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3 septembre 2020 4 03 /09 /septembre /2020 06:00

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Je ne vais pas vous bassiner avec les souvenirs de ma mission « il faut sauver le soldat Vin Doux Naturels, », juste avant la fin du précédent siècle, mais vous dire ma peine 20 ans après, le choc de l’abandon d’un superbe vignoble m’a serré le cœur. N’étant ni juge, ni procureur, je ne dresserai pas un quelconque acte d’accusation même s’il y a beaucoup à écrire sur l’aveuglement et la surdité des responsables viticoles de cette époque.

 

«C’est au sein de ce berceau, le plus méridional de France continentale, là où le massif des Albères déferle sur la Méditerranée, où la mémoire rencontre l’horizon, que l’Homme, depuis plus de 2500 ans, travaille la vigne. Entre terre et mer, le vignoble de la Côte Vermeille ne trouve pas de semblable

 

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Reconquesta est un projet singulier de développement territorial du vignoble de la Côte Vermeille. Il est mené par les vignerons du cru Banyuls Collioure. Il est né de la volonté partagée de protéger et de développer un patrimoine commun, un trésor offert par la nature. Alain Pottier est l’un des co-présidents de l’association à l’origine du projet.

 

La suite ICI 

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2 septembre 2020 3 02 /09 /septembre /2020 06:00

 

Pax va me dire que c’est du réchauffé mais comme je crèche à quelques kilomètres de Sarrola-Carcopino qui domine la plaine de Péri, et que j’écris cette chronique le dernier jour d’août sur ma terrasse de Tiuccia, Twitter me rappelle que le 30 août 1979 mourait Jean Seberg.

 

Elle avait 40 ans.

 

@ArianeChemin a reconstitué le puzzle de son "Mariage en douce" avec Romain Gary.

 

A relire, par @GregLemenager

 

Les stars, parfois, se cachent pour s'épouser. Le 16 octobre 1963, Romain Gary et Jean Seberg ont pris le maquis pour se dire oui, dans un petit village corse. La noce, celle de la Russie et de l'Amérique, de la littérature à moustaches brunes et du cinéma à tête blonde, du gaullisme et de la lutte pour les droits civiques, aurait dû faire le bonheur des paparazzis. Elle n'a fait le bonheur de personne.

 

Sur la photo, le prix Goncourt 1956 a son air de sphinx slave, et l'héroïne d’«A bout de souffle» esquisse «un sourire forcé». Autour d'eux, quatre personnes, dont le secrétaire de mairie et un général.

 

Que faisaient-ils là ?

 

Un demi-siècle plus tard, Ariane Chemin a retrouvé, dans le dancing d'un hameau, l'ultime témoin de ce « mariage secret-défense» organisé «sous le haut patronage des services secrets français».

 

Elle a surtout su reconstituer, de sa plume fine et suggestive, le puzzle d'une love story clandestine qui devait finir en tragédie publique, avec la mort toujours bouleversante de Jean Seberg, retrouvée dans sa R5 avec « plus de huit grammes d'alcool dans le sang», et le suicide, resté énigmatique, du ténébreux romancier des «Racines du ciel».

 

Grégoire Leménager

 

Mariage en douce, par Ariane Chemin,

Editions des Equateurs, 160 p., 15 euros.

Rééd. Points, 158 p., 6,20 euros.

 

Paru dans "L'OBS" du 23 juin 2016.

 

Retour sur images :

 

17 septembre 2017

 

 

 

À propos du Mariage en douce de Romain et de Jean « J’ai été plus discret qu’une urne puisque j’ai tenu 5 jours ! » Natale Sarrola maire de Sarrola-Carcopino.

 

« Depuis À bout de souffle, deux ans plus tôt, l’actrice a laissé pousser ses cheveux. Dommage, cette coupe garçonne, c’était tellement elle. »

 

 

«Le « Vieux » demeure le dieu du panthéon intime du diplomate-écrivain, la seule autorité qu’il a respectée toute sa vie avec sa mère, général à sa manière.»

 

 « Le ballet à Campo dell’Oro le prouve : la République tout entière s’est mise à la disposition du compagnon de la Libération. Les noces se déroulent sous le haut patronage des services secrets français, qui ont déployé un de leurs meilleurs agents, avion, voitures et protection. Sur la piste de l’aéroport, le comité d’accueil des futurs mariés a des mines d’agents secrets préparant un putsch ou un coup d’État. »

 

 « Pas de bouquet ? » interroge Jean l’air mutin…

 

« Pas d’orchidée pour miss Seberg, pas de champagne, ni de flonflons. »

 

Toute la chronique ICI 

 

 

 

Jean Seberg en 20 clichés vintage ICI
 

À l'occasion de la rediffusion du film culte "À bout de souffle" de Jean-Luc Godard sur Arte, retour sur les plus beaux clichés de Jean Seberg, icône de la Nouvelle Vague.

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1 septembre 2020 2 01 /09 /septembre /2020 06:00
Mon meilleur dîner depuis des lustres : La Mercerie 9, cours Saint-Louis, Marseille (Ier) m’a fait chavirer, extase, épectase…

Arrivé tôt en OUIGO, pour une petite poignée d’euros, 19, en attendant l’embarquement le lendemain sur A Nepita le ferry de Corsica Línea, j’ai une belle et chaude journée à tirer à Marseille.  

 

Mon hôtel est à deux pas et de la gare maritime et de l’arrêt Joliette de la ligne du tramway ; j’emprunte celui-ci jusqu’à l’intersection Canebière-Capucins.

 

Image illustrative de l’article Tramway de Marseille

 

Il fait très chaud, le masque est obligatoire dans les rues de Marseille, tout autour du Vieux Port que des usines à bouffe, je dégotte le bar de la Marine qui est resté dans son jus et qui propose un plat de supions acceptable et un verre de rosé lamentable.

 

 

Je fais une sieste à l’hôtel.

 

Vers 17 h je ressors, prends une bière locale en terrasse.

 

 

Je baguenaude.

 

Trouve une librairie que je pille, rien que des petits livres.

 

 

Et puis, je tombe sur la MERCERIE, je zieute derrière la vitre, une équipe s’affaire, que faire ? J’essaie la réservation électronique qui me dit niet. Je téléphone, personne ne décroche. J’ai vraiment envie de dîner à la Mercerie, les ondes sont bonnes. J’hésite à signaler ma présence. Je m’en ouvre à un jeune livreur qui gentiment me répond « poussez la porte et demandez-leur ! » Ce que je fis.

 

 

Fort bien accueilli par celui qui se révélera le boss Harry Cummins, il me demande de laisser mon numéro de téléphone, on me rappellera pour confirmer.  Je le remercie en ajoutant que je suis prêt à n’occuper qu’un strapontin. Il sourit.

 

Une heure plus tard, mon grelot grelotte et une voix féminine sympathique avec une pointe d’accent non marseillais, me confirme qu’on m’accueillera avec plaisir à 19 heures.

 

Je suis aux anges.

 

 

À 19 heures pétantes, après avoir acheté un bob blanc à la chapellerie proche ( genre PAX), je pointe le bout de mon nez enfariné (french connexion, je plaisante). Je suis bien inscrit sur le grand cahier, on me propose le choix entre l’extérieur et l’intérieur et, bien sûr, je choisi d’être aux premières loges pour observer le bal des artistes, c’est-à-dire au bout du bar en châtaignier.

 

Ils sont 3 en préparation, c’est un régal de les voir œuvrer, gestes précis, chacun sa tâche, mes papilles sont en éveil.

 

À la Mercerie c’est menu unique donc je tente de deviner les plats qui se préparent.

 

 

J’ai décidé de m’offrir une belle quille de vin nu alors je me plonge dans la lecture de la carte, privé de ma conseillère favorite, suis bien en peine pour choisir. Alors je fais appel à la sommelière qui, avec compétence et gentillesse me tire les vers du nez. Je lui dit que je veux un blanc droit.

 

Je me range à son conseil qui s’avérera judicieux, comme quoi je ne suis pas encore un vieux ronchon blasé.

 

 

Que la fête commence, l’équipe vient d’entamer la préparation du premier plat, je suis aux premières loges et j'apprécie la gestuelle rythmée des 3 larrons souriants.

 

Je me tais, place aux photos.

 

Mais avant tout de même je laisse à la parole à l’immense François-Régis Gaudry que je viens de consulter sur le woueb :

 

Passementerie&mercerie, exit 2 vieilles rombières acariâtres place à 1 ex-fine lame de Frenchie François-Régis Gaudry, l’idole du sémillant Paul, adore La MERCERIE

 

La Mercerie, quelle étoffe ! ICI 

 

Buzz d'enfer à Marseille : un nouveau bistrot gastronomique réveille le quartier Noailles.

 

A Noailles, la Mercerie Cat, c'était un peu Arsenic et vieilles dentelles. Deux rombières acariâtres dans un magasin de passementerie acariâtres dans un magasin de passementerie, capables de se mettre en boule pour une pelote de laine... Autant dire que les voisins n'ont pas vraiment sorti les mouchoirs quand elles ont baissé le rideau. Ils cultivaient même l'espoir de voir se tramer à la place une adresse déboutonnée du col, sans frou-frou ni chichi. Bingo ! Julia Sammut, la tenancière solaire de l'épicerie-cave-table d'hôte L'Idéal, a mis sur le coup l'un des gangs les mieux armés de la restauration : la sommelière québécoise Laura Vidal, le cuisinier anglais Harry Cummins et la gestionnaire canadienne Julia ­Mitton.

 

La suite ICI

 

Et pour faire bonne mesure un petit coup de Fooding :

 

Après avoir parcouru le monde (Japon, Canada, Vietnam, USA, Maroc…), le trio d’agit’popote canado-britannique du Paris Popup s’est finalement posé à Marseille en 2018 ! Dans une ancienne mercerie du popu quartier Noailles (murs à vif, comptoir en châtaignier, chaises vintage en treillis blanc), l’entrepreneuse Julia Mitton, la sommelière Laura Vidal et le chef Harry Cummins (ex-Frenchie à Paris), aidés d’une armée de tabliers rayés, ambiancent parfaitement vos assiettes. Ce jour-là, dans le sensass menu déj’ à 29 balles : foudroyante tombée d’oignons nouveaux au lait parfumé à l’anguille ; démentiels gnocchis lovés dans un ragoût de lapin aux petits pois ; avant un cajolant riz au lait infusé aux feuilles de figuier avec des fraises, le tout coiffé d’une superbe glace au fromage blanc. Le soir, c’est surprise du chef en cinq services avec, par exemple : tourteau au fenouil avec jus de persil, zesté de main-de-bouddha ; courge spaghetti, beurre à la poutargue et jaune d’œuf ; magret au céleri-rave, truffe d’automne et lactaires ; courge confite avec sorbet au tamarin… A.H.

 

 

 

 

 

 

 

Manger seul au restaurant n'est pas vraiment ma tasse de thé, j'aime choisir les plats et les vins qui vont avec sous un œil complice, nous sommes presque toujours raccord elle et moi, nous aimons partager nos plats, j'adore chercher son assentiment, l'entendre me dire « ça c’est vraiment un vin pour toi… » et puis échanger sur tout et rien.

 

À la Mercerie j'ai retrouvé le plaisir de manger, comme je le faisais à Table lorsque le chef était aimable, face à ceux qui font, et seul, comme au bar chez Giovanni Passerini, j’ai n’ai pas vu le temps passer. Sans verser dans les superlatifs, ce fut une soirée mémorable où tout ce qui fait le charme d’un restaurant était assemblé, de beaux produits locaux travaillés et assemblés avec inventivité, sans chichis ni flatteries, des saveurs, des odeurs, une forme de raffinement, d’élégance discrète, oui j’ai exulté, bien bu, la satiété joyeuse et légère.

 

Grand Merci à vous tous gens de La Mercerie, je reviendrai bientôt, pas seul j’espère… 

La Mercerie Marseille Un néobistrot bouillonnant à Marseille Voyage À Paris, Salle De Conférence, Aménagement Intérieur, France, Meuble, Décoration Intérieure

Petite notule pour égayer PAX 

 Jean Daniélou (à gauche) en 1962. Celui qui a été ordonné  cardinal en 1969 était aussi un théologien renommé et membre de l’Académie française.  

Jean Daniélou (à gauche) en 1962. Celui qui a été ordonné cardinal en 1969 était aussi un théologien renommé et membre de l’Académie française.  100 % Keystone

Épectase et extase : 

Jean Daniélou : l’autre scandale qui a embarrassé l’Eglise ICI
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31 août 2020 1 31 /08 /août /2020 06:00

Crédits photographiques : Le métier de luthier, Gustave Villaume, Mirecourt 1982, photographie de Bernard Lesaing. Tous droits réservés. Source : Enquête ethnologique d’Hélène Claudot-Hawad sur les luthiers de Mirecourt (Vosges, Lorraine), 1980-1982. ICI 

« Il est rare de pleurer à la lecture d’un livre de fiction et il est encore plus rare de l’avouer… »

 

J’avoue !

 

J’ai pleuré…

 

Ce livre venu comme un don du ciel m’a ému, bouleversé, sanctifié…

 

« À travers les feuilles d’un bon livre, on pourra entendre un écho qui ressemble aux bruits des forêts »

Henry David Thoreau Journal 20 juin 1840

 

Merci !

 

 

« Âme brisée », d’Akira Mizubayashi, la musique comme garde-fou ICI 

 

Âme brisée eBook by Akira Mizubayashi

 

Contre un monde au garde-à-vous, Akira Mizubayashi a composé une parabole vertigineuse sur le pouvoir de la musique, de la mémoire et de l’amour.

 

Antoine Perraud, le 18/09/2019

 

Âme brisée, d’Akira Mizubayashi, Gallimard, 244 p., 19 €

 

L’universitaire japonais Akira Mizubayashi, spécialiste de la littérature du siècle des Lumières, écrivit à 59 ans son premier livre en français. Un essai magnifique consacré à notre idiome (Une langue venue d’ailleurs, 2011). Suivirent une ode à feu sa chienne (Mélodie. Chronique d’une passion), puis une analyse du rituel nippon des ablutions (Dans les eaux profondes).

 

Il s’était entre-temps essayé au roman, avec un résultat somme toute enchanteur (Un amour de Mille-Ans). Sa récidive dans le champ de la fiction se révèle bouleversante, au-delà de l’imaginable.

 

 Les premières pages pourront paraître appliquées, qui nous transplantent à Tokyo le 6 novembre 1938 : un quatuor amateur y répète le Rosamunde (D. 894) de Schubert, avant que ne fasse irruption la soldatesque impériale, qui brise littéralement les choses – l’instrument du premier violon est saccagé et l’homme disparaît à jamais, laissant son fils terrorisé caché dans une armoire.

 

Un amour dévorant pour la musique

 

Le style un rien désuet d’une telle scène d’exposition relève d’une écriture sépia. La suite, absolument merveilleuse, emplie de volutes et d’échos, subjugue, qui se déroule de la fin des années 1960 au printemps 2005 (ne surtout pas la dévoiler, tant cela gâcherait le vertige romanesque).

 

La suite ICI 

 

Lisez-le !

 

Mirecourt & le violon - Guillaume KESSLER, Luthier

 

Mirecourt : haut lieu de la lutherie en France

 

La vocation de Mirecourt

 

Mirecourt est une petite ville de 6000 habitants située à proximité de Neufchâteau dans le département des Vosges en France.

 

L’école de lutherie est hébergée dans l’enceinte du lycée Jean-Baptiste Vuillaume de Mirecourt.

 

Est-ce un hasard si la bannière du site internet de Mirecourt marque son identité visuelle par la représentation de violons ? Qui serait assez naïf pour le croire ?

 

Les premiers facteurs de violons habitant Mirecourt sont recensés dès 1620.

 

Au lendemain de la première guerre mondiale, Mirecourt héberge quatre fabriques, une vingtaine d’ateliers de lutherie et quelque 175 artisans luthiers…

 

ICI

 

Mirecourt : découvrez le quotidien des meilleurs luthiers de France

Mirecourt : découvrez le quotidien des meilleurs luthiers de France

 

La cité vosgienne, héritière d'une tradition née au XVIe siècle chez les maîtres italiens de Crémone, perpétue ce savoir-faire de fabrication d'instruments du quatuor et d'archets. Un marché aujourd'hui restreint qui incite les artisans à rivaliser d'imagination pour survivre.

 

 

La suite ICI 

 

 

Akira Mizubayashi

Nationalité : Japon
Né(e) à : Sakata , le 05/08/1951
Biographie :

ICI 

 

 

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30 août 2020 7 30 /08 /août /2020 08:00

Qui était Maria Montessori ? - Ecole Montessori Dijon

Maria Montessori : la « dottoressa » face au piège fasciste ICI 

Par Thomas Saintourens

 

ENQUÊTE« Maria Montessori, pionnière de l’éducation » (4/6).

Dans les années 1920, la pédagogue vit au plus près l’instauration de la dictature en Italie. Sa méthode éducative, populaire, devient un enjeu idéologique pour Mussolini.

 

C’est un tête-à-tête dont on sait peu de chose, une entrevue contre-nature qui garde sa part de mystère. Benito Mussolini et Maria Montessori. Lui, le Duce brutal, rêvant d’une nation sous contrôle. Elle, « la mammolina » pacifiste, promotrice du développement harmonieux des enfants… A bien des égards, cette rencontre aurait pu sembler inconcevable. Et pourtant, en 1924, ce duo vêtu de noir va entamer un pas de deux vertigineux.

 

Les maigres indices sur leur premier rendez-vous sont publiés dans la presse fasciste. Ils dépeignent une discussion enthousiaste, le prélude, paraît-il, à de grands desseins. « Faro io ! » (« Je m’en occupe ! »), lance le Duce lorsque Maria Montessori plaide pour l’établissement de sa pédagogie dans toute l’Italie. A bientôt 60 ans, la dottoressa a déjà rencontré bien des puissants, parcouru l’Europe et les Etats-Unis, donné des conférences sur ses méthodes d’enseignement, fondées sur les réactions sensorielles, l’autocorrection et la coopération. L’ancienne psychiatre des hôpitaux romains, devenue une pédagogue de renommée internationale, sait que cet homme peut l’aider.

 

Nommé président du conseil après son coup de force de 1922, Benito Mussolini, 39 ans, veut utiliser la réforme de l’instruction comme socle du régime fasciste. Les défis de l’enseignement primaire ne lui sont pas étrangers : durant ses jeunes années, il fut instituteur dans le nord du pays.

 

Depuis la guerre, et son installation à Barcelone, la dottoressa ne fait plus la « une » en Italie. Sa méthode a disparu des « best-sellers ». Seule une audience papale, à l’automne 1918, puis une session de formation à Naples, ont rappelé le souvenir de la pédagogue nomade, plus célébrée à l’étranger que dans sa mère patrie.

 

Mussolini, lui, connaît la réputation de cette franc-tireuse. Il a commandé à chaque consulat italien un rapport sur les écoles Montessori. Son ministre de l’instruction, le philosophe Giovanni Gentile, estime aussi que celle qui a transfiguré les enfants rebelles du quartier romain de San Lorenzo en 1907 pourrait rééditer ses prouesses au bénéfice du fascisme.

 

Au fond, chacun semble trouver son compte dans cette collaboration. Le Duce imagine une usine à fabriquer des petits fascistes, une jeunesse propre et obéissante. Maria Montessori, après bien des déconvenues, peut enfin avoir accès aux financements, bâtiments et matériels adéquats pour appliquer sa méthode à une nation tout entière. Quitte à s’acoquiner avec ce leader qui ne lui correspond en rien.

 

Aussi stratégique que de la poudre à canon

 

« Faro io ! », a donc promis le Duce. L’éducation à l’italienne sera montessorienne. En avril 1924, le gouvernement labellise une poignée d’écoles. La production des accessoires pédagogiques (lettres rugueuses, cartes de formes géométriques…) devient aussi stratégique que celle de la poudre à canon, la formation des enseignants aussi impérieuse que celle des généraux. Mussolini lui-même est proclamé président de l’Œuvre nationale Montessori, l’institution coordonnant les activités pédagogiques. Maria, pour sa part, est nommée membre d’honneur du Parti fasciste en 1926.

 

La dottoressa n’a pourtant rien d’une porte-étendard de cette idéologie. A longueur d’interview, elle se dit « apolitique », et seule militante de « la cause des enfants ». Accompagnée de son fils Mario, devenu à la fois son garde du corps, son agent et secrétaire particulier, elle rayonne depuis le QG familial barcelonais. Londres, Vienne, Paris, et même l’Amérique du Sud : la libre-penseuse demeure, hors Italie, une égérie progressiste. Son charisme naturel épate, sa silhouette de grand-mère rassure. Mais elle demeure secrète. Seules ses plus proches collaboratrices mesurent le traumatisme laissé en elle par l’abandon momentané de Mario durant son enfance, quand elle privilégia sa carrière au carcan d’une vie de mère, et plaça chez des paysans ce fils né hors mariage.

 

Ces mêmes collaboratrices et amies savent aussi son goût pour le bon vin et les plats roboratifs, quitte à faire ajouter des pâtes au menu lorsqu’elle est à l’étranger, ou encore l’émotion que lui procure l’opéra, les frissons des romans policiers, sa fascination pour la technologie. L’esprit toujours en alerte, elle est capable d’imaginer de nouveaux jeux géométriques lorsqu’elle prend le soleil sur la plage d’Ostie ou qu’elle se laisse conduire dans une Isotta Fraschini, la « Rolls » italienne…

 

Fervente pacifiste

 

Malgré son aura, les critiques du monde académique, en Italie comme à l’étranger, ne l’épargnent pas. Certains voient en elle une sorte de prophète, une mystique en robe noire, et non une chercheuse. C’est aux Pays-Bas, îlot libéral comptant plus de 200 écoles et 6 000 élèves « montessoriens » à la fin des années 1920, qu’elle est finalement le plus à son aise. En 1929, elle crée à Amsterdam l’Association Montessori internationale (AMI). Un moyen de garder la main sur sa méthode et de coordonner son « mouvement » mondial à l’heure où des établissements appliquant sa méthode fonctionnent dans plusieurs dizaines de pays.

 

« La Montessori », ainsi qu’on l’appelle en Italie, s’impose comme une fervente pacifiste. « L’humanité ressemble aujourd’hui à un enfant abandonné qui se retrouve dans une forêt la nuit, effrayé par les ombres et les forces mystérieuses qui amènent vers la guerre », déclarait-elle devant la Société des Nations, à Genève, dès 1926. Un sombre constat, dissonant au regard de ce qui se trame dans ses écoles italiennes. Ou, plutôt, dans celles du Duce… Car le fascisme s’instille peu à peu dans les 70 établissements publics Montessori que compte l’Italie en 1929. L’hymne « Giovinezza » (« Jeunesse ») introduit les leçons, les blouses et la carte du parti s’imposent dans la panoplie des enseignants. Bientôt, le bras tendu sera de rigueur.

 

Le 15e congrès Montessori, le premier sous patronage étatique, est conçu comme l’apogée de cet intenable partenariat. Le 30 janvier 1930, le régime organise une fête somptueuse sous les ors du Palais sénatorial. Maria prend la pose devant les statues musculeuses inspirées de l’Empire romain… Le retour au pays de la célèbre pédagogue est un coup publicitaire pour amadouer l’opinion internationale. Mais la confiance s’effiloche. L’ingérence du parti, le militarisme forcené, les uniformes pour les enfants… Maria enrage. Elle s’est fait duper. Chaque jour, sa méthode est un peu plus dévoyée au profit du dictateur.

 

D’admiration mutuelle aux échanges âcres

 

A leurs correspondances des années 1920, débordantes d’admiration mutuelle, succèdent des échanges âcres. En 1931, son fils Mario écrit lui-même au leader fasciste : « Excellence ! Encore une fois je me tourne vers vous, tant la situation dans laquelle se trouve notre œuvre en Italie est plus difficile que jamais. (…) L’école Montessori de Rome a été créée pour l’intérêt personnel de votre Excellence. (…) Elle fonctionne (…) avec beaucoup moins qu’une école communale. » Mario et Maria démissionnent de l’Œuvre Montessori en janvier 1933. « Cette Montessori m’a quand même l’air d’une grande casse-pieds », réagit Mussolini dans une note à son secrétaire. Dès lors, ses espions ne la lâcheront plus. Le Duce sait qu’en Allemagne Adolf Hitler a ordonné la fermeture des 34 écoles Montessori du pays. Une effigie de l’Italienne a même été brûlée…

 

Au printemps 1934, au lendemain d’un ultime congrès romain en forme de mascarade, Maria et Mario, sous la menace des sbires du régime fasciste, quittent l’Italie. A peine se sont-ils réfugiés à Barcelone que toute trace de l’influence de Montessori est effacée du système éducatif national.

 

Pour eux, la détente sera de courte durée. Les troubles politiques n’épargnent pas non plus l’Espagne. La capitale catalane est le théâtre d’un conflit entre franquistes et partisans communistes. La menace arrive même jusqu’à l’appartement de la dottoressa. Un petit groupe d’anarchistes s’arrête sur le palier. Ils dessinent une faucille sur sa porte, mais laissent la vie sauve aux occupants. L’avertissement est clair. La famille Montessori doit fuir. Maria, qui n’a jamais été propriétaire, n’a plus de biens matériels, nulle part où vivre. A 60 ans, l’inlassable avocate d’une paix qui apparaît chaque jour plus fragile, fait de nouveau ses valises.

 

Maria Montessori et son fils, en Inde, dans les années 1940.

Maria Montessori : le temps de l’exil en Inde ICI

Par Thomas Saintourens

ENQUÊTE« Maria Montessori, pionnière de l’éducation » (5/6).

 

A la fin des années 1930, la célèbre pédagogue italienne prend ses distances avec l’Europe en guerre et se retrouve en Inde, où de nouveaux horizons spirituels s’ouvrent à elle et à son fils.

 

Le petit avion postal six places Tata Airlines amorce sa descente vers Madras. Le sémillant dandy JRD Tata, président de la compagnie aérienne, est lui-même aux commandes. Il n’aurait laissé à aucun de ses pilotes l’honneur de transporter sa célèbre passagère italienne, accompagnée de son proche collaborateur, prénommé Mario. Une fois le coucou immobilisé en bout de piste, Maria Montessori, 69 ans, s’extrait de la carlingue d’un bond énergique. La fatigue du périple et l’air suffocant du Tamil Nadu ne perturbent en rien son bonheur d’être en Inde.

 

Nous sommes le 4 novembre 1939. L’armée nazie, déjà victorieuse en Pologne, s’apprête à fondre sur l’Europe occidentale. A des milliers de kilomètres de là, Maria Montessori et son fils Mario répondent à une invitation lancée il y a plus de vingt ans par les dirigeants de la Société théosophique – une organisation internationale humaniste prônant le syncrétisme religieux pour accéder à « la vérité ».

 

Le voyage fut une expédition aérienne de cinq jours : Naples, Athènes, Alexandrie, Bagdad, Bassora, Jask, Karachi, Bombay… Puis ce dernier vol, en sauts de puce, piloté par le « Louis Blériot indien » en personne. L’Inde, enfin… Le pays du poète Tagore et du guide spirituel Gandhi. Ces maîtres à penser sont aussi des admirateurs de l’Italienne, connue pour avoir développé dans le monde entier une révolution éducative, laissant aux enfants la liberté d’apprendre à « faire seul », au moyen de matériel pédagogique ludique conçu par ses soins… Maria Montessori rêvait de confronter ses théories à ce pays mastodonte de 300 millions d’habitants et au taux d’analphabétisation de 90 %. Le moment est venu.

 

Un lien d’une puissance infinie

 

Bannie de Rome par les fascistes en 1934, chassée de Barcelone en 1936, la famille Montessori (Maria, son fils Mario, son épouse Helen et leurs quatre enfants) avait finalement trouvé refuge à Laren, une coquette bourgade des environs d’Amsterdam, hébergée par la famille Pierson, des amis de confiance. Mario, ce fils né hors mariage que la dottoressa Montessori avait abandonné à la naissance jusqu’à ses 15 ans, est désormais son meilleur allié, son alter ego protecteur, chef d’orchestre du « mouvement Montessori » et de l’emploi du temps maternel. Comme si la douleur de l’éloignement avait cimenté entre eux un lien d’une puissance infinie.

 

A Laren, non loin du siège de l’Association Montessori internationale (AMI), Maria enseignait dans une petite école, organisait ses stages. Au programme figurait même un séminaire intitulé « Propagande », destiné à promouvoir sa méthode éducative. Un quotidien tranquille et sédentaire, si rare dans sa vie vagabonde ; anachronique quand, autour, l’Europe s’engageait vers une guerre sans merci. De Berlin à Vienne, les écoles montessoriennes ont été remplacées par des fabriques d’enfants parfaits du  IIIe Reich.

 

Maria, le cœur tiraillé, a laissé ses petits-enfants aux bons soins des Pierson. L’appel de l’Inde et d’un programme de formation de trois mois était trop fort… Même son imagination débordante n’aurait pu se figurer un tel dépaysement. Lovés entre le fleuve Adyar et les plages du golfe du Bengale, les jardins d’Huddelston, siège de la Société théosophique, composent une oasis luxuriante, déployée autour d’un banian géant de 500 ans d’âge, peuplé d’oiseaux et de singes. Un village de huttes a été construit pour l’occasion : 300 étudiants, venus de tout le pays, se sont inscrits à la formation que doit assurer l’Italienne. « Madam Montessori » est accueillie avec la déférence due à une reine. Le docteur George S. Arundale, président de la Société théosophique, et sa jeune épouse Rukmini Devi, une danseuse de talent, s’assurent du bien-être de leur invitée, logée, avec son fils, dans une maison dissimulée parmi les frondaisons.

 

Le bonheur simple de la transmission

 

Lorsque la dottoressa se présente à eux pour sa première leçon, un élément vestimentaire surprend ses hôtes : elle a abandonné sa traditionnelle robe noire, qu’elle portait depuis la mort de sa mère adorée, en 1912, pour revêtir un sari.

 

L’atmosphère est studieuse, il règne en ces lieux une harmonie apaisante. Maria Montessori s’assoit derrière une table posée sur une dalle, en surplomb. Mario, qui officie comme traducteur de l’italien vers l’anglais prend place à côté d’elle. Face à eux, les élèves sont assis en tailleur, pieds nus, sur des nattes. Certains ont économisé pendant des mois, placer leurs bijoux en gage, parcouru des milliers de kilomètres pour rencontrer la pédagogue. Dans un pays où bruisse un souffle d’indépendance, suivre la formation Montessori ne signifie pas simplement trouver un emploi dans l’éducation : les élèves – brahmanes comme intouchables − préparent aussi la révolution.

 

Jour après jour, la dottoressa retrouve le bonheur simple de la transmission. Loin de la politique et de l’Europe en guerre, elle est comme sur une autre planète, à vivre selon un nouveau tempo. Tilaka rouge collé entre les yeux, elle aime parcourir, à la tombée du jour, le front de mer, tantôt calme, tantôt tempétueux.

 

Dans le monde qu’elle a quitté, l’horreur nazie s’étend, les alliances se nouent. L’Italie, sa patrie, entre en guerre au côté de l’Allemagne le 10 juillet 1940. Mécaniquement, Maria et Mario sont donc considérés comme « sujets d’un pays ennemi » sur le territoire indien, colonie britannique. La police vient briser l’harmonie d’Adyar : Mario est interné dans le camp de civils d’Ahmednagar, à l’autre bout du pays ; Maria, pour sa part, est assignée à résidence. Si elle continue tant bien que mal son travail de conférencière, il n’est pas rare de la voir errer, sans but, dans les jardins ; elle qui est d’ordinaire si enjouée, si bavarde, a perdu son sourire.

 

Les années passant, elle comptait toujours plus sur son Mario, tant pour son travail que pour son équilibre personnel. Toujours impeccable, avec ses cravates et ses costumes croisés, son « collaborateur », désormais quadragénaire, avait accepté de vivre dans l’ombre de sa mère. Il s’épanouissait à son contact, formant avec elle un inséparable duo de globe-trotteurs animés par la mission commune de révolutionner l’éducation. Le 31 août 1940, jour de son 70e anniversaire, Maria Montessori reçoit, en guise de présent, un télégramme signé du vice-roi des Indes. « Nous avons pensé que le meilleur cadeau à vous offrir est de vous rendre votre fils ». Pour la première fois, un document officiel présente Mario comme son fils.

 

Alors qu’ils sont de nouveau réunis à Adyar, le temps s’étire, les semaines deviennent des mois, les mois des années. Les moussons rincent la terre ; la chaleur la craquelle. En 1942, le duo rejoint la station d’altitude de Kodaikanal, au climat plus frais. Ils emménagent au premier étage d’une demeure coloniale. Au rez-de-chaussée, une école accueille des enfants de ce repaire d’expatriés européens.

 

Une philosophe aux pieds nus

 

Répondant aux invitations de maharajas ou de philanthropes, Maria et Mario parcourent ensuite le pays, du Gujarat au Cachemire, en passant par Ceylan – « le pays de Simbad le marin », comme en rêvait Maria. Partout, elle reçoit la même ferveur, celle due aux divinités. Elle est devenue « une gourou », expliquera sa collaboratrice autrichienne Elise Brown, elle-même réfugiée en Inde durant la guerre. Il est vrai que sa seule présence électrise son auditoire ; bercé ensuite par son débit chantant. L’Italienne parle maintenant de cosmos, d’âme, de karma.

 

Les bébés qu’elle a pu observer auprès de leurs mères (étudiantes, voisines…) lui ont permis d’étendre ses recherches aux premiers mois de la vie. Parmi ses écrits indiens, L’Esprit absorbant de l’enfant, publié en 1949, décrit l’importance des échanges sensoriels entre une mère et son bébé. Plus holistique, plus sensible, l’ex-psychiatre des hôpitaux romains est devenue une philosophe aux pieds nus. Lorsqu’elle avait bouclé ses valises, en octobre 1939, elle imaginait revenir aux Pays-Bas dès le printemps 1940, pour assurer ses cours à Laren et vite revoir ses petits-enfants. Six ans plus tard, elle s’apprête à repartir vers un continent en ruines, usé par la guerre et ses traumatismes. A 70 ans, quel rôle pourra-t-elle encore y jouer ?

 

Maria Montessori : la vieille dame et sa méthode ICI

Par Thomas Saintourens

 

ENQUÊTE« Maria Montessori, pionnière de l’éducation « (6/6).

Après la seconde guerre mondiale, la pédagogue italienne relance ses écoles à travers le monde et transmet peu à peu la gestion de la « mission d’une vie » à son fils Mario.

 

Les yeux écarquillés, le souffle court, la vieille dame contemple depuis une automobile roulant au ralenti un spectacle de désolation : Londres ravagée par les bombes allemandes. Un amas de ruines d’où surgit encore le dôme de la cathédrale Saint-Paul, voilà ce qu’il reste de la capitale britannique en cet été 1946. Maria Montessori a réclamé à son ancienne élève et traductrice anglaise Margaret Homfray – qui, au volant, lui sert de guide – cette confrontation aux réalités européennes. Il y a six ans que la pédagogue italienne, dont la méthode d’éducation a fait des adeptes dans le monde entier, a quitté le Vieux Continent pour s’en aller donner des conférences en Inde. Son absence devait durer trois mois. La guerre en a fait un exil interminable, des années et des années passées loin de ses quatre petits-enfants, confiés à des amis, aux Pays-Bas.

 

Lady Homfray, chargée de l’héberger à Londres, est un peu gênée au moment du « tea time ». En ces temps de disette, elle n’a pu rassembler qu’un service à thé dépareillé. Son invitée lève les yeux au ciel : « Margherita, ton argenterie mérite un bon coup de chiffon ! » Sans même avoir défait son barda, Maria Montessori ôte son chapeau et se met à briquer fourchettes, couteaux et cuillères. La scène rappelle les exercices pratiques de la « Casa dei bambini » (Maison des enfants), l’école-laboratoire qui fit sa renommée, à Rome, en 1907, quand elle se targuait de pouvoir éduquer les plus rebelles des gamins.

 

Malgré ses années d’exil, ses disciples européens ne l’ont pas oubliée. De Paris à Vienne, d’Amsterdam à Glasgow, ils ont plus que jamais besoin d’écouter ses paroles réconfortantes, de partager sa foi en l’enfance et en l’avenir. Qu’ils se rassurent : l’idée de prendre sa retraite ne l’effleure pas. Elle a beau apparaître amaigrie, le visage plissé, la démarche moins alerte, elle continue de se lever à 7 h 30 pour travailler, et ne s’endort pas avant 1 heure du matin. Son fils Mario, toujours présenté comme son neveu, la protège, gérant les moindres détails logistiques.

 

« Pour moi, il y a toujours la liberté »

 

Comme avant-guerre, leur quartier général est aux Pays-Bas, mais ils voyagent sans cesse. Les jours de conférence, la pédagogue soigne ses entrées en scène, en y ajoutant le suspense d’un retard de diva et l’exigence d’être acheminée en voiture, un challenge pour ses collaboratrices et les référentes du mouvement – profs, philanthropes… – chargées de l’accueillir.

 

Après quelques semaines d’incessants voyages, on la retrouve à Rome, trônant dans sa suite du Grand Hotel, drapée d’une robe de soie beige semblable à un sari indien. Elle vient reprendre en main l’œuvre Montessori et rouvrir des écoles. Les souvenirs s’entrechoquent. Rome et ses débuts d’étudiante à l’université de la Sapienza, il y a cinquante ans… New York et son triomphe de l’hiver 1913… Puis les années 1920, cette décennie cruelle où Mussolini s’employa à pervertir sa pédagogie… « Pour moi, il y a toujours la liberté », scande la dottoressa, précisant aux reporters que sa méthode est avant tout une « révélation ». Le monde lui donne raison : plusieurs dizaines de pays comptent des écoles. De Tolstoï à Freud, des célébrités ont salué son travail.

 

Le 15 août 1947, un télégramme urgent lui parvient : l’Inde de son ami Gandhi vient de gagner son indépendance. Maria refait ses valises. Cette fois, elle ajoutera à son périple le Pakistan, né de la partition du pays. Mario sera évidemment du voyage, mais cette fois accompagné d’une femme : Ada Pierson, l’amie qui a gardé les enfants aux Pays-Bas durant la guerre. Mario l’a épousée peu après leur retour en Europe. C’est une « montessorienne » accomplie, dont la famille finance une bonne part des dépenses de la dottoressa. Ada adore sa célèbre belle-mère sans pour autant tomber dans la vénération facile. Elle sera donc du périple en Inde et au Pakistan, ainsi que la plus jeune des petites-filles, Renilde, prénommée ainsi en hommage à la mère de Maria, cette femme qui avait cru en elle dès l’enfance, dans leur bourgade italienne de Chiaravalle.

 

Cadeaux et ovations

 

La tournée est un succès. Mais tous les grands pédagogues ne partagent pas l’enthousiasme des admirateurs indiens. Ailleurs dans le monde, les derniers écrits de l’Italienne (quelques traductions imprécises, des morceaux de discours, des considérations générales…) laissent les critiques sur leur faim. En dépit d’avancées sur la relation mère-nourrisson, on lui reproche à nouveau de manquer de rigueur scientifique.

 

Mais il en faut davantage pour déstabiliser cette forte tête. Rien de tel, alors, que de resserrer les troupes lors du 8e Congrès international Montessori. Celui-ci se tient le 22 août 1949 à San Remo, en Italie. Dans les jardins de la villa Ormond – un palais blanc surplombant le littoral ligure –, on croise des Indiens, des quakers, des prélats catholiques, des psychologues, des journalistes… A l’intérieur de la villa, un octogone cerné d’un muret permet aux visiteurs de voir des enfants en plein apprentissage de la lecture ou du calcul. Comme à San Lorenzo en 1907 ou à San Francisco en 1915, la démonstration demeure le meilleur moyen de prouver l’efficacité de la méthode éducative.

 

Maria se laisse ensuite transporter dans une tournée d’adieu qui ne dit pas son nom. Où qu’elle se rende, elle reçoit cadeaux et ovations. En décembre 1949, elle est décorée de la Légion d’honneur à la Sorbonne. Un vieil homme aux joues creusées s’approche : « J’ai appris de vous la signification de la liberté », lui glisse l’ancien président du Conseil Léon Blum.

 

Refusant de voir son corps vieillir, de sentir son énergie s’étioler, Maria poursuit ses conférences, malgré une opération des yeux, la privant quelques semaines de la vue, et un satané mal de dents, qui rend sa diction pénible. « Aide-moi à faire les choses par moi-même », répète-t-elle sans se lasser, comme si de sa bouche s’exprimait un enfant.

 

A l’issue d’une session de formation donnée à d’Innsbruck, en Autriche, de juillet à octobre 1951, Maria sort de la salle épuisée. Elle quitte son public recroquevillée contre Mario. Le duo mère-fils, autrefois séparé, ne fait alors plus qu’un. Il est temps de prendre du repos.

 

Terrassée par une hémorragie cérébrale

 

Le 6 mai 1952, Maria Montessori est assise dans le jardin d’une maisonnette de Noordwijk aan Zee, une villégiature hollandaise le long de la mer du Nord. Mario est auprès d’elle. Ils discutent d’un projet de voyage en Afrique noire. Bien sûr, elle est partante, même à 81 ans. Lui temporise. « Alors je ne sers plus à rien, c’est ça ? », grogne la dottoressa. Mario quitte la pièce pour la laisser se reposer. A son retour, il la retrouvera affaissée sur sa chaise, terrassée par une hémorragie cérébrale.

 

Suivant sa volonté, celle d’une femme libre et nomade, elle est enterrée non pas en Italie mais sur le lieu de son décès, en l’occurrence Noordwijk. Son testament lègue tout à Mario, « il mio figlio » (« mon fils »). C’est la première fois qu’elle le reconnaît de façon officielle, lui qu’elle avait jadis placé dans une famille d’accueil pour éviter le scandale d’une naissance hors mariage. A lui de poursuivre la mission d’une vie, de rassembler les fidèles éparpillés, de réveiller un mouvement assoupi aux Etats-Unis, de visiter les écoles et de publier les livres…

 

A la mort de Mario – en 1982 – puis de son fils Mario Jr – en 1993 – les onze arrière-petits-enfants de la dottoressa ont repris l’héritage de la méthode et des plus de 25 000 écoles se réclamant de l’influence de leur aïeule. Depuis les Pays-Bas, Carolina Montessori, l’une des arrière-petites-filles, gère les archives. « Aujourd’hui encore, il n’est pas facile de vivre dans l’ombre de Maria, constate-t-elle. Comment soutenir la comparaison avec un tel personnage ? Cela peut aussi décourager. Mais être loyal à sa mémoire, c’est poursuivre, sans relâche, son travail. » Elle-même confie que Maria Montessori n’a pas livré tous ses secrets. Il reste des trésors à publier, dont une poignée de notes inédites, écrites à la fin du XIXe siècle. Les observations d’un père sur sa fille. Celles d’Alessandro Montessori, le père de Maria, à la fois terrifié et fier de la voir se lancer dans des études de médecine, seule contre tous.

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30 août 2020 7 30 /08 /août /2020 06:00

Maria Montessori : la vieille dame et sa méthode

Maria Montessori : à Rome, la rebelle de La Sapienza ICI

 

« Maria Montessori, pionnière de l’éducation » (1/6).

Cette pédagogue italienne, célèbre pour avoir inventé des méthodes d’éducation novatrices au début du XXe siècle, est à l’origine des écoles qui portent aujourd’hui son nom dans le monde entier.

 

Assise au milieu de bocaux de formol et des cadavres éviscérés, une jeune femme brune tire nerveusement sur une cigarette. La nuit est tombée sur Rome. A l’université de La Sapienza, seule la salle de dissection demeure éclairée. Ce soir de 1893, comme à l’habitude, Maria Montessori, l’unique étudiante de la faculté de médecine, a dû attendre que les garçons soient rentrés chez eux pour entamer son lugubre tête-à-tête avec les modèles des travaux pratiques d’anatomie. Ne pas vomir. Surtout ne pas flancher.

 

Même en ce haut lieu de la recherche médicale, le fait qu’une femme observe des corps nus est jugé inconvenant – plus encore en compagnie d’étudiants masculins. Maria Montessori se moque bien que sa présence en ces murs dérange. Avec ses cheveux remontés en chignon, ses yeux sombres et ses robes élégantes, elle s’en fiche de les faire jaser, ces fils à papa. Lorsqu’ils la sifflent à son passage, elle souffle sans se retourner : « Sifflez, sifflez donc, vous verrez jusqu’où cela me portera… »

 

Cette nuit encore, noyée dans les volutes de fumée destinées à masquer les effluves de putréfaction, Maria Montessori parfait en solo sa connaissance du corps humain. Trois ans plus tard, elle empochera son diplôme, avec la note de 105/110, à la barbe des railleurs et des jaloux, ces fiers-à-bras qui lui barraient l’accès aux sièges des amphithéâtres. Sur son certificat universitaire officiel, il faudra féminiser – à la main – « Signor » en « Signora ».

 

Confiance et autonomie, la recette des écoles Montessori

 

Phénomène

 

Jamais les pontes de la plus prestigieuse université romaine n’avaient eu affaire à tel phénomène. Brillante, pour sûr. Bûcheuse, c’est un fait. Sacrément têtue, elle le prouve au quotidien. En 1890, à 19 ans, elle a tenu tête au doyen (et ministre) Guido Baccelli, lorsqu’il lui a interdit de s’inscrire. Qu’à cela ne tienne, elle a d’abord étudié les sciences naturelles en premier cycle afin de bifurquer vers la médecine. Baccelli a posé ses conditions : l’étudiante devra être accompagnée jusqu’à la porte d’entrée. Pas question pour elle de papillonner dans les couloirs. En ce qui concerne la salle de dissection, ce sera en nocturne ou rien.

 

A 23 ans, la jeune femme a déjà fait du chemin. Son point de départ, la modeste bourgade de Chiaravalle (4 600 habitants en 1871), dans la province d’Ancône, n’est pas le tremplin idéal pour secouer les conventions romaines. Son père, Alessandro, inspecteur au ministère de l’économie, en charge du sel et du tabac, n’a rien d’un révolutionnaire. Dans cette Italie unifiée l’année même de la naissance de Maria, en 1870, la famille Montessori est plutôt conservatrice. « Tu seras maîtresse d’école », serine l’austère Alessandro à sa fille unique, si vive, si bavarde. Son épouse, Renilde, nourrit secrètement d’autres ambitions. Derrière l’apparence d’une mère au foyer effacée, cette grande lectrice est un esprit libre, une femme créative, soucieuse de l’épanouissement de Maria, dont elle sait le potentiel.

 

Le déménagement de la famille à Rome, en 1875, à la suite d’une mutation d’Alessandro, lui ouvre de nouveaux horizons. Maîtresse d’école ? Jamais de la vie. Elle s’imagine d’abord ingénieure et s’inscrit donc à l’Institut technique, pourtant réservé aux garçons. Puis, elle change d’avis, et rêve de médecine. Papa Alessandro abdique. C’est lui qui l’accompagne le matin en tram à la faculté. Il la soutient à sa manière, toujours en retenue. Le jour où Maria, motivée « comme une dompteuse de lions », soutiendra sa thèse, il sera là, parmi le public turbulent, à l’écouter en pleurant.

 

Oratrice de talent

 

Pour ses 30 ans, il lui offre un épais recueil relié en cuir, l’écrin d’une « revue de presse » personnalisée. Le compte rendu, au jour le jour, de sa fierté de père. Car dès l’été où sa fille est diplômée, Alessandro Montessori n’en est déjà plus l’unique admirateur…

 

Berlin, septembre 1896. Le Congrès international des femmes accueille 1 700 participantes venues du monde entier. Curieuse ambiance que ce symposium où se succèdent exhortations militantes, arides exposés macroéconomiques et parades en costumes traditionnels. Lorsqu’une représentante de l’Italie monte sur scène, mains gantées et robe noire, le reste ne paraît qu’un vain brouhaha. Son discours en Italien sur l’analphabétisme est structuré, fluide, vivant. Les reporters tiennent leur vedette.

 

Qui est donc cette oratrice de talent ? On loue sa beauté, on s’enquiert de son métier. Maria Montessori, 26 ans, médecin, place l’Italie à l’avant-scène. Plus encore après sa seconde intervention, toujours sans notes, dédiée aux inégalités salariales. Le correspondant du Corriere della Sera s’extasie : « Quelle charmante femme émancipée ! » Pas grisée par le succès, l’intéressée s’empresse d’écrire à ses parents : « Mon visage n’apparaîtra plus dans les journaux, et personne n’osera plus mentionner mes soi-disant charmes. Je dois faire du travail sérieux. »

 

Des recherches novatrices

 

C’est loin des projecteurs que la jeune dottoressa débute sa carrière de psychiatre dans les hôpitaux romains. Ses patients – et objets d’étude – sont les enfants alors appelés les « idiots », les « déficients », les « crétins ». Autant de cas désespérés, d’après les théories en vigueur. Au mieux des fous à isoler. Au pire, des criminels en puissance. Maria enchaîne les gardes auprès de ces laissés-pour-compte. Comme à l’hôpital Santo Spirito in Sassia, où un système de tourniquet permet de déposer, jour et nuit, les enfants abandonnés.

 

Le soir, lorsque Maria regagne l’appartement familial du Corso Vittorio Emanuele, elle se plonge dans les écrits des précurseurs français en matière de psychiatrie. Traitement moral, hygiène et éducation des idiots et des autres enfants arriérés, d’Edouard Séguin (1846). Mais aussi les stupéfiants travaux de Jean Itard, au sujet de Victor, « l’enfant sauvage de l’Aveyron ». Maria en est convaincue : il faut stimuler ces gamins, les considérer, leur donner les moyens de se valoriser.

 

A la clinique psychiatrique de Rome, les recherches novatrices de cette surdouée intriguent l’assistant-directeur, Giuseppe Montesano. Ce jeune homme calme et méthodique, de deux ans son aîné, veut partager son combat pour améliorer la prise en charge des petits internés. L’un et l’autre forment vite un duo. Ils étudient ensemble jusqu’aux aurores, cosignent des articles scientifiques, se succèdent dans les symposiums. Et deviennent bientôt un couple fusionnel. La jeune psychiatre, pour la première fois, laisse parler ses sentiments. Quelques mois après leur rencontre, elle est enceinte.

 

Ebranlée par son accouchement clandestin

 

Une grossesse hors mariage, voilà un scandale en puissance dans l’Italie de 1898. Si cela se sait, le Tout-Rome s’en glosera et c’en sera fini de la carrière et de la réputation de la femme médecin la plus célèbre d’Italie. Vraisemblablement sous la pression de leurs mères respectives, les deux amoureux décident de cacher l’événement, sans se marier pour autant. Ils scellent un pacte : jamais ils n’épouseront quelqu’un d’autre. Maria, régulièrement en voyage, dissimulera son ventre rebondi jusqu’au printemps.

 

Le petit Mario naît le 31 mars 1898, à Rome, de « parents inconnus ». Quelques jours plus tard, sa mère le confie à une famille de paysans de Vicovaro, un village lové dans les vallons du Latium, à 40 km de la capitale, puis elle retourne au travail, ébranlée par son accouchement clandestin. Elle, la forte tête, a cédé aux conventions sociales. Elle, la psychiatre toujours prête à prôner les vertus de l’attachement, a abandonné son propre enfant.

 

Giuseppe, lui, a d’autres tourments. Brisant le pacte, il lui annonce son projet d’épouser une autre femme, avec l’assentiment de sa mère. Blessée par cette trahison, elle quitte son emploi à la clinique. Jamais plus elle ne prononcera le nom de Montesano.

 

Dix ans après ses fameuses nuits à examiner les cadavres en putréfaction, Maria Montessori s’inscrit de nouveau à La Sapienza. Son but : tout reprendre à zéro. Etudier la philosophie, l’anthropologie et la pédagogie. Tout le monde l’ignore à l’époque, mais c’est le cœur brisé par l’éloignement de son fils que l’ambitieuse dottoressa donne à sa vie une mission : révolutionner l’éducation.

 

Maria Montessori - un destin, une femme, une scientifique > Mes ...

 

Maria Montessori : comment la psychiatre a lancé sa première école, à Rome, en 1907 ICI

ENQUÊTE« Maria Montessori, pionnière de l’éducation » (2/6).

 

En 1907, la pédagogue italienne, psychiatre de formation, inaugure sa première école à Rome. Son charisme séduit, sa méthode éducative fascine, mais elle s’inquiète pour son fils, dont l’existence reste secrète.

 

Rome, 6 janvier 1907, jour de l’Epiphanie – la fête des enfants en Italie. Dans la cour du 58, via dei Marsi, le public est aussi nombreux que les bambins, dont c’est la rentrée des classes. Journalistes, politiques, universitaires, camarades féministes ou simples curieux, tous sont venus là comme au spectacle. Lorsque la directrice, Maria Montessori, fait découvrir à la cinquantaine d’enfants leur salle de classe, elle sait que sa carrière se joue là, à quitte ou double.

 

En ce matin d’hiver, la femme médecin la plus célèbre du pays inaugure sa première école. Rien n’est habituel. Le lieu ? Le rez-de-chaussée d’un immeuble du quartier « mal famé » de San Lorenzo. Les élèves ? Agés de 3 à 9 ans, vêtus de guenilles, tous habitent les étages en surplomb. La salle de classe ? Meublée de quelques tables et de chaises dépareillées, décorée d’une reproduction de la bienveillante Vierge à la chaise, de Raphaël. Dans un recoin, une armoire où « la Montessori », comme on l’appelle déjà, range son matériel pédagogique.

 

La démonstration tourne vite au fiasco. Les enfants, engoncés dans des blouses bleues au tissu trop lourd, pleurent, crient et n’en font qu’à leur tête, comme si l’intensité du moment les avait rendus plus nerveux que jamais. Maria Montessori, elle, fait bonne figure. Elle distribue des cubes et répond aux reporters ; embrasse les inconsolables et sourit aux philanthropes. Elle a changé depuis ses débuts d’étudiante en médecine à la prestigieuse Sapienza de Rome. Bien sûr, il y a toujours son chignon, ses chapeaux, ses toilettes fleuries, mais sa silhouette a forci, elle a gagné en prestance. A bientôt 40 ans, c’est une signora charismatique.

 

Des meubles à la taille des enfants

 

Au vu de la pagaille, des spectatrices, mains sur le cœur, en appellent à une intervention divine. Seul un miracle pourrait sauver ces gamins – et la réputation de leur directrice, spécialiste des enfants « à problèmes »… Un miracle : c’est à peu de chose près la mission que lui a confiée Edoardo Talamo, l’ingénieur chargé de la rénovation du quartier de San Lorenzo.

 

Après avoir livré seize bâtiments neufs, il n’avait pas prévu qu’une fois les résidents au travail, leurs enfants, livrés à eux-mêmes, mettraient le bazar dans les halls et commettraient leurs premiers larcins. Talamo s’est alors tourné vers la « Montessori » en lui offrant un rez-de-chaussée par bloc d’immeubles. Libre à elle d’y mettre en pratique ses théories éducatives, les techniques ludiques rodées auprès des handicapés mentaux, du temps où elle œuvrait à la clinique psychiatrique de l’université de Rome.

 

Passés les tracas de l’Epiphanie, la psychiatre devenue pédagogue applique donc sa doctrine, fondée sur l’autonomie, la curiosité et la coopération. Elle fait façonner des meubles à la taille des enfants, et des « matériaux » didactiques inédits, dont elle fournit ses propres esquisses aux artisans (planches à écrous, cubes encastrables, lettres rugueuses…). En quelques semaines, le rez-de-chaussée se transforme en une sorte de maison de poupées, style Liberty, où les élèves s’épanouissent chaque jour un peu plus. Ces gamins sales et mal nourris sont lavés et pesés.

 

Peu à peu, les « sauvages de San Lorenzo », comme elle les définira plus tard, se laissent absorber par les bouliers, les lacets, et les activités à leur portée (ménage, jardinage…). Le « miracle » de San Lorenzo est chroniqué dans les gazettes. La dottoressa observe, remplit des fiches d’observations, forme les maîtresses, puis supervise l’inauguration d’autres « maisons des enfants » dans la capitale.

 

Epaulée par un trio d’admiratrices devenues ses collaboratrices (deux Italiennes, Anna Fedeli et Anna Maccheroni, et une Américaine, Adelia Pyle), elle s’affirme comme une meneuse, capable d’alterner douceur et sévérité, bons mots et vacheries, sans perdre sa capacité d’émerveillement presque enfantine. C’est elle qui accueille les personnes désireuses de constater les prodiges de son labo éducatif. Parmi les visiteurs, la reine Marguerite de Savoie ne se lasse pas de contempler ces bambins si concentrés, en particulier à l’heure du déjeuner, lorsqu’ils se servent à tour de rôle, comme dans une trattoria autogérée.

 

Best-seller instantané

 

La dottoressa, qui exècre l’oisiveté, profite de l’été 1910 pour coucher par écrit les enseignements de son expérience. La Méthode Montessori, imprimée chez un typographe du Latium, est un best-seller instantané, traduit dans une vingtaine de langues. Si bien que Maria abandonne son poste de médecin pour se consacrer à temps plein à la promotion de ses écoles et de son matériel pédagogique qu’elle a fait breveter à son nom dès qu’elle en a perçu le potentiel.

 

Pareille histoire ne pouvait échapper aux Américains. Surtout pas à un certain Samuel S. McClure. Ce publiciste chevronné, propriétaire d’un magazine qui porte son nom, aime dénicher et promouvoir des histoires vendeuses. A l’hiver 1911, il commande un premier article sur la fameuse dottoressa. Tout y est : l’héroïne au caractère bien trempé, le décorum italien… En 19 pages très illustrées, le reportage publié dans McClure’s magazine fait sensation. Le courrier des lecteurs – surtout des lectrices – est saturé de messages enthousiastes. Alors McClure voit plus grand : et s’il devenait lui-même l’imprésario américain de cette Italienne ? Il y aurait, pressent-il, un joli pactole à la clef… Il faut dire que la traduction américaine du livre s’arrache à 5 000 exemplaires en quatre jours, et qu’une forme de « Montessori-mania » enfièvre la bourgeoisie progressiste. Des Américaines se rendent même à Rome pour consulter la dottoressa.

 

Alors qu’elle vient d’emménager dans un vaste appartement avec vue sur la Piazza del Popolo, Maria Montessori donne un premier séminaire à destination d’un public étranger. Une session organisée par son comité de soutien américain, où siègent Alexander Bell, l’inventeur du téléphone, Margaret Wilson, la fille du président, et l’inévitable McClure ; 87 étudiants venus du monde entier – dont 67 des Etats-Unis – se regroupent dans son immense salon. Maria commence par leur distribuer la photo de sa mère Renilde, tout juste décédée, à l’âge de 72 ans. En souvenir de cette femme qui a toujours cru en elle et lui a appris l’art de la liberté, elle portera à jamais le deuil et ne se vêtira plus que de noir. Son père, au rôle tout aussi essentiel dans son parcours, est désormais veuf. A plus de 80 ans, il se déplace en chaise roulante et vit auprès d’elle, très fier de sa réussite.

 

Un circuit promotionnel aux Etats-Unis

 

Devant son public anglophone, Maria Montessori rôde le modèle de ses conférences. Debout dans un coin de la salle, surélevée sur une estrade, elle s’exprime en italien, posément, ne quittant jamais son auditoire des yeux. Chaque phrase, appuyée d’une gestuelle de chef d’orchestre, est répétée par sa traductrice. « Ce que doit savoir l’enseignant, c’est comment observer », martèle la maîtresse de maison.

 

Au retour, ses disciples dissémineront la méthode sur tous les continents. Mais Maria rechigne encore à traverser l’Atlantique. Comment le pourrait-elle alors qu’à proximité de Rome grandit son fils Mario ? Cet enfant né hors mariage, qu’elle fut contrainte de cacher et de placer dans une famille d’accueil pour préserver sa carrière aura bientôt besoin d’elle. Devenu adolescent, il se doute que cette mystérieuse et si bienveillante signora qui lui a parfois rendu visite, n’est pas n’importe qui… Un jour de février 1913, il l’appelle pour la première fois « maman ». Maria décide de le ramener à Rome. Personne n’osera lui demander qui est cet ado omniprésent auprès d’elle.

 

McClure, de son côté, ne ménage pas ses efforts pour la convaincre de se rendre aux Etats-Unis. En novembre 1913, l’imprésario lui présente son plan d’attaque : un circuit promotionnel avec visites d’écoles, supervision de la distribution de son matériel pédagogique, et de multiples conférences sur la Côte est. Montessori superstar, ni plus ni moins. Un « deal » qui rapporterait à Maria 1 000 dollars et 60 % des recettes de ses « shows ». La dottoressa accepte le défi. Elle embrasse Mario et part à la conquête de l’Amérique.

Maria Montessori - Montessori EtCie

Maria Montessori, une vedette américaine ICI

Par Thomas Saintourens

ENQUÊTE« Maria Montessori, pionnière de l’éducation » (3/6).

A l’approche de la première guerre mondiale, la célèbre pédagogue italienne se rend aux Etats-Unis. Le parcours de cette femme d’exception prend alors une tout autre dimension.

 

Les vagues grises de l’Atlantique moussent le long du Cincinnati. Parti de Naples le 21 novembre 1913, ce paquebot doit atteindre New York dans quelques jours. Entassés en troisième classe, près de 3 000 migrants italiens rêvent du Nouveau Monde. Dans sa cabine de première, une célèbre compatriote, la pédagogue Maria Montessori, sujette au mal de mer, a le cœur à la dérive. Elle songe à son fils Mario, resté à Rome sous la responsabilité de sa fidèle amie Anna Maccheroni – alias « Mac » –, après quinze années de vie caché dans la campagne romaine.

 

Ouvrant son carnet de bord, elle confie ce qui la pousse à voyager ainsi, Mario bien sûr : « Pour assurer son futur, pour le rendre heureux et réparer ce qu’il a enduré, et être la seule qui lui donnera tout… C’est ce qui me donne mon énergie, c’est pour cela que j’endurerai tout. » Dans nulle autre archive connue Maria ne fera référence au traumatisme des premières années de son fils, cet enfant né hors mariage en 1898 et qu’elle avait placé en secret dans une famille de paysans. Une séparation prélude à un amour incommensurable, marqué d’une indélébile cicatrice.

 

« La Montessori », comme on l’appelle en Italie, sait aussi que ce voyage aux Etats-Unis lui offrira l’occasion de répandre sa bonne parole dans ce pays continent déjà si réceptif à ses méthodes d’éducation avant-gardistes, rôdées dans son pays. La traduction de sa « Méthode » est un best-seller en Amérique. Chez les pédagogues progressistes, le voyage à Rome pour observer ses écoles et écouter ses préceptes est un « must ».

 

Grenouillant entre le pont principal et la salle de dîner, son imprésario, Samuel S. McClure, a déjà entamé le travail promotionnel : aucun passager n’ignore la présence de sa vedette, psychiatre devenue pédagogue, si douée pour aider les enfants en difficulté. Une pétition, signée par l’ensemble de la première classe, obtient même une conférence privée. A mesure que s’approche la statue de la Liberté, les télégrammes de bienvenue affluent. Le New York Tribune annonce ni plus ni moins « la femme la plus intéressante d’Europe ».

 

Le Cincinnati accoste à Brooklyn le 3 décembre 1913, par une matinée de froid sec. Drapée de fourrure, la quadragénaire est encerclée par une horde de reporters. Les flashes crépitent. L’essaim envahira bientôt son hôtel, un palace de la cinquième avenue. Dès le lendemain, direction Washington, et Kalorama Road, l’école tenue par l’inventeur du téléphone, Alexander Bell, et son épouse Mabel, pionnière de l’enseignement aux sourds et muets. Il s’agit du premier établissement « montessorien » que Maria visite à l’étranger. Margaret Wilson, la fille du président, s’improvise ensuite guide touristique pour lui présenter la capitale fédérale.

 

Le 6 décembre, le temple maçonnique de Washington a des airs d’ambassade un soir de réception. Diplomates et secrétaires d’Etat, accompagnés de leurs épouses, écoutent Maria Montessori, puis visionnent les vidéos de sa « Maison des enfants » de San Lorenzo, à Rome. Maria paonne en habits noirs. Mais ce n’est qu’un avant-goût de la pièce de résistance : le Carnegie Hall.

 

A guichets fermés

Cette scène déjà mythique, où tant de virtuoses se sont produits, est décorée de drapeaux italiens et américains et d’une bannière « America Welcomes Maria Montessori ». Décidément, McClure a bien fait les choses. Un millier de personnes piétine dans la rue sans ticket. L’imprésario présente sa championne à une salle déjà acquise à sa cause…

 

La pédagogue arpente la scène à petits pas. Désormais âgée de 43 ans, la dottoressa a gagné en maturité et en charisme. Ses cheveux sont striés de mèches argentées. Sa panoplie noire est égayée du brillant des pampilles qui s’entrechoquent quand elle tend les bras pour recevoir les bouquets. Le show peut commencer. Deux heures, sans une note, le tout traduit phrase à phrase. Tout y est : sa philosophie, ses objectifs scientifiques, les prouesses des enfants – film à l’appui. Un triomphe.

 

La tournée s’enchaîne. Boston, Providence, Pittsburgh, Chicago, Philadelphie… Et même un second Carnegie Hall à guichets fermés. Maria répond de bonne grâce aux questions des reporters. Elle détaille ses théories, l’air professoral, mais s’exprime aussi, dans un demi-sourire, sur la mode des jupes fendues. Ah, ce pays l’amuse et la fascine… Elle apprécie le ton badin des discussions, les poignées de mains chaleureuses, les gratte-ciel, et bien sûr « ses » écoles si soignées, quelques dizaines de petits établissements privés, dans des quartiers résidentiels. Après un week-end de détente dans la propriété du magnat du petit-déjeuner JH Kellogg, elle repart vers l’Italie, le 24 décembre 1914, à bord du paquebot Lusitania. La mission est accomplie : l’Amérique est sous le charme.

 

De retour à Rome, Maria Montessori reprend ses activités habituelles : la formation, l’écriture… McClure, lui, compte bien capitaliser sur cette Italienne au potentiel commercial énorme. De toute façon, il n’a guère le choix : Maria l’ignore mais il est ruiné. Alors il s’accroche, assurant lui-même, à travers les Etats-Unis, la promotion de sa méthode, vantant sans cesse les écoles, les livres et le matériel pédagogique.

 

Une expérience si grisante

Maria se méfie de ce beau parleur. Au fond, elle n’a plus besoin de ses services pour consolider sa réputation internationale. Au-delà de McClure, elle repousse les propositions de collaboration des Américains, dont une flopée de profiteurs. Elle veut tout contrôler, de la pédagogie jusqu’au matériel. Quitte à retourner elle-même au Etats-Unis un jour ou l’autre.

 

A l’heure où la Grande guerre frappe l’Europe, le mouvement montessorien s’affranchit des frontières. Après son expérience si grisante sur la Côte est des Etats-Unis, « la Montessori » repart à l’aventure, Côte ouest, cette fois. Avant de partir, elle a confié son vieux père malade aux bons soins de la fidèle « Mac ».

 

En 1915, Anna Fedeli et Adelia Pyle, deux de ses plus proches collaboratrices, accompagnent en Californie celle qu’elles surnomment « mammolina ». Un ado brun de 17 ans est lui aussi du voyage : Mario sort enfin au grand jour auprès de sa célèbre mère. Toujours gênée, elle le présente comme son neveu ou, plus rarement, comme son fils adoptif. Elle qui disait vouloir lui offrir « le monde » a enfin l’occasion de voyager à ses côtés. Une réunion de famille pour recoudre les blessures de l’éloignement, apprendre enfin à se connaître.

 

Vivarium pédagogique

 

A San Francisco, la « Panama Pacific Exposition », célébrant l’ouverture du canal de Panama, est un barnum à l’américaine mêlant, neuf mois durant, grand huit, démonstrations technologiques et célébrations carnavalesques (journée de l’ananas hawaïen, compétitions de nourriture…). Dans la zone du « Palais de l’éducation », où 15 000 instituteurs tiennent congrès, a été construite une école Montessori d’un genre particulier. Le public, assis sur des banquettes semblables à celles d’un stade de baseball de campagne, observe la classe de vingt enfants, de 9 heures à 12 heures, derrière une paroi vitrée. Cette sorte de vivarium pédagogique devient l’attraction à ne pas rater, surtout à l’heure du déjeuner, pour la scène désormais fameuse du « restaurant miniature ».

 

L’enthousiasme initial de Maria vire bientôt au malaise. Voilà ces petits Américains devenus des bêtes de foire, des singes savants derrière une vitre, et l’apprentissage un « show » théâtral. Ne parlant pas anglais, elle est contrainte de laisser à sa jeune collaboratrice américaine, Helen Parkhurst, la gestion de la classe au quotidien. En retrait, la « mammolina » se laisse gagner par le stress. Cette « classe de verre » est pourtant un tel succès qu’elle reçoit une invitation officielle à la Maison Blanche. Malheureusement, un autre télégramme urgent, presque concomitant, annule ce projet. Son père est mort, cet homme si austère et réservé qui fut son soutien, puis son plus fervent admirateur.

 

En cette fin d’année 1915, la guerre empêche Maria de regagner Rome. Il lui faut se rabattre sur la Catalogne, épargnée par les combats, où elle est accueillie comme une reine. A l’invitation du gouvernement, enclin à développer une nouvelle forme d’enseignement mêlant valeurs catholiques et approche pédagogique novatrice, Maria prend la tête de l’« Escola Montessori » de Barcelone. Au sein d’une exquise bâtisse de la vieille ville, l’Italienne professe, assise dans un épais fauteuil orange et bleu. Elle est épaulée par une traductrice catalane, et par Adelia Pyle, installée à une autre table, auprès des enfants anglophones. En quelques mois à peine, l’école passe de 5 à 185 élèves.

 

Le disciple de sa mère

Mario, resté en Californie dans la foulée du voyage à San Francisco, en est revenu jeune marié, au bras d’Helen Christie – elle-même enseignante « Montessori ». Sportif, motard, polyglotte, Mario est un disciple de sa mère et aussi son collaborateur attitré, le seul auquel celle-ci peut confier ses états d’âme.

 

A Barcelone, la voici bientôt grand-mère. C’est même elle, la mammolina, qui aide sa belle-fille à accoucher d’une petite Marilena, le 16 juin 1919. Mario Junior (alias le « piccolo Mario »), sera ensuite son chouchou, puis suivront Rolando (1925) et Renilde (1929). La pédagogue, séparée de son fils à la naissance, se rattrape avec ses petits-enfants. Elle leur raconte les épopées bibliques comme les exploits des explorateurs ; les initie à l’observation de la nature et les laisse écouter les conversations d’adultes lorsqu’elle reçoit dans son salon. Bien sûr, elle les inscrit dans son école. Elle a pour eux de grandes ambitions, comme sa mère Renilde en avait autrefois pour elle.

 

L’atypique famille Montessori fait de Barcelone son port d’attache. Londres, Amsterdam, Vienne… Maria mène une vie de nomade, plus indépendante et insaisissable que jamais, comme si elle était insensible aux fracas du monde et aux jeux de pouvoir. Mais la politique va la rattraper : c’est en Italie qu’elle sera mise à l’épreuve. A Rome, où personne n’a oublié les miracles de la femme à la robe noire, résonne déjà le claquement martial des bottes fascistes…

 

 

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29 août 2020 6 29 /08 /août /2020 06:00

Coutumes et croyances corses, la vendetta

Lorsqu’au mois de juin mon petit sélectionneur de nouveauté m’a informé de la parution de Vendetta. Les Héritiers de la Brise de mer (Plon, 280 pages, 20 €), écrit par la correspondante de France Bleu à Ajaccio Marion Galland et la journaliste de L’Obs. Violette Lazard,  je me suis dit : « encore un ! »

 

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Bien sûr j’ai acheté et, bien m’en a pris, « nourri de procès-verbaux (mais pas uniquement, ce qui fait son prix), sur la récente dérive meurtrière de trois hommes. Un trio d’orphelins, fils de barons du grand banditisme, qui dort aujourd’hui en prison. » c’est de l’excellent travail de journalisme d’investigation qui ose dire son nom, c’est-à-dire en ne se la jouant pas à la Plenel qui tire toujours la couverture à lui, mais en citant ses sources.

 

À lire absolument !

 

Bravo les filles !

 

« L’histoire débute en décembre 2017 à l’aéroport de Bastia-Poretta : d’une bise – un vrai baiser de la mort – une « matonne » de la maison d’arrêt de Borgo désigne deux cibles à un tueur. L’épisode, digne d’un polar, avait été raconté dans Le Monde. Les deux victimes ? Des lieutenants de Jean-Luc Germani, un des voyous les plus puissants de Corse, qui, de sa cellule à Arles (Bouches-du-Rhône), continue depuis 2014 à régner sur son clan et ses affaires.

 

Surprise : ce double assassinat porte la signature de la Brise de mer, un gang mafieux né au début des années 1980 et que tout le monde, à commencer par la police, croyait éliminé. C’est d’ailleurs en écoutant les téléphones des protagonistes d’un vaste trafic de stupéfiants que les enquêteurs tombent presque par hasard sur le double homicide de l’aéroport. Les commanditaires sont trois enfants issus de la bourgeoisie. Trois « fils de », comme on dit dans cette île où chacun, à l’école, a côtoyé un futur haut fonctionnaire, un futur flic, un futur voyou. »

 

Ce sera peine perdue pour Jean-Luc Germani qui n’aura pas obtenu d'interdire la parution du livre « Vendetta » de sa prison d'Arles. 

 

Ce jeudi 11 juin, sortait en effet dans les librairies le récit du destin tragique des héritiers de la brise de mer raconté par Violette Lazard, journaliste à l'Obs. et de Marion Galland, journaliste à Radio France.

 

Mercredi matin, lors d'une audience en référé, la défense de Jean-Luc Germani, avait demandé au tribunal de retarder la publication du livre, notamment pour relire le chapitre 23 intitulé "Jean-Luc Germani, ennemi juré et intouchable" et supprimer les passages qui pourraient nuire à leur client. Dans celui-ci, les auteures retranscrivent des écoutes de fin 2015 alors que des micros avaient été dissimulés dans sa cellule aux Baumettes, à Marseille.

 

Un joli coup de publicité pour ce livre qui serait déjà en rupture de stock chez son éditeur Plon. A Bastia, à la librairie Album, il n'en restait plus qu'une dizaine dans l'après-midi.

 

Jewpop

 

« Les jeunes années des deux aînés de Francis Guazzelli (un des piliers fondateurs du gang de la Brise de mer, NDLR) sont douces. (...) En famille, Francis Guazzelli est le patriarche, point à la ligne. Pour ses enfants, il a des rêves plein la tête, mais leur laisser la Brise de mer en héritage n’en fait pas partie. Un homme qui a fréquenté la famille Guazzelli explique :

 

« D’abord parce que, quand tu es le “fils de”, en Corse, tu fréquentes les gens du milieu, c’est automatique. Les gens sont intéressés, te montent la sega (se la racontent, NDLR), tu peux vite prendre la grosse tête. Francis ne voulait pas ça pour ses garçons. Il expliquait que lui-même avait vécu à une autre époque, plus propice au banditisme. Il estimait que cette vie-là n’était plus possible aujourd’hui, et il voulait que ses fils s’écartent de son chemin. »

https://www.corsenetinfos.corsica/photo/art/default/47608429-37617798.jpg?v=1593348513

Interview croisée de Violette Lazard, journaliste d'investigation à L'Obs, et de Marion Galland, reporter à RCFM, coauteurs de cet ouvrage, qui vient de paraître aux éditions Plon, et représente un long travail d'enquête sur la Brise de Mer et le double assassinat de l'aéroport de Bastia-Poretta du 5 décembre 2017 ICI

 

 

Rencontre avec Violette Lazard, journaliste d'investigation à L'Obs, et Marion Galland, reporter à RCFM, coauteurs de Vendetta (éditions Plon)*, un livre-enquête sur le grand banditisme corse qui raconte l'histoire du gang de la Brise de Mer et le parcours de ceux que les services de police présentent aujourd'hui comme ses héritiers, Jacques Mariani, Christophe et Richard Guazzelli, et les rivalités avec le groupe dirigé selon les policiers par Jean-Luc Germani. Très documenté, apportant des éléments inédits, cet ouvrage retrace notamment la genèse du double assassinat de deux proches de celui-ci le 5 décembre 2017 devant l'aéroport de Bastia-Poretta, dossier dans lequel les deux fils de Francis Guazzelli, assassiné le 15 novembre 2009 et considéré comme un pilier de la Brise, sont mis en examen. Ils font également l'objet de poursuites dans un trafic de produits stupéfiants.  

Quels sentiments vous inspirent le succès en librairie rencontré par votre livre ?

Violette Lazard.

C'est toujours agréable de savoir que l'histoire intéresse les lecteurs autant qu'elle nous a intéressées en tant qu'auteurs. Nous considérions que tout n'avait pas été écrit, loin de là, sur le sujet et ne l'avait pas été forcément dans le détail. Nous avions l'impression qu'il y avait encore des choses à raconter et à révéler, l'intérêt des lecteurs démontre que c'est une réalité.

Marion Galland. 

La première partie, l'histoire des pères, a été racontée à de nombreuses reprises à travers l'évocation d'une succession de faits mais pas de ce qu'ils étaient. Pour notre part, nous avons mis l'accent sur l'humain, les relations père-fils. Ce n'est pas tant le succès qui me fait plaisir mais le fait d'entendre des personnes dire qu'elles ont pris du plaisir à lire ce livre.

Stéphane Sellami on Twitter: "Cette semaine débute dans @lequipe ...

Un ancien footballeur du FC Nantes aurait tué l'oncle de Jenifer ICI
 Publié le 13/06/2018

L'enquête sur la mort de Jean-Luc Codaccioni, l'oncle de la chanteuse Jenifer, tué dans une fusillade en Corse début décembre, se poursuit. La police a procédé à plusieurs interpellations début juin. Parmi les interpellés se trouverait Christophe Guazzelli, un ancien footballeur du FC Nantes qui serait l'auteur des tirs mortels.

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28 août 2020 5 28 /08 /août /2020 06:00

 

Les moutards et les moutardes (appellation non contrôlée) après avoir asséché à la fête foraine le porte-monnaie de leurs parents avec des tours de manèges, de balançoires, de trampolines, de couloir des horreurs et autres joyeusetés foraines, se mettent à réclamer de la barbe à papa.

 

Horreur, malheur, du sucre, du sucre… pour le plus grand bonheur des dentistes !

 

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Ça tombe bien puisqu’il se dit que la barbe à papa a été inventée par un dentiste américain William J Morrison, et John C. Wharton, confiseur. Le brevet est déposé en 1897, et l’invention fait un carton à l’Exposition Universelle de Saint-Louis. En France, les filaments de sucre prennent le nom de barbe à papa en 1937.

 

Ils vendent alors la fairy floss dans une fête foraine, puisque c'est là que les parents emmènent leurs enfants. Ils réussissent ensuite à en vendre 68 655, au prix de 25 cents. La fairy floss est alors connue dans le monde entier et prend plusieurs noms selon certains pays, par exemple: cotton candy (cotton en sucre) aux Etats-Unis, candy floss (fil en sucre) en Angleterre et bien sûr, nous les Français, nous l'appelons barbe-à-papa. Son nom originel a été adopté en Australie.

 

William avait plusieurs cordes à son arc car il était aussi avocat, auteur de livre pour enfants, leader dans des affaires civiques et politiques, inventeur et enfin président de l'association des dentistes de l'état du Tennessee

 

Son nom initial était « Tooth Floss » soit fil dentaire, pas très glamour comme dénomination alors les inventeurs décidèrent d’en changer « Fairy Floss » ou « Fil à fée »

 

 

Pour rassurer les mères soucieuses des quenottes de leur progéniture :

 

Une canette de cola contient une fois et demi plus de sucre qu’une barbe à papa de fête foraine.

 

Selon les normes du métier, une barbe à papa est composée de 25 g de sucre. Une canette de cola standard en contient 39 g pour 33 cl.

 

Barbapapa_LCAV5

 

Principe de la machine à barbe à papa

 

La machine qui fabrique cette confiserie se compose d'un baquet central qui tourne sur lui-même -- dans lequel on dépose du sucre et du colorant alimentaire -- entouré d'un réceptacle. À l'intérieur du baquet, on trouve des résistances électriques qui chauffent le sucre jusqu'à sa température de fusion.

 

Du fait de la force centrifuge, le sucre fondu va s'échapper par de petits orifices placés au sommet du cône central. Au contact de l'air, bien plus frais que l'intérieur de la machine, ce sucre se solidifie sous forme de minces filaments, qu'un bâton va récupérer pour former la fameuse barbe à papa.

 

L'épaisseur des filaments dépend de la vitesse de rotation de la machine : plus elle tourne vite et plus les filaments sont fins.

 

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Pourquoi est-elle rose ?

 

Quant à la couleur, elle dépend du colorant alimentaire qui est déposé dans le baquet en même temps que le sucre.

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27 août 2020 4 27 /08 /août /2020 06:00

L’image contient peut-être : nourriture

Être abonné à Télérama depuis Mathusalem présente, en dépit de mon allergie à la bien-pensance qui y règne, des avantages, tout particulièrement de me flécher des événements culturels intéressants.

 

“Je mange donc je suis” : un grand mezze ludique et savant au Musée de l'homme

 

Vue de l’exposition.

Le crâne d'Homos sapiens (-14 000 ans) : le secret des mandibules du chasseur cueilleur

 

Des pierres taillées dans les cavernes à la porcelaine des dîners à l’Elysée, des galettes de blé du Néolithique aux repas en poudre des cosmonautes, des offrandes de Papouasie-Nouvelle-Guinée aux néons du supermarché… Il y a à voir et à manger en quantité dans l’exposition proposée par le Musée de l’homme, à Paris.

 

Pour sa nouvelle exposition, la vénérable institution blottie au pied de la Tour Eiffel s’empare d’un sujet aussi fédérateur qu’universel : l’alimentation. Conçue comme une déambulation à travers nos assiettes, ce copieux banquet ethno-scientifique en explore les facettes biologiques, culturelles et écologiques, sous un titre aux consonances cartésiennes : « je mange donc je suis ». En trois salles, 650 mètres carrés et 450 objets, l’accrochage propose un picorage ludique et savant, à la croisée de la science et de l’art, du passé et du présent. Le tout servi par une scénographie aux petits oignons, qui n’oublie pas l’humour, la poésie et l’inventivité.

 

Pédago sans être pédante, l’exposition ne craint pas, aussi, de se frotter aux sujets qui fâchent, de l’agriculture intensive (sans doute la première entrée au musée d’un bidon de Round Up !) aux OGM, des poussins broyés de l’élevage industriel aux « fausses » tomates marketées par la grande distribution…

 

La suite ICI 

 

Christophe Lavelle, biophysicien, chercheur au CNRS et au Muséum national d’histoire naturelle, cofondateur du Food 2.0 Lab, dans son labo au MNHN, à Paris, le 21 juillet 2020.

 

Christophe Lavelle, chercheur : « La cuisine, c’est la culture qui transforme la nature »

 

Commissaire de l’exposition “Je mange donc je suis”, présentée jusqu’à la fin août au musée de l’Homme, à Paris, Christophe Lavelle est un scientifique gourmand. Du casse-croûte de Cro-Magnon à l’assiette du futur, de la chimie de la mayonnaise à la pêche éthique, rien de ce qui touche à la nourriture ne lui est étranger. Pour lui, l’acte de manger fonde la civilisation.

 

Aussi à l’aise avec une fourchette qu’avec un tube à essai, Christophe Lavelle parle couramment la langue des cuisiniers, qu’il fréquente avec gourmandise, tout en menant des recherches pointues sur la fermentation ou l’épigénétique — l’incidence de notre environnement sur nos gènes. À 45 ans, et après s’être rêvé chef, ce physicien de formation mène ses recherches sous la houlette du CNRS, de l’Inserm et du Muséum national d’histoire naturelle. Jetant des ponts entre sciences dures et sciences humaines pour éclairer le sujet qui le passionne : l’alimentation. C’est avec cet appétit omnivore qu’il a conçu le menu de l’exposition « Je mange donc je suis », présentée jusqu’à la fin août au musée de l’Homme. Un voyage à travers l’assiette où se mêlent arts de la table et paléontologie, rites ancestraux et nourritures futuristes, pour mieux rappeler que « la cuisine, c’est la culture qui transforme la nature », comme le dit joliment cet épicurien. Et que se nourrir, acte aussi banal que vital, est plus que jamais au cœur d’enjeux essentiels — d’écologie, d’éthique et de santé —, comme la récente crise sanitaire est venue nous le rappeler.

 

L’alimentation semble devenue un inépuisable sujet de controverse. L’a-t-elle toujours été ?

 

Ce n’est que lorsque l’on a la certitude d’avoir une assiette pleine que l’on peut commencer à se demander dans quelles conditions nos tomates ont été cultivées, ou si on tolère bien le gluten du pain… Dans le monde occidental, ce confort absolu date des années 1950, moment à partir duquel ont commencé à émerger ces préoccupations, parce que les pratiques agricoles ont profondément changé en quelques décennies. Il faut se rappeler que l’histoire de l’humanité a été marquée par deux grandes révolutions alimentaires : la première est la transition du paléolithique au néolithique, le passage du chasseur-cueilleur, qui puise dans la nature ce dont il a besoin, à l’agriculteur-éleveur, qui produit lui-même sa nourriture. La seconde n’est intervenue qu’au milieu du XXe siècle, avec l’industrialisation des modes de production. Engendrant avantages — la capacité à nourrir le plus grand nombre — et inconvénients — des pratiques très énergivores, très polluantes, et qui posent de lourdes questions sanitaires sur le long terme.

 

L’article intégral ICI 

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26 août 2020 3 26 /08 /août /2020 06:00

Moderniser les rouges du Languedoc me dit-on, mais jusqu'où ira-t ...

En France, pendant le confinement, note Steve Charters, professeur en marketing du vin à la Burgundy School of Business : « Les cavistes sont restés ouverts (alors même que les marchés ouverts de produits alimentaires étaient fermés), vendant ce que le gouvernement français considère comme des produits de première nécessité. Puissamment ancré dans la psyché nationale française, le vin est de toute évidence «de première nécessité»

 

Les rayons vin de la GD sont restés approvisionné et accessibles pendant toute la période.

 

Le trou d’air dans la consommation de vin a donc eu pour cause essentielle la fermeture des CHR et a donc touché principalement les producteurs vendant essentiellement dans ces circuits.

 

Comme je m’interdis toute allusion au plan gouvernemental d’aide au secteur du vin je me contenterai de faire remarquer qu’un diagnostic précis et argumenté des causes des difficultés de certains est essentiel, l’arrosage indifférencié ne fait que masquer les insuffisances structurelles du secteur. Les porteurs institutionnels des revendications sont bien éloignés des réalités du marché.

 

Afterwork du taulier : Des rafales de chiffres pour les vins de ...

 

Le confinement a révélé les différences de cultures de consommation de vin dans le monde ICI 

 

Entre interdiction de boire, organisation de rituels et repli sur sa production nationale, tour d'horizon des pratiques lors de l'épidémie mondiale de Covid-19.

— 9 août 2020 —

La presse a beaucoup insisté sur l'idée que pendant la crise du Covid-19, le monde buvait plus qu'avant. Ainsi a-t-on lu dans le Sydney Morning Herald que les ventes en ligne en Australie d'un détaillant avaient augmenté de 50 à 75%.

 

Aux États-Unis, les chiffres du site de sondage Nielsen concernant les ventes de vin ont montré des augmentations spectaculaires au cours des deux semaines suivant le début du confinement dans des États clés, puis une chute, suivie de deux autres semaines d'augmentation (bien que moins intense) –soit une hausse des ventes de vin aux États-Unis de 29,4% depuis le «début» du Covid-19.

 

Au Royaume-Uni, le mois de mars aurait été le meilleur de tous les temps pour la grande distribution. L'un des principaux détaillants en ligne britanniques a vu le nombre de nouveaux clients augmenter de 300% en mars/avril par rapport à l'année précédente.

 

Mais que se cache-t-il derrière ces gros titres?

Est-ce simplement la peur de pousser les gens à boire du vin, ou le besoin d'un soutien en temps de crise?

Et ce changement de comportement en matière de consommation d'alcool se constate-t-il dans le monde entier?

 

Très peu de temps après le début du confinement en France, j'ai reçu le courriel d'un magasin de boissons haut de gamme à Dijon m'indiquant que le samedi suivant serait un «Happy Saturday», avec 20% de réduction sur toutes les ventes de vin.

 

Les cavistes sont restés ouverts (alors même que les marchés ouverts de produits alimentaires étaient fermés), vendant ce que le gouvernement français considère comme des produits de première nécessité. Puissamment ancré dans la psyché nationale française, le vin est de toute évidence «de première nécessité». En Afrique du Sud, où l'abus d'alcool peut être considéré comme un fléau en soi, l'occasion a été saisie pour faire de l'ingénierie sociale autour de la consommation des drogues légales. Ainsi le pays a interdit toute vente d'alcool pendant le confinement (ainsi que les cigarettes et le tabac).

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