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6 novembre 2020 5 06 /11 /novembre /2020 08:00

 

Je me souviens du 10 mai 1981, j’habitais rue Vergniaud dans le 13e et j’étais terrassé par une hernie discale qui me fit manquer la fête de la victoire socialiste, place de la Bastille.

 

Celle-ci, avait tourné court, noyée sous les trombes d'eau d'un orage ! C’est sans doute l’une des raisons qui découragea les chars russes de déferler sur Paris, place de la Concorde, l’autre étant la déculottée des communistes français, le début de la fin.

 

Malgré la colère du ciel marquant selon notre Jack Lang que « le peuple de France était enfin passé des ténèbres à la lumière » 200.000 personnes avaient déferlé, ce soir- là. Paul Quilès fut le grand ordonnateur de la fête animée par Claude Villers le célèbre animateur de Radio France qui s’illustrera avec son Tribunal des Flagrants Délires avec Pierre Desproges et Luis Rego. Ce fut un vrai happening,  Anna Prucnal entonnait  l'Internationale en polonais. Premiers arrivés sur les lieux, avec Michel Rocard, le rival malheureux de Mitterrand, et le lamentable Pierre Juquin, communiste « hétérodoxe ».

 

 

Paul Quilès, directeur de campagne en 1981

 

Que faisiez-vous le 10 mai 1981 à 20h00 ?

 

A 18h30, le directeur de la Sofres m'a téléphoné pour me donner la fourchette de sondage de sortie des urnes. Il m’a dit : "Tu peux annoncer à Mitterrand qu'il est élu". Je l’ai donc appelé. Il était à Château-Chinon. Il nous a dit : "Enfin les ennuis commencent". J'ai appelé le préfet de police, qui m’a donné son accord pour la fête place de la Bastille.

 

Une anecdote, un souvenir marquant ?

 

J'ai fait chanter l'Internationale à toute la foule, avec Gaston Deferre (maire PS de Marseille, ndlr). C’était un grand moment, les gens pleuraient. Ils disaient des phrases définitives comme "la vie commence", "enfin une nouvelle vie".

 

Rocard fit du Rocard, sincère et militant alors que ce pauvre Juquin ressemblait à un ouvrier de la vingt-cinquième heure accroché à une bouée de sauvetage. Vers 23 heures, Huguette Bouchardeau, dans un grésillement de larsen fut interrompue par une énorme cataracte...

 

La fête continua, improvisée et bon enfant sous la haute surveillance du service d'ordre de l'UNEF ID, tenu par les trotskistes de l'Organisation communiste internationaliste, sous la direction de Jean-Christophe Cambadélis. Son obsession ? Juguler les militants de la Ligue communiste révolutionnaire qui prétendaient marcher sur l'Elysée...

 

Paul Quilès, mitterrandien fut élu député du 13e Ouest de PARIS, le 13e Est revenant à une chevènementiste : Nicole Questiaux, j’ai donc voté pour lui puisque j’habitais rue Vergniaud.

 

Cinq mois après l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, le Parti socialiste tient congrès à Valence du 23 au 25 octobre 1981. Une banderole est déployée dans la salle des orateurs

 

« Avec les socialistes, réussir le changement ». C’est en effet la première fois que la gauche accède au pouvoir sous la Ve République.

 

 Ce congrès restera pour l’opinion publique comme celui des « coupeurs de têtes ».

 

 Le premier jour, le jeune député Paul Quilès  prononce un discours enflammé : « Personne ne nous saurait gré de laisser en place tous les hauts responsables de l’économie ou de l’administration, qui sont nos adversaires. Souvenons-nous qu’en politique, faire un cadeau de ce genre, c’est se condamner soi-même. Mais il ne faut pas non plus se contenter de dire de façon évasive, comme Robespierre à la Convention le 17 thermidor 1794 : Des têtes vont tomber… Il faut dire lesquelles et le dire rapidement !»

 

Paul Quilès, tout occupé à réclamer des têtes, a cité la date erronée du 17 Thermidor. Robespierre a en fait prononcé son discours le 8 Thermidor. Le député de Paris rappelle ainsi que l’incorruptible avait fait ce jour-là un discours menaçant contre les « traîtres » et les «fripons» de l’assemblée. Mais Robespierre n’avait dénoncé personne en particulier, laissant planer la menace sur l’ensemble des députés. Cette erreur avait été exploitée dès le lendemain par ses ennemis, qui l’avaient arrêté puis envoyé à l’échafaud le surlendemain.

 

L’exhortation de Quilès suscite l’indignation à droite, j'étais en séance de nuit à l'Assemblée Nationale Toubon, Séguin et Cie poussèrent les hauts cris et le gouvernement fut un peu mal à l'aise. Le ministre de l’intérieur Gaston Defferre précisa aussitôt : « Notre juge à tous, c’est le peuple. Nous sommes condamnés à être solidaires, camarades.»

 

Paul Quilès gagne pour longtemps le surnom de «Robespaul». Mais celui qui voulait couper des têtes se révélera plus tard un ministre assez modéré.

 

Membre du cabinet du mitterrandien pur sucre Louis Mermaz, je n’étais pas encarté au PS, me contentant d’être ce qu’au PCF on nommait un « compagnon de route » participant à la Commission Nationale Agricole du PS. Un beau jour je me suis dit « tu devrais aller pointer le bout de ton nez à la section du 13e Ouest, celle de Paul et Josèphe-Marie Quilès. Ce que je fis. J’adorais le fait de coller des timbres sur ma carte mais les réunions de section n’étaient pas ma tasse de thé. De plus, les rocardiens du 13e se considéraient comme les seuls détenteurs des mannes du défunt PSU, alors très vite, avec un de mes voisins, artisan à la Butte aux Cailles, nous nous spécialisâmes dans le collage des affiches. Telle fut ma petite  et courte contribution militante au sein du PS.

 

Je repris mes habits de compagnon de route qui me laissait plus d’aise pour ramener ma fraise.

 

Depuis qu’un jour j’ai un peu vanné ce cher Paul Quilès, qui avait un peu pris la mouche, je reçois ses publications.

 

Si vous souhaitez écouter cette superbe Traviata allez sur son blog ICI  

Mai 1981 Une victoire douce-amère…

 

Lundi 29 Août 2016

Mai 1981, François Mitterrand est élu président de la République. C’est l’aboutissement de la stratégie de programme commun. C’est aussi la traduction d’une forte attente de changement.

 

En une de l’Humanité, ce 21 mai 1981, deux présidents. Le battu s’apprête à quitter le cadre de l’image en même temps que le pouvoir : c’est Valéry Giscard d’Estaing. Le vainqueur, François Mitterrand, avance droit, face au lecteur. Le suffrage universel a tranché. « Que le changement commence. »

Paul Quilès : "Les leçons du 10 mai 1981 sont toujours d'actualité" ICI

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6 novembre 2020 5 06 /11 /novembre /2020 06:00

Chou-7074.JPGphoto_btlle2-b.gif

Non je n’ai pas oublié que mon espace de liberté est né dans le jus pressé du raisin mais, étant un farouche adversaire de la monoculture, je m’aventure, turelure, en empruntant des chemins de traverse, sur tous les terrains d’aventure.

 

Comme un brave confiné déconfiné puis reconfiné que puis-je faire dans mes m 2 perchés au 9e plein sud : boire et manger, lire, écrire, visionner des films, pour mettre mon nez dehors j’ai le droit de faire mes courses une petite heure avec la paperasse ad hoc, de chevaucher mon vélo dans un rayon d’1 km toujours avec l’attestation.

 

Pour autant je ne crie pas à l’attentat à ma liberté, simplement je persiste à affirmer que faire du vélo masqué, à toute heure du jour ou de la nuit, dans tout Paris ne favorise en rien la circulation du Covid 19.

 

Je paye l’irresponsabilité de certains de nos concitoyens, c’est un grand classique de notre pays de ramenards.

 

Nous atteignons des sommets lorsque nos fabricants d’interdits se croient obligés de faire le tri entre les brosses à dents et les capotes anglaises ou me mascara dans les rayons de la GD.

 

Le fera-t-on dans nos pharmacies où la parapharmacie occupe 60 % des rayons ?

 

Vive le non-essentiel !

 

Au risque choquer l’œil de Moscou, je peux vivre sans souci d’amour et d’eau fraîche avec parfois pour le plaisir un soupçon de vin qui pue et un bon plat de pasta !

 

Le vin nu, le mot est lâché !

 

J’en raffole et ça affole, pour autant je ne place pas mon mouchoir de Cholet sur le vin d’avant, celui chanté par Baudelaire et dépiauté par Roland Barthes.

 

Explications :

 

Une brève histoire de l'ivresse – Les Éditions du Sonneur

 

Dans son avertissement au lecteur français, avec l’humour qui est dit-on la marque de fabrique des habitants de la perfide Albion, Mark Forsyth écrit :

 

LES FRANÇAIS SONT DE CÉLÈBRES BUVEURS, mais pas de célèbres ivrognes. Comment ils y parviennent reste un mystère aux yeux des Britanniques, mais le résultat est là demandez à n’importe quel habitant de la planète de vous croquer un Français moyen, ou plus exactement un Français archétypal, le Français ultime, il vous dessinera un homme coiffé d’un béret avec un verre de vin à la main. C’est vrai de Tallinn à Tombouctou, parce que tout le monde sait que les Français sont des buveurs  (bien que le béret, hélas, soit un ornement vestimentaire en péril). Et pourtant, si vous demandez à votre interlocuteur si les Français se saoulent (ce qui après tout la conséquence biochimique de l’ingestion d’alcool), il froncera les sourcils, secouera la tête et répondra que les Français n’en arrivent jamais là.

 

Lo berret qu'ei bearnés ! Le béret est béarnais !

 

Bien sûr, il est absurde de penser que les Français ne se saoulent jamais. J’ai moi-même eu l’occasion d’observer une petite équipe de rugby du Gers qui venait de remporter un championnat régional. Les joueurs étaient ivres, à coup sûr – d’une manière explosive et spectaculaire, un vrai son et lumière de l’ivresse. Ils étaient, pour employer un merveilleux vocable français, beurrés (en français dans le texte). Et ils portaient des bérets, mais ce n’est pas le sujet.

 

[…]

 

La France est un pays où l’alcool est partout, et ses effets nulle part. C’est comme de la lumière sans chaleur, comme un voyage sans destination.

 

Mais l’alcool y est bel et bien partout. Et, de l’avis général, c’est le meilleur du monde. Tel un prêtre qui ne croirait pas en Dieu, 1 Français qui n’aimerait pas le vin ne serait plus un Français. Arrêtez-vous devant un café à onze heures du matin (quand aucun anglais ne boit) et vous apercevrez un vieux avec son pastis, qui sera toujours là lorsque vous repasserez quelques heures plus tard. Mais ce sera toujours le même pastis qu’il boira, celui qu’il sirote lentement depuis 1956. Toujours en train de boire, mais jamais bourré. Bien sûr, il arrive qu’un Français décide de se saouler.

 

ENIVREZ-VOUS

 

Il faut être toujours ivre. Tout est là : c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.

 

Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.

 

Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est ; et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront : « Il est l'heure de s'enivrer ! Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. »

 

Baudelaire, Le Spleen de Paris, XXXIII

 

Mais ce qu'il y a de particulier à la France, c'est que le pouvoir de conversion du vin n'est jamais donné ouvertement comme une fin : d'autres pays boivent pour se saouler, et cela est dit par tous ; en France, l'ivresse est conséquence, jamais finalité; la boisson est sentie comme l'étalement d'un plaisir, non comme la cause nécessaire d'un effet recherché : le vin n'est pas seulement philtre, il est aussi acte durable de boire […]

 

Le vin est socialisé parce qu'il fonde non seulement une morale, mais aussi un décor ; il orne les cérémoniaux les plus menus de la vie quotidienne française, du casse-croûte (le gros rouge, le camembert) au festin, de la conversation de bistrot au discours de banquet…

 

Roland Barthes Mythologies, « le vin et le lait » 11 janvier 2008 Le Vin et le lait ICI 

 

Il y a beaucoup de vérité là-dedans. Le vin est un ornement. Il y aune cérémonie. Il n’est jamais, ou rarement, un moyen d’accéder à une fin. Je n’aurais jamais cru que je dirais une chose pareille, ces mots m’écorchent l’âme, mais il me faut bien reconnaître que je suis d’accord avec Barthes et Baudelaire.

 

Je dois être ivre.

 

Morale de cette histoire so british :

 

Le Français black béret ballon de rouge à la main s’est enfoui dans les abysses du XXe en même temps que le béret et le gros rouge. Il a été assassiné par la RVF et tous les licheurs de nectars royaux, sus aux buveurs, vive les dégustateurs ! Quoi de plus chiant qu’un repas en compagnie de cette engeance, rien à voir avec la 3e mi-temps des ovales du Gers ? Ils ont tué la convivialité du vin qui, par ailleurs, bien mieux fabriqué, formaté par la tribu des œnologues, est trop souvent d’une tristesse infinie.

 

Par bonheur, vinrent les vins nu qui puent ! Ce fut le retour du plaisir, du partage, de la convivialité et ça faisait chier, désolé pour ma vulgarité, les bonzes de toutes obédiences : ces jeunes connes et cons, accompagné(e)s de vieux cons dans mon style, buvaient joyeusement !

 

Tout ce petit monde a l’art de rater systématiquement les bons trains, il s’agrippe à ses certitudes, tempête, raille, excommunie, avant, pour certains, de revenir « la queue entre les jambes » (le monde du vin est très masculin) licher ces breuvages plein de défauts, de déviances, faut bien vivre coco !

 

Ainsi va le petit monde du vin de notre vieux pays, il vit dans l’illusion de sa puissance mondiale, il se cache derrière des chiffres sans accepter leur implacable réalité, oser le dire c’est se voir taxer d’oiseau de mauvaise augure, mais pour leur faire plaisir, comme le note avec humour Mark Forsyth : je dois être ivre.

 

 

« Nous nous sommes mis à l'agriculture non parce qu'on voulait manger – de la nourriture, il y en avait en quantité partout. On a commencé à cultiver parce qu'on voulait se murger »

 

Mark Forsyth dans son livre Une brève histoire de l'ivresse.

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5 novembre 2020 4 05 /11 /novembre /2020 08:00

Le poète ou Hommage à Paul Eluard, statue de Ossip Zadkine jardin du Luxembourg

J’ai rencontré Jean-Claude Ameisen par Olivier son frère :

 

 

19 janvier 2012

Portrait d’Olivier Ameisen dans Libération « Arrêter l’alcool, ce n’est rien. Découvrir la vie, c’est extraordinaire»

 

En novembre 2004 j’ai publié une chronique sur le livre du Dr Olivier Ameisen « Le Dernier Verre » ICI

 

Portrait d'Olivier Ameisen dans Libération « Arrêter l'alcool, ce n'est  rien. Découvrir la vie, c'est extraordinaire» - Le blog de JACQUES  BERTHOMEAU

 

Je commençais ma chronique en écrivant  « Olivier Ameisen, l’auteur du livre « Le dernier verre » chez Denoël, est un médecin sensible et talentueux. Deuxième enfant d’une famille parisienne aisée, d’origine juive polonaise, son parcours scolaire est fascinant. En 2009 je commettais une autre chronique « Les alcoologues sont un peu comme ces maris ou femmes trompés depuis des années… » à propos du livre du Dr Ameisen ICI 

 

Le titre de ma chronique était extrait d’une libre expression du Dr Michel Marty, psychiatre, psychanalyste, président de l’ANPAA 64. J’ai donc suivi le parcours du combattant d’Olivier Ameisen avec beaucoup d’attention. Nous ne nous sommes jamais rencontrés mais j’ai eu l’occasion de discuter avec son frère Jean Claude Ameisen médecin, immunologiste, chercheur en biologie à l’INSERM dont il préside le comité d’éthique depuis 2003 et surtout pour moi, l’auteur d’un livre fondamental, à lire absolument, La Sculpture du vivant. Le suicide cellulaire ou la mort créatrice aux éditions du Seuil, 1999.

 

 

Pandémie, nos héritages : l’immunité en questions ICI  

 

Christine Bergé

 

Nous avons ouvert la boîte de Pandore, c’est le moment de nous interroger sur nos effractions envers le monde vivant. La pandémie actuelle nous donne rendez-vous avec notre destinée individuelle et avec celle de l’humanité. Dans ce paysage inquiet, je veux partager avec vous les vues fascinantes du biologiste Jean-Claude Ameisen sur le corps humain, son origine et celle de son système immunitaire. En lisant La sculpture du vivant. Le suicide cellulaire et la mort créatrice (Paris, Seuil, 1999, réed. 2003) nous comprenons ce qui nous lie intimement au monde des virus et des bactéries : une commune signature, une marque de fabrique inscrivant la mort cellulaire au coeur de la vie. Une autre histoire se profile ici : celle du laboratoire P4 de Wuhan, au coeur d’effractions d’un genre nouveau.

 

La Sculpture du vivant : Le suicide cellulaire ou la mort créatrice:  Ameisen, Jean-Claude: 9782020573740: Amazon.com: Books

 

« En fin de volume, en introduction à la bibliographie, l’auteur indique qu’il a tenté de « présenter et de discuter dans un langage délibérément simple et dépourvu de termes techniques, des concepts, des résultats et des approches expérimentales d’une grande complexité, des relations qui peuvent exister entre des domaines très spécialisés et à première vue très différents, de la biologie et de la médecine ».

 

Placée en préambule à la lecture de l’ouvrage, une adresse aussi modeste aurait exposé le lecteur à un saisissement que rien ne lui aurait laissé prévoir. Dès les premières pages en effet, on se trouve plongé dans un ouvrage qui tient autant d’un thriller moléculaire que de la meilleure littérature fantastique, d’une veine philosophique et poétique incomparable, celle qui nous fait rêver et réfléchir.

 

Ainsi, le discours savant s’efface-t-il au profit d’un sentiment de familiarité face aux expériences, aux découvertes et aux résultats les plus pointus de la biologie de ces dix dernières années.

 

Allant d’étonnement en étonnement, on remarquera que les phrases mises en exergue aux chapitres et sous-chapitres appartiennent plus souvent aux poètes, aux philosophes, aux écrivains qu’aux scientifiques, annonçant et condensant très précisément ce que l’auteur mettra un chapitre entier à nous faire entendre par les chemins de la rationalité.

Hélène Goutal-Valière

 

Dans Revue française de psychosomatique 2003/1 (no 23), pages 181 à 190

La suite ICI 

 

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5 novembre 2020 4 05 /11 /novembre /2020 06:00

 

Le manuscrit de la lettre de Jean Jaurès lue en hommage à Samuel Paty © Maxppp - Humberto De Oliveira

J’aurais dû titrer : je suis lecteur de Didier Daeninckx mais j’ai préféré parodier le je suis Charlie pour marquer que je me retrouve dans les propos d’un auteur qui m’a toujours convaincu de son enracinement dans son terroir populaire. C’était un de ces militants communistes sincères, de ceux qui vivaient au plus près du petit peuple, de ceux qui maillaient ces fameux territoires dont a dit et écrits  qu’ils étaient les territoires perdus de la République.

 

Je n’ai jamais adhéré au PCF pour cause de Budapest et, dans ma vieille Vendée, du sectarisme des permanents de ce parti toujours en ligne avec la Direction, mon choix du PSU tenait d’un double rejet : celui d’un PCF aligné sur Moscou et d’une SFIO démonétisée par les errements et les trahisons de Guy Mollet.

 

Nous qui nous disions progressistes avons dialogué avec les intellectuels du PCF, beaucoup de prêtres-ouvriers étaient communistes (Nous catholiques communistes par Jean Galisson menuisier, prêtre (Le Havre) ICI , la JOC, les paysans-travailleurs, l’Ouest catholique sera ensemencé et basculera en grande partie dans le vote pour le PS d’Epinay sous la houlette des rocardiens issus du PSU.

 

Nous n’avions pas forcément raison mais nous ne transigions pas avec la réalité du monde d’au-delà du rideau de fer, l’étouffement du printemps de Prague, la dérive populiste de Marchais, la lente .érosion du bastion de la ceinture rouge, tout ce que Didier Daeninckx dénonce dans sa tribune

 

 

 

« Qui aurait pu imaginer que la gauche se déchirerait à propos d’un délit imaginaire forgé par des assassins ? »

TRIBUNE

Didier Daeninckx

Ecrivain

 

Le romancier raconte dans une tribune au « Monde » comment, en Seine-Saint-Denis comme ailleurs, une partie de la gauche a peu à peu cédé sur les principes républicains et notamment sur la laïcité dans sa lutte contre l’islamophobie.

 

Publié le 28 octobre 2020

 

Au début des années 1960, sans trop comprendre ce que signifiait le mot, je vendais chaque année au porte-à-porte les timbres de l’école « laïque » édités par la Ligue de l’enseignement ; je participais dans les rues de Seine-Saint-Denis aux défilés des fêtes de l’école qui se proclamait fièrement gratuite, obligatoire et laïque.

 

Il m’a fallu attendre l’année du bicentenaire de la Révolution, 1989, il y a plus de trente ans, pour prendre conscience qu’il s’agissait là d’un bien essentiel, quand l’Iran des mollahs a condamné à mort un écrivain laïque, Salman Rushdie, coupable d’« islamophobie » [son roman Les Versets sataniques avait provoqué l’ire de l’ayatollah Khomeyni]. Puis il y eut Taslima Nasreen que les mêmes dictateurs de conscience destinèrent à la décapitation [pour son roman La Honte, en 1994].

 

Qui aurait pu imaginer que la gauche, dans son ensemble, se déchirerait à propos d’un délit imaginaire forgé par les assassins, alors même que Rushdie nous mettait en garde, dès le prononcé de la fatwa le visant, en nous expliquant que ce concept d’islamophobie était jeté en pâture aux ignorants, afin qu’ils le restent ?

 

La trajectoire de Merah comme déclencheur

 

La terreur islamiste a sidéré le monde, elle a mis les mots en actes, répandant le sang « impur » des traducteurs, des éditeurs, des cinéastes, des dessinateurs, des amateurs de rock, des enfants de maternelle, des professeurs, des prêtres, de ceux qui les protégeaient… Cet effroi planétaire a produit ses effets au plus près et j’ai pu, au fil des ans, en mesurer l’impact dans mon entourage immédiat. Les premières alertes datent du début des années 2000, quand le responsable national de l’association antiraciste dans laquelle je militais s’était rapproché de Tariq Ramadan, de Dieudonné, et qu’il évoquait la nécessité d’une loi contre le blasphème. C’était tellement loin de mes préoccupations que je n’en ai, à l’époque, pas saisi la portée.

 

La trajectoire sanglante de Mohammed Merah, en 2012, a servi de déclencheur. Dans ma ville natale, Saint-Denis, un élu communiste et « délégué à l’égalité », répond alors sur les réseaux sociaux à ceux qui lui demandent ce qu’il pense des enfants juifs tués d’une balle en pleine tête dans une cour d’école : « Suis en mode hommage, j’arrête tout ou on va me dire que je ne suis pas touché, pas ému, du coup je vais m’entraîner à pleurer. » Au cours des années suivantes, il fera de cette ironie meurtrière sa marque de fabrique, produisant des centaines de Tweet infâmes, sans que jamais les organisations auxquelles il appartenait ne lui fassent la moindre remarque. Il sera l’un des principaux organisateurs, en 2019, de la déshonorante marche contre l’islamophobie, avant de figurer en bonne place sur la liste des « insoumis » aux dernières élections municipales.

 

En 2014, à Aubervilliers, ma ville de résidence, la coalition Front de gauche s’est vue adoubée dans les locaux mêmes de la mosquée où un imam dispense des prêches antirépublicains, homophobes et organise la défiance envers l’école laïque. Cette coalition acceptera dans ses rangs trois maires adjoints issus de l’association locale des musulmans.

 

Directeurs de conscience

 

L’un de ces adjoints s’illustrera en engageant publiquement le dialogue avec la mouvance d’Alain Soral, qui se définit lui-même comme national-socialiste, et en déclarant à plusieurs reprises qu’en matière d’immigration les gouvernements de la République se comportent plus durement que l’ancien maire Pierre Laval à l’encontre des juifs ! Ce qui, là encore, ne l’empêchera pas de figurer sur l’une des listes de gauche en mars dernier. Pour faire bonne mesure, on embauchera également, entre autres, un trafiquant de cocaïne à la tête d’une des directions municipales, pour service rendu. Il sera arrêté pour menace de mort [en 2016], un mois après son intronisation, alors qu’il arborait les insignes de Daech.

 

Dans le même mouvement, des directeurs de conscience autoproclamés peuvent, sans trembler, affirmer que Charlie a déclaré la guerre à l’islam, une obscénité qui n’a heureusement pas été réitérée lorsque Samuel Paty a subi le même sort que celui des membres de la rédaction du journal dont il expliquait les dessins. On se contente de parler, dans cet espace de radicalité, de « barbarie policière » pour qualifier l’exécution, en état de légitime défense, du tueur. Ces mêmes directeurs de conscience qui s’affichent aux côtés des racistes, des homophobes, des antisémites du Parti des indigènes de la République, et qui considèrent que l’on en fait trop avec la jeune lycéenne Mila, qui vit depuis des mois sous la menace des assassins pour avoir usé de sa simple liberté.

 

Basculement d’électeurs

 

Comment dire son dégoût lorsqu’une sénatrice sensible à l’environnement pollue le sien en posant au milieu de jeunes enfants manipulés qui portent une étoile jaune où est inscrit le mot « musulman » [lors de la marche contre l’islamophobie], suggérant une fois encore que la persécution fantasmée de l’Etat à l’encontre d’une religion équivaudrait à la « solution finale » ?

 

Toutes ces trahisons, tous ces abandons ont désarmé la gauche dans un combat essentiel. Ils permettent à la droite la plus obscure, à l’extrême droite, de se faire les championnes de la préservation des principes républicains ! Ils creusent la défiance, ils favorisent le basculement de centaines de milliers d’électeurs vers les porteurs de solutions autoritaires.

 

 

Tous ces gens qui ont failli, leaders de partis gazeux, adjoint à la mairie de Paris, députées des quartiers populaires, syndicalistes éminents, chroniqueuses en vogue, devraient avoir la décence de se retirer. Aucun d’eux ne parle en notre nom.

 

Une couverture emblématique de Charlie [datant de 2005] représente le prophète Mahomet qui se lamente prenant sa tête entre ses mains : « C’est dur d’être aimé par des cons. » Si j’avais deux doigts de talent, je placerais Jean Jaurès dans la même position, s’adressant à ceux qui, aujourd’hui, à gauche, usurpent et sa pensée et son nom, lui qui affirmait que laïcité et démocratie sont synonymes.

 

Didier Daeninckx est écrivain. Dernier ouvrage paru : Municipales. Banlieue naufragée (« Tracts », Gallimard, 48 pages, 3,90 euros).

 

Didier Daeninckx(Ecrivain)

Aux Instituteurs et Institutrices 

 

Vous tenez en vos mains l’intelligence et l’âme des enfants ; vous êtes responsables de la patrie. Les enfants qui vous sont confiés n’auront pas seulement à écrire et à déchiffrer une lettre, à lire une enseigne au coin d’une rue, à faire une addition et une multiplication. Ils sont Français et ils doivent connaître la France, sa géographie et son histoire : son corps et son âme. Ils seront citoyens et ils doivent savoir ce qu’est une démocratie libre, quels droits leur confère, quels devoirs leur impose la souveraineté de la nation. Enfin ils seront hommes, et il faut qu’ils aient une idée de l’homme, il faut qu’ils sachent quelle est la racine de toutes nos misères : l’égoïsme aux formes multiples ; quel est le principe de notre grandeur : la fierté unie à la tendresse.

 

Il faut qu’ils puissent se représenter à grands traits l’espèce humaine domptant peu à peu les brutalités de la nature et les brutalités de l’instinct, et qu’ils démêlent les éléments principaux de cette œuvre extraordinaire qui s’appelle la civilisation. Il faut leur montrer la grandeur de la pensée ; il faut leur enseigner le respect et le culte de l’âme en éveillant en eux le sentiment de l’infini qui est notre joie, et aussi notre force, car c’est par lui que nous triompherons du mal, de l’obscurité et de la mort. 

 

Eh quoi ! Tout cela à des enfants ! — Oui, tout cela, si vous ne voulez pas fabriquer simplement des machines à épeler. Je sais quelles sont les difficultés de la tâche. Vous gardez vos écoliers peu d’années et ils ne sont point toujours assidus, surtout à la campagne. Ils oublient l’été le peu qu’ils ont appris l’hiver. Ils font souvent, au sortir de l’école, des rechutes profondes d’ignorance et de paresse d’esprit, et je plaindrais ceux d’entre vous qui ont pour l’éducation des enfants du peuple une grande ambition, si cette grande ambition ne supposait un grand courage. […] 

 

Sachant bien lire, l’écolier, qui est très curieux, aurait bien vite, avec sept ou huit livres choisis, une idée, très générale, il est vrai, mais très haute de l’histoire de l’espèce humaine, de la structure du monde, de l’histoire propre de la terre dans le monde, du rôle propre de la France dans l’humanité. Le maître doit intervenir pour aider ce premier travail de l’esprit ; il n’est pas nécessaire qu’il dise beaucoup, qu’il fasse de longues leçons ; il suffit que  tous les détails qu’il leur donnera concourent nettement à un tableau d’ensemble. De ce que l’on sait de l’homme primitif à l’homme d’aujourd’hui, quelle prodigieuse transformation ! et comme il est aisé à l’instituteur, en quelques traits, de faire sentir à l’enfant l’effort inouï de la pensée humaine ! […]

 

Je dis donc aux maîtres, pour me résumer : lorsque d’une part vous aurez appris aux enfants à lire à fond, et lorsque d’autre part, en quelques causeries familières et graves, vous leur aurez parlé des grandes choses qui intéressent la pensée et la conscience humaine, vous aurez fait sans peine en quelques années œuvre complète d’éducateurs. Dans chaque intelligence il y aura un sommet, et, ce jour-là, bien des choses changeront. 

 

Jean Jaurès, La Dépêche, journal de la démocratie du midi, 15 janvier 1888.

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4 novembre 2020 3 04 /11 /novembre /2020 08:00

Le péché originel et la liberté de l'enfant – Excelsis

Afin d’éviter de passer mon temps à manger et à boire, le confiné que je suis se goinfre de livres, jamais rassasié je frise l’orgie, mais, par bonheur lire n’est pas un péché sauf bien sûr des livres réprouvés par notre mère l’Église catholique romaine. Quand j’étais enfant de chœur sur les tambours de l’église Saint Jacques l’Office catholique international du cinématographe cotait les films de 1 « Convient à tous, même aux enfants non accompagnés ») à 6 (« Film essentiellement pernicieux au point de vue social, moral ou religieux »), avec des notes comme « 3 : films visibles par tous, 3B : films visibles par tous, malgré certains éléments moins indiqués pour les enfants, 4 : films pour adultes, 4 A : films pour adultes avec réserves, 4B : films à déconseiller, 5 : par discipline chrétienne, il est demandé de s’abstenir d’aller voir les films cotés 5 ».

 

Pour les livres j’ai découvert L’Index : les livres censurés de l’Église lorsque le frère supérieur me confisqua certains de mes livres, dont ceux de JJ Rousseau ICI 

 

Ce rappel étant fait, au catéchisme il me fut enseigné la gradation des péchés de véniels à mortels et, bien sûr, l’existence du purgatoire et de l’enfer, et sans doute aussi le fameux péché originel.

 

Lui, je l’avais complètement oublié, normal puisque je l’avais attrapé, si puis m’exprimer ainsi, dès ma sortie du ventre de ma mère.

 

Amazon.fr - Chaudun, la montagne blessée - Bronner, Luc - Livres

 

C’est Luc Bronner dans Chaudun, la montagne blessée, qui rafraîchi ma mémoire aux pages 85-86 : il s’agit du baptême de Félicie Marin par Pierre Roussel, le curé de Chaudun qui a tenu longtemps dans l’histoire de la paroisse : 13 longues années.

 

C’est lui qui a baptisé Félicie, en décembre 1860, moins de vingt-quatre heures après sa naissance. Une cérémonie simple, c’est tout le génie du catholicisme d’avoir inventé un rituel aussi puissant et symbolique, qui peut se jouer avec rien, ou presque, mais d’avoir aussi instauré l’urgence : tout enfant non baptisé était considéré en état de péché originel et donc susceptible, s’il devait mourir, de demeurer éternellement dans les limbes, sans vie propre, ni possibilité de rédemption. Il ne fallait pas attendre pour le baptême, le risque de mortalité était trop élevé. Les esprits piquants disaient qu’au pire le religieux touchait aussi deux fois son casuel, versé par la famille : une fois pour le baptême, une fois pour l’enterrement. Dans tous les cas, les cloches étaient sonnées – plus longuement pour les garçons que pour les filles, et c’est ainsi que l’inégalité entre les sexes s’exprimait symboliquement dès les premières heures de vie.

 

Le terme de péché originel a été créé par saint Augustin, probablement en 397, pour désigner l'état de péché dans lequel se trouve tout homme du fait de son origine à partir d'une race pécheresse ; et, ultérieurement, il a été étendu au péché d'Adam, premier père de l'humanité.

 

Saint Augustin, par Vittore Carpaccio, 1502.

Saint Augustin, par Vittore Carpaccio, 1502. Wikipedia

 

Comment saint Augustin inventa le péché originel ICI 

 

En quoi l’érection spontanée d’un adolescent a-t-elle pu changer notre vision de la sexualité ? Au IVe siècle, saint Augustin invente le péché originel et fait pleuvoir sur l’humanité une honte héritée d’Adam et Eve.

 

Pour le Schopenhauer du Monde comme volonté et représentation, par exemple, c’est une évidence : « En définitive, la doctrine du péché originel (affirmation de la volonté) et de la rédemption (négation de la volonté) est la vérité capitale qui forme, pour ainsi dire, le noyau du christianisme ; tout le reste n’est le plus souvent que figure, enveloppe ou hors-d’œuvre »

 

Plus près de nous, le pessimiste Cioran, comme Schopenhauer, désigne le péché originel comme l’élément essentiel du christianisme.

 

L’éminent ecclésiastique se gaussait du péché originel. « Ce péché est votre gagne-pain. Sans lui, vous mourriez de faim, car votre ministère n’aurait plus aucun sens. Si l’homme n’est pas déchu dès l’origine, pourquoi le Christ est-il venu ? Pour racheter qui et quoi ? » À mes objections, il n’eut, pour toute réponse, qu’un sourire condescendant. Une religion est finie quand seuls ses adversaires s’efforcent d’en préserver l’intégrité 

 

 

Pourquoi les enfants sont-ils touchés par le péché originel ? ICI 

A l'approche de l'accouchement, je me pose la question du péché originel. Pourquoi mon enfant serait-il "entaché" ?", écrit une lectrice. La réponse de la rédaction de Croire.com.

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4 novembre 2020 3 04 /11 /novembre /2020 06:00

Le procès de Bobigny : La cause des femmes (fr) - La GBD

Le procès de Bobigny : La cause des femmes. La plaidoirie de Me Gisèle  Halimi - Mission égalité - diversité - Université Claude Bernard Lyon 1

Lors de la disparition de Gisèle Halimi, en juillet dernier, de nombreux commentaires avaient souligné le tournant décisif qu'avait constitué le procès de Bobigny, en octobre-novembre 1972, dans le long combat qu'elle avait mené pour le droit à la contraception et à l'avortement. Avocate de la défense, elle avait alors appelé à témoigner de nombreuses personnalités comme Jean Rostand, Jacques Monod, François Jacob mais aussi Michel Rocard en tant que secrétaire national du PSU - parti qui était en effet à la pointe dans le combat pour les droits des femmes. A cette occasion, Michel Rocard avait apporté son soutien à la proposition de loi de l'association "Choisir" et s'était engagé à la présenter à l'Assemblée nationale.

 

Gisèle Halimi, une avocate irrespectueuse - Ép. 3/5 - Gisèle Halimi, la  cause des femmes

Gisèle Halimi et Delphine Seyrig, 11 octobre 1972 à Bobigny. © Michel Clément / AFP

 

Déposition Rocard au procès de Bobigny(1972)

 

Le procès dit de Bobigny s’est déroulé dans cette même ville en octobre-novembre  1972.  Marie-Claire  Chevalier,  sa  mère,  Michèle  Chevalier  et  trois  autres  femmes sont alors jugées pour l’avortement de Marie-Claire,  enceinte  suite  à un  viol. L’avocate des accusées, Gisèle Halimi, va faire de ce procès celui de la pénalisation de l’avortement en France. C’est ainsi qu’elle appelle à la barre des personnalités politiques et du spectacle pour donner  un  écho  médiatique  et  donner  à  ce  procès  un  contour  volontairement  politique.

 

Michel Rocard, Secrétaire National du PSU et député des Yvelines depuis 1969 fait ainsi partie des témoins.

 

Michel  Rocard : Député  des  Yvelines,  signataire  de la  proposition  de  loi  sur  la liberté  de l’avortement rédigée par l’Association « Choisir »

 

Déposition de Monsieur Michel Rocard au procès de la mère de Marie-Claire le 8 novembre 1972, dans Choisir la cause des femmes, Le procès de Bobigny, Paris, Gallimard, 1973, 2006, p. 64.

 

 

Le Président: Le Tribunal vous écoute.

 

Me Halimi: J’ai un certain nombre de questions à poser au témoin.

 

Le Président: J’aimerais que le témoin s’explique spontanément sur les faits.

 

Me Halimi: Monsieur le Président, il est cité à la requête de la défense.

 

Le Président: J’aimerais d’abord qu’il me dise s’il peut témoigner, car témoigner c’est dire ce que l’on sait sur les faits ou sur la personnalité des prévenus. Après je vous laisserai la parole et vous poserez les questions que vous voudrez. Sur ce point-là avez-vous des précisions et des indications à donner au Tribunal? Que pouvez-vous dire sur les faits eux-mêmes?

 

M. Rocard: Monsieur le Président, je ne connaissais pas Mme Chevalier. Quand j’ai appris par la presse ce qui se passait, j’ai tenu à faire sa connaissance. J’étais indigné que le système légal, qui est encore le nôtre place Mme Chevalier, sa fille et les personnes qui lui ont rendu ce que je considère comme un service, au banc des accusées devant notre justice. C’est pour cette raison que j’ai cherché à connaître Mme Chevalier et à m’informer de plus près sur les faits, auxquels je ne suis pas directement mêlé. La chose est d’autant plus importante pour moi  que  je  prépare  une  proposition  de  loi  à  l’Assemblée Nationale, destinée à modifier la législation sur l’avortement. Je dirai d’abord quelques mots personnels. Je suis parlementaire, et c’est à ce titre que j’ai commencé à réfléchir à ce problème. Je n’y suis pas parvenu sans hésitations ni difficultés. J’ai reçu une éducation chrétienne lourde de blocages et d’interdits variés sur cette question. Il m’est arrivé de me demander moi-même comment j’aurais agi si je m’étais trouvé d’aventure dans une situation analogue...

 

Le Président: Je me permets de vous rappeler un arrêt récent de la Cour de Cassation qui dit que nous ne pouvons prendre en compte les appréciations personnelles du témoin. Ce n’est pas une loi que nous jugeons, nous jugeons des faits et des personnes qui, malheureusement, sont là. Alors il ne faut quand même pas les oublier

 

M. Rocard: Je n’ai garde de les oublier.

 

Le Président: Je voudrais quand même que l’on ne s’écarte pas trop de ce qui est l’essentiel des débats.

 

M. Rocard: L’essentiel de ces débats, Monsieur le Président, c’est une situation à mes yeux inique, dans laquelle une jeune femme se voit interdire le choix fondamental qui est celui de donner ou de ne pas donner la vie. C’est sur ce point qu’en tant que membre du Parlement français j’entends intervenir. Dans un certain nombre de pays étrangers de l’Est ou de l’Ouest, la législation aurait évité la situation que nous connaissons ici aujourd’hui. De plus, il faut dire que pour un cas qui vient devant ces Tribunaux (il y en a à peu près 300 par an) le nombre d’avortements clandestins est estimé entre 500 000 et 1 million par an. La plupart sont dramatiques par leurs suites médicales, par les risques d’infections,  de tétanos  et  par  les risques de stérilité qu’ils comportement pour  les  femmes  ayant  avorté  dans  de  mauvaises conditions. Comme je suis aussi un militant socialiste révolutionnaire, je ne peux pas ne pas m’intéresser aux  conditions  économiques  dans  lesquelles  les  choses  se  passent.  Pour  les  personnes  qui disposent de revenus suffisants il est possible de se faire avorter dans les pays étrangers. Pour les  personnes  qui  ne  disposent  pas  de  tels  moyens,  on  en  est  réduit,  en  France,  à  des dispositions clandestines qui sont, en l’état actuel, réprimées. C’est devant cette situation inadmissible que je n’hésite pas à déclarer qu’à mes yeux Marie-Claire Chevalier était dans son droit de choisir de donner la vie ou de ne pas la donner parce que  les  conditions  dans  lesquelles  elle  attendait  cet  enfant  posaient  pour  son  avenir  des problèmes  extrêmement  difficiles.  C’est  sur  ce  point  qu’il  me  semble  que  le  cas  est parfaitement exemplaire de l’ensemble du problème législatif que j’entends aborder. J’ajoute que mon expérience de militant socialiste m’a fait rencontrer d’autres  cas de  cette nature et c’est au nom même de ce nombre énorme d’exemples que je suis décidé à suivre cette bataille qui est politique et parlementaire, et que nous gagnerons grâce à une campagne populaire. Le Président: Autre question?

 

Me Halimi : M. Rocard vient de nous le dire, et c’est en cette qualité que je l’ai cité moi-même, qu’il  est  signataire  d’une  proposition  de  loi  déposée  devant  l’Assemblée  Nationale, proposition de loi concernant la liberté de l’avortement. Je voudrais demander à M. Michel Rocard  de  me  préciser  le  point  suivant :  en  toute  hypothèse  et  même  en  dehors  de  ce  cas exemplaire, qui selon vous peut décider en dernier ressort du droit de donner la vie?

 

M.  Rocard: La  réponse est  parfaitement  claire pour  moi ; en tant qu’homme  qui  fait partie d’un couple je souhaite que l’accord du couple se fasse, mais en tant que législateur, il n’y a d’autre réponse possible à mes yeux que le choix de la femme enceinte.

 

Me Halimi : C’est tout, monsieur le Président.

 

Le Président : Je vous remercie.

 

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3 novembre 2020 2 03 /11 /novembre /2020 08:00

C’est du foot, pas sur Canal+, mais au ciné.

 

Je l’ai visionné avant le confinement sur une chaîne du câble : Ciné+ émotion je crois.

 

Ça m’a bien intéressé, même si la romance du héros avec la fille de son découvreur anglais est parfois un peu mièvre, car l’histoire de ce gardien de but allemand en butte au ressentiment du petit anglais, illustre avec vérité la difficulté de la réconciliation avec nos voisins allemands du fait des atrocités commises par les nazis.

 

Souvenir du courroux de nos parents lorsque nous avions invités de jeunes allemands à La Mothe-Achard, nous n’avons pas cédé et leur séjour fut un tout petit pas vers la réconciliation.

 

J’ai découvert ensuite que The Keeper de Marcus H. Rosenmüller, avait raflé, au Dinard Film Festival, dédié aux productions britanniques, le « Hitchcock d’or » du jury, présidé par Sandrine Bonnaire, et le Prix du public.

 

ABC Film Challenge – Favourites – K – The Keeper (2018) Movie Review |  Movie Reviews 101

 

J’adore le commentaire d’Hussam Hindi, le directeur artistique du festival :

 

«Je ne m’attendais pas à ce que le jury présidé par Sandrine Bonnaire prime un film d’une facture aussi classique et un biopic»

 

«En général, ils choisissent de récompenser la structure narrative ou l’écriture cinématographique. Là, les jurés ont opté pour leur coup de cœur»

 

 

Coup de cœur, prix du public c’est beaucoup et même Télérama applaudit :

 

The Keeper de Marcus H. Rosenmüller est l’histoire vraie, et méconnue de moi, est celle de Bert Trautmann, soldat dans la Wehrmacht pendant la Seconde Guerre mondiale. Fait prisonnier par les Anglais, il croupit dans un camp où il subit des mauvais traitements comme d’autres compatriotes mais où il a aussi la chance d’être remarqué pour ses exploits, comme gardien de but, par le coach d’un club local.

 

https://www.critique-film.fr/wp-content/uploads/2019/09/Keeper2-620x392.jpgA brief history of St Helens Town

 

Plus tard, Trautmann est engagé par le club prestigieux de Manchester City. Un recrutement mal accueilli au début, car le conflit contre les Allemands est encore dans tous les esprits, particulièrement à Manchester, qui compte une communauté juive importante. Mais Trautmann force peu à peu le respect puis l’admiration, notamment lors de la finale de la Coupe d’Angleterre en 1956, où, blessé gravement, il livre une performance héroïque. (voir la chronique plus bas)

 

The Keeper: Best of the San Francisco Jewish Film Festival, Season 39 |  Osher Marin Jewish Community Center

Alignant des chromos rétros, le film est archi classique (voire académique) mais le parcours tumultueux de Bert Trautmann, rongé par la culpabilité, se révèle assez poignant.

 

Bert Trautmann, du nazisme à Wembley 

 

Le petit Bernhard – trop difficile à prononcer, les Anglais le surnommeront Bert – naît en 1923 dans la toute jeune république de Weimar. Fils d’un docker brêmois, vétéran de la Grande Guerre, son histoire suit celle d’un pays sur les rotules après la défaite de 1918. La déflation ne s’arrête pas, la crise de 29 touche durement sa famille …

 

Dès l’été 1933, quelques mois après l’accession au pouvoir du petit autrichien à moustache, il rejoint en bon aryen, les jeunesses hitlériennes. Pas forcément grand partisan du Führer « Les gens n’avaient aucune idée qu’il se préparait pour la guerre et à occuper l’Europe. Ils voulaient juste de la nourriture et des prospectives d’avenir pour leurs familles », Trautmann, comme beaucoup, tombe devant l’effort de propagande.

 

A l’âge de 16 ans logiquement, quand le conflit explose, Bert se porte volontaire, comme la plupart de ses amis. Alors qu’il est apprenti mécanicien – et sportif de bon niveau – il rejoint en 1941 la prestigieuse Luftwaffe, en espérant devenir pilote. Cantonné aux transmissions, il intègre finalement au bout de quelques semaines les troupes aéroportées.

 

Le para Trautmann voyage sur les différents fronts. La Pologne occupée tout d’abord, où, loin des champs de bataille, il s’emmerde considérablement. Il connaîtra son baptême du feu en Ukraine, où ses exploits sur le terrain et son évasion des geôles soviétiques font de lui un caporal. Direction ensuite la Somme, où il est fait prisonnier par les résistants français, qu’il parvient à berner pour revenir en Allemagne, fuyant la débâcle de ses compatriotes devant la poussée alliée.

 

Coincé entre les deux camps, déserteur pour l’un, ennemi pour l’autre, sa situation ne peut être plus complexe. Les américains finissent par le rattraper vers Berlin, mais une nouvelle fois, Trautmann parvient à se faire la malle … Une fuite malheureuse qui se finira par hasard dans une tranchée anglaise camouflée. Nez à nez avec les rosbeefs, c’en est fini de sa carrière militaire.

 

Et cette fois ci, nos étranges voisins vont mettre un verrou inviolable à sa prison. Endoctriné, ils lui font traverser la Manche pour l’envoyer dans des camps-prisons spécialisés. Il est pendant plusieurs mois brinquebalés dans tout le royaume pour finir sa course à Ashton, à côté de Manchester. En 1948, la tâche accomplie, Bert fait partie des 24 000 allemands qui ne rentreront pas chez eux, dans leur nouvelle démocratie. Comme beaucoup, il a commencé une nouvelle vie sur place, il s’est marié, et enchaîne même les boulots.

La suite ICI

Bert Trautmann's jaw-dropping story from Hitler Youth to heroic goalkeeper  who won the FA Cup with a broken neckBert Trautmann – City Til I Die

En 1950, c’est avec appréhension qu’il prépare son premier match à Londres, contre Fulham, dans une ville encore hantée par le Blitz de 1940 « Je comprends que le peuple de Londres ne devait pas tenir un Allemand en très grande estime après ce qu’il s’était passé, mais c’était quelque chose auquel je devais faire face ».

 

Et quoi de mieux que de répondre à ses détracteurs par une performance inouïe à Craven Cottage ?

 

Bert sort le match de sa vie, et City l’emporte « Je voulais montrer aux gens que j’étais un bon gardien et un bon Allemand, et les choses sont allés dans mon sens ce jour-là. Mais que les deux équipes m’applaudissent à la fin du match, et que les fans de Fulham me fassent une standing ovation, c’est quelque chose que je n’oublierai jamais ».

 

 

Fort de sa trajectoire extraordinaire, Trautmann remportera en 1956, la FA Cup contre Birmingham City, avec un cou brisé après s’être sacrifié la tête la première dans les jambes de Peter Murphy. Manchester City mène 3 à 1, il reste 17 mn à jouer et à l’époque pas de changement possible.

 

« À 17 minutes de la fin, Murphy a devancé Dave Ewing mais Trautmann a plongé dans les pieds de Murphy pour gagner le ballon. Lors de la collision, le genou droit de Murphy a frappé le cou de Trautmann qui  a été assommé, l'arbitre a immédiatement arrêté le jeu. L'entraîneur Laurie Barnett s'est précipité sur le terrain pour le soigner. Aucun remplaçant n'était autorisé, donc Manchester City devrait voir le match à dix si Trautmann était incapable de continuer. Le capitaine Roy Paul était convaincu que Trautmann n'était pas apte à terminer le match et souhaitait plutôt placer Roy Little dans le but. Cependant, Trautmann, étourdi et instable sur ses pieds, a insisté pour continuer. Il a joué les minutes restantes avec une grande douleur, les défenseurs de Manchester City tentant de dégager le ballon bien en amont ou dans la tribune à chaque fois qu'il s'approchait. Trautmann a été appelé à faire deux autres arrêts pour refuser arrêter des tirs de Brown et Murphy.

 

Aucun autre but n'a été marqué, et l'arbitre a sifflé  sur le score final de 3-1 pour Manchester City. Alors que les joueurs quittaient le terrain, la foule a chanté en chœur « For he's a jolly good fellow” en hommage à la bravoure de Trautmann. Roy Paul le capitaine a dirigé son équipe vers la loge royale pour recevoir la troisième FA Cup de Manchester City.

 

Archive,1956: Bert Trautmann FA Cup final pictures and match report | From  the Guardian | The Guardian

 

“Trautmann's neck continued to cause him pain, and the Duke of Edinburgh commented on its crooked state as he gave Trautmann his winner's medal. Three days later, an examination revealed that Trautmann had broken a bone in his neck.

 

Trautmann attended the evening's post-match banquet (where Alma Cogan sang to the players) despite being unable to move his headand went to bed expecting his injury to heal with rest. As the pain did not recede, the following day he went to St George's Hospital, where he was told he merely had a crick in his neck which would go away. Three days later, he got a second opinion from a doctor at Manchester Royal Infirmary. An X-ray revealed he had dislocated five vertebrae in his neck, the second of which was cracked in two. The third vertebra had wedged against the second, preventing further damage which could have cost Trautmann his life.

 

 

in tribute to Trautmann's bravery.[54] Roy Paul led his team up the steps to the royal box to receive Manchester City's third FA Cup. Trautmann's neck continued to cause him pain, and the Duke of Edinburgh commented on its crooked state as he gave Trautmann his winner's medal.[33] Three days later, an examination revealed that Trautmann had broken a bone in his neck ors que les joueurs quittaient le terrain, la foule a chanté un chœur

 

 

Mais après tout, comme le disait Francis Lee, la star de City de l’époque, « Il a été sur le front occidental et sur le front oriental, il a vu un peu d’action et ce n’était pas un cou cassé qui allait le mettre hors d’état ».

 

Décès du héros du football au cou brisé Bert Trautmann

Bien que reconnu comme un gardien de tout premier plan à son époque, il n'a jamais joué pour son pays natal. Trautmann rencontre le sélectionneur allemand Sepp Herberger en 1953, qui lui explique qu'il ne peut sélectionner un joueur qui n'est pas immédiatement disponible du fait des voyages et des implications politiques, et qu'il ne peut reconsidérer sa position que si Trautmann joue pour un club allemand. Par conséquent, le fait qu'il joue en Angleterre l'empêche de prendre part à la victoire allemande lors de la Coupe du monde de football 1954, le poste de gardien étant tenu par Anton Turek. Lors de la phase finale de cette compétition, il rejoint la sélection allemande pour occuper un rôle d'interprète.

 

Le gardien russe Lev Yachine, considéré lui-même comme un des meilleurs gardiens de tous les temps, déclare un jour que Trautmann et lui-même sont les « deux seuls gardiens de but de classe mondiale »

 

Pendant sa carrière, Trautmann est élu « footballeur de l'année de la FWA » en 1956, devenant le premier gardien de but et le premier joueur non originaire des Îles Britanniques à recevoir cette distinction

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3 novembre 2020 2 03 /11 /novembre /2020 06:00

So scottish !

Samedi dernier, l'Écosse, chère au cœur de Sean Connery, a réalisé l'exploit les joueurs de Townsend se sont imposés 14-10  au Parc Y Scarlets de Llanelli face au pays de Galles, tenant du titre, une première depuis 2002 !

 

« L'icône de l'élégance à l'écossaise, Sir Sean Connery s'est éteint aujourd'hui à l'âge de 90 ans » a sobrement tweeté le compte officiel du gouvernement écossais en France ce samedi 31 octobre. Dans le monde, l'acteur qui s'est éteint dans son sommeil aux Bahamas était un monstre sacré. En Ecosse bien plus encore.

 

Adam Hastings et les Écossais ont créé la surprise au Pays de Galles.

 

La mort de Sean Connery, natif d'Edimbourg, a suscité de nombreuses réactions émues dans sa nation d'origine. L'ex Premier ministre écossais Alex Salmond l'a qualifié de « plus génial écossais au monde, la dernière des stars hollywoodiennes, l'inoubliable Bond ».

 

L'actuelle Première ministre, Nicola Sturgeon a quant à elle souligné son patriotisme : « C'était une légende internationale mais d'abord et avant tout un écossais patriotique et fier » a-t-elle souligné sur Twitter, rappelant qu'il défendait l'indépendance de l'Ecosse. Un combat qui ne lui a par ailleurs pas empêché d'être anobli par la reine Elisabeth II en 2000, lors d'une cérémonie au cours de laquelle il arborait un kilt.

 

Your Majesty, Commander Bond is dead ! »

 

« Sean Connery est acteur et aussi activiste politique. Peu importe son rôle, qu’il soit russe ou arabe, Sean conserve l’accent écossais. Il exige que son prénom soit également prononcé à l’écossaise, soit "Shaun" Il quitte les iles britanniques à cause de la pression fiscale direction Marbella en Espagne. Il plaide pour l’indépendance de l’Écosse dès les années 90 en intégrant le Parti Nationaliste Écossais. Pour chaque apparition officielle dès ce moment, Sean arborait le kilt. Depuis 1970, il finançait un fonds d’éducation pour les jeunes écossais. En 2000 et malgré la pression des conservateurs, la Reine Elizabeth II avait anobli l’acteur : c'est donc en véritable chevalier, au-delà du grand écran, qu'est parti Sean Connery. »

 

Image

 

Le monde du cinéma pleure aussi la perte d'une de ses légendes. « Il était et restera toujours dans les mémoires comme le James Bond original dont l'entrée indélébile dans l'histoire du cinéma a débuté quand il a prononcé ces mots inoubliables ‘Mon nom est Bond ... James Bond ‘»

 

Mais pas que, pour le grand public, il restera comme l'interprète inoubliable de la première série des Bond, James Bond. Mais il sut aussi échapper à cette image, tourner avec les plus grands cinéastes et démontrer qu'il était un grand acteur.

 

Sean Connery dans le rôle de James Bond dans "Goldfinger", en 1964

Sean Connery dans le rôle de James Bond dans "Goldfinger", en 1964 © AFP / MGM - Eon - Danjaq / Collection ChristopheL

 

« Son levé de sourcil était inimitable. Son caractère était aussi bien trempé que ses clubs de golf. Un magazine féminin l’avait élu en 1999 l’homme le plus sexy du siècle, alors qu’il avait 68 ans. Et le réalisateur John Huston l’aurait bien vu Roi d’Ecosse. Parfois il fut aussi objet de critique : radin, macho, violent, insupportable. Mais avant tout, Sean Connery était un acteur comme rarement on en a vu, de par son charisme, sa rigueur et son  professionnalisme.

 

La vie de l’Écossais est digne d’un roman. (source Gaudéric Grauby-Vermeil France-Inter  ICI  )

 

« Le jeune Sean est né à Edimbourg dans le quartier de Fountainbridge. Sa mère, protestante écossaise, est femme de ménage. Son père, catholique irlandais, est chauffeur sur les chantiers. En parallèle de l’école, il travaille dès l’âge de huit ans comme livreur de lait et apprenti boucher. Engagé dans la Marine Royale à 17 ans, il est rapatrié en urgence 3 ans plus tard pour raisons de santé. Il en rapportera deux tatouages « Dad and Mum » et « Scotland Forever ».

 

Pour vivre, il vernit des cercueils ou travaille comme docker. Dans les années 50, il monte sur la troisième marche du podium de Monsieur Univers. Sean mesure près d’1m90 et il est sportif. Une carrière de footballeur se profile, mais il a 23 ans et préfère se lancer dans une carrière de comédien, qu’il espère plus longue, plus riche intellectuellement.

 

Un matin, il part sur sa moto Royal Endfield, et dans la tête la méthode Stanislavski qu’il a lu et relu. Il se rend à casting pour une comédie musicale, "South Pacific". Il sera figurant. Sean Connery va enchainer les petits rôles. Dans "Train d’enfer" en 57, il incarne un chauffeur routier. Il fait une apparition dans "Au bord du volcan" de Terence Young, qu’il recroisera sur les tournages de James Bond à 3 reprises. Parmi les films où il se fait remarquer : "Darby O’Gill et les Farfadets" en 1959 pour Disney et dans le téléfilm pour la BBC "Anna Karenine" en 61.

 

Sean devient James Bond, au nez et à la barbe de centaine de candidats dont Cary Grant et David Niven. Mais c’est avant tout pour des raisons budgétaires que Sean est engagé par les producteurs Saltzman et Broccoli. La production ne peut pas se payer de vedette. Et Ian Fleming, auteur de Bond, n’est pas convaincu par ce choix. Son épouse l’est beaucoup plus car elle trouve qu’il a "le charisme sexuel requis" pour incarner l’espion.

 

Sean fait le job à merveille. Il portera le costume à 7 reprises entre 62 et 83. James Bond le rendra célèbre. Fleming, lui, sera définitivement séduit au point de faire évoluer l’écriture de James par rapport à Sean. Ce dernier se sépare de James une première fois en 71, lassé du rôle. Mais celui qui avait dit "plus jamais" fait son come-back. C'est ainsi qu'en 1983, deux James Bond s'affrontent sur les écrans de cinéma. À notre droite, le Bond l'officiel incarné par Roger Moore, 56 ans qui affronte "Octopussy". À ma gauche pour la Warner, Sean Connery, 53 ans fait son come-back au bras de Kim Basinger dans le remake d'"Opération Tonnerre", "Jamais plus jamais" et réalisé par Irvin Kershner ("L'empire contre-attaque"). Ce sera le seul duel fratricide de la série.

 

Pour l'anecdote, Uderzo immortalise l'acteur écossais en 1981 dans "L'odyssée d'Astérix" dans le rôle de l'agent ZéroZéroSix.

 

Paul Chopelin's tweet - "Sean Connery, ce fût aussi une apparition  remarquée, dans le rôle de l'agent secret Zérozérosix, aux côtés de Bernard  Blier, dans "L'Odyssée d'Astérix" d'Albert Uderzo (1981). " -

 

Fini Aston Martin, costumes, Martini au shaker, cigarettes et jolies femmes. Sa mission après Bond, est d’exister hors de ce cadre et prouver qu’il a l’étoffe des grands.

 

Ses choix tombent juste.

 

Comme d’autres grands acteurs, Sean Connery va tourner avec de grands réalisateurs comme Alfred Hitchcock, Steven Spielberg, John Huston, Brian de Palma, Jean-Jacques Annaud, et Sydney Lumet. Ce dernier le fera tourner 5 fois avec en point d’orgue le film "The Offence" en 1972.

 

Le grand public et la critique le suivent dans "Le crime de l’Orient Express", aux côtés de Michael Caine dans "L’homme qui voulut être roi", en prince arabe dans "Le Lion et le Vent". Moins quand il joue les cow-boys face à Brigitte Bardot dans "Shalako" ou les héros futuriste dans "Zardoz". Les bides s’alternent ensuite sur fond d’heroic fantasy, de films catastrophes. Mais il sait rebondir malgré tout. Il est second rôle dans le film de Terry Gilliam "Bandits, Bandits".

 

le nom de la rose | Sean connery, Jolie photo, Actrice

 

Mais Sean n’est pas du genre facile. Il entre en guerre facilement sur des histoires de contrats avec les majors du cinéma. Il fera même couler la United Artists. Entre 83 et 85, il ne tourne pas suite à des soucis de santé et le décès de son père. En 1986, le français Jean-Jacques Annaud le remet dans la lumière avec "Le Nom de la Rose" pour lequel il remporte un BAFTA. Dans la foulée, il devient le mentor de Christophe Lambert dans "Highlander".  Il accepte les seconds rôles prestigieux et les caméos flatteurs comme dans le Robin des Bois de Kevin Costner où il incarne Richard Cœur de Lion. Il accepte avec plaisir ce rôle de mentor auprès des jeunes comédiens. Son rôle dans Indiana Jones est un clin d’œil à James Bond. En effet, Steven Spielberg rêvait de réaliser un épisode de l’agent secret. Mais il est recalé. Par dépit avec Georges Lucas, il crée Indiana Jones et demande au premier des James Bond d’incarner le père d’Indy.

 

tarkowski: Sean Connery in The Hunt for Red October | Movie stars, Sean  connery, British actors

 

Les succès reviennent : Un oscar pour "Les incorruptibles" de Brian de Palma en 87, des rôles prestigieux et des cartons au box-office : "À la poursuite d’Octobre Rouge", "La maison Russie", "Rock", "Haute Voltige" ou encore "À la rencontre de Forrester".

 

« Le cinéma c’est comme le golf", disait-il dans une interview au Nouvel Observateur. Il faut travailler au millimètre. Et il faut savoir accepter que le millimètre ne suffit pas à garantir le succès. »

 

Son dernier rôle, celui d’Allan Quatermain dans "La ligue des gentlemen extraordinaires" le place en héros légendaire retiré du monde dans une fin de XIXe siècle trouble. Il doit sauver l’empire britannique et la paix dans le monde. Le tournage vire au fiasco. Le film, un échec. »

 

Image

 

Sean Connery est mort au court de son sommeil à l’âge de 90 ans, on le disait atteint de la maladie d’Alzheimer, ce que ses proches démentaient, je suis triste bien sûr, mais au-delà de la tristesse je me console en sachant qu’il me sera possible de retrouver sa trace sur mon écran : il est immortel !

 

Puisqu’il faut bien mourir un jour, c’est notre destin commun, je me dis que j’aimerais bien poser, comme lui, mon sac à cette borne, ça me laisserait 18 ans à vivre, une belle trotte, de la même longueur que celle qui m’a conduit à l’âge adulte.

 

«Mon nom est Bond. James Bond

 

Il commande d'un air nonchalant une Vodka Martini, «au shaker, pas à la cuiller» ; lui qui possède un permis de tuer 007 et dégaine son Walther PPK, tout en conduisant son Aston Martin DB5, dans Goldfinger, en 1965.

 

 

Les siens ont déclaré que l'acteur «est décédé paisiblement dans son sommeil entouré de sa famille» et ont ajouté : «Il y aura une cérémonie privée suivie d'un service commémoratif encore à planifier une fois que le virus aura pris fin».

 

« J'aime bien ce statut de vieux singe qui apprend aux plus jeunes à faire des grimaces » (Sean Connery, le Figaro mai 1999)

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2 novembre 2020 1 02 /11 /novembre /2020 08:00

 

 

Vendredi 16 octobre, Conflans-Sainte-Honorine, la commune dont Michel Rocard a été le maire pendant plus de 17 ans, a été endeuillée par la barbarie terroriste. Notre association a, comme tous les Français, ressenti effroi et indignation en apprenant l’assassinat d’un professeur d’histoire du collège du Bois d’Aulne, Samuel Paty.

 

Jeudi 29 octobre, c'est une église de la ville de Nice qui a été touchée par la même barbarie.

 

Comme il l'avait fait lors des attentats de 2015, Michel Rocard aurait sans nul doute appelé à la concorde nationale dans la lutte contre l'intégrisme et le fanatisme. Et ses propos sonnent plus juste que jamais : « Si l’on ne donne pas une patrie aux jeunes immigrés nés en France, ils se créeront dans leur tête une patrie imaginaire. L’intégrisme et le fanatisme feront le reste : au bout de l’exclusion, on trouve souvent la délinquance et parfois le terrorisme ».

 

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2 novembre 2020 1 02 /11 /novembre /2020 06:00

Achdé : « Lucky Luke ne résout pas le racisme » ICI 

Réponse à la tribune de Clémentine Autain dans le Monde du 29 octobre 2020

 

Clémentine Autain sur le combat contre le terrorisme : « J’alerte : la France est en passe de perdre pied » ICI

 

TRIBUNE

 

Clémentine Autain

 

Députée de Seine-Saint-Denis

 

 

 

Jean-François est le Lucky Lucke de notre espace politique, il répond plus vite que son ombre, mais il ne défouraille pas pour arroser sans discernement Clémentine Autain, il dégaine des arguments forts, il vise juste, il ne se veut pas justicier, il tente de comprendre, d’expliquer, d’apaiser.

 

 

Je lui en suis très reconnaissant car, le poids de mon passé militant, de mes engagements, face à une extrême-gauche qui s’est longtemps fourvoyée au nom d’une fidélité indéfectible à des régimes qui ne préparaient en rien des lendemains qui chantent, tenant leur peuples sous le joug de leur nomenklatura ; à une extrême-droite pur produit de la collaboration, des aventures coloniales, antisémite, raciste ;  une droite que l’on qualifiait la plus bête du monde sans oublier qu’elle n’avait rien de tendre ; une gauche sociale-démocrate molle, ondoyante, petite bourgeoise, sans colonne vertébrale ; fait que j’ai beaucoup de mal à recevoir des leçons de la part de leurs rejetons (le féminin n’est guère aimable) dont je préfère taire les noms.

 

 

Envie de crier : « Vos gueules les mouettes ! »

 

 

Certes, Audiard penchait très à droite mais il avait du talent, ce qui n’est guère le cas de ces demi-soldes de la politique.

 

J’honnis la réécriture de l’Histoire, je l’aime trop pour ça, et là le mieux qui me reste à faire c’est de me taire…

 

 

Qui était Nikolaï Boukharine ? - Matière et Révolution  

 

 

Pour la députée de La France insoumise, le débat public est dominé par les idées d’extrême droite et la France « ressemble chaque jour un peu plus à une société préfasciste ».

 

« La gauche qui défend une laïcité d’apaisement est mise en accusation alors que le débat public est dominé par les idées d’extrême-droite » dénonce Clémentine Autain dans une tribune publiée par le journal « Le Monde », en s’insurgeant contre les accusations « d’islamo-gauchisme » adressées à certains dirigeants de la France Insoumise qu’elle compare à celles proférées hier contre les « Hitlero-Trotskystes ». Pourtant, la lutte contre « l’islamo-gauchisme » ne prépare pas de nouveaux procès de Moscou mais marquerait la victoire intellectuelle de Marine Le Pen dans « une société préfasciste ».

 

Je partage la condamnation de l’hystérisation du débat en France de Clémentine Autain, l’échange de condamnations qui remplace celui d’arguments, les insultes qui font office d’idées, en notant tout de même que la multiplication des attentats perpétrés au nom de l’Islam ne favorise pas la sérénité des discussions.

 

Mais je pense aussi que nous devons répondre clairement à des questions simples.

 

Ceux qui terrorisent les Français aujourd’hui ce ne sont pas les bandes du Rassemblement National. Ce sont des terroristes qui peuvent être Français comme les assassins du Bataclan le 13 novembre 2015 ou ceux de Charlie Hebdo, Pakistanais comme Ali Hassan qui a attaqué deux personnes à coup de hachoir de boucher rue Nicolas Appert le 25 septembre 2020, ou encore Tchétchène comme l’assassin de Samuel Paty le 16 octobre, ou Tunisien comme Brahim A. qui a égorgé une femme et tué deux autres personnes dans la cathédrale de Nice le 29 octobre.

 

Toutes ces personnes, de nationalité différente, ont un point commun : elles se réclament de l’Islam ; elles tuent au cri de « Allahou Akbar » («Allah est le plus grand ») ; elles tuent pour « venger » le prophète Mahomet qui serait insulté par des Français s’exprimant sans tenir compte de la conscience offensée des musulmans.

 

Les terroristes n’agissent pas seuls, en dehors de tout contexte. Les appels au boycott des produits français lancés après le discours d’E Macron contre le séparatisme, en Turquie ou au Bengladesh, ainsi que les condamnations de l’offense faite à l’islam par les gouvernements au Maroc, au Pakistan, au Qatar ou ailleurs, en témoignent.

 

Nous avons donc en France un très grave problème avec le terrorisme se réclamant de l’islam. Le combattre n’a rien à voir avec un « racisme qui prendrait la forme du rejet des musulmans ». C’est un combat pour notre survie.

 

Nous avons aussi un problème avec la religion musulmane.

 

Le 27 octobre 2020, le « conseil des sages musulmans » basé à Abou Dhabi, présidé par le grand imam d’Al-Azhar au Caire, a annoncé son intention de poursuivre Charlie Hebdo et « quiconque offense l’islam ». Il va mettre en place pour cela un comité de juristes internationaux. Comme Donald Trump, ce conseil considère que sa justice a vocation à prévaloir dans le monde entier.

 

En France, le Conseil Français du Culte musulman (CFCM) a condamné l’assassinat de Samuel Paty, mais son Président, Mohammed Moussaoui a tout de même déclaré, quelques jours après l’assassinat que « la liberté de caricature comme les autres libertés n’est pas absolue. Elle doit être encadrée et proportionnée aux impératifs de l’ordre public et le devoir de fraternité ».

 

Ce n’est pas un appel au meurtre, mais ce n’est pas non plus une condamnation de la barbarie exercée contre Samuel Paty quelques jours auparavant. Et il s’agit clairement d’une déclaration remettant en cause la liberté d’expression, dont l’exposé à coûté la vie à ce professeur.

 

La question posée est simple : l’islam est-il prêt à accepter l’exclusion de la religion de l’organisation politique de la cité ?

 

Est-il prêt à accepter que la loi civile française règle l’organisation, la reconnaissance et les conséquences juridiques du mariage, du divorce, de la procréation ?

 

Est-il prêt à accepter que la loi pénale adoptée par le parlement et mise en œuvre par des juges, fonctionnaires de l’Etat, prévoie seule les sanctions applicables aux infractions à la loi ?

 

Est-il prêt à accepter, comme l’ont fait les autres religions monothéistes dont le culte est célébré en France, la séparation des églises et de l’Etat ?

 

Pour le moment ce n’est pas le cas de beaucoup de ses représentants. La position du recteur de la mosquée de Paris qui défend une conception républicaine de l’islam en France, mérite d’être saluée. Mais il est bien seul. La très grande majorité des porte-parole de l’islam en sont au même point que l’église catholique avant son ralliement officiel à la République par l’encyclique « Au milieu des sollicitudes » du Pape Léon XIII ; avant la loi du 9 décembre 1905 de séparation des églises et de l’Etat.

Comme l’église catholique à ce moment-là, les représentants de l’islam refusent cette séparation et la supériorité de loi de la loi civile sur la loi religieuse et veulent imposer celle-ci à la société française.

 

Avant que l’islam ne vienne poser à nouveau la question, l’instauration de la laïcité dans notre pays fut un long combat. L’apaisement n’est venu qu’ensuite

 

Clémentine Autain défend une « laïcité d’apaisement », mais avant que la querelle religieuse ne s’apaise en France, il fallut des décennies pour arracher les institutions administratives, la vie politique et sociale, l’enseignement au contrôle de l’église catholique.

 

Il y eut la révolution de 1789, la suppression des privilèges du clergé, la nationalisation de son énorme patrimoine foncier et sa revente à une multitude de petits agriculteurs propriétaires qui sont devenus les gardiens vigilants de cet acquis de la révolution.

 

Il y eut la révolution de 1830 provoquée notamment par une ordonnance de Charles X contre la liberté de la presse et sa volonté de restauration de l’ordre ancien caractérisé par l’union du trône et de l’église. Puis vint le long combat de la IIIème République naissante pour s’imposer face aux monarchistes et au clergé.

 

La loi de 1905 ne fut pas qu’une loi libérale et d’apaisement reconnaissant le droit de croire ou de ne pas croire. C’est une loi de laïcisation de la société qui consacre la défaite du clergé catholique. Elle fut suivie, jusqu’à l’arrivée de Clemenceau au pouvoir en 1907, d’une sorte de guerre civile provoquée par l’inventaire des biens du clergé préalable à la remise des bâtiments religieux à des associations cultuelles dont la seule fonction aurait été l’exercice du culte, à l’exclusion de toute activité d’enseignement ou d’action culturelle. Le Vatican s’y opposa jusqu’au compromis de 1924.

 

La guerre scolaire se poursuivit jusqu’à la première guerre mondiale, avant d’être provisoirement gagnée par l’école publique.

 

Il faudra le régime de Vichy, puis la loi Marie-Barangé de 1951 et surtout la loi Debré de décembre 1959 instaurant la possibilité pour l’Etat de financer les établissements privés sous contrat, pour que soient remis en cause en partie les acquis de la République laïque. Il s’agissait déjà « d’apaiser » la lutte entre la République et l’église catholique, à moins qu’il ne se soit agit de réunir derrière le Gaullisme, encensé de toute part aujourd’hui, la France catholique et réactionnaire qu’on retrouvera sur les Champs-Elysées le 30 mai 1968 ou le 24 juin 1984 contre la loi Savary d’instauration d’un service public unifié de l’Education nationale. Le séparatisme déjà, devant lequel F Mitterrand a reculé pour « apaiser » le climat politique et surtout pour ne pas être balayé par la droite après avoir dit adieu aux forces sociales qui l’avaient élu en 1981en déclarant « la pause » en 1983.

 

Aujourd’hui comme hier, la laïcité est un combat pour la liberté de penser, pour la liberté de s’exprimer et de vivre sans être assujetti à l’oppression d’un clergé et d’un dogme.

Certains musulmans qualifient ce combat d’islamophobie ; les lois de la République leur paraissent liberticides parce qu’elles entravent la possibilité de l’islam  de dominer les consciences et la vie de millions de Français ou d’étrangers vivant en France, et ailleurs d’Africains, de Turcs, d’Iraniens ou d’Indonésiens. Car ne l’oublions pas, ce qui est en cause ce n’est pas le droit pour les musulmans de célébrer tranquillement leur culte en France, il leur est garanti. C’est la possibilité pour certains groupes islamistes d’imposer leur conception des comportements, des modes de vie qui doivent être observés dans certains quartiers où ils constituent une force importante, à des Français ou des étrangers qui espèrent la protection de la France laïque contre cette oppression.

 

Les « laïcs non apaisés » sont aux côtés de femmes et des hommes qui luttent contre l’oppression religieuse en France et dans le monde, qu’elle soit islamiste ou autre. Ils sont contre la répression féroce menée contre les Ouïgours en Chine, répression qui ne trouble visiblement aucune des grandes dictatures islamistes du monde, trop occupées à lancer des appels à des manifestations anti-françaises (anti-laïques). Je n’ai pas vu d’appels à manifester contre la Chine de la part d’Erdogan, des dirigeants marocains ou égyptiens.

 

La France est-elle préfasciste et les défenseurs de la laïcité des agents de M Le Pen ?

 

Il faut éviter d’employer le mot « fascisme » sans discernement. Le fascisme correspond à des régimes historiquement déterminés, caractérisés notamment par un parti unique, un pouvoir autoritaire, le rejet de l’humanisme et de l’individualisme, un contrôle général de la société par l’Etat dominé par ce parti unique.

 

Ce portrait n’est pas celui de la France. On reproche plutôt, notamment du côté de la France Insoumise, au gouvernement d’E Macron son libéralisme, son encouragement à l’individualisme au travers de sa philosophie de la réussite pour tous, etc.

 

En revanche, ces attributs se retrouvent en totalité ou en partie dans beaucoup de pays dominés par des Etats qui s’érigent en défenseur de l’islam, qu’il s’agisse à des degrés divers de l’Egypte, du Maroc ou de la Turquie, par exemple.

 

Que Marine Le Pen tente de récupérer la laïcité pour son propre compte ne fait pas de la laïcité une idée fasciste. Le Front national, dont est issu le Rassemblement national, s’est longtemps opposé à la laïcité et se posait en défenseur de la France catholique. Cela ne faisait pas de l’église catholique une annexe du Front national.

 

Il y a bien une tentative de récupération identitaire de la laïcité par Marine Le Pen. Mais il s’agit d’une tromperie dont les défenseurs de la laïcité ne sont pas dupes. Gambetta déclarait « le cléricalisme, voilà l’ennemi ! ». Les défenseurs de la laïcité aujourd’hui doivent dire « l’islamisme, voilà l’ennemi ». Pas les Arabes, pas les Turques, pas les étrangers, mais l’islamisme. L’islamisme qui partage le même antisémitisme qu’une partie des troupes du RN. L’islamisme qui est comme le Front national un ennemi des libertés, de toutes les libertés, sauf celle du commerce. L’islamisme qui se comporte d’ailleurs comme un auxiliaire précieux du Rassemblement national en multipliant les attentats terroristes, en faisant augmenter la peur des Français, déjà grande face au risque sanitaire. Alors évitons d’agiter l’épouvantail Le Pen pour exonérer les islamistes avec lesquels elle forme un duo terriblement efficace.

 

La France n’est pas préfasciste, elle est une démocratie malade qui essaie de ne pas succomber aux attaques d’islamistes, en même temps qu’elle doit faire face à une situation sanitaire préoccupante et à une situation économique catastrophique.

 

Certains Français crient fort, peut-être trop, mais c’est aussi parce que le  déchainement de violence des islamistes contre la société française les effraie. Eux aussi ont besoin d’être apaisés et ils ne le seront que par une politique résolue de défense de la République et de la laïcité.

 

 

Jean-François Collin

30 octobre 2020

 

 

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