est triste à dire, mais j’ai besoin de la difficulté. Les complications me stimulent. Il me faut être empêché pour que je m’accomplisse – enfin, jusqu’à un certain point, je en suis pas masochiste. »

 

« Ma cible, ce sont les sanctuaires inflexibles, les inapprochables, les impossibles, les coriaces, non les arrangeants, ni la catégorie des à-moitié. »

 

JPK réclame l’inattendu.

 

Mais, « J’en viens à regretter l’époque où je m’égarais dans les calle et campi, un bonheur à Venise parmi tant d’autres.

 

Peut-être ai-je perdu un peu de mon innocence vis-à-vis de cette ville. »

 

Mais « ce n’est pas en baguenaudant dans Venise que je vais me faire ouvrir les églises fermées. »

 

  • On dirait que vous prenez un malin plaisir à enregistrer toutes les difficultés que vous avez rencontrées et à glorifier vos échecs.  Le Cerf blanc

 

« Depuis toujours, j’ai préféré le combat à la victoire Il y a une telle tristesse dans l’accomplissement de  ce que l’on désire. La constatation que le but est atteint. Il n’y aura plus rien après. Une part d’inachevé, voilà qui donne à la réussite sa vraie mesure. »

 

Oui JPK je suis sans peine venu à bout de cette Venise à double tour mais, comme votre livre est d’une telle richesse, d’une telle sensibilité, d’une telle érudition, pour cette chronique j’ai choisi un angle, celui qui, d’une certaine façon, me reliait à vous, et je m’y suis tenu car il m’a semblé que, moi aussi, je me devais de laisser les portes de votre livre fermées, verrouillées, comme celles de vos sanctuaires inflexibles.

 

Oui JPK, « Un livre, s’il ne vous reste que la surprise d’une image, une fragile présence au monde, un trait inédit chez un personnage, c’est déjà gagné. »

 

Oui JPK je ne suis pas sorti indemne de votre livre, les dégâts collatéraux, comme le dit la novlangue, sont mon secret…

 

Je suis plus Hugo Pratt que JPK : un baguenaudeur tendance ramier :

 

« Ce qui passionnait Pratt, c’était la ruelle étroite cachant un passage secret, la porte dérobée derrière une colonne, le signe cabalistique au-dessus d’une entrée ou sur un puits, détails absolument visibles par tous, évidents, mais que personne ne voit faute de curiosité, de sens poétique. »

 

Le 6 juillet 2011 je notais dans une chronique :

 

« Prendre du recul, partir d’un coup d’aile, se retrouver, dans le grouillement de la cité des Doges gorgée de touristes étiquetés, bruyants et errants en bandes derrière des guides, obsédés du cliché débile, c’est pour moi faire retraite. M’isoler. Nul paradoxe dans ce choix car à Venise, hormis ses monstrueux nœuds touristiques, il est facile de se perdre, de se retrouver seul ou presque. Pas de voitures ! Ici l’Histoire est partout, il suffit de lever le nez, de se poser, de regarder, de pousser des portes, de flâner. C’est un luxe j’en conviens mais je l’assume sans aucune espèce de contrition.

 

Alors, oui, je vais au gré de mes intuitions qui ne sont pas, loin s’en faut, exclusivement nourries par le vin. Mon parti c’est celui de la curiosité sans exclusive. Lorsque je pars à Venise ce n’est pas pour écumer les bars à vin, les cavistes pour dresser la cartographie de l’offre des vins italiens. Pour ne rien vous cacher dans la cité des Doges je me gave d’abord de peinture : du Tintoret à Marcel Broodthears en passant par Jackson Pollock et Maurizio Cattelan. Dans les églises, les palazzo, les expos à chaque détour de calle… »

 

12 août 2016

 

En 1593, hors le Ghetto de Venise le cimetière de San Nicoló di Mira était cultivé en jardin potager et en vignoble. ICI 

 

Bref, tout ça pour vous dire : achetez et lisez Venise à double tour

 

 

Notes en bas de page

 

  • J’aurais aimé titrer : Palma le jeune, le peintre fétiche de JPK, « il est comme le persil, on en met partout. »

 

  • Me dire que, tout comme JPK, le 25 septembre 1984, j’aurais pu assister, dans l’église San Lorenzo, à l’acoustique exceptionnelle, à la première de Prometeo de Luigi Nono, Claudio Abbado dirigeait l’orchestre, Renzo Piano avait conçu la scène miarche, mi-nacelle. En effet, je négociais avec les collaborateurs du Ministre italien de l’agriculture, Filippo Maria Pandolfi fin lettré et ils ne m’auraient pas refusé ce menu plaisir.

 

  • Thèmes de futures chroniques : la pierre d’Istrie, le tact « l’air de ne pas y toucher », le peintre Hundertwasser et son jardin d’Eden.

 

  • Pour la sprezzatura c’est fait ICI 

 

  • (2) Giovanni Stucky connut un destin tragique…. Il fut assassiné par un de ses ouvriers…

 

« Au dernier moment je décidai de prendre le vaporetto de la ligne blu d’Aliguna car je venais de recevoir un sms d’un vieux complice du temps des années de plomb qui séjournait à l’hôtel Hilton Stucky sur l’île de Giudecca dans le Dorsoduro auquel elle fait face. J’adore ce chapelet de huit petits îlots reliés par des canaux. La  « Spina lunga » la longue épine appartient à mon imaginaire. On y trouvait autrefois des maisons de campagne, des champs, des vignes, des couvents puis, au 19e siècle, ce fut un quartier d’usines et d’ateliers où s’installèrent des populations ouvrières. Le symbole, toujours debout et transformé en hôtel,  c’est le moulin à farine que construisit en 1895 le Suisse Giovanni Stucky. C’est un grand bâtiment de briques que la ville accepta sans approuver aucunement son style de construction. Moi je l’aime et lorsque j’avais séjourné sur l’île dans les années 70 le Moulin Stucky, fermé en 1954, était une friche industrielle. Le chantier naval travaillait encore mais déjà la Giudecca était investie par une population, se voulant underground, qui allait chasser petit à petit les ateliers et les ouvriers. L’île est maintenant très bobo avec encore quelques traces d’une population populaire. Pour la petite histoire, Giovanni Stucky connut un destin tragique…. Il fut assassiné par un de ses ouvriers… L’article d’un journal suisse daté du 28 mai 1910 relate le drame :

 

«M. Giovanni Stucky, grand industriel, d’origine suisse, a été assassiné samedi à Venise, sur le palier de la gare.

 

M. Stucky, né à Venise, en 1843, d’un père suisse allemand et d’une mère vénitienne, avait créé la première minoterie électrique de Venise, il y a 25 ans. Après avoir assisté samedi à une séance du conseil municipal, M. Stucky s’était rendu à la gare pour y prendre le train de Portogruaro, où l’attendait sa famille ; mais, à peine avait-il mis pied à terre, qu’un ouvrier meunier, nommé Bruniera, se précipitait sur lui et avec un rasoir lui tranchait la carotide. Stucky s’affaissa sur le sol, baignant dans son sang, et ne tarda pas à succomber. On parvint peu après à arrêter l’assassin.  Bruniera, ancien ouvrier de la minoterie, avait été condamné récemment à 6 mois de prison pour menaces de mort contre la famille Stucky. Il estimait avoir été lésé dans le règlement de l’indemnité d’une assurance, à la suite d’un accident qu’il avait subi»

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18 février 2019 1 18 /02 /février /2019 06:00
photo CAVE

photo CAVE

Dimanche, le 10, le ciel déversait des seaux, il faut dire que le samedi les rues étaient encombrées de sots, je n’ai pas mis le nez dehors, j’ai lu, écrit et puis j’ai consulté ma boîte mail. Un message m’est sauté à la vue, il émanait de Gland, Gland c’est en Suisse :

 

Découvrez Alain Hasard, artiste de la côte chalonnaise !

 

Là, mon sang n’a fait qu’un tour, découvrir, découvrir, Alain Hasard, qu’est-ce qu’on me chante-là ?

 

Illico je plongeais dans ma cave de chroniques (normal c’est pour répondre à CAVE) et je tirais de la poussière un « petit joyau » (si je ne me cire pas moi-même les pompes, qui le fera à ma place ?) :

 

18 novembre 2008

Mes Riches heures en Bourgogne 1: le principe de «discrétion» appliqué par Alain Hasard vigneron d’Aluze

 

« Face au terroir, plus l'homme se fait discret, meilleur est le vin » Stéphane Derenoncourt

 

N.d.l.r : en ce temps-là, je vivais dans l'illusion française mais comme allez le constater, je doutais.

 

Lundi, veille du 11 novembre, dans ma quête des réalités du terroir profond, j’ai pris matinalement le TGV pour Beaune afin d’aller à la rencontre de vignerons qui travaillent autrement. Des atypiques comme les vins qu’ils produisent. Mais, comme dans notre beau pays on adore cataloguer, classer, réduire les choix au binaire, pimenter le tout d’un bon zeste d’engagement, bâtir des chapelles, je dois vous prévenir que je n’appartiens à aucune coterie, mouvement et que je ne souhaite pas être annexé par qui que ce soit.

 

Afin de bien être compris, les mots sont si commodes que certains prennent un malin plaisir à cacher sous eux des acceptions simplificatrices – je vous dois des explications à la fois sur mon intérêt pour tous ces vignerons qui revisitent leur métier et sur ma relative allergie vis-à-vis de la notion, très à la mode, de vin dit naturel.

 

Pour les urbains, coupés du cycle des saisons, consommant de la nature en WE ou maison de campagne, ça signifie des vins qui se font tout seul, en toute liberté, des sauvageons, des vins libres. Ce n’est pas tout à fait faux mais ce n’est pas exact : la main de l’homme y est bien plus présente, constante, qu’il n’y paraît, même si elle se veut peu intrusive, plus accompagnatrice que directive. C’est sur cette geste attentionnée, ce « non interventionnisme » que je souhaite chroniquer ce matin après mes visites chez Alain Hasard à Luze. Mais avant d’en arriver là parlons de la Nature.

 

La nature, l’originelle, ce sont les forêts primaires, intactes, jamais exploitées ni fragmentées, indemnes de la main de l’homme, qui représentent le plus haut degré de naturalité. Même les prairies naturelles de mon bocage natal, chères à mon cœur d’ancien gardien de vaches, reste bien éloignée de la naturalité. Mais comme la nature est « tendance », l’appropriation du naturel par les défenseurs de la nature est une tentation de tous les instants.

 

François Morel, dans son dernier opus « le vin au naturel » pressentant l’objection, s’en explique « On n’a peut-être jamais autant parlé de la nature que depuis aujourd’hui : depuis que, dans son complexe rapport à l’homme, elle apparaît menacée, voire en voie de destruction. Que l’homme soit partie intégrante de la nature, et en tant que tel agent essentiel de sa perpétuelle transformation, personne ne peut le nier. Au même titre que la dérive des continents ou la respiration des plantes. Mais l’homme est seul à avoir un pouvoir de choix ou de décision. Le sens des choix et des décisions est donc d’une importance fondamentale. Autrement dit, la nature n’existe pas en tant que donnée figée, définitive et immuable, elle est perpétuellement en train de se faire et l’homme en est indissociable. Elle est tout à la fois ce qui est donné et ce qu’on en fait.

 

[…] Pour les vignerons, dans l’immense majorité de ceux qui sont concernés, la référence à une conception « naturelle » du vin n’émane pas d’une théorie de « la Nature », bien hasardeuse. Elle résulte du choix d’une agriculture qui s’adapte aux écosystèmes, à l’opposé d’une industrie agro-alimentaire qui veut adapter les écosystèmes. Concrètement : une volonté de se démarquer de méthode de viticulture et de vinification qui multiplient les interventions et les traitements à tous les stades du travail de la vigne et de l’élaboration du vin et viennent modifier – dénaturer, donc – la subtile et complexe biochimie des constituants du vin par des intrants et des « produits chimiques » de plus en plus sophistiqués. Á l’opposé de la conception industrielle qui préconise engrais, pesticides, levures et bactéries « sélectionnées », sucre de chaptalisation, soufre, acidifiants et autres, il s’agit donc de la prise en compte de cette matière vivante qu’est le vin. Travailler à la qualité de la matière première plutôt que s’en remettre aux techniques correctives, s’attacher à des vins vivants.»

 

La suite ICI 

 

Il y a fort longtemps que je n’ai pas goûté ses vins alors je vous confis à un expert : Jacques Perrin.

 

« À l'heure où les prix des plus prestigieux vins de Bourgogne flambent littéralement, il y a encore de grandes et belles découvertes à faire dans cette région mythique, notamment au sud de celle-ci, à quelques encablures de la côte de Beaune et du mâconnais. En côte chalonnaise plus précisément.

 

Les Champs de l'Abbaye est le nom de la section cadastrale sur laquelle se situent la maison et le caveau d'Isabelle et Alain Hasard. Sis sur la commune d'Aluze, entre Rully et Mercurey, le domaine a pour symbole une clé de Fa, clin d'œil du mélomane et parallèle subtil entre champ et chant. Alain Hasard est d'origine ardennaise. Il tient de son père, œnophile accompli, sa passion pour le vin. Après avoir achevé des études de psychologie à Montpellier, il travaille dans un restaurant gastronomique en tant que sommelier puis s’oriente vers l’aventure vigneronne. L'aventure est lancée. »

 

Attiré par la Bourgogne et le pinot noir, il suit une formation à Beaune, puis effectue des stages chez des vignerons de côte de Beaune et chalonnaise. C'est en 1997 qu'il s'installe dans le couchois où il travaillera ses première vignes. En 2006, après cette première expérience, Alain, Isabelle et leurs enfants s'installent à Aluze. Ici, ils convertissent ce vignoble en bio avec une approche biodynamique appliquée avec bon sens. Ils optent pour de petits rendements et des vendanges manuelles.

 

Dans la même lignée, les vinifications sont très peu interventionnistes : après égrappage total ou partiel, la fermentation est spontanée, la cuvaison pour les rouges dure 8 à 10 jours, tandis que les blancs sont vinifiés sous bois. L’entonnage et l’élevage durent entre 11 et 14 mois avec 25 à 30% de neufs. Aucun soutirage n'est réalisé. La mise en bouteille se fait après très légère filtration, en douceur.

Les vins sont aujourd'hui célébrés par les journalistes les plus passionnées et exigeants, au même titre que les plus prestigieux crus de Bourgogne. C'est une découverte majeure, prioritaire !

 

 

 

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17 février 2019 7 17 /02 /février /2019 07:00
À part Laurent Rigoulet de Télérama pour qui Clint Eastwood est ce réac à qui on pardonne trop « La Mule » c'est vraiment un très bon Eastwood de fin de carrière.

Télérama !

 

Les critiques de cinéma de Télérama !

 

Ici le dénommé Rigoulet, qui se lamente « Unanimité critique, succès en salles, la cote d’amour de Clint Eastwood ne faiblit jamais vraiment. Au contraire. La Mule, où il se met en scène dans toute l’élégance décharnée de ses 88 ans, est vu par certains comme un magnifique chant du cygne (même s’il est peu probable que le cinéaste hyperactif en reste là). »

 

Qu’il n’aima pas La Mule c’est son droit de critique « On peut émettre des réserves sur le côté diesel du thriller, sur le manque d’épaisseur des seconds rôles et les grosses ficelles du drame familial… »

 

Mais son questionnement m’étonne : « Clint Eastwood n’en réussit pas moins à marabouter les foules et à rendre touchant son personnage de vieux grincheux cherchant la rédemption alors que l’Amérique autour de lui semble condamnée à la débilité et au déclin

 

Pourquoi plaît-il autant ?

 

Pourquoi se range-t-on aussi facilement du côté de son discours passéiste et moraliste ?

 

« Le personnage d’Earl Stone a beau charmer et mettre à nu ses faiblesses, il cache sous sa douceur amortie la colère et le regard acéré du cinéaste. Avec une petite saillie sardonique pour chacun – les jeunes déshumanisés accros à leur portables, hypnotisés par la Toile qui détruit tout lien social ; les dealers mexicains tatoués jusqu’aux yeux ; les « gouines » charpentées comme des molosses qui roulent en Harley Davidson… »

 

Hé oui, camarade de Télérama, l’Amérique c’est l’Amérique, disons les Etats-Unis de Donald Trump et que Clint Eastwood est Clint Eastwood, un vioque avec qui je n’irai pas en vacances mais là je suis au cinéma pas dans un plaidoyer à charge contre » le  conservateur, libertarien et virulent pourfendeur du politiquement correct. »

 

Comparaison n’étant pas raison c’est comme si moi je m’étonnais qu’un gus qui bosse dans un hebdo d’ex-culs-bénis fasse parti de l’odieuse Ligue du LOL !

 

Ras-le-bol  de ces tartines de bonne conscience qui n’empêche pas Télérama de donner 2 TT à La Mule, faut bien vivre et brosser le lecteur dans le sens de son poil.

 

Pour moi c’était mon grand retour au ciné, à l’Escurial, et même si je suis abonné depuis la nuit des temps à Télérama je n’ai pas consulté Rigoulet avant d’y aller.

 

 

Au retour je me suis branché sur le Masque et la plume, où dans le Temps les Bory et Charensol avait du talent même s’ils étaient très souvent de pure mauvaise foi.

 

« Clint Eastwood (88 ans) incarne Earl Stone, un vieil horticulteur ruiné et endetté de l’Illinois qui se fait embaucher par un cartel mexicain pour transporter de la drogue dans son pick-up noir et traverser la frontière à petite allure. Ce qui va lui permettre de racheter la maison d’où il avait été expulsé, payer les études de sa petite-fille et cotiser pour le bal annuel des vétérans du Vietnam. Un flic (Bradley Cooper) se lance aux trousses de la mule… Ce film est inspiré d’une histoire vraie. »

 

Pour Eric Neuhoff

 

EN : Ça réconcilie avec Clint Eastwood parce que son film avec le Thalys (Le 15h17 pour Paris), c'était quand même une purge sans nom.

 

On regarde Clint Eastwood pendant de longues minutes en train de conduire son pick-up sur ces routes désertes. On regarde ses rides, on calcule son âge, on voit sa peau fine comme du papier de soie et on se dit "C'est peut-être la dernière fois qu'on voit Clint Eastwood". Et il doit le savoir aussi. Parce que s'il a tenu à revenir, à faire jouer sa fille par sa propre cadette, à jouer le rôle d'un type qui a toujours négligé sa famille, qui est allé à un concours d'horticulture plutôt que d'assister au mariage de sa fille… Il y a toute une série d'épisodes de repentir qui sont très touchants.

 

Il reprend les codes de Gran Torino : encore un vétéran de la Guerre de Corée, qui est raciste, qui se permet des blagues dont Clint Eastwood sait très bien qu'il est le seul à pouvoir encore les faire. Trimbaler de la drogue ne le gêne pas du tout : ça lui permettra de rembourser ses dettes et puis d'aider les gens qu'il a laissé tomber pendant toute sa vie précédente.

 

C'est aussi un morceau d'Amérique : on ne peut plus regarder Clint Eastwood sans penser que c'est tout un cinéma qui, peut-être, va disparaître avec lui.

 

Pour Pierre Murat, c'est "un très bon Clint Eastwood de fin de carrière"

 

PM : C'est une grande réconciliation, de mon côté en tous cas : non seulement le dernier était très mauvais mais quels films précédents n'étaient pas terribles (Jersey Boys, Au-delà…). Et là, c'est vraiment son retour dans un rôle qu'il connaît par cœur.

 

Il me semble qu'il n'est jamais meilleur que lorsqu'il interprète quelqu'un d'à côté des lois qui traverse le pays. J'ai vraiment pensé à des films plus anciens que Gran Torino, comme Honkytonk Man (1982), ou Un monde parfait (1993).

 

Il y a une sorte de paisible amoralité dans le film que je trouve vraiment très revigorante et très belle. C'est vraiment un très bon Clint Eastwood de fin de carrière.

 

Pour Michel Ciment y a vu l'autobiographie du réalisateur en filigrane

 

MC : C'est un bon film, mais c'est tout de même un bilan mélancolique sur lui-même. C'est un aveu tout de même terrible. On sait que son ex-compagne, Sondra Locke, est morte il y a deux mois. Il pense à tout ça… C'est un homme qui se rend compte que toute cette vie professionnelle l'a dévoré. Il ne le regrette pas, parce que c'est un artiste donc il ne peut pas sacrifier sa vie d'artiste - mais en même temps il a sacrifié sa vie privée. Et ça c'est bouleversant.

 

C'est un film aussi très drôle, il y a énormément d'humour !

 

Pour Jean-Marc Lalanne a trouvé "le film vraiment assez génial"

 

JML : On ne peut pas tellement chercher le film sur le terrain du racisme. C'est un peu facile de référer ce qu'on connaît des prises de positions politiques publiques de Clint Eastwood à ce film : tout ce qu'on en sait est absolument absent du film. Le film est plutôt au contraire sur l'Amérique comme pays raciste. Il ne faut pas chercher le film sur le terrain idéologique car il est assez irréprochable de ce point de vue là.

 

Dans les films des années 2010 de Clint Eastwood, il y en avait que j'aimais beaucoup, comme J. Edgar, mais on sentait qu'il y avait un poids de la production, on se demandait si c'était vraiment lui qui faisait le film et dans quelles proportions ; on sentait qu'il y avait une logistique mise à son service. Là, c'est vraiment un film totalement adapté à la pulsation de l'âge qu'il a. Il y a quelque chose de souverain dans la manière dont le film prend son temps et la manière dont il donne en spectacle son corps, sa vieillesse, c'est à la fois bouleversant et jamais solennel dans le côté crépusculaire.

 

C'est toujours d'une liberté, d'une drôlerie et d'une fantaisie vraiment revigorantes.

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17 février 2019 7 17 /02 /février /2019 06:00
Dionysos, le dieu de la fête, de la vigne, du délire extatique, du désordre les Bacchantes d’Euripide « Il a découvert l’humide dans la boisson de la grappe, et il l’a introduite chez les hommes ; elle libère les malheureux de la douleur, quand ils sont pleins du jus de la vigne. »

Même si ça étonne certains je suis encore capable d’enjamber le périphérique pour me rendre, en métro, un samedi après-midi,  dans les profondeurs de la banlieue afin de nourrir mes vieux neurones de culture.

 

En allant faire mes courses sur mon vélo j’avais encore croisé des hordes de gilets jaunes errant, suivies par une armada de fourgons emplis des forces de l’ordre, toujours avec les mêmes slogans, la même vacuité, Viansson-Ponté avait écrit dans le Monde, avant mai 68, « La France s’ennuie », comme le sentiment qu’ils ne savent pas quoi faire de leur vie. Tout à la fin, les violents casseront, brûleront tout ce qui leur tombe sous la main.  D’ailleurs, sur la ligne 13 les stations Varenne, Champs Elysées-Clémenceau, Miromesnil… sont fermées.

 

Pauvre ligne 13, poussive, avec sa Fourche, qui après avoir traversé les beaux quartiers s’enfonce dans la tristesse de terres délaissées, arrêt à Gabriel Péri. (1). La piste est bien fléchée pour le parigot tête de veau que je suis.

 

 

La salle est complète, public très couples de profs et jeunes gens en mission pédagogique « vous irez voir les Bacchantes ». Pendant la séance mes jeunes voisines tripoteront leur IPhone, trouvant sans doute le temps long. Je dois dire que moi aussi j’ai trouvé le temps bien long.

 

 

Mais revenons à l’affiche du TG2 de Gennevilliers, qui n’est pas dans le neuf.3 mais le neuf.2, souvenir du temps où j’embouteillais du vin sur le merveilleux port de pêche de Gennevilliers, les Bacchantes d’Euripide

 

 

« Le mythe ne fait qu'un avec le tragique chez Euripide. Sémélé, aimée de Zeus, meurt enceinte de six mois. Zeus recueille le prématuré et l'abrite dans sa cuisse, jusqu'à la vraie naissance. L'enfant est Dionysos, dieu de la vigne et du délire extatique. Que Dionysos soit le fils de Zeus, cela est mis en doute par nombre de parents, dont Penthée, roi de Thèbes. Dionysos décide d'aller détruire Thèbes. Il y entre, accompagné comme à l'accoutumée de ses amies, les Bacchantes. »  Michel Cournot

 

Pièce tardive d'Euripide, la tragédie des Bacchantes fut représentée juste après sa mort en 405 av. J.-C. Elle occupe une place particulière dans le répertoire tragique, car elle est la seule à mettre en scène Dionysos, le dieu du théâtre, et à évoquer explicitement son culte en le glorifiant. La pièce donne en effet à voir l'affrontement qui oppose le chœur des Bacchantes, mené par Dionysos lui-même, et le roi de Thèbes Penthée, qui tente de mettre fin à un culte qu'il juge usurpé. Pour affirmer sa puissance, Dionysos entraîne à sa suite les femmes de la cité en les frappant de délire et les pousse à mettre en pièces Penthée, dont la tête sera portée en triomphe sur scène par sa propre mère, Agavé. Le culte de Dionysos finit donc par s'imposer de manière éclatante, contre ceux qui niaient sa divinité et lui refusaient leur vénération.

 

Très beau texte, mais comme le dit mieux que moi Dashiell Donello Bernard Sobel n’a pas sorti les dieux de la machine théâtrale, au T2G

 

« En entrant dans la salle, nous voyons un film qui met en action des constructeurs de décors. Cela nous amène, peu à peu, dans l’intime du théâtre avant le théâtre, et nous nous imaginons que les colonnes en trompe l’oeil, vont restituer un temple de la période classique, probablement le Parthénon. Hélas ! Notre imagination était trop exigeante.

 

D’entrée quelque chose ne prend pas. Comme n’a pas pris la continuité du film au lever du rideau. Toute la belle énergie des « Titans » de la technique a disparu. Et notre pauvre Dionysos est plus proche d’un sympathique animateur que du Dieu terrible supposé. De tout ce qui magnifie le théâtre, Bernard Sobel ne nous restitue que quelques éléments de polystyrènes abandonnés à cour et à jardin avec, ce qui n’est pas nouveau, la machinerie à vue. Quant à la fontaine de Dircé où le feu divin brûle encore, c’est par respect, au grand homme de théâtre que nous avons aimé, que nous ne rions pas. Nous devons encore nous retenir à l’arrivée du chœur. Que dire ? Rien. Quand les costumes font fausse route au théâtre, ils ne font pas les moines, hélas ! Si le but est de ne pas faire réaliste, c’est presque parfait. clairement identifiés. Notre seule défense, c’est la transparence. »

 

ICI 

 

Oui, mise en scène indigente, interprétation poussive, que je regrette que ne pas avoir été au Français en 2005, comme l’écrivait Michel Cournot :

 

« André Wilms met en scène Les Bacchantes à la Comédie-Française. Le décor est un jeu de fragments de piliers, sans ornements ni architecture d'ensemble définie. Une polychromie de grands bâtons de pierre dressés, dont les couleurs ne sont pas habituelles - des couleurs sans correspondance avec la nature, des couleurs disons "industrielles", qui ne sont d'aucune époque.

 

Soudain, après un noir bref, nous retrouvons tous ces piliers tombés à terre. Au décor de barres droites, dressées ou tombées, succédera un disque rouge sang, géant, qui se reflète dans un miroir ; c'est très frappant, très beau. Au centre de ce disque, une fosse dans laquelle sont couchés Agavé et le corps de son fils en morceaux.

 

La traduction française, de Mayotte et Jean Bollack, est simple et claire. Le texte, même celui du chœur, est réaliste, évite le lyrisme, alors que l'action et le dialogue irradient un mystère qui n'est pas celui des autres pièces d'Euripide, un mystère que l'on pourrait dire spirituel, et qui n'est peut-être pas sans lien avec l'Egypte.

 

Superbe interprétation maison. La troupe du Français est à son mieux. Denis Podalydès, Dionysos jeune, alerte, lumineux. Martine Chevallier, Agavé d'un tragique pur. Sylvia Bergé, Catherine Salviat, Véronique Vella, Anne Kessler, Florence Viala, Bacchantes attentives, plutôt assagies par leurs costumes sans érotisme ni bestialité excessifs. Catherine Samie, Coryphée d'autorité parfaite. Eric Ruf, roi de Thèbes sûr de lui. Daniel Znyk, vieux Cadmos impassible. Michel Robin, Tirésias imprudent.

 

C'est une représentation d'un style neuf, inattendu, très fort.

 

Les applaudissements au TG.2 furent poussifs.

 

 

Pour me consoler je me dis tu vas aller prendre verre au bar en grignotant un plat de Youpi ; là aussi catata, une tristesse infinie, je fuis.

 

 

Dans le métro, je souligne des passages dans le texte traduit par Mayotte et Jean Bollack :

 

 

TIRÉSIAS :

 

… Ce dieu, le nouveau, dont tu te moques,

Je ne pourrais pas dire combien il sera grand

À travers la Grèce. Il y a deux principes, jeune homme,

Dans le monde : Demeter, la déesse,

C’est la terre, quel que soit le nom que tu veuilles lui donner.

Elle nourrit les hommes dans le sec.

Lui, le fils de Sémélé, est allé au pôle contraire

Il a découvert l’humide dans la boisson de la grappe, et il l’a introduite

Chez les hommes ; elle libère les malheureux

De la douleur, quand ils sont pleins du jus de la vigne ;

Elle donne le sommeil, l’oubli des tracas du jour.

Il n’y a pas d’autre drogue contre la peine.

Ce dieu, né dieu, coule en l’honneur des dieux ;

Le bien des hommes, il en est la cause.

Et tu te moques de lui parce qu’une suture l’a implanté dans la cuisse

De Zeus ?

 

[…]

 

Fais couler le vin, fais le bacchant, mets des couronnes.

Ce n’est pas Dionysos qui forcera les femmes à la raison

En amour, la raison

Fait partie de la nature, en toute chose, toujours.

C’est cela qu’il faut avoir en vue. En pleine extase bachique,

La femme de raison ne se perdra pas.

 

PREMIER STASIMON

Antistrophe 2

 

Ce dieu, fils de Dieu,

Prend plaisir aux banquets,

Il aime Paix, prodigue

De trésors, la déesse nourricière de garçons.

À part égale, il a donné au riche

Et au petit d’avoir le charme

Sans chagrin du vin.

Il hait l’homme indifférent à cela :

Vivre jusqu’au bout le bonheur,

Dans la clarté et le long des nuits aimées ;

Tenir loin de soi coeur et tête de sophiste

Comme en ont les prétentieux !

Ce que croit la masse,

La pratique des gens ordinaires,

Dans ce lieu, je voudrais l’accueillir.

 

Bacchante (nom féminin)

Prêtresse de Bacchus

1537 - «Alors une grande partie de ces dames se leverent, pource que ainsi le faire madame la duchesse leur avoit faict signe, et en riant coururent toutes contre le seigneur Gaspard, comme pour le vouloir batre, et luy faire comme les baccantes Dorpheus, en disant tousiours ; Vous verrez a cest heure si nous soucions que de nous se parle mal.» J. Colin, trad. : B. de Castillon,  Courtisan, II, 143 r° (J. Longis et V. Certenas) - R.K.

 

(1) « Gabriel Péri »

 

Un homme est mort qui n’avait pour défense

 Que ses bras ouverts à la vie

 Un homme est mort qui n’avait d’autre route

 Que celle où l’on hait les fusils

 Un homme est mort qui continue la lutte

 Contre la mort contre l’oubli

 

Car tout ce qu’il voulait

 Nous le voulions aussi

 Nous le voulons aujourd’hui

 Que le bonheur soit la lumière

 Au fond des yeux au fond du cœur

 Et la justice sur la terre

 

Il y a des mots qui font vivre

 Et ce sont des mots innocents

 Le mot chaleur le mot confiance

 Amour justice et le mot liberté

 Le mot enfant et le mot gentillesse

 Et certains noms de fleurs et certains noms de fruits

 Le mot courage et le mot découvrir

 Et le mot frère et le mot camarade

 Et certains noms de pays de villages

 Et certains noms de femmes et d’amies

 Ajoutons-y Péri

 Péri est mort pour ce qui nous fait vivre

 Tutoyons-le sa poitrine est trouée

 Mais grâce à lui nous nous connaissons mieux

 Tutoyons-nous son espoir est vivant.

 

Paul Éluard

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